Interview de M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, à France Info le 22 février 2012, sur l'aide aux victimes et la campagne pour l'élection présidentielle de 2012.

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Média : France Info

Texte intégral

RAPHAËLLE DUCHEMIN C’est aujourd’hui la journée européenne des victimes. Un rapport va d’ailleurs vous être remis. Que peut-on faire aujourd’hui précisément dans les commissariats, les gendarmeries, pour une meilleure prise en charge des victimes ?
 
CLAUDE GUEANT Beaucoup a déjà été fait mais beaucoup doit encore être fait. Les victimes, c’est notre raison d’être – « notre » c’est la police et la gendarmerie. Il s’agit d’éviter des victimes et il s’agit de leur obtenir réparation quand elles sont victimes en interpellant les auteurs des dommages dont elles sont les victimes et en les déférant à la justice. Alors qu’est-ce qu’on peut faire de plus ? D’abord, un meilleur accueil dans les services de gendarmerie et de police. Meilleur accueil, j’ai arrêté un programme immobilier qui fera que les locaux d’accueil seront améliorés dans les trois ans qui viennent dans plus d’une centaine de commissariats et de brigades de gendarmerie, afin notamment que les victimes ne puissent pas retrouver, alors qu’elles s’apprêtent à déposer plainte, les auteurs des agressions dont elles ont été l’objet.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Une meilleure circulation donc des victimes à l’intérieur des commissariats et des gendarmeries.
 
CLAUDE GUEANT Une meilleure circulation à l’intérieur des locaux. Ensuite, deuxième chose : une meilleure formation des personnes qui les accueillent. Là encore, un programme a été arrêté sur les trois ans qui viennent pour que la totalité des personnes qui accueillent les victimes soient formées à l’écoute, à l’attention particulière à leur apporter. Une deuxième orientation importante, ça sera d’améliorer, d’accélérer la prise en charge des victimes. Les victimes portent plainte. Aujourd’hui, pour porter plainte elles se rendent dans un commissariat ou bien dans une brigade de gendarmerie. Elles attendent leur tour, etc. Nous avons testé…
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN …c’est trop long les délais ?
 
CLAUDE GUEANT C’est trop long, et puis la queue ça n’est jamais agréable pour des personnes en plus qui sont traumatisées par leur état de victimes. Et ce qui a été expérimenté depuis déjà deux ans, c’est un système de pré-plainte en ligne. Ce système va être généralisé à compter du 1er septembre prochain. Ca signifie que chez soi, tranquillement, on pourra déposer une plainte, ensuite on conviendra avec la gendarmerie ou la police d’un rendez-vous et lors de ce rendez-vous il n’y aura plus qu’à signer la plainte. Troisième orientation : une meilleure information. Nous avons mis au point une application avec FACEBOOK, dont chacun sait qu’il y a 26 millions de personnes qui partagent ce réseau, et cette application fonctionne déjà. Elle donne aux victimes toutes les indications pratiques, les adresses, les numéros de téléphone, etc. Et dans le même esprit, le site internet du Ministère de l’Intérieur a été rénové afin que les victimes trouvent immédiatement à qui s’adresser. Il y a d’ailleurs un bouton qui existe sur la première page du site du ministère qui facilite les choses.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Alors, venons-en, si vous le voulez bien, Claude GUEANT, aux sondages. Les intentions de vote entre Nicolas SARKOZY et François HOLLANDE visiblement se resserrent, en tout cas c’est ce que dit un sondage publié ce matin : 28 % pour François HOLLANDE, 27 pour Nicolas SARKOZY. Alors, c’est vrai que ça n’est qu’un sondage, pas une tendance, mais hier, semble-t-il, Nicolas SARKOZY s’en réjouissait. Ca veut dire quoi ? Qu’il commence à bien la sentir cette campagne ?
 
CLAUDE GUEANT Ca fait longtemps qu’il la sent bien, et accessoirement un certain nombre de ses amis, dont moi-même. Mais ce qui a profondément changé c’est que Nicolas SARKOZY est maintenant candidat. Personne n’avait de doute sur le fait qu’il serait candidat, mais la déclaration de sa candidature change les choses puisque la campagne a vraiment démarré et nous avons vraiment maintenant face à face deux personnalités, deux crédibilités, deux programmes, deux approches de la société. Donc, le débat est maintenant lancé.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Et c’est un entre eux que va se jouer ce débat, c’est une certitude pour vous ?
 
CLAUDE GUEANT Oh, je pense que…
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Il n’y aura pas Marine LE PEN, par exemple, qui peut venir jouer les trouble-fête dans ce face à face ?
 
CLAUDE GUEANT D’abord, les enquêtes d’opinion semblent l’indiquer, mais enfin les enquêtes d’opinion donnent des résultats qui sont toujours provisoires et fugaces, mais enfin le poids des forces politiques dans la vie politique française fait que logiquement on devrait effectivement avoir au deuxième tour un affrontement entre Nicolas SARKOZY et François HOLLANDE.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Alors, on a vu qu’hier le chef de l’Etat candidat avait égratigné son rival en disant, si je résume, il n’a qu’à changer de métier si il ne s’attend pas à recevoir des coups de griffes pendant la campagne électorale. C’est pourtant le même Nicolas SARKOZY qui l’autre soir, sur TF1, me semble-t-il, a expliqué aux Français qu’une campagne ça n’était pas un échange d’invectives mais plutôt projet contre projet.
 
CLAUDE GUEANT Mais Nicolas SARKOZY ne s’est livré à aucune invective. Simplement, il dit ce qu’il pense. Et lorsqu’il dit que François HOLLANDE ne dit pas la vérité, il a raison de le dire, parce que c’est vrai que François HOLLANDE ne dit pas la vérité. Il y a des tas de choses qu’il affirme qui sont contraires à des faits qui sont constatés, qui sont mesurables par quiconque. Par exemple, dans le domaine qui est le mien, en matière de sécurité, il ne cesse de dire qu’il y a une dégradation continue de la sécurité en France depuis que Nicolas SARKOZY s’en occupe. La réalité c’est que l’année dernière il y a eu en France 680 000 faits de délinquance et de criminalité de moins que neuf ans plus tôt. Alors, je veux bien que ça soit une dégradation…
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN …il y a aussi des domaines dans lesquels les choses n’ont pas forcément évolué et vous l’avez-vous-même constaté.
 
CLAUDE GUEANT Mais, tout n’a pas forcément évolué, mais c’est tout à fait évident. Il y a plus de chômeurs qu’il n’y en avait, bon. Cela étant, je trouve que de la part de François HOLLANDE et de ses amis, dire que Nicolas SARKOZY est responsable de tout, c’est aussi un abus par rapport à la vérité. Si il y a eu une crise mondiale, ce n’est quand même pas de la faute de Nicolas SARKOZY. Il n’est pour rien dans la faillite de LEHMAN BROTHERS.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Mais tout est de la faute de la crise, Claude GUEANT, ou pas ?
 
CLAUDE GUEANT Mais la crise est quelque chose que l’on ne mesure pas suffisamment. Et je crois que c’est une faute de la part de François HOLLANDE que de ne pas dire la vérité à cet égard. Faire comme si il n’y avait pas de crise, c’est quelque chose qui est très grave. C’est grave pour le passé, pour le présent, mais c’est grave pour l’avenir aussi parce que la crise n’est pas terminée. Et il faudra demain la prendre en compte. Et il ne suffit pas de ré-enchanter le rêve, il faut surtout faire face à la réalité, la dure réalité. Ne nous leurrons pas, demain nous aurons encore des difficultés. Et c’est bien pour cela que nous avons besoin d’un président qui soit à la hauteur.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Vous parliez du domaine qui est le vôtre. On a vu que dans le livre à paraître jeudi, livre de François HOLLANDE justement, il s’impliquait davantage sur des dossiers qui sont parfois délaissés par la gauche : les questions de nation et d’immigration. « Ceux qui s’inquiètent pour l’identité de la France ne sont pas – dit-il – forcément extrémistes », faisant ensuite sienne la formule de Michel ROCARD, « La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais doit en accueillir sa part ».
 
CLAUDE GUEANT Oui, j’ai vu effectivement que apparemment il prend en main des thématiques qui jusqu’ici étaient négligées, celle de la sécurité et celle de l’immigration. Cela étant, encore faut-il qu’il en tire les conclusions. Par exemple, en matière de sécurité il dit qu’il va traquer les voyous, etc. et qu’ils n’ont qu’à bien se tenir. Bon, cela étant, quel est son programme ? Il dit, je veux lutter contre la récidive de façon plus efficace, en même temps il propose de supprimer les peines planchers qui sont faites justement pour mettre un terme aux agissements des récidivistes. Alors, qui comprenne qui pourra ! Il dit il faut que les décisions de justice soient mieux exécutées, moyennant quoi, pas lui, je le concède, mais la secrétaire en charge des affaires de justice au Parti socialiste dit qu’au lieu de 80 000 places de prison que nous programmons, il en faut 50 000, donc 30 000 de moins, 30 000 places supprimées. Alors, je ne sais pas comment on exécute mieux avec moins de capacité en prison. Dans le domaine de l’immigration, il est extrêmement ambigu également. Il dit, « je ferai une chasse implacable », je cite les mots qu’il utilise, « à l’immigration illégale », c’est le terme qu’il utilise. Très bien ! Cela étant, qu’est-ce qu’il prévoit : la régularisation des…
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN … au cas par cas, dit-il.
 
CLAUDE GUEANT Au cas par cas, selon des critères transparents et objectifs.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN C’est une nuance importante.
 
CLAUDE GUEANT C’est exactement les mêmes termes, exactement, que ceux qu’avait utilisés monsieur JOSPIN avant de régulariser 80 000 personnes. Et quand on demande à madame AUBRY ce que ça signifie, elle dit, eh bien ça veut dire qu’on fera comme en Espagne – 800 000 régularisations en Espagne !
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Claude GUEANT, d’un mot, la proportionnelle, ça ne sera pas pour 2012.
 
CLAUDE GUEANT Non.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Pour quelles raisons ? On annonce des choses, on l’avait déjà dit en 2007, c’est un peu dommage de dire et de ne pas faire.
 
CLAUDE GUEANT Le président en 2007 avait dit effectivement son souhait d’aller vers un peu de proportionnelle, vers une dose de proportionnelle, en ajoutant que cela ne pouvait se faire que dans le cas d’une concertation entre les partis politiques. Cette concertation n’a pas eu lieu, tout simplement parce que le problème n’était pas mûr. Le président en termes de mandat, lui qui a la charge de l’équilibre institutionnel du pays, dit ce serait bien d’aller vers cela et il le souhaite avec une dose, quelque chose à la marge, pour que nous gardions évidemment tous les effets positifs sur notre démocratique du scrutin qui existe aujourd’hui, le scrutin uninominal à deux tours, qui permet d’avoir des majorités à l’Assemblée. Cela étant, la proportionnelle, une dose de proportionnelle permet aussi une respiration démocratique par la représentation de courants politiques qui ne sont pas représentés aujourd’hui ou insuffisamment représentés.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 24 février 2012