Texte intégral
Leurs souvenirs héroïques sont évoqués par des monuments comme le Guerrier gaulois du Pont d’Iéna à Paris ou la statue de Vercingétorix à Clermont. Les ouvrages qui leur sont consacrés sont nombreux et avec Astérix, ils triomphent dans la bande dessinée. Le XIXe siècle a vu se multiplier gravures, sculptures et peintures. Dans les années 1830, Delacroix avait même songé à une Prise de Rome par les Gaulois pour la décoration de la Chambre des députés.
Aujourd’hui, les Gaulois réinvestissent le château de Saint-Germain-en-Laye. Avec cette inauguration des salles d’archéologie gauloise, le musée des Antiquités nationales célèbre jour pour jour le cent cinquantième anniversaire de sa création par décret impérial de Napoléon III du 8 mars 1862.
Toujours reniée jusqu'à la Révolution française, l'ancestralité gauloise est reconnue pour la première fois dans notre pays par l'abbé Sieyès dans Qu'est ce que le Tiers Etat ? Jusqu'alors, depuis le Moyen Age, les rois de France s'étaient toujours considérés comme descendants des Francs.
Dans cette France du XIXe siècle qui se passionne pour ses origines, Louis-Napoléon Bonaparte donne une impulsion décisive à la science archéologique. Sa passion pour l’archéologie est avivée vers 1856 au moment des fouilles d’Alésia et de la querelle qui s’ensuit : l’Empereur fait alors entreprendre, sur ses propres deniers, toute une série de fouilles qui doivent vérifier la source écrite de la Guerre des Gaules, à Alise-Sainte-Reine, Gergovie, le Mont Beuvray-Bibracte, Vichy, Uxellodunum, ainsi qu’à Compiègne où un éphémère musée gallo-romain exposera alors durant une dizaine d’années les antiquités découvertes.
L’idée d’affecter le château de Saint-Germain-en-Laye au musée des antiquités celtiques et romaines revient à Napoléon III. Créé sous son égide, il accueillera les riches collections d’archéologie gauloise, issues des grandes fouilles de l’époque.
Dans ce château où vécurent François Ier, Henri IV et Louis XIII et où naquit Louis XIV,Napoléon III inaugure les premières salles du musée le 12 mai 1867. Très vite, celui-ci reçoit des donations exceptionnelles, celles de l'Empereur, de Frédéric VII de Danemark, et du pionnier de la Préhistoire, Boucher de Perthes.
Depuis, le musée n’a cessé de s’enrichir : il a rassemblé des collections exceptionnelles parmi lesquelles une série de pièces d’art celtique actuellement la plus importante d’Europe, devant celle du British Museum à Londres. De nouveaux ensembles, acquis dernièrement, comme ceux des tombes à char découvertes à l’aéroport de Roissy, ceux issus des prospections nouvelles d’Alésia ou encore La Dame de Beaupréau, statue gauloise au torque du IIème siècle avant. J.-C, sont venus par ailleurs renouveler et enrichir ces collections extraordinaires.
L’importance à la fois patrimoniale et historique de ces collections est majeure. Les Gaulois constituent une mosaïque d'une soixantaine de peuples qui appartiennent à la Protohistoire. On écrit très peu en Gaule avant la conquête romaine : nous sommes donc tributaires des textes anciens qui nous renseignent sur la Gaule et dont le nombre est impressionnant jusqu’au milieu du Ve siècle de notre ère. Vers 460, on peut considérer qu’environ trois cent cinquante auteurs ou oeuvres anonymes, majoritairement en grec et latin, nous ont livré quelque mention de la Gaule et de ses habitants. Il en est une qui n’a jamais été oubliée, qui continue d’être rééditée, qui est lue, copiée, traduite, paraphrasée : ce sont bien sûr les Commentaires de Jules César. César qui nous livre les raisons de cette quasi absence de sources écrites : les druides, écrit-il, « estiment que la religion ne permet pas de confier à l'écriture la matière de leur enseignement, ils me paraissent avoir établi cet usage pour deux raisons, parce qu'ils ne veulent pas que leur doctrine soit divulguée, ni que leurs élèves négligent leur mémoire ». Aux côtés de ces sources écrites incontournables pour étudier cette période, les pièces archéologiques ont une valeur de témoignage incomparable.
Les salles gauloises étaient fermées depuis sept ans. Elles occupent près d'un quart de la surface du musée et rassemblent des objets qui forment la plus grande collection française sur la période de -450 à -50 av. J.-C.. Elles confirment le rôle incontournable que le musée joue pour l'archéologie de la préhistoire à l'an Mille.
Mille trois cent cinquante objets, dont plus d’un tiers jamais exposés, racontent, dans des salles entièrement rénovées, la vie quotidienne des Gaulois jusqu’à la dernière grande bataille de Vercingétorix et des tribus gauloises à Alésia.
Trois des cinq salles abordent les aspects nouveaux de la civilisation et de l’archéologie gauloises révélés par les recherches récentes. Au-delà des objets, cette nouvelle présentation replace l’homme au centre de l’approche des civilisations anciennes. Sont donc traitées non seulement la culture matérielle, mais aussi l’organisation sociale et les représentations collectives comme les croyances.
Les visiteurs vont redécouvrir ces peuples qui ont acquis des savoirs et des savoir-faire extrêmement élaborés, précis, et souvent ingénieux, comme dans le travail du bronze et du fer. Ils vont pouvoir mieux apprécier les créations des artisans gaulois capables de ciseler et d’assembler avec une précision d’horloger.
Depuis la dernière rénovation des années 1960, décidée par André Malraux, les modes de présentation muséographique ont non seulement évolué, mais les résultats de l’archéologie eux-mêmes ont été complètement renouvelés par l’essor des recherches menées en France et en Europe, notamment pendant ces vingt dernières années. Il importait donc non seulement de rénover la présentation, mais aussi et surtout de donner des collections gauloises du musée et de l’archéologie une lecture plus fidèle à leur réalité actuelle. Une nouvelle muséographie propose des mises en scène spectaculaires qui replacent en situation les objets comme la présentation du char de Roissy ou encore celle de l'armée gauloise en armes et en marche contre Jules César.
Je tiens à saluer la qualité de l'assistance que les architectes Luca LOTTI et Xavier SANCHEZ ont apporté à la maîtrise d'ouvrage.
J'adresse toutes mes félicitations à Laurent OLIVIER, conservateur en chef du département des âges du Fer, qui a assuré sous l'autorité de Patrick PERIN, directeur du service, la conception scientifique, muséographique et scénographique de ce projet, avec l'aide de Joëlle BRIERE, assistante de conservation.
Cette rénovation a bénéficié par ailleurs du concours d'un Comité scientifique de très haut niveau avec Christian GOUDINEAU, professeur au Collège de France, Jean-Paul GUILLAUMET, directeur de recherche au CNRS et Michel REDDÉ, professeur à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, que je remercie tous de leur concours.
Je suis très heureux, chère Maryvonne de SAINT-PULGENT, de l'appui que la Maison de l'Histoire de France a apporté à cette réouverture de l’aile gauloise en proposant notamment sur son portail une carte virtuelle des « lieux gaulois » dans la France contemporaine, et dans les prochains jours une visite virtuelle des nouvelles salles. La maison de l'Histoire de France contribue également à la publication du numéro spécial d’Antiquités nationales, la revue du musée, diffusé à l’occasion de cet événement.
Les musées d'archéologie sont, bien sûr, des partenaires privilégiés pour la maison de l'Histoire de France, une Histoire dont ils montrent les sources, ces fameuses « archives du sol », et qu'ils savent rendre plus accessible, plus simple, car c'est l'homme et non seulement les événements qui sont au coeur de leur discours. La pédagogie développée en faveur des publics s'appuie pour ce faire sur des techniques à la pointe de l’innovation. Il suffit de voir la qualité et le succès de réalisations récentes comme le musée de l'Arles antique dans les Bouches-du-Rhône ou la rénovation du musée d'Argentomagus dans l'Indre, rénovation soutenue dans le cadre du plan musées, ainsi que la valeur de réalisations comme le Muséoparc d'Alésia que j'inaugurerai bientôt.
Je me réjouis tout particulièrement de ce partenariat de la maison de l’Histoire de France avec le plus grand des musées français d’archéologie. Je sais d'ailleurs pouvoir compter sur Laurent OLIVIER, membre du comité d'orientation scientifique de la maison de l'Histoire de France, dans cette perspective.
Le MAN joue un rôle très important dans le réseau des musées d’archéologie à l'égard desquels il joue le rôle de grand département. Il a déjà noué de fructueux partenariats avec d'autres musées importants de l'âge du fer. Je pense bien entendu, pour n'en citer que deux, au parc archéologique d’Alésia, que j'évoquais à l'instant, dont le Centre d'interprétation ouvrira ses portes dans quelques semaines, avant que les travaux portant sur le musée n’entrent dans une phase active. Je pense également au musée-site de Bibracte qui a signé il y a quelques mois une convention de jumelage avec le musée du Laténium à Neuchâtel et le Kelten-Römer Museum de Manching, signe de la vitalité européenne que nos grands musées peuvent soutenir.
Il est essentiel, je crois, que le musée des Antiquités nationales fonde une nouvelle dynamique en s'appuyant sur une forte interactivité avec les musées en région mais également avec tous les acteurs de l'archéologie de terrain, avec les services centraux et déconcentrés de l'archéologie, le conseil national de la recherche archéologique, l’INRAP et les autres organismes habilités à conduire des fouilles préventives tels que les services archéologiques des collectivités territoriales et les associations de droit privé.
Les musées d'archéologie sont des atouts essentiels dans l'écriture de l'histoire et dans la compréhension de soi et des autres, et ce faisant, dans le processus de construction d'une identité d'éducation et d'héritage, mais aussi d'identification et d'emprunt, non à des croyances ou des modes de vie, mais à des techniques, des modes d'apprentissages, des modes de subsistance. Car s'il est vrai qu'une identité est souvent transmise par le jeu d'héritages culturels instruits généralement dans la sphère familiale, elle peut aussi être acquise par choix. Il est fréquent de dire que l'on est façonné en grande partie par le lieu d'où l'on vient, mais on s'enrichit et on devient également du lieu où l'on vit : dans ce contexte, la notion d'archéologie nationale ne se réduit pas aux seuls héritiers « naturels » d'une culture, mais également à tous ceux qui choisissent de s'y intéresser et d'en faire un fond commun de réflexion, voire d'appropriation.
Nous devons donc réfléchir à une meilleure structuration de notre réseau d'institutions qui travaillent en faveur de l'archéologie. La réforme du Ministère qui, tant au niveau central qu'au niveau déconcentré, a permis la création de grands pôles patrimoniaux, nous y invite et nous fournit le cadre approprié à un enrichissement respectif de l'expérience des uns par celle des autres.
Enfin, je voudrais dire quelques mots à propos des travaux de restauration du château. Je suis très heureux qu'ils puissent enfin commencer. La dernière rénovation d'envergure, confiée à l'architecte Millet par Napoléon III datait des années 1862-1867, et elle avait en outre été menée avec économie. Le château était à cette époque un pénitencier militaire promis à la destruction : c'est la Reine Victoria, venue visiter la sépulture de Jacques II d'Ecosse, qui a dissuadé Napoléon III de le démolir.
En 2009, vous m'aviez alerté, Monsieur le Maire, Cher Emmanuel LAMY, sur la nécessité de restaurer les façades du château et surtout, de redonner à ce magnifique monument historique toute sa place dans la ville de Saint-Germain-en-Laye. Les études l'architecte en chef des monuments historiques, Régis MARTIN, sont achevées et validées. Les crédits ont été débloqués pour l'année 2012.
L'essentiel du budget sera consacré à la restauration des façades. Le clocheton ou campanile qui surmonte la tour va également être restauré, ce qui n'a jamais été fait depuis Louis XIV. Les travaux démarreront avant la fin de l'année. La construction d'un lieu de vie pour les agents d'accueil et les jardiniers du Domaine sera achevée au début de l'année prochaine. Le programme de rénovation concerne aussi bien le château que le Domaine national qui depuis décembre 2009 forment une entité unique, facteur d'une réelle synergie qui doit encore être renforcée à l'approche des célébrations du quatrième centenaire de la naissance d'André Le Nôtre, l'un des géniaux créateurs de cet élément insigne du patrimoine national.
Le Nôtre, ce fabuleux jardinier, ami de Louis XIV, a conçu l'aménagement des parcs et jardins à la française de plusieurs châteaux à Versailles, Vaux-le-Vicomte ou Chantilly. À Saint-Germain-en-Laye, il a créé un ensemble de jardins pour les deux châteaux, celui de François Ier et celui d'Henri IV. De ce dernier, démoli à la fin du XVIIIe, et de ses jardins, ne subsiste que la Grande Terrasse qui le reliait au château du Val qui abrite aujourd'hui l'une des maisons de la Légion d'Honneur. Véritable chef d'oeuvre de Le Nôtre, l'aménagement de la Grande Terrasse est le seul projet sur lequel on est absolument certain que le jardinier ait véritablement travaillé, car les plans sont annotés de sa main.
Je me réjouis donc que les travaux qui s'engagent prévoient la reprise des parements extérieurs du « rond royal » de la Grande Terrasse ainsi que le comblement des carrières calcaire qui se trouvent sous ces deux kilomètres et demi de pelouses et d’allées bordées de tilleuls, fréquentées par des milliers de promeneurs qui ne savent pas toujours à qui ils la doivent.
Cher Patrick PERIN, vous présidez la destinée de cet établissement depuis février 1996 : je tiens à profiter de l’occasion qui m’est offerte pour saluer le travail remarquable que vous avez accompli à la tête de cette institution depuis maintenant dix-sept ans. Avec toute votre équipe, vous avez su porter et mener à bien de grands projets. Vous avez entrepris une rénovation progressive et subtile des salles de la Préhistoire à l'âge du fer dont cette inauguration marque le terme avec éclat. Parallèlement, vous avez conduit une politique soutenue d'expositions temporaires : je ne rappellerai que 100 000 ans sous les rails consacrée aux résultats des fouilles archéologiques préventives du chantier de la Ligne à Grande Vitesse Est européenne et L'Or des Princes barbares qui rassemblait des trésors des Ve et VIe siècles du Caucase à la Gaule. Vous avez lancé également une étude de faisabilité pour créer des réserves modernes et adaptées aux collections riches de deux millions d'objets - dont seulement 30 000 sont exposés aujourd'hui.
Je tenais à rendre un chaleureux hommage à l’un de nos grands conservateurs, l’un de ceux qui a su donner à ce métier l’acception la plus large et la plus haute. Dans quelques semaines vous allez quitter vos fonctions pour d'autres aventures plus personnelles, mais je sais que vous continuerez par vos travaux à enrichir nos connaissances scientifiques. Je sais notamment que vous venez d'achever avec le C2RMF, un programme international d'analyse de gemmes, mises au jour sur des sites d'extraction de pierres précieuses en Inde et à Ceylan, qui compare ces grenats à ceux qui sertissent tant de chefs-d'oeuvre de l'orfèvrerie mérovingienne. Nous en attendons les résultats avec impatience.
De la volonté de Napoléon III, est née, ici à Saint-Germain-en-Laye, l'archéologie gauloise. En s'appuyant sur le passé pour regarder l'avenir, le château de Saint Germain, son admirable domaine, ce grand musée dont Malraux vantait la richesse et l’éclat des collections à l'instar du Louvre, nous offrent une remarquable leçon d'histoire et de modernité.
Je vous remercie.
Source http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 13 mars 2012