Déclaration de M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur la mise en oeuvre d'une taxe sur les transactions financières, à l'Assemblée nationale le 14 février 2012.

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Circonstance : Séance de questions d'actualité, à l'Assemblée nationale le 14 février 2012

Texte intégral

Je vous remercie de rappeler que, depuis la grande crise mondiale de 2008-2009, la France est aux avant-postes en ce qui concerne les problématiques de régulation du système financier, d’encadrement des rémunérations et de mise en œuvre d’un débat mondial autour d’une contribution du secteur financier à la résorption de la crise financière que nous traversons.
Ce chemin s’est largement éclairci dans le cadre de la Présidence française du G20, puisque nous avons même obtenu du président américain l’engagement que les États-Unis mèneront, sur ces bases-là, une réflexion sur une contribution, sous forme de taxe, du secteur financier au financement des dégâts provoqués par la crise.
C’est naturellement le même esprit qui nous anime à l’échelle européenne. Avec l’Allemagne, nous avons engagé un processus de discussion. Wolfgang Schäuble et moi-même avons été mandatés par le président de la République et par la chancelière allemande pour apporter une contribution franco-allemande auprès de la Commission, ce que nous avons fait à l’automne, et cette dernière a commencé à proposer un projet de directive.
La France souhaite accélérer le processus et n’attendra pas la mise en œuvre de cette directive pour appliquer la taxe. C’est la raison pour laquelle, cette semaine, l’Assemblée se prononcera sur cette taxe qui visera les actions, la finance à haute fréquence et la spéculation sur les dérivés concernant les titres souverains. Nous avons obtenu, la semaine dernière, la signature de huit autres ministres des finances pour accélérer le calendrier, saisir la Présidence danoise et faire en sorte que, si possible, les calendriers soient synchrones. Nous ne pensons pas que ce sera synchrone.
Nous voulons que la taxe soit opérationnelle en France le 1er août de cette année, que la directive fixe les perspectives à la fin de l’année et que la taxe soit ensuite mise en œuvre à l’échelle européenne.
Monsieur le Député, vous avez déjà dit beaucoup de choses. Il me reste peut-être à rappeler le périmètre de cette taxe.
Premièrement, elle va impacter les actions des entreprises cotées en France et non pas les titres. Si nous avions choisi les titres, il y avait un risque de délocalisation : l’entreprise cotée sur la place de Paris pouvait très facilement se délocaliser, faire l’échange de titre avec un risque de perte d’emplois. Nous avons donc choisi la protection des emplois dans le secteur financier mais la taxation des actions.
Une question est souvent soulevée : en quoi est-ce différent de l’impôt de bourse qui existait il y a quelques années ? Il y a deux différences : il n’y a pas de plafond ; et le taux de 0,1 % s’aligne sur la proposition de la directive européenne.
Deuxièmement, nous allons taxer la spéculation sur les crédits d’assurance sur les contrats des détenteurs de titres souverains en vente à nu. C’est un peu compliqué. Il s’agit tout simplement de la spéculation sur les titres d’État et le fait de pouvoir les échanger sans vraiment en être propriétaire. Nous allons taxer cela - et nous serons le premier pays à le faire - à un taux de 0,01 %.
Troisièmement, nous allons aussi être les premiers à taxer la finance à haute fréquence, ces systèmes informatiques faisant appel aux nanotechnologies dont je ne vais pas détailler le fonctionnement. Retenez simplement que des financiers vont le plus près possible de l’ordinateur central à Londres, le jeu étant de gagner quelques dizaines de mètres, pour gagner quelques nanosecondes et faire des profits spéculatifs.
La taxe française s’appuie sur ces trois piliers. Nous allons servir de pays pionnier. Nous allons travailler avec les huit pays qui ont signé, la semaine dernière, la proposition auprès de la Présidence danoise. Nous allons donc établir une coopération renforcée pour que, dans les meilleurs délais, cette taxe élargie puisse se décliner à l’échelle européenne.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 février 2012