Déclaration de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes, à différents médias le 27 février 2012 à Bruxelles, sur l'octroi à la Serbie du statut de candidat à l'Union européenne, la répression en Syrie et le nucléaire iranien.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Alain Juppé - Ministre des affaires étrangères et européennes

Circonstance : Réunion Conseil Affaires étrangères à Bruxelles le 27 février 2012

Texte intégral

À l’entrée en séance :

Q - (À propos de l’Iran)
R - …doit donner des signes concrets de sa bonne volonté, et ce n’est pas le cas pour le moment. La mission des inspecteurs de l’Agence internationale de l’Énergie atomique a été un échec, donc nous discutons de ce point avec nos alliés.

Q - Comment la France voit-elle la situation concernant la Syrie après la réunion de Tunis ?
R - La réunion de Tunis a été une très bonne étape. Vous savez que cette idée de groupe des amis a été lancée par le président Sarkozy. Elle s’est concrétisée, il faut maintenant continuer à maintenir la pression parce que malheureusement le régime continue à exercer une répression sanglante et implacable. Quand on voit le président Bachar Al Assad sourire en votant sur ce référendum, qui est une sinistre mascarade, on ne peut qu’être indigné parce que dans le même temps les bombes continuent à tomber sur la population de Homs et d’autres villes. Nous allons donc maintenir la pression.
Nous allons adopter aujourd’hui un nouveau train de sanctions très fort, notamment sur les transactions de la Banque centrale. Nous sommes, par ailleurs, en train de déployer tous les efforts possibles pour permettre l’évacuation des journalistes qui sont coincés à Homs et notamment de Mme Édith Bouvier, qui est blessée. Nous sommes en contact à la fois avec les autorités syriennes que nous tenons pour responsables du sort de nos ressortissants, et avec les organisations humanitaires, notamment la Croix rouge et le Croissant rouge. Nous espérons que nos efforts vont aboutir dans un délai aussi rapide que possible.
Il faut accentuer la pression sur ce régime qui ne veut rien entendre, pour obtenir bien sûr ce nouveau train de sanctions.


À la sortie de la séance :
Deux points rapides avant de partir pour Genève, où je vais participer à la réunion du Conseil des droits de l’Homme. D’abord sur la Serbie, nous étions convaincus depuis longtemps qu’il fallait avancer et accorder à la Serbie le statut de candidat, c’est fait, nous avons tous salué le travail à la fois de Catherine Ashton, de Robert Cooper et aussi du Commissaire Fühle. Des conditions avaient été posées, elles sont maintenant remplies. Ce sera un encouragement pour Belgrade à progresser sur la voie de son rapprochement avec l’Union européenne, c’est aussi un encouragement pour le Kosovo, qui a fait aussi des progrès. Il faudra être attentifs et comme l’ont dit certains de mes collègues, le statut de candidat n’est pas le statut de membre, il y a donc encore tout un chemin à parcourir.
Quelques commentaires sur la Syrie. Nous avons adopté des sanctions renforcées contre le régime syrien, notamment contre la Banque centrale, c’est un point positif. Il va de soi que nous sommes tous très frustrés par ce qui se passe, parce que nous n’arrivons pas à arrêter cette répression de plus en plus insupportable. Je faisais remarquer que voir le président Bachar Al Assad rire dans les bureaux de vote de Damas alors que les roquettes continuent à tomber sur Homs et d’autres villes syriennes, c’est insupportable.
Nous allons poursuivre le processus qui a été mis en place. La réunion de Tunis était une bonne initiative, il va y avoir ensuite Istanbul, puis Paris. La désignation de Kofi Annan est aussi une bonne nouvelle, c’est un homme très respecté et très sage. J’espère d’ailleurs avoir l’occasion de le voir cette après-midi à Genève. Par ailleurs nous travaillons constamment, en liaison avec les autorités syriennes que nous tenons pour responsables, et avec les organisations humanitaires, la Croix rouge, le Croissant rouge, à l’évacuation des journalistes qui sont à Homs et notamment Édith Bouvier, qui a besoin de soins urgents maintenant, j’espère que la situation pourra se débloquer dans les prochaines heures mais nous n’avons pas encore de certitude.

Q - (À propos de la Serbie)
R - Il y a eu accord aujourd’hui, mais vous savez que, formellement, c’est demain le Conseil affaires générales puis le Conseil européen, mais enfin il n’y a plus aujourd’hui d’objection.

Q - Est-ce que vous avez discuté à propos de la Syrie d’une saisine possible de la Cour pénale internationale et aussi de couloirs humanitaires ?
R - Je dirai cette après-midi à Genève, que je souhaite que la communauté internationale réfléchisse aux conditions de saisine de la Cour pénale internationale. Vous savez que c’est un dossier difficile. La Syrie n’est pas un État partie et c’est donc au Conseil de sécurité de se saisir de cette question. Il va donc falloir continuer à rassembler les éléments qui nous permettraient d’aboutir à cette saisine.
Sur le deuxième point, les couloirs humanitaires, c’est une demande du Conseil national syrien, de M. Ghalioun, qui l’a réitérée d’ailleurs à Tunis. Je pense qu’il faut travailler à cette question, en tous cas à l’accès humanitaire, qui est une priorité absolue. Ce sera donc un des sujets sur lesquels nous allons travailler avec Kofi Annan notamment, qui peut se fonder sur la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies.
Un mot à propos du conseil national syrien ; nous l’avons reconnu aujourd’hui comme nous l’avons fait d’ailleurs à Tunis comme un interlocuteur légitime. Il y a d’autres composantes de l’opposition, mais je crois qu’il est très important de pousser cette opposition à s’organiser, à se renforcer, à s’ouvrir, aux Chrétiens, aux Alaouites et pour cela il faut un pôle qui assure un peu le leadership et nous pensons que c’est le Conseil national syrien qui doit faire ce travail. Nous allons donc continuer à travailler aussi avec lui.

Q - (À propos des évacuations en Syrie)
R - Je vous l’ai dit, nous travaillons avec les autorités syriennes à qui nous avons demandé de faciliter cette évacuation. La réponse n’a pas été négative, le gouverneur de Homs est en charge de ce dossier et je le répète, il relève avant tout de la responsabilité des autorités de Damas de faciliter cette évacuation et puis ensuite nous travaillons avec les organisations humanitaires, en particulier le CICR qui est présent sur le terrain. Voilà ce que nous en sommes en train d’essayer de faire, je ne voudrais pas, conformément à mon habitude, donner d’espoir prématuré, mais je pense qu’on va y arriver.

Q - Pourquoi est-ce que cela n’a pas marché pour l’instant ?
R - Je ne veux pas entrer dans les détails, vous savez que dans ce genre de choses il vaut mieux tout dire une fois que c’est fait.

Q -Y a t-il des raisons de penser qu’un nouveau train de sanctions pourrait agir sur un régime prêt à tuer tant de gens de son propre peuple ?
R - Les sanctions sont efficaces, on le voit par exemple en Iran aujourd’hui où le régime fait tout pour essayer de s’en débarrasser, donc cela prouve que ca le gêne. En Syrie on a commencé aussi, ca n’est pas suffisant, il faut, par ailleurs, poursuivre la pression politique pour pouvoir mettre en œuvre le plan de la Ligue arabe mais je pense que c’est une nouvelle étape.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 février 2012