Déclaration de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur l'enseignement artistique et culturel et la démocratisation culturelle dans les territoires, Paris le 14 mars 2012.

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Circonstance : Lancement du Fonds de dotation "INPACT" à Paris le 14 mars 2012

Texte intégral


Je tiens tout d’abord à remercier le professeur David Edwards, le fondateur du Laboratoire, ce lieu culturel inédit qui nous accueille, pour cet événement qui fera date.
Dès 2008, le ministère de la Culture et de la Communication s’est efforcé de relancer les programmes en faveur de l’éducation artistique et culturelle, et de renforcer ses actions contre tous les phénomènes de désertification culturelle. À cet effet, plusieurs programmes ont été étendus ou amorcés, afin de favoriser la diversité des expressions culturelles et de renforcer l’accès aux œuvres dont ne bénéficient encore que très insuffisamment les populations dites « éloignées ». Il nous fallait en effet renforcer les nombreux programmes existants et éviter qu’ils ne subissent des ajustements budgétaires. Il nous fallait aussi en créer de nouveaux, pour couvrir de nouveaux besoins, pour toucher aussi des modes d’expression émergents.
Dans le domaine essentiel de l’éducation artistique et culturelle, nous avons mené des avancées considérables avec l’Education nationale : en introduisant l’histoire des arts à l’école, en créant Ciné-lycées, en ouvrant de nouvelles perspectives sur les pratiques orchestrales à l’école, en rouvrant la réflexion sur les modes de transmission de la musique et les enseignements artistiques dans les conservatoires avec le rapport Lockwood, ou encore en soutenant des expériences innovantes en matière de pratique musicale hors temps scolaire sur lesquelles je me suis personnellement engagé comme le projet DEMOS.
Concernant plus particulièrement le monde urbain, j’ai tenu à donner une continuité aux appels à projets de « Dynamique espoir banlieue » ; j’ai veillé également à ce qu’un nombre significatif des conventions de coopération culturelle en cours d’élaboration avec les collectivités locales concernent les zones urbaines sensibles. Ces conventions permettent de donner aux politiques culturelles locales menées par mon Ministère et les collectivités territoriales une bien meilleure cohérence. Elles les inscrivent dans la durée. Nous avons également signé avec sept associations nationales de solidarité des conventions pluriannuelles d’objectifs.
Des formes spontanées de pratiques culturelles comme les pratiques amateurs ou les relations entre culture et monde du travail ont été enfin reconnues et aidées. J’accorde aussi une grande attention à la visibilité et à la mise en valeur de la dimension culturelle du jeu vidéo, dont le potentiel dans les domaines qui nous intéressent aujourd’hui sont considérables.
Nous avons également lancé des appels à projets innovants pour aider les institutions culturelles les plus modestes au même titre que les grands établissements publics à s’emparer des nouveaux moyens de transmission du savoir et de socialisation que représentent les outils numériques, qui forment un mode essentiel de communication et de compréhension du monde pour un nombre croissant de nos concitoyens.
J’ai tenu à ce que toutes nos initiatives de démocratisation culturelle puissent être prises en compte dans tous nos territoires, dans nos régions, en Outre-mer, dans des plans de portée nationale : je pense au plan lecture, qui crée des « territoires-lecture » pour mieux coordonner et rendre plus efficaces nos actions prioritaires dans ce domaine ; à la modernisation des bibliothèques ; à la numérisation des salles de cinéma ; à l’aménagement des petits musées ; aux établissements d’enseignement agricole, aux actions en milieu carcéral ou hospitalier… Aucun domaine n’a été négligé, à chaque fois en concertation avec les autres ministères concernés, et avec nos directions régionales des affaires culturelles comme opérateurs sur le terrain. Ce travail de concertation, je l’ai mené également pour lancer le projet de la Tour Médicis, qui sera une innovation majeure pour le Grand Paris de la culture.
J’ai constaté les vertus de cette nouvelle dynamique encore récemment, en recevant dans mon ministère les acteurs de la mission « Vivre ensemble », dont les programmes commenceront bientôt à essaimer dans toute la France, comme ils le font déjà en Picardie.
Tout cela est le fruit des nombreux forums régionaux et du forum national sur la culture partagée en 2011, dont les préconisations ont abouti à la mise en place de politiques transversales et interministérielles, portées par le Secrétariat général de mon ministère et son service de la coordination des politiques culturelles et de l'innovation, et par nos directions régionales. Cette nouvelle dynamique, je l’ai appelée la « culture pour chacun » ou la « culture partagée ». Il s’agissait de revoir en profondeur les fondamentaux de ce que ce ministère appelle, depuis pratiquement ses débuts, la démocratisation culturelle, car la société a changé, et nos initiatives doivent changer aussi. Nous sommes en train de le faire.
Parmi les changements d’état d’esprit que cette dynamique implique, il y avait un chantier qui m’a paru très vite prioritaire : créer les conditions pour que les initiatives de démocratisation culturelle puissent mieux profiter de toute l’expertise et du savoir-faire du monde économique et du mécénat. L’action publique, par ses procédures complexes, n’est pas toujours en mesure de répondre à l’urgence, à la fragilité, à l’expérimentation. L’action culturelle du monde économique dispose pour cela d’une réactivité et d’une souplesse qui constituent une complémentarité essentielle pour ce que nous devons entreprendre ensemble.
Le monde de l’entreprise que vous représentez a en effet acquis une compétence, une rapidité de décision et un capital relationnel qui forment des atouts considérables pour la vie culturelle de notre pays.
Entre le monde de la culture et le monde associatif, il manquait un chaînon, une courroie de transmission capable de susciter ou de soutenir l’innovation, de créer de la souplesse dans les initiatives de démocratisation culturelle, à l’instar de ce qui s’est fait dans d’autres domaines de la Culture – je pense notamment à la Fondation du Patrimoine, qui s’est vite imposée, depuis 1996, comme un partenaire essentiel pour les acteurs du patrimoine, au plus près de nos territoires. C’est l’objectif du fonds INPACT pour la culture partagée, et c’est sur cet exaltant projet que nous nous trouvons réunis aujourd’hui. INPACT est cet acteur complémentaire, dégagé des pesanteurs des processus publics : il va devenir très vite indispensable.
Votre expertise, le travail collectif de vos fondations, de vos entreprises, l’expérience personnelle des philanthropes avisés que vous êtes seront au cœur des nouvelles relations qu’INPACT va pouvoir construire entre la sphère publique et les réseaux des milieux économiques, qu’il s’agisse des grands groupes comme des petites et moyennes entreprises. En constituant un réseau à la fois national et proche des structures locales, capable de mobiliser des acteurs de proximité dont les associations et les structures culturelles ont tant besoin, vous allez contribuer à faire émerger une nouvelle conception de l’action culturelle, en amorçant de nouveaux projets, en soutenant des acteurs culturels et sociaux dont l’énergie et la conviction au service de la médiation ont besoin de votre soutien. Je tiens à remercier les membres de mon équipe, notamment mon conseiller Francis Lacloche, qui a été appuyé sur ce dossier par Guillaume Pfister, ainsi que Robert Fohr, chef de la mission du mécénat, qui ont su innover et vous convaincre d’entrer dans INPACT.
Grâce à vous tous, les passeurs de culture que vous allez soutenir pourront mieux prendre le risque de l’expérimentation. Grâce à vous, les projets les plus novateurs pourront se faire connaître et essaimer. Avec INPACT, les acteurs sociaux et culturels auront une nouvelle interlocutrice, une ambassadrice compétente pour leurs actions de médiation culturelle et d’éducation artistique : Laurence Drake, qui est amenée, je n’en doute pas, à devenir très prochainement un acteur essentiel du mécénat. Ensemble, vous allez écrire une nouvelle page du mécénat culturel, qui s’annonce enthousiasmante.
Source http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 15 mars 2012