Déclaration de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes, sur la nécessité de maintenir et renforcer les sanctions pour faire pression sur le régime syrien, Paris le 17 avril 2012.

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Circonstance : Réunion du groupe de travail international sur les sanctions contre le régime syrien, à Paris le 17 avril 2012

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je voudrais vous souhaiter la bienvenue au ministère des Affaires étrangères et européennes de la France.
Depuis plus d’un an, la France se mobilise pour que le peuple syrien, qui combat courageusement pour l’avènement d’une authentique démocratie en Syrie, cesse de subir la répression systématique qui est menée par le régime de Bachar Al Assad. Plus de 10.000 morts, plus de 44.000 réfugiés dans les pays voisins et 1.5 millions de Syriens qui ont besoin d’une aide humanitaire, tel est le triste bilan de la répression criminelle du régime syrien.
Nous avons réussi à surmonter ces derniers mois le blocage du Conseil de sécurité en exprimant autour du groupe des amis du peuple syrien le large consensus de la communauté internationale sur la crise syrienne et son soutien aux efforts de la Ligue arabe. Ces efforts sont aujourd’hui portés par Kofi Annan, l’envoyé conjoint du Secrétaire général des Nations unies et de la Ligue arabe, qui s’emploie à mettre fin aux violences et à engager une transition politique en Syrie. Nous devons soutenir ces efforts et le processus de mise en place d’une mission des Nations unies.
L’envoi de premiers observateurs des Nations unies, mandatés par la résolution 2042 adoptée avec le soutien de la Russie et de la Chine, permettra à ce dernier de disposer de rapports indiscutables. Nous serons intransigeants quant à la liberté d’action des observateurs et à la mise en œuvre intégrale des obligations de cessez-le-feu.
Parallèlement, nous devons maintenir la pression sur le régime syrien. Cela passe par le renforcement des sanctions, qui ont un impact sur les autorités syriennes.
Après deux conférences du groupe des amis du peuple syrien qui ont rassemblé plus de 80 pays, à Tunis puis à Istanbul, nous voici aujourd’hui réunis pour exprimer, une fois encore, notre volonté commune de maintenir la pression sur un régime qui a prouvé qu’il ne reculerait devant rien pour rester au pouvoir.
Avec nos partenaires européens, représentés aujourd’hui par le service européen pour l’action extérieure, nous avons pris de nombreuses mesures pour accentuer la pression sur le régime syrien à mesure que la répression se poursuivait. La Ligue arabe s’est engagée dans la même voie ainsi que l’ensemble des pays représentés aujourd’hui.
Vous tous ici réunis, vous avez répondu à l’appel lancé par le groupe des amis à Tunis puis à Istanbul et vous avez mis en œuvre des sanctions.
Notre rencontre est en soi un message : le régime syrien doit comprendre qu’il ne peut continuer impunément à poursuivre la répression et refuser la transition politique prévue par le plan Annan et attendue par les Syriens.
Les autorités syriennes nous ont trop habitués aux manœuvres, aux mensonges, aux manipulations pour que nous relâchions notre vigilance. Je constate qu’à peine entré en vigueur, le fragile cessez-le-feu a déjà été mis à mal par les autorités syriennes, comme l’illustre la poursuite de bombardements meurtriers sur la ville de Homs au cours du week-end. Nous jugerons les autorités syriennes non pas à leurs paroles mais à leurs actes. Tout manquement devra faire l’objet d’une réaction ferme et rapide du Conseil de sécurité.
Au-delà des prises de position politiques, au-delà de nos efforts sans relâche au sein des enceintes régionales et onusiennes pour accentuer l’isolement diplomatique du régime syrien et dénoncer ses crimes, nous devons continuer à cibler les acteurs de la répression et à faire obstacle à son financement.
Les sanctions sont un instrument particulièrement efficace pour priver le régime syrien des ressources qu’il utilise pour financer les milices - les funestes escadrons de la mort des chabbiha - et se fournir en armes.
Elles constituent aussi, lorsqu’elles ciblent des personnes, à travers des gels d’avoirs ou des restrictions de visas, un message politique fort : l’Union européenne a placé, dès le début de la crise, le président syrien Bachar Al Assad sur les listes des personnalités sanctionnées, parce qu’il est le responsable en chef de la répression. Depuis, ce sont plus de 150 personnes et entités qui y figurent : elles sont ainsi clairement identifiées comme ayant une responsabilité dans la mise en œuvre de la politique répressive du régime.
Les mesures restrictives européennes ont aussi une valeur dissuasive : la possibilité pour des personnalités sanctionnées d’être retirées des listes est un message adressé aux milieux d’affaires pour qu’ils se désolidarisent de ce régime.
L’impact des mesures sectorielles est très net : l’embargo sur les armes et les équipements de maintien de l’ordre, sur les exportations de pétrole en provenance de Syrie, les mesures visant les secteurs bancaire et financier, notamment le gel des avoirs de la Banque centrale syrienne, ont asséché la rente pétrolière et plus privé l’État syrien de précieuses ressources accaparées par le clan au pouvoir et mobilisées au service de la répression.
Nous savons que les autorités syriennes, dont les réserves financières ont, selon nos informations, été réduites de moitié, continuent à chercher activement des voies alternatives pour parer à ces sanctions. Certains pays affichent sans ambiguïté leur soutien au régime syrien, d’autres lui offrent des marchés de substitution de manière plus ou moins directe.
Nous devons réagir à ces manœuvres. C’est en mutualisant nos efforts et en échangeant des informations sur la mise en œuvre effective des sanctions que nous parviendrons, ensemble, à contribuer efficacement à l’affaiblissement d’un régime qui assoit sa légitimité sur la peur, la propagande et la manipulation.
Je souhaite que les travaux de notre groupe soient fructueux et constructifs et je voudrais remercier le Maroc et le Service européen d’action extérieure d’avoir bien voulu co-présider cette réunion inaugurale.
Je forme le vœu qu’au fil de ses prochaines rencontres un nombre de plus en plus grand de pays se joignent à ce groupe pour contribuer à cet effort collectif au service des aspirations du peuple syrien, en espérant que nous pourrons bientôt nous retrouver à nouveau pour contribuer cette fois-ci au développement économique d’une Syrie démocratique.
Enfin, à l’occasion de la fête nationale syrienne, je voudrais adresser à tous les Syriens, aux représentants du Conseil national syrien ici présents, qui donnent au monde une leçon de courage depuis plus d’un an, un message d’amitié, de solidarité et d’espoir. Soyez assurés que la communauté internationale restera mobilisée à vos côtés pour qu’advienne une Syrie libre et démocratique.
Je voudrais à nouveau vous remercier de votre présence, de votre écoute et vous demander de m’excuser de ne pas pouvoir assister personnellement à la suite de vos travaux. Le directeur d’Afrique du nord et du Moyen-Orient, M. Patrice Paoli, représente ici la France et je remercie à nouveau les co-présidents marocain et européen de leur présence. Je vous souhaite des travaux fructueux.
Merci à tous.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 avril 2012