Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Depuis maintenant une quinzaine dannées, les Forums Mondiaux de lEau ont fait progresser la compréhension des enjeux liés à ce thème essentiel, même si le témoignage tellement émouvant et en même temps tellement brillant, que nous venons à linstant dentendre, doit nous inciter à faire preuve de la plus grande humilité.
Mais les défis sont immenses, et les faits sont tenaces.
Le nombre des êtres humains qui nont pas accès à une eau salubre se chiffre en milliards.
Celui des morts que nous déplorons chaque année à cause des risques sanitaires que cela entraîne se compte en millions.
Cest une situation qui nest pas acceptable.
Toute la communauté internationale doit se mobiliser pour y remédier.
Cest votre ambition, cest lambition de ce 6e Forum que dapporter des solutions concrètes. Et je voudrais dabord vous dire combien je suis heureux quil ait lieu cette année à Marseille.
Parce que Marseille au cours de son histoire a véritablement été confrontée au problème de leau.
Parce que Marseille, sur le rivage de la Méditerranée, a vocation à promouvoir le dialogue entre pays du Nord et pays du Sud.
Et parce que cest pour la France loccasion de faire partager son approche de ces problèmes cruciaux.
Au cours de ces dernières années, de grands progrès ont été faits pour ce qui concerne laccès à leau. Selon létude que viennent de rendre publique lOrganisation Mondiale de la Santé et lUnicef, le taux daccès à leau de la population dans le monde serait de 89% en 2010. Ces résultats doivent nous encourager à aller plus loin.
Cest maintenant lassainissement qui est en revanche le défi le plus lourd que nous ayons à relever.
Parce que la même étude que je viens de citer indique que 2,5 milliards dindividus nont pas accès à une eau salubre.
Les choses ont évolué trop lentement, et il faut maintenant passer à la vitesse supérieure pour faire aboutir notre ambition commune.
A court terme notre premier défi est de réaliser les Objectifs du millénaire pour le développement : en réduisant de moitié, dici 2015, le nombre de personnes nayant pas accès à leau potable et à lassainissement de base.
A plus long terme, nous devons réfléchir aux moyens de rendre cet accès universel, en 2030.
Et nous proposons que ce Forum permette dinitier un engagement, un engagement solennel de la communauté internationale autour de cette grande ambition.
Au cours des dix dernières années, la France a plus que doublé son aide au développement dans le domaine de leau, qui sélève aujourdhui à 600 millions deuros par an.
Elle contribue à de grands projets : je pense aux infrastructures électriques comme le barrage de Nam Theun 2 au Laos ; à des programmes nationaux de développement de leau potable et de lassainissement, comme au Sénégal ou en Tanzanie.
Elle contribue aussi à des actions, tout aussi essentielles, qui sont menées au plus près des communautés, en milieu urbain, comme à Phnom Penh ou à Soweto, ou en milieu rural, comme par exemple dans les villages du Tchad, du Niger ou de Mauritanie.
Jajoute quen France les collectivités locales et les agences de leau ont désormais depuis 2006, le droit et les moyens de financer sur leur budget des actions de solidarité internationale. Je sais que beaucoup de pays sont favorables à cette idée et je veux saluer leur engagement et jencourage le plus grand nombre à se joindre à ce mouvement.
Notre engagement ne faiblit pas et je voudrais en citer deux nouveaux exemples importants.
Le premier cest le soutien que nous apporterons pour 10 millions deuros au projet dusine de dessalement de leau de mer à Gaza, une fois que les études auront confirmé sa faisabilité.
Je souhaite que ce Forum de Marseille permette de compléter le tour de table financier en faveur de ce chantier et je veux par avance remercier les Etats et les organisations qui vont y contribuer.
Ce projet dusine de dessalement de leau de mer à Gaza cest le premier projet à avoir été labellisé par lUnion pour la Méditerranée en 2011. Cest un projet qui illustre parfaitement la démarche consistant à créer des solidarités entre les pays riverains de la Méditerranée.
Comme le disait lun des intervenants lors du Sommet de Paris du 13 juillet 2008, si lEurope de la paix sest construite autour du charbon et de lacier, la Méditerranée de la paix se construira probablement autour du soleil et de leau.
La deuxième initiative concerne le financement de projets en Afrique.
La Banque africaine de développement a besoin de relancer, de reconstituer, de réformer son initiative pour lapprovisionnement en eau et de lassainissement en milieu rural.
La France participera activement à ces réformes et sengage dès aujourdhui à apporter jusquà 40 millions deuros. Elle appelle ses partenaires à laccompagner dans cet effort.
Mesdames et Messieurs,
Leau est un enjeu de développement.
Mais leau est aussi un enjeu écologique.
Et on ne peut pas dissocier ces deux enjeux.
On na pas le droit de dissocier ces deux enjeux. On ne peut pas poursuivre lambition de laccès universel à une eau saine sans chercher en même temps à préserver notre environnement des dégradations qui le menacent.
Les pollutions et les effets du changement climatique les sécheresses, les inondations plus nombreuses, plus imprévisibles sont des paramètres déterminants dans la pression qui pèse sur la ressource en eau.
On sait que les problèmes auxquels nous faisons face concernent avant tout la qualité de leau, sa répartition géographique qui est très inégale et le gaspillage dont elle fait encore beaucoup trop lobjet.
De ce point de vue, le seul fait que dans certaines grandes métropoles jusquà 70% - je dis bien 70% - de leau distribuée soit perdue par les fuites dans les réseaux témoigne des immenses marges de progression que nous avons à exploiter.
Ce dont nous avons besoin, cest par conséquent dune véritable gestion durable de leau.
En France, nous avons décidé de mettre laccent sur ce point essentiel lorsque nous avons lancé le Grenelle de lenvironnement.
Et dabord nous avons misé sur linnovation et sur les technologies vertes. En 2010 nous avons ainsi labellisé deux nouveaux pôles compétitivité, cest-à-dire des « clusters » qui réunissent des universités, des instituts de recherche, des entreprises innovantes qui vont travailler spécifiquement sur cette question de leau.
Cest par exemple dans ce cadre quon est en train de mettre au point un nouveau procédé de filtration par membrane permettant de réutiliser les eaux usées passées par un système de lagunage. Une de ses applications est de réduire les besoins en prélèvement dans lirrigation de culture.
Ensuite nous nous sommes engagés dans la lutte contre le gaspillage.
Nous avons lancé un plan damélioration de la performance des réseaux de distribution deau potable. Et chaque collectivité dont le réseau a un rendement inférieur à lobjectif fixé se doit désormais de définir des actions précises pour y remédier.
Enfin nous cherchons à améliorer constamment notre efficacité hydrique.
Et nous nous sommes fixés un objectif de réduction de 20% de leau prélevée dici 2020, en dehors du stockage dhiver.
En la matière nous pouvons nous appuyer sur un bilan positif, puisquen dix ans, la France a diminué ses prélèvements en eau alors que dans le même temps sa population augmentait.
Je crois pouvoir dire quil existe en France un modèle original et efficace de gestion de leau. Cest un modèle qui remonte aux premiers textes de loi sur leau en 1964 et qui a été renouvelé à travers le Grenelle de lenvironnement et nos ambitions de bon état écologique de leau pour 2015.
Un modèle basé sur une organisation à la fois en régie et par délégation de service public, un modèle qui favorise lexistence de nos champions industriels qui sont parmi les meilleurs au monde, un modèle qui implique aussi laccent mis de longue date sur la thématique de lagriculture raisonnée.
Bref, nous avons une expérience et nous avons une expertise que nous continuons à développer et que nous souhaitons faire plus largement partager.
Un enjeu aussi fondamental pour lhumanité que celui de leau ne peut évidemment pas se traiter uniquement à lintérieur des frontières dun seul pays. Nous devons promouvoir ensemble une véritable gouvernance mondiale de leau, qui doit sinscrire dans une gouvernance mondiale de lenvironnement, qui doit être toujours plus forte et plus cohérente.
Et de ce point de vue, il y a plusieurs directions dans lesquelles la France est déterminée à sengager.
Je crois dabord à une meilleure articulation des actions sur le climat et des actions sur leau. Je pense aux partages dexpertise scientifique, mais aussi à la question des aides internationales aujourdhui en place dans le domaine climatique.
Les difficultés que les changements climatiques vont entraîner pour laccessibilité et la gestion de leau nécessiteront des efforts coûteux dadaptation dans les pays les plus vulnérables et nous devons tenir compte de limportance ce de ces efforts dans la façon dont nous concevons ces dispositifs daide.
Nous devons progresser et vous savez que cest un sujet sur lequel la France se bat depuis cinq ans avec énergie, nous devons progresser - vers la création dune Organisation mondiale de lenvironnement qui traitera de toutes les grandes problématiques, de manière plus transversale, plus intégrée et plus efficiente. Il ny a aucune raison quil y ait une Organisation mondiale du commerce et quil ny ait pas dOrganisation mondiale de lenvironnement.
En particulier nous devons faire progresser celles qui concernent leau et je suis persuadé que ce sera pour cela une avancée décisive.
Nous devons enfin faire aboutir nos démarches pour que la convention des Nations unies de 1997 sur les cours deau internationaux entre rapidement en vigueur.
Cette convention doit garantir un accès équitable à la ressource en eau dans les bassins transfrontaliers.
Pour consolider la gouvernance mondiale de leau, cest un pas très important.
Cest la seule convention au niveau mondial concernant la gestion partagée des 276 cours deau internationaux qui traversent 145 pays et dont les bassins versants représentent la moitié des terres émergées.
La France sest beaucoup mobilisée pour inciter tous les Etats à y adhérer.
Et je veux saluer aujourdhui les nouveaux pays qui sengagent en ce moment même à le faire. Grâce à eux nous devrions atteindre cette année le seuil des adhésions nécessaire à lentrée en vigueur de la convention.
La France propose daccueillir la première réunion des parties, dès que ce sera chose faite.
Mesdames et messieurs vingt ans après le premier Sommet de la terre, la communauté internationale se retrouvera à Rio au mois de juin pour la conférence des Nations unies sur le développement durable.
Il est fondamental dy donner au problème de leau toute la place qui lui revient. Et au fond, cest lun des grands enjeux de ce forum de Marseille que de préparer ce rendez-vous stratégique de Rio.
Les ambitions légitimes affichées en matière de développement durable ne se concrétiseront jamais si leau demeure le parent pauvre de la gouvernance internationale.
Et cest pourquoi la France propose quune réflexion sengage à Rio en vue de construire une initiative pour la gestion durable de la ressource en eau, sur le même modèle que linitiative « Energie durable pour tous » qui a été lancée au début de cette année par le Secrétaire général des Nations unies.
Mesdames et Messieurs,
Les défis que nous avons encore à relever pour que laccès à leau soit plus juste et plus durable sont évidemment très importants.
Mais je voudrais dire devant vous ce matin quil ny a pas de fatalité.
Nous avons les moyens dobtenir à brève échéance des progrès toujours plus concrets.
Et je crois que les succès des différents forums de leau qui se sont succédés montrent que la conscience de ces enjeux sest largement développée au sein de la communauté internationale, et que la volonté de faire émerger des solutions durables est désormais bien ancrée.
Ce qui se dessine ici à travers votre réflexion et à travers votre action sur le thème de leau, cest le basculement historique de nos sociétés dun modèle de développement économiquement efficace mais destructeur de lenvironnement, vers un modèle qui conjugue le développement économique, la juste répartition des richesses entre les régions du globe et en même temps la préservation des écosystèmes.
Cest au fond une nouvelle révolution industrielle qui est devant nous.
La première révolution industrielle était liée à la conquête du monde, à son exploitation et à sa domination par quelques puissances occidentales.
Cette nouvelle révolution industrielle elle aura pour enjeu la préservation de la planète, le bien-être des populations et léquité entre les nations.
Cest un nouveau modèle de développement, un nouveau modèle de développement que nous devons bâtir ensemble, et pour le bâtir, la communauté internationale et chacun de nos Etats ont une part de responsabilité.
Mais je veux dire aussi ici devant ce Forum que tout ne viendra pas du sommet !
Les scientifiques, les techniciens doivent aussi concentrer toutes leur intelligence, tout leur savoir-faire. Nous ne devons pas renoncer à croire à la puissance du progrès technologique !
Nous devons aussi miser sur limplication de nos concitoyens, sur les collectivités locales, sur les associations qui se sont emparées de ces sujets.
Chacun doit se sentir citoyen dun monde dont il faut protéger et partager les ressources, et chacun peut, par ses gestes, par sa vigilance, influer sur lorganisation dun modèle de vie empreint de responsabilité.
A mes yeux, cest bel et bien une nouvelle révolution industrielle, pas une révolution post ou anti-industrielle.
Parce quelle met en jeu des innovations techniques à grande échelle, parce quelle est porteuse dactivité, déchanges commerciaux, parce quelle va irriguer des pans entiers de léconomie mondiale et de nos organisations sociales.
Des instances comme la vôtre sont très importantes pour accélérer cette transition nécessaire et pour la déployer de manière harmonieuse et concertée.
Nos efforts sinscrivent bien sûr dans la longue durée et tout ne peut pas se faire en un seul Forum ; mais cette rencontre doit donner des résultats, cette rencontre doit être une étape cruciale.
Après Marseille, il y aura Rio, il y aura dautres rendez-vous internationaux, il y aura le Forum de Daegu en 2015 et je salue à cet égard la présence parmi nous du Premier ministre coréen.
La communauté internationale mesurera à cette occasion, dans trois ans, la portée des engagements que nous prendrons ici, au cours de cette semaine.
Mesdames et messieurs, la question de leau cest une question que nous avons les moyens de résoudre.
Cest une question qui montre que nous devons évoluer vers un nouveau modèle de développement. Le modèle hérité de la Révolution industrielle montre ici ses limites et ses conséquences sur lenvironnement.
La boussole de ce modèle, cette boussole quon appelle le « Produit intérieur brut » ne montre plus la bonne direction. Parce que cest une boussole qui ignore le coût de la pollution, cest une boussole qui ignore la question du développement social. Cest une chance, cest une chance dêtre à ce moment du basculement de lhistoire de lHumanité. A nous dinventer la suite, à nous dimaginer cette transition.
Les travaux de Joseph Stiglitz et de Amartya Sen ont ouvert cette voie. Cest le concept même du développement durable qui est aujourdhui à lordre du jour de ce Forum de leau.
Source http://www.gouvernement.fr, le 14 mars 2012
Depuis maintenant une quinzaine dannées, les Forums Mondiaux de lEau ont fait progresser la compréhension des enjeux liés à ce thème essentiel, même si le témoignage tellement émouvant et en même temps tellement brillant, que nous venons à linstant dentendre, doit nous inciter à faire preuve de la plus grande humilité.
Mais les défis sont immenses, et les faits sont tenaces.
Le nombre des êtres humains qui nont pas accès à une eau salubre se chiffre en milliards.
Celui des morts que nous déplorons chaque année à cause des risques sanitaires que cela entraîne se compte en millions.
Cest une situation qui nest pas acceptable.
Toute la communauté internationale doit se mobiliser pour y remédier.
Cest votre ambition, cest lambition de ce 6e Forum que dapporter des solutions concrètes. Et je voudrais dabord vous dire combien je suis heureux quil ait lieu cette année à Marseille.
Parce que Marseille au cours de son histoire a véritablement été confrontée au problème de leau.
Parce que Marseille, sur le rivage de la Méditerranée, a vocation à promouvoir le dialogue entre pays du Nord et pays du Sud.
Et parce que cest pour la France loccasion de faire partager son approche de ces problèmes cruciaux.
Au cours de ces dernières années, de grands progrès ont été faits pour ce qui concerne laccès à leau. Selon létude que viennent de rendre publique lOrganisation Mondiale de la Santé et lUnicef, le taux daccès à leau de la population dans le monde serait de 89% en 2010. Ces résultats doivent nous encourager à aller plus loin.
Cest maintenant lassainissement qui est en revanche le défi le plus lourd que nous ayons à relever.
Parce que la même étude que je viens de citer indique que 2,5 milliards dindividus nont pas accès à une eau salubre.
Les choses ont évolué trop lentement, et il faut maintenant passer à la vitesse supérieure pour faire aboutir notre ambition commune.
A court terme notre premier défi est de réaliser les Objectifs du millénaire pour le développement : en réduisant de moitié, dici 2015, le nombre de personnes nayant pas accès à leau potable et à lassainissement de base.
A plus long terme, nous devons réfléchir aux moyens de rendre cet accès universel, en 2030.
Et nous proposons que ce Forum permette dinitier un engagement, un engagement solennel de la communauté internationale autour de cette grande ambition.
Au cours des dix dernières années, la France a plus que doublé son aide au développement dans le domaine de leau, qui sélève aujourdhui à 600 millions deuros par an.
Elle contribue à de grands projets : je pense aux infrastructures électriques comme le barrage de Nam Theun 2 au Laos ; à des programmes nationaux de développement de leau potable et de lassainissement, comme au Sénégal ou en Tanzanie.
Elle contribue aussi à des actions, tout aussi essentielles, qui sont menées au plus près des communautés, en milieu urbain, comme à Phnom Penh ou à Soweto, ou en milieu rural, comme par exemple dans les villages du Tchad, du Niger ou de Mauritanie.
Jajoute quen France les collectivités locales et les agences de leau ont désormais depuis 2006, le droit et les moyens de financer sur leur budget des actions de solidarité internationale. Je sais que beaucoup de pays sont favorables à cette idée et je veux saluer leur engagement et jencourage le plus grand nombre à se joindre à ce mouvement.
Notre engagement ne faiblit pas et je voudrais en citer deux nouveaux exemples importants.
Le premier cest le soutien que nous apporterons pour 10 millions deuros au projet dusine de dessalement de leau de mer à Gaza, une fois que les études auront confirmé sa faisabilité.
Je souhaite que ce Forum de Marseille permette de compléter le tour de table financier en faveur de ce chantier et je veux par avance remercier les Etats et les organisations qui vont y contribuer.
Ce projet dusine de dessalement de leau de mer à Gaza cest le premier projet à avoir été labellisé par lUnion pour la Méditerranée en 2011. Cest un projet qui illustre parfaitement la démarche consistant à créer des solidarités entre les pays riverains de la Méditerranée.
Comme le disait lun des intervenants lors du Sommet de Paris du 13 juillet 2008, si lEurope de la paix sest construite autour du charbon et de lacier, la Méditerranée de la paix se construira probablement autour du soleil et de leau.
La deuxième initiative concerne le financement de projets en Afrique.
La Banque africaine de développement a besoin de relancer, de reconstituer, de réformer son initiative pour lapprovisionnement en eau et de lassainissement en milieu rural.
La France participera activement à ces réformes et sengage dès aujourdhui à apporter jusquà 40 millions deuros. Elle appelle ses partenaires à laccompagner dans cet effort.
Mesdames et Messieurs,
Leau est un enjeu de développement.
Mais leau est aussi un enjeu écologique.
Et on ne peut pas dissocier ces deux enjeux.
On na pas le droit de dissocier ces deux enjeux. On ne peut pas poursuivre lambition de laccès universel à une eau saine sans chercher en même temps à préserver notre environnement des dégradations qui le menacent.
Les pollutions et les effets du changement climatique les sécheresses, les inondations plus nombreuses, plus imprévisibles sont des paramètres déterminants dans la pression qui pèse sur la ressource en eau.
On sait que les problèmes auxquels nous faisons face concernent avant tout la qualité de leau, sa répartition géographique qui est très inégale et le gaspillage dont elle fait encore beaucoup trop lobjet.
De ce point de vue, le seul fait que dans certaines grandes métropoles jusquà 70% - je dis bien 70% - de leau distribuée soit perdue par les fuites dans les réseaux témoigne des immenses marges de progression que nous avons à exploiter.
Ce dont nous avons besoin, cest par conséquent dune véritable gestion durable de leau.
En France, nous avons décidé de mettre laccent sur ce point essentiel lorsque nous avons lancé le Grenelle de lenvironnement.
Et dabord nous avons misé sur linnovation et sur les technologies vertes. En 2010 nous avons ainsi labellisé deux nouveaux pôles compétitivité, cest-à-dire des « clusters » qui réunissent des universités, des instituts de recherche, des entreprises innovantes qui vont travailler spécifiquement sur cette question de leau.
Cest par exemple dans ce cadre quon est en train de mettre au point un nouveau procédé de filtration par membrane permettant de réutiliser les eaux usées passées par un système de lagunage. Une de ses applications est de réduire les besoins en prélèvement dans lirrigation de culture.
Ensuite nous nous sommes engagés dans la lutte contre le gaspillage.
Nous avons lancé un plan damélioration de la performance des réseaux de distribution deau potable. Et chaque collectivité dont le réseau a un rendement inférieur à lobjectif fixé se doit désormais de définir des actions précises pour y remédier.
Enfin nous cherchons à améliorer constamment notre efficacité hydrique.
Et nous nous sommes fixés un objectif de réduction de 20% de leau prélevée dici 2020, en dehors du stockage dhiver.
En la matière nous pouvons nous appuyer sur un bilan positif, puisquen dix ans, la France a diminué ses prélèvements en eau alors que dans le même temps sa population augmentait.
Je crois pouvoir dire quil existe en France un modèle original et efficace de gestion de leau. Cest un modèle qui remonte aux premiers textes de loi sur leau en 1964 et qui a été renouvelé à travers le Grenelle de lenvironnement et nos ambitions de bon état écologique de leau pour 2015.
Un modèle basé sur une organisation à la fois en régie et par délégation de service public, un modèle qui favorise lexistence de nos champions industriels qui sont parmi les meilleurs au monde, un modèle qui implique aussi laccent mis de longue date sur la thématique de lagriculture raisonnée.
Bref, nous avons une expérience et nous avons une expertise que nous continuons à développer et que nous souhaitons faire plus largement partager.
Un enjeu aussi fondamental pour lhumanité que celui de leau ne peut évidemment pas se traiter uniquement à lintérieur des frontières dun seul pays. Nous devons promouvoir ensemble une véritable gouvernance mondiale de leau, qui doit sinscrire dans une gouvernance mondiale de lenvironnement, qui doit être toujours plus forte et plus cohérente.
Et de ce point de vue, il y a plusieurs directions dans lesquelles la France est déterminée à sengager.
Je crois dabord à une meilleure articulation des actions sur le climat et des actions sur leau. Je pense aux partages dexpertise scientifique, mais aussi à la question des aides internationales aujourdhui en place dans le domaine climatique.
Les difficultés que les changements climatiques vont entraîner pour laccessibilité et la gestion de leau nécessiteront des efforts coûteux dadaptation dans les pays les plus vulnérables et nous devons tenir compte de limportance ce de ces efforts dans la façon dont nous concevons ces dispositifs daide.
Nous devons progresser et vous savez que cest un sujet sur lequel la France se bat depuis cinq ans avec énergie, nous devons progresser - vers la création dune Organisation mondiale de lenvironnement qui traitera de toutes les grandes problématiques, de manière plus transversale, plus intégrée et plus efficiente. Il ny a aucune raison quil y ait une Organisation mondiale du commerce et quil ny ait pas dOrganisation mondiale de lenvironnement.
En particulier nous devons faire progresser celles qui concernent leau et je suis persuadé que ce sera pour cela une avancée décisive.
Nous devons enfin faire aboutir nos démarches pour que la convention des Nations unies de 1997 sur les cours deau internationaux entre rapidement en vigueur.
Cette convention doit garantir un accès équitable à la ressource en eau dans les bassins transfrontaliers.
Pour consolider la gouvernance mondiale de leau, cest un pas très important.
Cest la seule convention au niveau mondial concernant la gestion partagée des 276 cours deau internationaux qui traversent 145 pays et dont les bassins versants représentent la moitié des terres émergées.
La France sest beaucoup mobilisée pour inciter tous les Etats à y adhérer.
Et je veux saluer aujourdhui les nouveaux pays qui sengagent en ce moment même à le faire. Grâce à eux nous devrions atteindre cette année le seuil des adhésions nécessaire à lentrée en vigueur de la convention.
La France propose daccueillir la première réunion des parties, dès que ce sera chose faite.
Mesdames et messieurs vingt ans après le premier Sommet de la terre, la communauté internationale se retrouvera à Rio au mois de juin pour la conférence des Nations unies sur le développement durable.
Il est fondamental dy donner au problème de leau toute la place qui lui revient. Et au fond, cest lun des grands enjeux de ce forum de Marseille que de préparer ce rendez-vous stratégique de Rio.
Les ambitions légitimes affichées en matière de développement durable ne se concrétiseront jamais si leau demeure le parent pauvre de la gouvernance internationale.
Et cest pourquoi la France propose quune réflexion sengage à Rio en vue de construire une initiative pour la gestion durable de la ressource en eau, sur le même modèle que linitiative « Energie durable pour tous » qui a été lancée au début de cette année par le Secrétaire général des Nations unies.
Mesdames et Messieurs,
Les défis que nous avons encore à relever pour que laccès à leau soit plus juste et plus durable sont évidemment très importants.
Mais je voudrais dire devant vous ce matin quil ny a pas de fatalité.
Nous avons les moyens dobtenir à brève échéance des progrès toujours plus concrets.
Et je crois que les succès des différents forums de leau qui se sont succédés montrent que la conscience de ces enjeux sest largement développée au sein de la communauté internationale, et que la volonté de faire émerger des solutions durables est désormais bien ancrée.
Ce qui se dessine ici à travers votre réflexion et à travers votre action sur le thème de leau, cest le basculement historique de nos sociétés dun modèle de développement économiquement efficace mais destructeur de lenvironnement, vers un modèle qui conjugue le développement économique, la juste répartition des richesses entre les régions du globe et en même temps la préservation des écosystèmes.
Cest au fond une nouvelle révolution industrielle qui est devant nous.
La première révolution industrielle était liée à la conquête du monde, à son exploitation et à sa domination par quelques puissances occidentales.
Cette nouvelle révolution industrielle elle aura pour enjeu la préservation de la planète, le bien-être des populations et léquité entre les nations.
Cest un nouveau modèle de développement, un nouveau modèle de développement que nous devons bâtir ensemble, et pour le bâtir, la communauté internationale et chacun de nos Etats ont une part de responsabilité.
Mais je veux dire aussi ici devant ce Forum que tout ne viendra pas du sommet !
Les scientifiques, les techniciens doivent aussi concentrer toutes leur intelligence, tout leur savoir-faire. Nous ne devons pas renoncer à croire à la puissance du progrès technologique !
Nous devons aussi miser sur limplication de nos concitoyens, sur les collectivités locales, sur les associations qui se sont emparées de ces sujets.
Chacun doit se sentir citoyen dun monde dont il faut protéger et partager les ressources, et chacun peut, par ses gestes, par sa vigilance, influer sur lorganisation dun modèle de vie empreint de responsabilité.
A mes yeux, cest bel et bien une nouvelle révolution industrielle, pas une révolution post ou anti-industrielle.
Parce quelle met en jeu des innovations techniques à grande échelle, parce quelle est porteuse dactivité, déchanges commerciaux, parce quelle va irriguer des pans entiers de léconomie mondiale et de nos organisations sociales.
Des instances comme la vôtre sont très importantes pour accélérer cette transition nécessaire et pour la déployer de manière harmonieuse et concertée.
Nos efforts sinscrivent bien sûr dans la longue durée et tout ne peut pas se faire en un seul Forum ; mais cette rencontre doit donner des résultats, cette rencontre doit être une étape cruciale.
Après Marseille, il y aura Rio, il y aura dautres rendez-vous internationaux, il y aura le Forum de Daegu en 2015 et je salue à cet égard la présence parmi nous du Premier ministre coréen.
La communauté internationale mesurera à cette occasion, dans trois ans, la portée des engagements que nous prendrons ici, au cours de cette semaine.
Mesdames et messieurs, la question de leau cest une question que nous avons les moyens de résoudre.
Cest une question qui montre que nous devons évoluer vers un nouveau modèle de développement. Le modèle hérité de la Révolution industrielle montre ici ses limites et ses conséquences sur lenvironnement.
La boussole de ce modèle, cette boussole quon appelle le « Produit intérieur brut » ne montre plus la bonne direction. Parce que cest une boussole qui ignore le coût de la pollution, cest une boussole qui ignore la question du développement social. Cest une chance, cest une chance dêtre à ce moment du basculement de lhistoire de lHumanité. A nous dinventer la suite, à nous dimaginer cette transition.
Les travaux de Joseph Stiglitz et de Amartya Sen ont ouvert cette voie. Cest le concept même du développement durable qui est aujourdhui à lordre du jour de ce Forum de leau.
Source http://www.gouvernement.fr, le 14 mars 2012