Déclaration de Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat à la santé, sur les outils numériques au service de la santé, l'accès en ligne des informations et les technologies nouvelles dans le domaine, Paris le 29 février 2012.

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Circonstance : Colloque "Industries du numérique et de la santé" à Paris le 29 février 2012

Texte intégral


L’usage des technologies de l'information et de la communication s’est significativement diffusé ces dernières années, « hors des bureaux », dans tous les secteurs d’activité et dans la vie quotidienne des Français, qu’il s’agisse du commerce, de l’industrie et des transports, de l’enseignement, de la culture, des loisirs et de l’administration. Le domaine de la santé ne devait par faire exception.
En effet, un consensus fort s’est dégagé depuis récemment sur le fait que les TIC et leurs applications en santé doivent nous aider à relever les grands défis auxquels fait face notre système de santé : vieillissement de la population, augmentation du nombre de patients souffrant de maladies chroniques, disparités géographiques de l’offre de soins, le tout dans un contexte économique et financier très tendu.

Aujourd’hui, les Français sont dans leur grande majorité équipés en produits numériques connectés au réseau Internet : téléviseur, PC, tablette, mobile, smart phones et autres objets communicants. Ils s’en servent dans leur vie quotidienne : communication, accès en ligne à l’information, aux services publics et privés, à la culture et aux loisirs. Ils sont nombreux à participer à des réseaux sociaux, collaboratifs et solidaires sur le web. Ils sont friands des nouveautés.

Au même titre que leur succès dans ces domaines, ces outils numériques ont une réelle valeur ajoutée dans le domaine de la santé. Ils peuvent en effet, contribuer :

-à la promotion de l’éducation à la santé et la prévention des risques ;

-à l’amélioration de l’accès aux soins notamment de publics éloignés (zone rurale, population carcérale, …) ;

-à la coordination des interventions et au suivi dans leurs lieux de vie notamment des patients atteints de maladies invalidantes, des personnes âgés dépendantes ;

-et enfin, à des gains économiques grâce notamment à l’optimisation des moyens humains et matériels.

Il s’agit là d’un défi majeur pour les années à venir.

Lors du Conseil des ministres du 8 juin 2011, l’objectif était de faire du développement des applications TIC en matière de santé un axe majeur de la politique de santé.

Pour atteindre ces objectifs fixés par le Président de la République et le Premier Ministre, Xavier Bertrand et moi, nous avons décidé de développer une stratégie globale, cohérente et lisible de modernisation de notre système de santé.

Plusieurs chantiers ont été lancés depuis :

-la gouvernance des systèmes d’information de santé,

-la Télémédecine,

-le DMP (dossier médical personnel),

-le programme Hôpital Numérique,

-la e-santé.

1) Gouvernance des systèmes d’information de santé :

La gouvernance des systèmes d'information de santé a été réorganisée et renforcée entre 2009 et 2011, avec notamment la création:

-de deux agences complémentaires, l’ASIP Santé (agence des systèmes d'information partagés de santé) et l’ANAP (agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médicaux sociaux) ;

-et ensuite de la délégation à la stratégie des systèmes d'information de santé (DSSIS), structure légère de pilotage et de coordination placée auprès de la secrétaire générale des ministères chargés des affaires sociales.

Il m’apparaît important de renforcer cette gouvernance afin que l’Etat soit en mesure de piloter efficacement, dans la durée, le développement des usages des technologies numériques dans le domaine de la santé. C’est pourquoi, j’ai demandé à mes services d’organiser une conférence nationale afin de s’assurer de la participation à la définition des priorités nationales de tous les acteurs concernés : élus, professionnels, associations de patients, mais aussi des industriels du numérique et de la santé.

2) La Télémédecine

La Télémédecine est un premier volet de cette politique de développement de la e-santé. Elle est reconnue comme une activité médicale à part entière. Le décret du 19 octobre 2010 en application de la loi HPST, définit les cinq catégories d’actes relevant de la télémédecine, leurs conditions de mise en oeuvre par les professionnels de santé et leur organisation dans les territoires en lien avec les schémas d’organisation des soins, d’organisation médico-sociale et de prévention.

Cet environnement est loué par l’ensemble des acteurs et offre à tous y compris aux industriels une bonne visibilité sur cette activité nouvelle. Mais, on est loin du compte, la télémédecine en France doit sortir du stade expérimental. En effet, grâce à un recensement des projets couvrant 26 ARS réalisé par la DGOS, nous disposons désormais d’un observatoire de la pratique de la télémédecine en France.

Je voudrais ici m’arrêter sur quelques constats forts :

-Un peu plus de 100 projets recensés sont opérationnels, c'est-à-dire prenant en charge des patients, le plus souvent en télé-imagerie et prise en charge de maladies chroniques. Il s’agit d’un socle sur lequel il est possible de s’appuyer.

-Mais cela reste fragile car 60% des projets sont exclusivement hospitaliers et relèvent essentiellement des établissements de santé publics. En outre, ils sont très souvent liés à des initiatives individuelles et leur pérennité n’est pas toujours garantie notamment sur le plan financier.

L’enjeu est donc à la fois de consolider les projets existants mais également de changer d’échelle pour sortir du stade expérimental. Dans cette optique, j’ai confié à la DGOS la gouvernance de l’élaboration d’un plan national de télémédecine. Depuis janvier 2011, un travail considérable a été accompli pour donner des outils aux ARS et aux promoteurs de projets :

-définition de 5 chantiers prioritaires pour le développement de la télémédecine,
-élaboration d’un guide d’élaboration du programme régional de télémédecine,
-accompagnement financier significatif des projets de télémédecine en régions.

Une nouvelle phase du déploiement est engagée :

1-Il est prévu de livrer courant mars aux ARS ainsi qu’aux porteurs de projets de télémédecine un guide d’aide à la conclusion des contrats et conventions en télémédecine.

Les établissements et professionnels de santé développant une activité de télémédecine doivent se mettre en conformité d’ici avril 2012 avec les dispositions du décret télémédecine. Je compte sur cette contractualisation pour consolider la place des organisations de télémédecine dans les territoires.

2-Un accompagnement national d’une dizaine de « projets pilotes » va être mis en place. Ces projets seront centrés dans un premier temps sur les trois premières priorités que sont la permanence des soins en imagerie, la prise en charge de l’AVC et la santé des détenus. Il s’agit de soutenir un petit nombre de projets jugés matures afin d’identifier les freins et leviers à leur mise en oeuvre, et de nourrir les chantiers nationaux, notamment sur le plan du financement des activités de télémédecine.

Je souhaite également que nous puissions avancer dès cette année sur les deux autres priorités nationales que sont la prise en charge des maladies chroniques et les soins en structure médico-sociale ou en HAD.

Vous le voyez, depuis le décret d’octobre 2010, de nombreuses avancées ont été enregistrées. L’effort sera poursuivi pour sortir du stade expérimental et généraliser les usages de la télémédecine qui constitue un marché riche de promesses pour les patients, les industriels, les prestataires et la collectivité.

3) Le DMP (dossier médical personnel),

La mise en oeuvre du DMP fait partie des grands programmes d’e-santé portés par le ministère de la santé, avec la télémédecine et l’Hôpital numérique. Une priorité nationale, le projet DMP est actuellement en phase de déploiement, conformément aux objectifs du plan lancé en 2009. Les infrastructures nécessaires ont été financées et réalisées en 2011. Elles sont aujourd’hui opérationnelles et commencent à être utilisées dans les quatre régions pilotes (Picardie, Alsace, Franche-Comté, Aquitaine).

A ce jour, plus 80 000 DMP ont été créés dans le cadre de cette expérimentation. La réussite de la diffusion de cet outil dépendra de la pédagogie de cette expérience relayée grâce à une véritable dynamique nationale avec l’appui des pouvoirs publics et de l’assurance maladie.

L’objectif est :

-de fournir un ensemble de services utiles aux professionnels de santé (en complémentarités avec leurs propres dossiers professionnels) dans leur prise en charge de leurs patients.

-de favoriser l’acceptabilité du DMP par ces derniers, la confiance doit être au coeur du système et les patients doivent pouvoir disposer d’un véritable contrôle de l’utilisation de leurs données personnelles.

4) Le programme hôpital numérique 2012-16

Le programme hôpital numérique 2012-16 que j’ai lancé en novembre dernier permettra à tous nos établissements de santé de moderniser leur système d’information grâce notamment à une informatisation centrée sur le coeur de métier d'hôpital, c'est-à-dire le processus de soins.

Cinq domaines prioritaires ont été définis :

1. le partage de résultats d'examens médico-techniques (imagerie médicale, biologie, anatomopathologie)
2. le dossier patient communicant au sein de l'hôpital mais surtout entre la ville et l'hôpital ;
3. la prescription électronique ;
4. la gestion des ressources et notamment l'optimisation de la prise de rendez-vous et la gestion des blocs opératoires ;
5. le pilotage médico-économique.

La modernisation des systèmes d’information sur ces cinq domaines répond aux préoccupations de tout le monde.

-Pour le patient, une prise en charge plus sûre, plus rapide, mieux adaptée, une réduction de l’attente, une réduction des examens redondants, un accès facilité à ses propres informations médicales et administratives.

-Pour les professionnels de santé, un accès facilité aux informations médicales utiles, un gain de temps lié à la diminution des tâches administratives et répétitives, une transmission des consignes facilitée, l’accès aux informations, un support d’aide à la prescription et à la décision.

-Pour les directions d’établissements, garantir aux patients une prise en charge diagnostique et thérapeutique de qualité, développer le pilotage médico-économique des activités, gérer les coûts et identifier des gains en performance.

-Pour les pouvoirs publics, adapter les organisations aux exigences de qualité, de sécurité et d’accès aux soins, favoriser une médecine plus efficace et maîtriser les coûts, atteindre les objectifs de la loi HPST, avec notamment la mise en place de nouvelles organisations territoriales s’appuyant sur le partage des données.

J’encourage les établissements à s’inscrire dès aujourd’hui dans la démarche hôpital numérique.

5) La e-santé

Enfin, en partenariat avec le ministère de l'industrie et le commissariat général à l'investissement, j’ai souhaité appuyer notre politique de santé et d'autonomie sur le lieu de vie grâce à deux appels à projets en cours de réalisation.

Le premier appel à projets lancé en janvier 2011 porte sur le développement de solutions technologiques innovantes communicantes (capteurs, dispositifs médicaux, objets domotiques communicants, logiciels d’analyse des données et d’aide à la décision). 14 projets coopératifs R & D ont été sélectionnés parmi 45 candidats. Ces projets, représentant un montant total de près de 18 millions d’euros, ont bénéficié d’une aide de 9 millions d’euros du programme des Investissements d’avenir. Ces aides bénéficieront pour les trois quart à des PME. Les projets soutenus sont le fruit de la coopération entre des entreprises industrielles du secteur numérique, des acteurs des filières médicales et paramédicales, et des établissements de recherche.

A mon arrivée, j’ai eu le plaisir de visiter l’espace stands et de rencontrer quelque uns des porteurs de projets retenus.

Un second appel à projets, lancé en juillet 2011, vise à faire émerger des offres de services appuyées sur les TIC à échelle représentative et dans un environnement réel d’organisation associant des industriels du numérique, des acteurs des filières médicales et paramédicales, et des établissements de recherche. Il s'agit d'aider les porteurs de projets à tester en vraie grandeur -sur des échantillons significatifs-leurs produits et services, pour en démontrer l'efficacité dans le domaine de la santé, du médico-social et du social, et pour également en valider le ou les modèles économiques. Cet appel à projets est doté de 30 millions d’euros. Sur les 84 dossiers reçus, 34 projets ont été présélectionnés. Les lauréats seront connus ce mois-ci.

Le développement de l’information des patients

Pour conclure, je voudrais vous dire que j’ai particulièrement apprécié que vous ayez consacré une table ronde aux « attentes des patients et de la société », un thème qui m’est cher. J’ai souhaité que 2011 soit « l’année des patients et de leurs droits », mais il importe que cet objectif se prolonge sur 2012 et devienne, au-delà, un enjeu permanent afin que le patient ne soit plus un « objet de soins », mais véritablement un acteur dans la gestion de sa maladie et, dans le cadre d’une démocratie sanitaire efficiente, un interlocuteur incontournable des pouvoirs publics, des professionnels et des industriels de santé.
Le développement des usages des TIC dans le monde de la santé doit constituer un levier puissant pour atteindre cet objectif. Mais pour ce faire, la première étape doit consister à rendre accessible aux patients, et plus largement aux citoyens, une information de qualité sur le système de santé et sur sa propre santé.

-Ainsi, la loi de réforme du médicament et des produits de santé de décembre 2011 prévoit-elle la création d’une base de données des traitements, des pratiques et du bon usage des produits de santé.

-Par ailleurs, un site ministériel d’information sur les maladies chroniques est-il en cours d’élaboration dans le cadre du plan d’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques.

-La Haute autorité de santé a récemment été chargée de favoriser la diffusion d’informations sur la qualité des soins dans les établissements de santé.

Ces divers exemples montrent clairement que, loin de conduire à la déshumanisation des soins et du système de santé, le développement du numérique dans la santé peut être un facteur d’amélioration de la situation des patients dans la prise en charge de leur santé.

Certes, beaucoup de travail reste à faire. Et nous avons ouvert d’importants chantiers pour lesquels le respect de la feuille de route demandera une mobilisation et des efforts dans la durée.

Ces efforts devront être soutenus, même dans un contexte économique difficile, car il s’agit effectivement «d’investissement d’avenir», d’abord pour la qualité de notre système de santé auquel les Français sont particulièrement attachés.

Mais c’est aussi un secteur industriel et tertiaire créateur d’emplois de qualité et où la France, forte de sa recherche, de ses entreprises et de la maturité de son secteur e-santé, pourra exporter son savoir faire sur un marché mondial en croissance.

source http://esante.gouv.fr, le 14 mars 2012