Déclaration de M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur les assassinats de Toulouse et Montauban, sur les relations économiques entre la France et Israël, Paris le 21 mars 2012.

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Circonstance : Dîner annuel de la Chambre de commerce France - Israël, à Paris le 21 mars 2012

Texte intégral

Monsieur le Président de la Chambre de Commerce France-Israël, cher Henri CUKIERMAN,
Monsieur le Ministre des Sciences et des Technologies, cher Daniel HERSHKOWITZ,
Mesdames et Messieurs,
La minute de silence à laquelle le Président Henri CUKIERMAN nous a invités traduit notre émotion commune. Ce soir, nous sommes soulagés que le principal suspect ait été neutralisé, mais nous restons profondément bouleversés par les drames qui se sont déroulés à Montauban et à Toulouse.
Aujourd’hui, c’est la Nation tout entière qui s’est unie pour rendre hommage aux trois militaires assassinés à Montauban et à Toulouse, en présence du Président de la République.
Nous étions aussi, par la pensée et par le coeur, représentés par le Ministre d’Etat Alain Juppé, avec ceux qui ont accompagné, à Jérusalem, Jonathan Sandler et les trois enfants qui ont péri dans la tragédie de l’école OZAR HATORAH.
Permettez moi ce soir d’unir ma voix à celle de tous les Français qui veulent exprimer aux proches, aux amis, et aux familles des victimes leur profonde émotion, leur entier soutien et toute leur compassion devant une telle blessure.
Nous sommes réunis par ce dîner annuel de la Chambre de Commerce, pour célébrer les relations économiques entre deux pays : la France et Israël.
Deux pays qui se retrouvent aujourd’hui face à l’inacceptable: des innocents pris pour cible au motif qu’ils appartiennent à la communauté juive. C’est un acte de violence révoltant qui a touché cette communauté, qui a touché l’ensemble de la France.
Le Gouvernement a déployé des moyens exceptionnels pour retrouver l’assassin. Comme vous l’avez fait Monsieur le Président, je veux rendre hommage aux forces de police et à tous ceux qui ont contribué à l’arrestation de l’auteur de ces crimes. Il conviendra maintenant de déterminer si cet individu agissait de façon isolée où en lien avec des réseaux terroristes.
Mesdames et Messieurs, avant de revenir à ce qui nous rassemble ce soir, permettez-moi aussi de rendre un hommage appuyé aux responsables de la communauté juive et de la communauté musulmane de France.
Ils ont su rappeler ensemble, dans cette épreuve, les valeurs essentielles qui nous unissent dans la République. Refusant tout amalgame et rappelant qu’au coeur des convictions de la foi juive et de la foi musulmane il y a « la sacralité de la vie ».
Nous redirons sans cesse qu’il n’y a pas de place dans notre pays pour la haine à l’encontre d’une communauté confessionnelle, quelle qu’elle soit. Non seulement nous le redirons, mais nous la combattrons, sans faiblir.
Ce n’est pas la première fois que nos deux pays traversent une même épreuve. Je crois à la force de nos liens et à notre désir commun de continuer à construire ensemble une relation forte et durable. Vous en êtes, ce soir, hommes et femmes d’entreprises, des acteurs de premier plan de cette relation.
Notre amitié est ancienne, elle s’ancre dans l’histoire et dans une culture partagée. Je suis maire d’une ville qui a vu naître RACHI. L’oeuvre de sa vie et l’héritage qu’il nous a légué nous l’avons en partage.
Vous nous l’avez rappelé, Monsieur le Président bien des points rapprochent la France et Israël : une histoire, une culture et cette part importante de la population israélienne qui est francophone (20%).
Comme vous, je crois que nous pouvons être fiers des réussites et des échanges économiques qui existent déjà. Et comme vous, je crois nous pouvons aller beaucoup plus loin.
C’est la raison pour laquelle je voudrais, si vous le permettez, partager avec vous quelques éléments sur les échanges commerciaux et sur leurs voies d’approfondissement que nous devons envisager – et elles sont nombreuses.
I. La France investit encore insuffisamment en Israël :
Notre stock d’investissements directs y est de 1,3 milliards €, c'est à dire 7 fois moins qu’en Egypte. Leur structure montre qu’ils sont majoritairement tournés vers l’immobilier résidentiel. C’est un secteur qui compte dans l’économie d’Israël, mais c’est loin d’être le seul.
Par ailleurs, notre part de marché globale, en tant que fournisseur d’Israël, s’élève à 2,9 %. Nous sommes vos 10e fournisseurs, après les Etats-Unis, l’Allemagne, la Suisse ou encore les Pays-Bas. Là encore, c’est un résultat honorable pour la France, mais cela montre que nos relations doivent évoluer et mieux s’adapter à la réalité de l’économie israélienne.
Cette réalité, vous l’avez parfaitement résumée, cher Henri CUKIERMAN :
- Israël, c’est une économie qui a su se moderniser et qui a d’ailleurs parfaitement résisté à la crise ;
- C’est une croissance économique qui a pour moteur la Recherche et le Développement : une part très importante de votre PIB y est consacrée (5 %), et vos compétences, notamment en matière de transfert de technologie, doivent être une source d’inspiration pour la France. Vous savez valoriser les résultats de la recherche au profit du développement industriel.
- C’est enfin un tissu de jeunes entreprises innovantes, une culture entrepreneuriale très forte, très présente dans l’esprit des jeunes générations. C’est grâce à eux que l’on désigne Israël comme une « Nation Start-Up », qu’il faut prendre en exemple.
Les modes de coopération entre nos deux pays doivent tenir compte des spécificités du modèle israélien.
Il existe une vraie complémentarité entre nos deux pays :
- D’un côté, il y a les petites structures innovantes israéliennes, qui recherchent des marchés internationaux ;
- Et de l’autre, on trouve les grandes entreprises françaises, qui sont présentes dans le monde mais qui parfois ont un retard à combler en matière d’investissement dans la recherche et le développement.
II. Comme l’ensemble du Gouvernement, je souhaite donc que l’on tire le meilleur parti de nos complémentarités.
Dans de nombreux secteurs, une telle coopération voit d’ores et déjà le jour. Nous devons à présent accompagner sa montée en puissance.
Je profite de cette occasion pour saluer plusieurs de ces initiatives :
- Le groupe France Telecom Orange, a acquis en 2008 la société « ORCA INTERACTIVE », pour en faire un de ses centres de R&D. Le groupe vient par ailleurs de créer un centre de développement pour faciliter ses relations avec les start-ups israéliennes.
- Le groupe Alstom construit le tramway de Jérusalem et a signé en 2011 un contrat pour la construction d’une centrale électrique au gaz à Tzafit.
- Le groupe Alcatel-Lucent a ouvert deux centres de R&D en Israël, portant sur les médias numériques et les nouveaux développements technologiques d’internet.
- Je pourrais encore citer bien d’autres entreprises qui font office de « têtes de pont » de la coopération entre nos deux pays : Gemalto, Bouygues Telecom, la SNCF, Renault ou encore Veolia…
C’est ce type de coopérations, ce type d’initiatives que nous souhaitons encourager !
Nos entreprises doivent prendre la mesure du potentiel de votre pays, dans des secteurs qui sont désormais incontournables :
- les infrastructures routières et ferroviaires ;
- les activités aéroportuaires, les activités gazières ;
- mais aussi la grande distribution, l’hôtellerie, le luxe…
III. C’est la raison pour laquelle les services du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie se mobilisent, à Paris, en régions et à Tel Aviv, pour développer la présence française en Israël.
En 2011, cela s’est traduit par la visite en Israël d’Eric BESSON, de Pierre LELLOUCHE et de Frédéric LEFEBVRE.
Ils ont plaidé d’une seule voix en faveur du renforcement de nos liens bilatéraux, parce que c’est une nécessité pour renforcer la compétitivité de l’économie française et pour permettre aux entreprises israéliennes de trouver de nouveaux débouchés.
Nous sommes heureux d’avoir pu accueillir en décembre 2011, à Bercy, la première journée de l’innovation France-Israël. Près de 400 participants s’y sont donné rendez-vous, pour discuter de possibilités de coopération future. Certains entrepreneurs parmi nous ce soir y ont d’ailleurs participé.
Le bilan de ces rencontres est particulièrement positif, et dépasse largement les objectifs que nous nous étions fixés.
Nous voulons à présent que la Journée de l’Innovation devienne un rendez-vous régulier – et je crois d’ailleurs que la prochaine édition se déroulera à Tel Aviv, sous la bienveillance du Ministre de l’Industrie et du Commerce, M. Shalom SIMHON.
Et pour accroître notre coopération en matière de hautes technologies, nous avons élaboré ensemble une stratégie d’action qui repose sur deux piliers.
1) Nous souhaitons d’abord renforcer le dispositif public de soutien aux projets innovants.
Vous connaissez probablement le dispositif FIRAD, qui permet à la France et à Israël de financer les projets innovants de manière conjointe.
Ce dispositif donne d’excellents résultats. Nous voulons doubler le nombre de bénéficiaires du FIRAD, d’ici à janvier 2013.
2) Deuxièmement, nous voulons renforcer la synergie entre les entreprises et les start-ups, dès leur création.
A ce titre, la Direction Générale de la Compétitivité, de l’Industrie et des Services travaille actuellement à la création d’un incubateur franco-israélien, qui sera ouvert aux entrepreneurs des nouvelles technologies issus des deux pays, à parts égales.
Et bien entendu, des actions sectorielles sont toujours au programme de l’année 2012, sous l’impulsion du service économique de l’Ambassade de France à Tel Aviv et d’Ubifrance, dans les secteurs du gaz naturel et de l’aéronautique.
Je veux aussi saluer d’autres acteurs qui apportent une aide précieuse dans le développement de nos échanges.
Vous avez mentionné quelques-uns des nombreux événements organisés par la Chambre de Commerce France-Israël, en lien avec la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris.
J’ai entendu le Président évoquer la question du boycott. Sachez que la position de la France sur ce sujet est invariable : le boycott est contraire au droit français, et par ailleurs il ne contribue pas à créer le climat de confiance nécessaire à la paix. Nous y sommes donc fermement opposés, quel que soit les prétextes avancés ou la cause qu’il entend servir.
Mesdames et Messieurs,
Avant de céder la parole, je veux redire toute la confiance et l’espérance que je porte dans les liens entre la France et Israël, des liens historiques, qui doivent aujourd'hui se traduire sur le terrain économique par de grandes et de belles réalisations communes.
Qu’il me soit également permis de formuler le voeu que les changements et les bouleversements importants qui se déroulent dans les pays voisins d’Israël conduisent, à terme, à une plus grande stabilité de cette région du monde et à une plus grande sécurité pour Israël.
En tant que représentants du monde de l’entreprise, vous savez combien un tel climat est important pour chaque citoyen, mais aussi pour créer de meilleures conditions d’échanges et de développement.
Le Président de la République a rappelé récemment que l’une de ses toutes premières actions, si son mandat était renouvelé, serait de s’investir davantage en faveur de la paix dans cette région du monde.
Plus que jamais, ce soir, dans les circonstances que nous traversons, dans les responsabilités qui sont les nôtres, veillons à cultiver l’amitié, le dialogue et le respect mutuel, en contribuant ainsi à bâtir la paix pour et entre les hommes.
Je vous remercie de votre attention et vous assure de mon amitié.
Source http://www.israelvalley.com, le 28 mars 2012