Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, sur la culture et le handicap, notamment l'accessibilité à la culture des personnes handicapées, Paris le 26 janvier 2012.

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Circonstance : Ouverture de la Commission nationale "culture et handicap" à Paris le 26 janvier 2012

Texte intégral


« La culture n’est pas un luxe, c’est une nécessité », écrit Gao Xingjian dans La Montagne de l’âme.
Nécessité pour réfléchir.
Nécessité pour s’épanouir.
En un mot, nécessité pour vivre. Pour moi, comme pour toi, cher Frédéric, la culture, ce n’est donc pas un privilège réservé à une élite.
La culture, c’est un droit –une nécessité – pour toutes et pour tous.
Le rôle du politique est précisément de garantir à chacune et chacun l’accès à ce droit.
Cet accès à la culture de toutes et de tous, vous le savez, j’y suis très attachée.
Lorsque j’ai pris mes fonctions de Ministre des solidarités et de la cohésion sociale, j’ai voulu témoigner de cet engagement à travers un symbole très fort.
Ainsi, je me suis rendue, à l’occasion de mon tout premier déplacement, au Musée du Quai Branly pour saluer sa politique d’accessibilité.
Je dois dire que, sur ce sujet de l’accessibilité, nous avons œuvré de concert, cher Frédéric.
Car je sais que tu as été et que tu es, toi aussi, extrêmement vigilant et extrêmement concerné.
C’est précisément pour permettre des avancées réelles que mon ministère et le tien ont noué un partenariat, dont je veux souligner la grande qualité.
Ce partenariat a eu plusieurs occasions de s’exprimer.
Dans le cadre de cette commission, devant laquelle je suis très heureuse de m’exprimer pour la première fois et je te remercie, cher Frédéric, de m’avoir conviée à le faire aujourd’hui.
Dans le cadre également de la convention culture et handicap, signée en 2006. Dans le cadre, enfin, de la commission nationale chargée de la mise en œuvre de l’exception au droit d’auteur.
Et, plus récemment, le 12 décembre 2011, ce partenariat fructueux s’est incarné très concrètement à travers la signature de la charte relative à la qualité du sous-titrage pour les personnes sourdes ou malentendantes, aux côtés du CSA, des chaînes de télévision, des laboratoires de sous-titrage et des associations.
Mais ce combat en faveur des droits des personnes en situation de handicap, je l’ai aussi mené en tant que Ministre de la santé et des sports. Ainsi, j’ai signé en 2010, avec toi, cher Frédéric, la convention culture santé, dont l’article 12 prévoit la création d’un groupe de travail visant à examiner les conditions de transposition au secteur médico-social des actions entreprises dans le domaine.
Ce groupe devrait rendre ses conclusions au mois d’avril prochain.
Alors, naturellement, on peut s’interroger sur la pertinence de voir coexister deux conventions – d’un côté, la convention culture handicap, et, de l’autre, la convention culture santé.
A titre personnel – et je pense que nous pourrions nous rejoindre sur ce point, cher Frédéric –, je serais favorable à la rédaction d’une convention unique, qui intégrerait l’ensemble du champ médico-social et se nourrirait de tous les travaux menés jusqu’à ce jour.
Favoriser l’accès à la culture des personnes en situation de handicap : telle est notre ambition, une ambition qui se fonde sur trois convictions sur lesquelles je voudrais revenir maintenant.
Première conviction : l’accès des personnes handicapées à la culture est un droit reconnu par la Convention de l’ONU sur les personnes handicapées (article 30), convention que notre pays a ratifiée en 2010. Il s’agit donc d’une liberté fondamentale.
C’est aussi l’esprit de la loi de 2005 : permettre l’accès de tous à tout.
Je veux le rappeler : l’accessibilité est le premier des droits car c’est lui qui rend possibles tous les autres.
C’est pourquoi, précisément, ce sujet était au cœur de la conférence nationale du handicap (CNH), qui s’est tenue le 8 juin dernier. Le Président de la République a rappelé que nous tiendrions nos engagements.
De la même manière, nous avons souhaité que chacun de nos plans « handicap » propose un volet important consacré à la culture. Je crois en effet que c’est la culture qui fait l’être humain.
Favoriser l’accessibilité donc, mais le faire avec les personnes en situation de handicap : telle est la deuxième conviction que je voudrais vous faire partager. Je rappelle souvent cette formule de Nelson Mandela que je trouve très juste : « Tout ce qui est fait pour moi, sans moi, est fait contre moi.
Je me réjouis que ce principe constitue d’ailleurs l’un des fondements de cette commission.
A cet égard, vous le savez, j’ai toujours accordé la plus grande importance à la représentation des usagers dans les agences régionales de santé (ARS). C’est pour moi une impérieuse nécessité, à laquelle j’ai toujours veillé.
En matière d’accessibilité, je le citais en préambule il y a quelques instants, des exemples comme celui du Quai Branly doivent nous inspirer.
En associant les personnes en situation de handicap à ses travaux, le comité de suivi de l’accessibilité de cet établissement a permis à ce musée non seulement de rattraper son retard, mais aussi de devenir l’un des plus accessibles en France.
Je crois que cela doit nous guider : pour avancer, il faut agir ensemble.
Enfin, ma dernière conviction est que c’est d’abord par la culture que nous ferons changer le regard que nous portons collectivement sur le handicap.
Nous le savons bien, l’art est souvent précurseur et il devance les grandes évolutions des sociétés.
J’en veux pour preuve, par exemple, l’extraordinaire succès du film Intouchables, bien plus efficace que n’importe quelle campagne de communication sur le handicap.
Je pense également aux expositions que j’accueille régulièrement au sein de mon ministère.
A travers leur maîtrise artistique et leur univers si singulier, les différents artistes – notamment, très récemment, Julien Faure, dont les œuvres m’ont particulièrement touchée – modifient notre regard.
Convaincus de la force de la culture sur nos vies, nous avons décidé, cher Frédéric, d’organiser ensemble le festival du film qui se tiendra à Saint Gilles Croix de Vie.
Il permettra de réaffirmer le dialogue fécond qu’entretiennent et que doivent entretenir culture et handicap au service de nos concitoyens, de tous nos concitoyens – les personnes handicapées bien sûr, mais aussi toutes les autres.
Car ne nous y trompons pas : en ouvrant à tous l’accès à la culture, c’est-à dire à l’universel, c’est notre projet du vivre ensemble que nous réaffirmons.
Source http://www.solidarite.gouv.fr, le 8 février 2012