Déclaration de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur la mise en ligne d'un portail (AraGo) consacré à la photographie et aux collections photographiques, Paris le 27 mars 2012.

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Circonstance : Mise en ligne du portail AraGo à Paris le 27 mars 2012

Texte intégral


« Nous annonçons une importante découverte de notre célèbre peintre du Diorama, M. Daguerre. Cette découverte tient du prodige. » Ces mots publiés dans une gazette de 1839 résonnent encore 163 ans plus tard. Quelques mois plus tard, par la force de conviction de François Arago, un art nouveau faisait irruption, à l’Académie des sciences, à la Chambre des députés.
Berceau de la photographie, la France détient sur son territoire un nombre infini de fonds et de collections. Ceux-ci ont été constitués depuis les origines jusque vers la fin du XXème siècle par des artistes, des collectionneurs, mais aussi de manière plus collective par des agences ou des groupes de presse, témoignant de l'actualité, ou des laboratoires de recherche, des scientifiques, et des conservateurs à l'appui de leurs recherches, mais aussi par des entreprises ou des particuliers, parfois au sein d'associations ou d'amicales diverses, cherchant à préserver la mémoire de l’image. Ces fonds, par nature très divers, se trouvent parfois dans des collections nationales, souvent dans des collections publiques, musées, archives ou bibliothèques, mais plus souvent encore en main privée, chez leurs auteurs, dans les entreprises ou dans les associations qui les constituent.
Ils sont souvent mal connus et peu répertoriés, conservés dans des conditions physiques parfois aléatoires, dans des situations juridiques floues au regard de la réalité des droits qui s'y attachent - et donc insuffisamment valorisés.
Or nous savons tous au travers des redécouvertes auxquelles nous conduisent soit le hasard soit parfois des recherches sommaires, que ces fonds renferment de véritables trésors. Quelles que soient les circonstances de leur constitution ou les motifs qui ont présidé à l'emploi de la photographie, on y retrouve souvent des images qui sont l'incontestable support de notre mémoire, la réanimation de temps et de réalités oubliés, sans compter parfois la très réelle qualité esthétique des images qu'ils renferment.
Avec la création du portail araGo, aujourd'hui mis en ligne, j'ai donc voulu que les chercheurs, les conservateurs travaillant sur la photographie, le grand public et les innombrables amateurs passionnés puissent disposer d'un outil leur offrant un accès à la fois simple et scientifiquement solide, directement ou indirectement, non seulement à un très grand nombre de photographies mais aussi une possibilité de repérage, de connaissance et de suivi de ces fonds et de ces collections.
Loin de se limiter à n'être qu'une simple banque d'images - comme il en existe déjà de très nombreuses, trop souvent imprécises et n'offrant que des conditions d’accès médiocres -, le portail constitue pour moi une première étape dans l'élaboration de solutions d'accueil et de traitement des fonds photographiques plus organisées et durablement financées. Ces solutions doivent maintenant constituer la priorité de l'action de la mission de la photographie.
Par sa nature même, araGo participe de cette reconnaissance volontariste de la photographie par mon Ministère et ses institutions, dans toute la diversité de ses usages et de ses approches. La conception et le démarrage de ce portail est due à la mobilisation des équipes constituées au sein de la Réunion des musées nationaux et de son agence photographique, avec la mission de la photographie, et sous le regard vigilant du comité de pilotage, et au premier chef d'Anne de Mondenard et de Clément Chéroux. Je les en remercie tous.
Je ne vais pas revenir ici sur ces diverses fonctionnalités qui vous ont d'ailleurs déjà été présentées à Arles cet été, et à l’occasion de Paris-Photo. Je voudrais seulement souligner trois de ses caractéristiques qui me semblent fonder sa spécificité et sa crédibilité, tels que ses usagers auront à en juger.
1° D'une part, les objets qui y seront présentés ne seront pas considérés comme de « simples images ». La photographie est diverse, les techniques dont les auteurs se sont servis sont multiples, les documents contenus dans les fonds photographiques peuvent être de natures très différentes - négatifs, tirages de travail, tirages d'exposition, planches contact… La présentation de cette diversité est souvent nécessaire à la compréhension même de l'oeuvre ; le respect que l'on doit à son auteur impose, que le document soit présenté dans son intégrité et pour ce qu'il est vraiment.
2° Sur la Toile, la présentation d'images n'a de sens que si elle est accompagnée, par delà son éventuelle description, du maximum d'informations nécessaires à sa compréhension et à son usage. Je salue le travail qui a ainsi été effectué pour organiser un cadre de référence des données devant accompagner les images présentées. Je mesure pleinement combien l'exercice était difficile, puisque par nature les sources sont d'origines diverses et qu'il est par ailleurs indispensable que chaque photographie montrée puisse se trouver « localisée » dans le fonds auquel elle appartient - qu'elle illustre et qu'elle donne l'occasion de décrire. Cet effort permettra d'organiser des recherches en surmontant justement la pluralité des origines des photographies que l'on recherche. Le portail offre ainsi de nouvelles possibilités de valorisation des photographies et des fonds présentés, en permettant clairement de les distinguer dans la profusion des images qui circule aujourd'hui sur Internet.
3° Enfin, araGo est une véritable plateforme participative. La mobilisation des informations relatives à chaque photographie pourrait supposer un travail considérable qui freinerait toute mise en ligne : c'est pourquoi, en s'appuyant sur les possibilités offertes par le réseau, les détenteurs de fonds, les chercheurs, mais aussi les collectionneurs ou les amateurs pourront de manière organisée et bien sûr contrôlée apporter le concours de leurs connaissances pour compléter les informations fournies. De plus, avec sa « galerie » permettant la présentation régulière de choix personnels ou collectifs parmi les oeuvres proposées, le portail offrira l'occasion d’exprimer des sensibilités particulières sur la photographie : dans ce cadre, des classes de divers niveaux scolaires seront sollicitées pour s’y exprimer, et l'accès qui leur sera proposé contribuera ainsi à notre volonté de renforcement des projets d'éducation à l'image.
Pour son baptême, araGo propose en ligne quelque 17 000 images qui proviennent essentiellement des collections nationales, et notamment des musées. La RMN en assurait déjà la gestion, et cette mise en ligne a impliqué une vérification de la qualité des documents produits, de leur présentation et de leur indexation, et des choix pour respecter un minimum d'équilibre éditorial entre les divers auteurs, objets ou techniques présentés. Sur le site, on trouve également des photographies conservées aux Archives de France, à la Bibliothèque Nationale et par l'extraordinaire Musée Niépce de Chalon-sur-Saône qui vient d’être labellisé « Maison des Illustres », ou encore la galerie « lumières des roses » qui détient le superbe fonds des autochromes de Gabriel Veyre.
Certains d'entre vous y trouveront sans doute encore quelques coquilles et imperfections : cette mise en ligne permettra justement d'ouvrir le dialogue avec les détenteurs de fonds et les amateurs, pour apporter au fur et à mesure toutes les corrections nécessaires, avec l’organisation d’un enrichissement progressif du site autour duquel tous les amateurs de photographies aimeront à se retrouver. Je veux remercier ce midi Neuflize-Vie et son directeur général Hugues Aubry, dont l’appui en tant que mécène est essentiel à araGo.
Je sais que de très nombreux contacts se sont établis entre la RMN et divers détenteurs de fonds : je m'en réjouis et je tiens particulièrement à féliciter toutes les équipes qui apportent ainsi leur contribution au succès de cette entreprise de longue haleine. Je mesure en effet l'importance des questions juridiques et techniques qu'il faut traiter. Je sais aussi combien il pourra être difficile d'organiser de manière nécessairement partenariale le pilotage des choix qui seront faits. Je veux aussi rassurer les ayants droit qui peuvent être inquiets quant à l'éventuelle concurrence que créerait le portail pour l'exploitation de leur oeuvre : financé par le ministère, le portail araGo n'a et n'aura aucune vocation commerciale, tout ayant droit restant absolument libre d'organiser comme il l'entend la commercialisation de ses photographies. Précisément, les informations rendues disponibles permettront à tout utilisateur éventuel de savoir comment avoir accès à l'image recherchée.
Grâce à vous, avec araGo, c’est une nouvelle page des relations entre la photographie et le ministère de la Culture et de la Communication qui va s’écrire, au service des détenteurs de fonds, des professionnels et des amateurs.
Je vous en remercie.
Source http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 29 mars 2012