Interview de M. Alain Madelin, président de Démocratie libérale, dans "Corse Matin" du 2 mars 1999, sur le statut de la Corse, la présence de l'Etat en Corse, le développement de l'île et son soutien à M. Jean Baggioni pour les élections territoriales.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Corse matin

Texte intégral


Corse Matin : Quel constat faites-vous de la situation générale en Corse ?
Madelin : Après l'assassinat du préfet Erignac, j'ai eu le sentiment d'un sursaut collectif du peuple Corse. Aujourd'hui, j'observe le décalage entre les discours et les résultats. J'espère me tromper, mais j'ai l'impression que l'enquête s'enlise, ou en tout cas s'emmêle dans des rivalités de services inexplicables et inacceptables. Au surplus, on ne m'enlèvera pas de l'esprit que la mise en cause du Chef de l'exécutif régional, Jean Baggioni, quinze jours avant les élections à l'assemblée de Corse, même si elle a été démentie par le Ministre de la Défense, s'apparente à une manipulation politique.

Que pensez-vous du thème de l'Etat de droit qui est devenu une sorte de slogan politique ?
L'Etat de Droit veut que les honnêtes citoyens soient tranquilles et que les malfrats soient inquiétés. Pas l'inverse. S'il est sûrement nécessaire en Corse de resserrer les boulons de l'Etat de Droit et d'engager une franche rupture avec des pratiques laxistes, il serait dangereux de passer dun excès à l'autre au risque d'imposer à l'économie corse un corset inquisitorial qui la paralyserait.
Que pensez-vous du statut particulier de la Corse qui a transféré à la collectivité territoriale de Corse des compétences plus importantes qu'aux autres régions françaises ?
Je vais sans doute vous surprendre en vous disant que le statut de la Corse dont José Rossi a été le rapporteur pourrait nourrir utilement la réflexion de tous ceux qui, dans l'opposition, souhaitent une remise en cause fondamentale de l'Etat jacobin et centralisateur. Je souhaite que l'Etat soit allégé de toutes les compétences qui peuvent être assumées avec succès au plus près du terrain, au plus près des citoyens. La région est incontestablement un cadre institutionnel d'avenir. Il est donc bon pour la Corse quelle puisse gérer elle-même les pouvoirs spécifiques, qui sont les siens. Mais il est également intéressant, que dans le statut de la Corse, l'équilibre des pouvoirs entre l'exécutif et l'assemblée permette à la fois l'efficacité et le contrôle. Il ne serait pas bon que des féodalités se constituent au plan régional. Un pouvoir régional plus fort doit avoir, dans un souci d'équilibre, un contre pouvoir démocratique. En Corse, l'assemblée territoriale est le lieu où la volonté populaire doit pouvoir s'exprimer dans sa diversité. C'est là que la défense de l'intérêt général et de l'identité insulaire doit s'affirmer.
Vous pensez que la Corse peut retrouver la voie du développement ?
Je regrette que la surexploitation médiatique du rapport Glavany ait contribué à donner de la Corse une image très négative soulignant de manière caricaturale des dérives que l'on constate en Corse comme aux quatre coins du territoire national du fait de la longue incapacité du pouvoir politique à assumer ses responsabilités. Il y a néanmoins dans ce rapport des constats qui peuvent être stimulants . Deux affirmations notamment sont lourdes de conséquences. Il y a, affirme le rapport, une sur-administration de la Corse : trop de fonctionnaires dans l'île plus encore que dans le reste du pays. Il est cocasse d'ailleurs que ce soit un socialiste qui fasse ce constat. Il y a trop dargent public en Corse que ce soit pour l'investissement ou pour la solidarité. La conclusion c'est qu'il ne faut plus compter sur une augmentation des moyens mais rechercher une meilleure utilisation. J'ai toujours pensé, pour ma part, que la spécificité de la Corse devait s'exprimer non pas à travers l'exigence de toujours davantage d'argent public venant de Paris, mais par le bénéfice d'une franchise fiscale pour compenser son insularité, et par plus de liberté et de responsabilité.
L'Etat vous paraît devoir s'investir beaucoup plus dans le domaine de l'action économique en Corse ?
Ce sont les entrepreneurs et les entreprises qui créent les richesses et les emplois et non l'Etat. L'Etat et les responsables insulaires doivent donc s'efforcer, surtout, de créer des conditions favorables au développement et à l'emploi. Dans un esprit de partenariat, ils doivent améliorer les outils de développement : fiscalité, financement, transports, formation; Ils doivent aussi prendre en compte le particularisme insulaire en adaptant les législations et les réglementations nationales. Ils doivent enfin alléger et simplifier toutes les procédures qui freinent l'initiative et constituent un véritable carcan. Partout dans le monde, ce sont les solutions libérales qui font le développement économique; Je souhaite que les corses utilisent leur spécificité pour demander à l'Etat, nont pas dêtre une région à la traîne du développement, mais au contraire à l'avant garde, d'être en quelque sorte la formule 1 du libéralisme économique.
Si vous gagnez les législatives en 2002 aurez vous pour la Corse une politique très différente de l'actuel gouvernement ?
C'est une évidence. je fais confiance à Jean Baggioni et à José Rossi pour faire les propositions les plus utiles et les plus audacieuses. Ils ont été capables de s'unir pour offrir à la Corse une force de rassemblement à vocation majoritaire qui est à l'image de l'union proposée au plan national par le RPR et Démocratie Libérale. Cette force permettra à la Corse de disposer, en situation de crise, d'un pouvoir régional fort et respecté. La confiance massive des insulaires donnera à Jean Baggioni et à José Rossi la possibilité de faire naître en Corse un nouvel espoir.
Propos recueillis par Jacques Renucci
(source http://www.demlib.com, le 7 février 2001