Entretien de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes, avec "France Inter" le 9 mars 2012 à Rabat, sur la restructuration de la dette grecque et le plan d'aide européen à la Grèce.

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Média : France Inter

Texte intégral

Q - Comment est-ce que vous accueillez cet accord concernant la dette grecque ? Il y a une inquiétude, un grand suspens autour de cet accord, qu’est-ce que vous en pensez ?
R - C’est une étape absolument fondamentale qui, je le pense, va permettre de sortir maintenant de la crise de la dette, de la crise financière. Vous savez toute l’énergie que le président de la République a déployée depuis des mois et des mois pour que l’on ne laisse pas tomber la Grèce. Cela a évité une catastrophe pour ce pays, car pour elle, sortir de l’euro c’était immédiatement l’alourdissement de sa dette et l’absence de capacité d’endettement supplémentaire pour faire face à ses déficits. La Grèce est, de ce point de vue là, sauvée. Elle doit faire certains efforts très douloureux et son gouvernement s’est engagé avec beaucoup de courage, et je crois que le peuple grec doit maintenant respirer en voyant que près des 3/4 de la dette privée a été ainsi effacée.
C’est important aussi pour la cohésion générale de la zone euro et je me réjouis de cet accord qui n’a pas été facile à obtenir et qui, finalement, avec la signature du traité sur les mécanismes européens de stabilité, ratifié par le Parlement français d’ores et déjà constitue un pare-feu très important pour d’autres… (inaudible) européennes.
Et puis la signature également du traité sur la gouvernance et la discipline budgétaire et sur la convergence de nos économies. Je crois qu’aujourd’hui la zone euro est stabilisée. Le risque principal qu’elle court est que l’ensemble de cette région ne soit remis en cause. Ce serait une bourde historique, comme le disent certains, que de remettre en cause ce dispositif.
Q - Cet effacement de la dette aurait pu mal tourner selon vous, est ce qu’il a fallu beaucoup mettre la pression sur les créanciers ? Comment l’Union européenne et les divers partenaires ont-ils fini par convaincre les créanciers d’effacer cette dette ?
R - C’est un accord global, je voudrais le rappeler, puisqu’il y a un effort de la part des intervenants publics, de l’Union européenne, du fonds monétaire. C’est 130 milliards d’euros qui seront mis en place pour alléger la dette grecque, et donc il était normal que les partenaires privés, les banques, soient aussi parties prenantes sur la base d’une décision qui leur appartenait, qui a été volontaire.
Bien sûr, cela a été discuté avec les chefs d’État et de gouvernement, et je voudrais à nouveau saluer l’importance de la coordination entre la chancelière Angela Merkel et le président Sarkozy sur ce point.
Q - Quelle est la prochaine étape désormais pour les Grecs ?
R - C’est de mettre en œuvre les réformes auxquelles ils se sont engagés, j’ai dit qu’elles étaient nombreuses. Il faut voir aussi que l’Union européenne, depuis que la Grèce est rentrée dans l’Union, a beaucoup aidé ce pays. Des erreurs ont été faites en Grèce, notamment sur la gestion des finances publiques, sur le fonctionnement de l’administration fiscale. Il faut que ses erreurs soient corrigées. Puis, nous allons continuer aussi à aider la Grèce sur le plan de son développement puisqu’au titre des fonds structurels, c’est plusieurs milliards d’euros qui sont injectés aussi dans l’économie, cette fois-ci sous la forme de dons.
Plus généralement, la France ne cesse de dire que, parallèlement à la remise en œuvre des finances publiques, il faut aussi une stratégie de croissance en Europe. Regardez ce que l’on a fait en France avec le grand emprunt, le programme des investissements d’avenir que Michel Rocard et moi-même avons porté, nous injectons en ce moment 35 milliards d’euros pour la recherche et l’innovation dans les PME innovantes, dans les laboratoires de recherche, dans les universités. Il faut que l’Europe fasse pareil et je suis très attaché, pour ce qui me concerne, à ce que l’on appelle les «Europe projects bonds». Il s’agit tout simplement d’emprunter, non pas pour payer des déficits parce que cela est la mort à terme, mais d’emprunter pour payer des projets de développement, l’aide aux PME innovantes, de la recherche et des innovations comme on l’a fait en France. C’est maintenant la nouvelle étape qui est extrêmement importante pour, après la crise financière, s’attaquer à la crise économique.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 mars 2012 *