Entretien de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes, avec le quotidien serbe "Vecernje Novosti" le 21 février 2012, sur l'obtention par la Serbie du statut de candidat à l'Union européenne et l'impact de la crise financière sur le processus d'élargissement.

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Q - Selon vous, la Serbie devrait-elle obtenir le statut de candidat au début du mois de mars au Conseil européen et est-ce que cela sera le cas ? Quelque chose a-t-il changé depuis le dernier Conseil européen au mois de décembre, qui pourrait avoir de l’impact sur la décision des ministres concernant le statut de candidat pour la Serbie fin février ?
R - Des liens d’amitiés historiques unissent la France et la Serbie. À nos yeux, le destin européen de la Serbie est une évidence et je souhaite vivement que la Serbie obtienne le statut de candidat lors du Conseil du 28 février. Votre pays a accompli de nombreux progrès en matière de réformes politiques, de coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, de dialogue avec le Kosovo. La Serbie mérite de franchir une nouvelle étape vers l’Union européenne.
Q - Que doit encore faire exactement la Serbie pour obtenir le statut de candidat en ce qui concerne le Kosovo ?
R - L’Union européenne a clairement indiqué ses attentes. Les progrès du dialogue entre Belgrade et Pristina doivent se concentrer sur la gestion des frontières et sur la participation du Kosovo aux enceintes de coopération régionales. Votre pays a montré sa détermination à avancer sur ces sujets. Il est essentiel qu’un signal clair soit donné sur la mise en œuvre de la gestion intégrée des frontières d’ici le Conseil du 28 février. Il est par ailleurs important que la mission EULEX puisse exercer librement son mandat au nord du Kosovo.
Q - Comment, selon vous, résoudre la question du Kosovo, étant donné que certains pays de l’Union européenne le reconnaissent et d’autres pas ? Est-ce que la Serbie devra reconnaître l’indépendance du Kosovo si elle souhaite entrer dans l’Union européenne ? Que pensez-vous enfin de l’idée d’organiser éventuellement une conférence internationale pour résoudre cette question une fois pour toute ?
R - Une normalisation des relations entre les deux pays constitue une nécessité politique. Elle contribuera à la stabilité de la région et à la perspective européenne des deux pays. Chaque partie doit démontrer l’authenticité de son engagement européen et sa détermination à faire les efforts nécessaires. A vrai dire, il n’y a pas d’alternative.
Q - Quand voyez-vous la Serbie dans l’Union européenne et la crise financière en Europe peut-elle avoir un impact négatif pour le processus d’élargissement ?
R - Le rapprochement européen est un processus fondé sur le respect de critères et non sur un calendrier préétabli. En adoptant des réformes, en reprenant les règles européennes, chaque pays candidat se prépare progressivement à l’étape ultime de l’adhésion, tout en retirant des bénéfices immédiats : renforcement de l’État de droit, instauration d’une économie de marché, etc. On ne peut accélérer artificiellement le calendrier. En revanche une chose est sûre : l’élargissement dépend aussi de la capacité d’absorption de l’Union. À ce titre, oui, la crise des dettes souveraines que nous connaissons a conduit l’Union à revoir et à améliorer sa gouvernance économique. Mais ceci ne remet pas en cause, sur le principe, la perspective d’élargissement accordée aux pays des Balkans occidentaux. Nous souhaitons la voir se concrétiser dans un avenir raisonnable. La récente adhésion de la Croatie confirme que nos actes sont en accord avec nos engagements.
Q - Comment avance le projet du métro à Belgrade et comment, en général, voyez-vous les relations économiques entre la France et la Serbie ?
R - Le projet de métro, inscrit dans le partenariat stratégique franco-serbe signé en avril 2011, va révolutionner la vie quotidienne des habitants de Belgrade. C’est pour nous une grande fierté. La première étape du projet a été franchie avec la signature, le 18 novembre dernier à Belgrade, d’un accord entre la France, la Serbie et la mairie de Belgrade. Plus globalement, nos relations économiques sont bonnes. La Serbie profite de la présence de près de 90 entreprises françaises qui emploient quelque 9.000 salariés, notamment dans les secteurs financier, industriel et agroalimentaire. Mais il existe de réelles marges de progression pour les investissements français en Serbie. À cet égard, la jeune Chambre de commerce franco-serbe créée en 2009 aura un rôle positif à jouer.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 février 2012