Déclaration de Mme Claude Greff, secrétaire d'Etat à la famille, sur la recherche des origines personnelles des personnes adoptées et l'accompagnement des mères, notamment pour l'accouchement secret et à la naissance de leur enfant, Paris le 11 avril 2012.

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Circonstance : Installation du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP) à Paris le 11 avril 2012

Texte intégral


Je suis très heureuse d’être devant vous aujourd’hui pour installer la nouvelle composition du Conseil National pour l’Accès aux Origines Personnelles.
Votre jeune institution, qui n’a que 10 ans, se renouvelle aujourd’hui encore une fois, et c’est donc un moment important :
1/ C’est d’abord celui d’une date anniversaire, avec la loi du 22 janvier 2002 relative à l’accès aux origines personnelles des personnes adoptées et pupilles de l’Etat qui a profondément réformé la procédure d’accouchement secret en renforçant l’information et l’accompagnement des mères de naissance et en les invitant à laisser, si elles l’acceptent, leur identité sous pli fermé ainsi que des renseignements à l’attention de l’enfant.
Cette loi a surtout créé le Conseil National pour l’Accès aux Origines Personnelles (CNAOP) que vous représentez tous à mes côtés aujourd’hui.
Rappelons ici que la création de votre conseil national constitue une avancée essentielle à la connaissance des origines des pupilles de l’Etat et des personnes adoptés.
Avancée qui s’inscrit dans la continuité de la Convention internationale des droits de l’enfant et le droit de l’enfant à connaître, dans la mesure du possible, ses parents (article 7).
Si la plupart des individus peuvent se référer à leurs origines pour se construire, d’autres, que vous connaissez bien, sont en quête de leurs origines.
Cette recherche, Mesdames et Messieurs, nous n’ignorons pas combien elle est légitime pour les enfants nés sous le secret puis recueillis et parfois adoptés dans une autre famille.
Mais nous devons assurer le respect du droit des mères de ces enfants à conserver le secret si telle est leur volonté.
C’est dans cet écart qu’il nous faut sans cesse rechercher un équilibre, fragile, mais respectueux de la dignité de chacun.
Face à des histoires douloureuses, il faut savoir entendre la souffrance des enfants et respecter le choix des mères.
Je vous rappelle que cet équilibre, instauré par la loi, a été validé par la Cour européenne des droits de l’Homme à deux reprises dans les arrêts ODIEVRE du 22 février 2003 (droit à la connaissance de ses origines), et KEARNS du 10 janvier 2008 (conditions de l’information et du recueil de la décision de la mère de naissance).
Un équilibre que vous avez su respecté depuis la création du CNAOP.
2/ Aujourd’hui, 10 ans après, est venu le temps du renouvellement des membres.
Je souhaite à cette occasion saluer l’ensemble des membres du CNAOP qui continuent à siéger et leur dire ma reconnaissance, au premier rang desquels, le Président Monsieur NUTTE qui depuis 2009, assure la présidence de ce conseil, mission ô combien délicate, avec compétence et rigueur.
Le Vice-président, Monsieur FAURE, ainsi que les représentants d’associations, les personnes qualifiées et les représentants des administrations.
Plusieurs membres présents depuis la création du conseil, ont effectué le nombre maximum de mandats, ils doivent donc être remplacés pour assurer un équilibre voulu par la loi.
Je me réjouis donc d’accueillir tous les nouveaux entrants qui rejoignent aujourd’hui ce conseil.
3/ Mais, 10 ans d’existence, c’est surtout le temps des bilans.
Au fil des ans, le conseil a su démontrer son utilité et son efficacité. Il est devenu un acteur incontournable et reconnu de tous.
S’il a pu connaître quelques difficultés durant les premières années, notamment en termes de vacances de postes, celles-ci sont maintenant dépassées.
Depuis, le conseil a fait la preuve d’une particulière qualité de réflexion due à sa stabilité.
Au quotidien, le Secrétariat général du CNAOP assure le traitement des dossiers de recherche des origines.
Je veux donc rendre ici un hommage appuyé au Secrétaire général du CNAOP ainsi que toutes les chargés de mission, assistantes, qui accomplissent avec un grand professionnalisme, ce travail difficile et délicat : rechercher les mères de naissance, les pères parfois, recueillir leur consentement à la levée du secret, communiquer cette identité au demandeur, accompagner les retrouvailles, traiter au quotidien de situations humaines toujours sensibles, souvent douloureuses, chargées d’émotion.
Je tiens aussi à associer à ces remerciements les correspondants départementaux du CNAOP et donc les Conseils généraux dans lesquels ils exercent car eux aussi contribuent très largement à ce travail difficile et délicat.
Cet engagement, ce professionnalisme ont permis au CNAOP de remplir ces missions. En effet depuis sa création et au 31 décembre 2011, ce sont 5500 demandes d’accès aux origines personnelles qui ont été enregistrées, 4866 dossiers ont fait l’objet d’une clôture, soit 88,4%, ce taux est en augmentation constante du fait des efforts engagés par le secrétariat général en vue de la diminution du stock de dossiers en cours de traitement.
Parmi ces clôtures, 43,4% d’entre elles le sont suite à l’absence de renseignements permettant l’identification du parent de naissance, 13,3% suite au refus du parent de naissance de lever le secret (avec cependant parfois échange de courrier ou rencontre anonyme), 32,4% suite à la communication d’identité dont 11,2% après levée du secret consentie par le parent de naissance recherché et 10,6% après communication de l’identité du fait du décès du parent de naissance sans que celui-ci ait pu exprimer de volonté contraire à l’occasion d’une demande d’accès aux origines, 10,4% du fait de l’absence de secret.
Un important rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) sur le fonctionnement du CNAOP rendu en juillet 2011 présente un bilan globalement positif de l’institution.
Certes des marges de progression sont possibles, de nouvelles actions peuvent être mises en oeuvre pour améliorer encore le fonctionnement du CNAOP ; certaines sont d’ores et déjà engagées comme la refonte du site internet du CNAOP et le renforcement de l’accueil téléphonique.
Le CNAOP doit aussi poursuivre, comme l’y incite l’IGAS, l’animation de son réseau et la formation de ses correspondants départementaux comme des professionnels de santé, qui ont un rôle essentiel, tant au moment de l’accouchement secret avec l’accompagnement des mères, l’information qu’ils leur délivrent, le recueil du pli fermé et des renseignements laissés à l’attention de l’enfant, qu’au moment de l’accès aux origines, puisque les correspondants départementaux peuvent être mandatés par le CNAOP pour contacter le parent de naissance.
Cependant notre dispositif d’accouchement secret et d’accès aux origines continue à susciter des questions :
- certains estiment que la loi de 2002 n’était qu’une étape et que l’heure est venue de l’accouchement dans la discrétion, qui impose le recueil obligatoire de l’identité de la mère sous pli fermé et la communication de cette identité à l’enfant à sa majorité s’il le demande.
C’est le sens des conclusions du rapport qui a été remis en 2011 par Mme Brigitte BAREGES, députée, et, dans la continuité, des amendements qui ont été déposés par celle-ci lors de l’examen récent de la proposition de loi sur l’enfance délaissée et l’adoption de Madame TABAROT à l’assemblée nationale.
Ainsi le 1er mars à l’assemblée nationale, au nom du Gouvernement, je me suis encore opposée à cette proposition :
* Tout d’abord, les femmes concernées pourraient être dissuadées d’accoucher à l’hôpital. En effet, la préservation absolue de leur identité et l’absence de tout justificatif ou pièce d’identité exigée constituent une protection nécessaire pour elle et pour l’enfant.
* De plus, la remise obligatoire de l’identité dans le pli fermé ne garantit ni le contenu ni surtout la sécurité des informations communiquées. Cela pourrait aboutir à créer de faux espoirs pour les enfants, qui solliciteraient l’accès à leurs origines.
J’estime qu’il faut poursuivre collectivement la réflexion sur ce sujet et notamment sur les mesures tendant à renforcer l’accompagnement des femmes lors de leur accueil à la maternité et lors de leur rencontre avec le correspondant départemental pour qu’elles laissent davantage d’information à l’attention de l’enfant.
Je rejoins sur ce point les conclusions de l’IGAS :
* il faut laisser du temps au CNAOP pour apprécier les résultats et évaluer l’impact de la loi de 2002 : Il est encore tôt pour mesurer certains effets de la loi de 2002 : en pratique, le CNAOP n’a pas encore à connaître des demandes d’accès aux origines des enfants nés en 2002 et depuis cette date.
* Il nous faut renforcer l’accompagnement psychosocial des mères et des enfants en quête de leurs origines.
Surtout, retenons de l’IGAS qu’il ne faut pas minimiser l’importance de la phase amont de l’accouchement.
C’est bien du respect de la femme pendant cette période cruciale, et de la manière dont elle est écoutée que dépend la qualité des éléments contenus dans le dossier de l’enfant.
N’est ce pas la meilleure façon de donner aux enfants ces repères qui leur permettront de construire leur histoire personnelle, afin de transmettre à leur tour aux générations futures ?
Source http://www.cnaop.gouv.fr, le 24 avril 2012