Conférence de presse de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes, sur la situation en Syrie et la perspective d'une option militaire, l'élection présidentielle au Sénégal, et les relations entre la Serbie et le Kosovo, Genève le 27 février 2012.

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Circonstance : Participation d'Alain Juppé à la 19ème session du Conseil des droits de l'homme, à Genève le 27 février 2012

Texte intégral

Bonjour Mesdames,
Bonjour Messieurs,
Vous venez de m’entendre, j’imagine, donc je ne sais pas trop ce que je peux ajouter à ce que j’ai déjà dit. J’ai voulu concentrer l’essentiel de mon intervention sur la situation en Syrie qui ne cesse de se détériorer. Nous en avons parlé ce matin à Bruxelles dans le cadre du Conseil Affaires étrangères des 27 États membres de l’Union européenne et nous avons adopté un nouveau train de sanctions particulièrement fortes, à la fois sur les transactions financières de la Banque centrale syrienne, sur l’accès au marché de l’or de la Syrie, ce qui constitue une de ses ressources importantes, sur la mise en place de l’embargo sur le fret aérien et sur de nouvelles interdictions de visas concernant un certain nombre de personnalités particulièrement compromises dans la répression actuelle.
Au-delà de ces sanctions, nous insistons évidemment beaucoup pour que la situation humanitaire se débloque. Nous fondons pour cela beaucoup d’espoir sur la nomination de M. Kofi Annan comme Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies et également au nom de la Ligue arabe. Je dois le rencontrer d’ailleurs dans les minutes qui suivent pour parler avec lui de sa mission qui va se fonder sur la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies.
Nous avons considéré aussi ce matin, et je le redis ici, que la réunion de Tunis a été un pas en avant très important puisqu’elle a permis à 80 pays et organisations internationales d’exprimer un point de vue tout à fait convergent. Nous allons continuer à travailler avec l’opposition pour la fédérer, pour la renforcer en considérant que le Conseil national syrien en est le pôle central. Parallèlement, nous préparons les deux conférences à venir à savoir celle d’Istanbul puis celle de Paris qui se tiendront dans les semaines à venir.
Voilà ce que je voulais dire sur le dossier syrien. C’est une immense frustration que nous ressentons bien entendu puisque les massacres continuent au moment même où je vous parle mais nous n’allons pas renoncer. Nous n’allons pas baisser les bras. Nous allons continuer à multiplier nos efforts pour que les combats s’arrêtent, que l’aide humanitaire soit acheminée mais aussi que la transition politique soit mise en œuvre.
Voilà ce que je voulais vous dire.
Q - Comment vous voulez saisir la Cour pénale internationale puisqu’il faut une décision du Conseil de sécurité et que …?
R - Vous avez bien entendu ce que j’ai dit : j’ai dit que la communauté internationale devrait réunir les conditions de saisine de la Cour pénale internationale puisque la Haute Commissaire aux droits de l’Homme a estimé qu’il y avait eu crime contre l’humanité, qu’il y avait crime contre l’humanité. Pour le reste de la démarche, on y travaillera le moment venu. Je n’ai pas d’autres choses à dire que ce que j’ai déclaré.
Q - Vous avez promis à la Conférence de Tunis d’activer une nouvelle résolution pour la Syrie, c’est-à-dire sur votre initiative pour les couloirs humanitaires sans l’aval du Conseil de sécurité. Comment peut-on assurer les couloirs humanitaires sans l’aval de la Russie et de la Chine ?
R - Si j’avais les réponses à ces questions, tout serait réglé. Je n’ai pas de réponse à ces questions. Aujourd’hui, je peux vous dire simplement que nous continuons à travailler, y compris au Conseil de sécurité. Bien entendu, nous soutiendrons une résolution à vocation humanitaire pour assurer l’acheminement de l’aide humanitaire ce qui passe par une cessation des hostilités mais à condition qu’elle s’accompagne aussi de la réaffirmation du soutien au plan de la Ligue arabe. C’est surtout sur cela que nous sommes en train de travailler. Nous recherchons des solutions, elles ne sont pas pour l’instant réunies. Le refus du régime de laisser passer les convois humanitaires nous bloque mais nous ne renonçons pas comme je vous l’ai dit et nous continuons à travailler.
Q - J’ai deux questions. Est-ce que vous pensez aujourd’hui que les pays arabes ont la même lecture que vous de la situation et est-ce que vous pensez qu’ils vont soutenir vos propositions.
Sur le Sénégal, vous avez demandé au président Wade de quitter le pouvoir. Aujourd’hui qu’il y a des élections, quelle lecture faites-vous de la situation actuelle ?
R - Sur le premier point, la Conférence de Tunis est une proposition de la Ligue arabe, pas de la France. La France a lancé l’idée mais c’est la Ligue arabe qui a organisé la réunion sous la présidence de la Tunisie. Bien entendu, nous continuons à nous appuyer sur la Ligue arabe et ses initiatives. Je vous rappelle par ailleurs, que la résolution au Conseil d sécurité endossant le plan de la Ligue arabe avait recueilli 13 voix sur un total de 15 membres du Conseil de sécurité.
Deuxièmement, je n’ai jamais demandé le départ du président Wade. C’est extrêmement difficile pour la France, quand elle dit quelque chose concernant l’Afrique, de ne pas voir ses propos déformés. Qu’est ce que j’ai dit ? J’ai dit que, premièrement, la France n’avait pas de candidat, que nous ne soutenions ni l’un, ni l’autre et que ce n’était pas notre affaire. J’ai dit ensuite que les élections devaient être transparentes et loyales et que nous y serions attentifs. J’ai dit en troisième lieu que nous appelions tout le monde à éviter la violence et à rester calme. J’ai simplement indiqué que les Sénégalais peut-être, un jour, assureraient peut-être, un jour la relève des générations, c’est tout ce que j’ai dit. Or je constate aujourd’hui, au lendemain du premier tour que les élections se sont bien passées, dans le calme. Je trouve que c’est à mettre au crédit du peuple sénégalais qui a une longue tradition démocratique et qui fait preuve de maturité démocratique. Je ne connais pas aujourd’hui les résultats et donc je n’ai pas de commentaire à faire sur ce qui va suivre. Il semble qu’il y ait un deuxième tour donc je ne peux que souhaiter que le deuxième tour soit aussi paisible que le premier et que les Sénégalais choisissent le président de leur cœur.
Q - The Saudis have said that it would be an excellent idea to arm the opposition. What is the position of France on this issue? Secondly, how do you see your position on Brazil on Syria… (inaudible)?
R - First of all, I comment the vote of Brazil in the Security Council. Brazil supported the resolution and was among the 13 countries which passed this resolution. It’s good news for us.
On your question on Saudi Arabia, I said several times that any military option in Syria is not on the agenda. The situation in the region and the situation of Syria itself are completely different from the Libyan case so we have no military plan today.
Q - Monsieur le Ministre, que vous évoque ce que le ministre iranien a dit tout à l’heure, il a félicité les révolutions égyptiennes et tunisiennes ?
R - Il aurait pu aller jusqu’à la révolution syrienne, qu’il ne s’arrête pas sur cette bonne voie.
Q - Est-ce que la France, votre gouvernement accepte de partager le Kosovo entre Pristina et Kosovo-Serbie ?
R - Il n’est pas du tout question de partager le Kosovo. Ce matin à Bruxelles, nous avons pris une décision importante, nous avons recommandé au Conseil européen qui en décidera formellement dans quelques jours de conférer à la Serbie le statut de pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne. Pourquoi ? Parce que la Serbie et le Kosovo ont rempli les conditions que nous avions fixées.
Je crois que cette décision est bonne pour Belgrade, cela va permettre d’encourager tous ceux qui à Belgrade veulent progresser dans la voie de l’intégration européenne. Je pense qu’elle est bonne pour le Kosovo aussi, elle va permettre au Kosovo de participer aux rencontres régionales et de bien gérer ses frontières. Cela dit, beaucoup de chemin reste encore à faire et nous serons très vigilants pour que chacune des deux parties respecte les engagements qui ont été pris.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 février 2012