Texte intégral
Je suis très heureuse dêtre devant vous aujourdhui pour installer la nouvelle composition du Conseil National pour lAccès aux Origines Personnelles.
Votre jeune institution, qui na que 10 ans, se renouvelle aujourdhui encore une fois, et cest donc un moment important :
1/ Cest dabord celui dune date anniversaire, avec la loi du 22 janvier 2002 relative à laccès aux origines personnelles des personnes adoptées et pupilles de lEtat qui a profondément réformé la procédure daccouchement secret en renforçant linformation et laccompagnement des mères de naissance et en les invitant à laisser, si elles lacceptent, leur identité sous pli fermé ainsi que des renseignements à lattention de lenfant.
Cette loi a surtout créé le Conseil National pour lAccès aux Origines Personnelles (CNAOP) que vous représentez tous à mes côtés aujourdhui.
Rappelons ici que la création de votre conseil national constitue une avancée essentielle à la connaissance des origines des pupilles de lEtat et des personnes adoptés.
Avancée qui sinscrit dans la continuité de la Convention internationale des droits de lenfant et le droit de lenfant à connaître, dans la mesure du possible, ses parents (article 7).
Si la plupart des individus peuvent se référer à leurs origines pour se construire, dautres, que vous connaissez bien, sont en quête de leurs origines.
Cette recherche, Mesdames et Messieurs, nous nignorons pas combien elle est légitime pour les enfants nés sous le secret puis recueillis et parfois adoptés dans une autre famille.
Mais nous devons assurer le respect du droit des mères de ces enfants à conserver le secret si telle est leur volonté.
Cest dans cet écart quil nous faut sans cesse rechercher un équilibre, fragile, mais respectueux de la dignité de chacun.
Face à des histoires douloureuses, il faut savoir entendre la souffrance des enfants et respecter le choix des mères.
Je vous rappelle que cet équilibre, instauré par la loi, a été validé par la Cour européenne des droits de lHomme à deux reprises dans les arrêts ODIEVRE du 22 février 2003 (droit à la connaissance de ses origines), et KEARNS du 10 janvier 2008 (conditions de linformation et du recueil de la décision de la mère de naissance).
Un équilibre que vous avez su respecté depuis la création du CNAOP.
2/ Aujourdhui, 10 ans après, est venu le temps du renouvellement des membres.
Je souhaite à cette occasion saluer lensemble des membres du CNAOP qui continuent à siéger et leur dire ma reconnaissance, au premier rang desquels, le Président Monsieur NUTTE qui depuis 2009, assure la présidence de ce conseil, mission ô combien délicate, avec compétence et rigueur.
Le Vice-président, Monsieur FAURE, ainsi que les représentants dassociations, les personnes qualifiées et les représentants des administrations.
Plusieurs membres présents depuis la création du conseil, ont effectué le nombre maximum de mandats, ils doivent donc être remplacés pour assurer un équilibre voulu par la loi.
Je me réjouis donc daccueillir tous les nouveaux entrants qui rejoignent aujourdhui ce conseil.
3/ Mais, 10 ans dexistence, cest surtout le temps des bilans.
Au fil des ans, le conseil a su démontrer son utilité et son efficacité. Il est devenu un acteur incontournable et reconnu de tous.
Sil a pu connaître quelques difficultés durant les premières années, notamment en termes de vacances de postes, celles-ci sont maintenant dépassées.
Depuis, le conseil a fait la preuve dune particulière qualité de réflexion due à sa stabilité.
Au quotidien, le Secrétariat général du CNAOP assure le traitement des dossiers de recherche des origines.
Je veux donc rendre ici un hommage appuyé au Secrétaire général du CNAOP ainsi que toutes les chargés de mission, assistantes, qui accomplissent avec un grand professionnalisme, ce travail difficile et délicat : rechercher les mères de naissance, les pères parfois, recueillir leur consentement à la levée du secret, communiquer cette identité au demandeur, accompagner les retrouvailles, traiter au quotidien de situations humaines toujours sensibles, souvent douloureuses, chargées démotion.
Je tiens aussi à associer à ces remerciements les correspondants départementaux du CNAOP et donc les Conseils généraux dans lesquels ils exercent car eux aussi contribuent très largement à ce travail difficile et délicat.
Cet engagement, ce professionnalisme ont permis au CNAOP de remplir ces missions. En effet depuis sa création et au 31 décembre 2011, ce sont 5500 demandes daccès aux origines personnelles qui ont été enregistrées, 4866 dossiers ont fait lobjet dune clôture, soit 88,4%, ce taux est en augmentation constante du fait des efforts engagés par le secrétariat général en vue de la diminution du stock de dossiers en cours de traitement.
Parmi ces clôtures, 43,4% dentre elles le sont suite à labsence de renseignements permettant lidentification du parent de naissance, 13,3% suite au refus du parent de naissance de lever le secret (avec cependant parfois échange de courrier ou rencontre anonyme), 32,4% suite à la communication didentité dont 11,2% après levée du secret consentie par le parent de naissance recherché et 10,6% après communication de lidentité du fait du décès du parent de naissance sans que celui-ci ait pu exprimer de volonté contraire à loccasion dune demande daccès aux origines, 10,4% du fait de labsence de secret.
Un important rapport de lInspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) sur le fonctionnement du CNAOP rendu en juillet 2011 présente un bilan globalement positif de linstitution.
Certes des marges de progression sont possibles, de nouvelles actions peuvent être mises en oeuvre pour améliorer encore le fonctionnement du CNAOP ; certaines sont dores et déjà engagées comme la refonte du site internet du CNAOP et le renforcement de laccueil téléphonique.
Le CNAOP doit aussi poursuivre, comme ly incite lIGAS, lanimation de son réseau et la formation de ses correspondants départementaux comme des professionnels de santé, qui ont un rôle essentiel, tant au moment de laccouchement secret avec laccompagnement des mères, linformation quils leur délivrent, le recueil du pli fermé et des renseignements laissés à lattention de lenfant, quau moment de laccès aux origines, puisque les correspondants départementaux peuvent être mandatés par le CNAOP pour contacter le parent de naissance.
Cependant notre dispositif daccouchement secret et daccès aux origines continue à susciter des questions :
- certains estiment que la loi de 2002 nétait quune étape et que lheure est venue de laccouchement dans la discrétion, qui impose le recueil obligatoire de lidentité de la mère sous pli fermé et la communication de cette identité à lenfant à sa majorité sil le demande.
Cest le sens des conclusions du rapport qui a été remis en 2011 par Mme Brigitte BAREGES, députée, et, dans la continuité, des amendements qui ont été déposés par celle-ci lors de lexamen récent de la proposition de loi sur lenfance délaissée et ladoption de Madame TABAROT à lassemblée nationale.
Ainsi le 1er mars à lassemblée nationale, au nom du Gouvernement, je me suis encore opposée à cette proposition :
* Tout dabord, les femmes concernées pourraient être dissuadées daccoucher à lhôpital. En effet, la préservation absolue de leur identité et labsence de tout justificatif ou pièce didentité exigée constituent une protection nécessaire pour elle et pour lenfant.
* De plus, la remise obligatoire de lidentité dans le pli fermé ne garantit ni le contenu ni surtout la sécurité des informations communiquées. Cela pourrait aboutir à créer de faux espoirs pour les enfants, qui solliciteraient laccès à leurs origines.
Jestime quil faut poursuivre collectivement la réflexion sur ce sujet et notamment sur les mesures tendant à renforcer laccompagnement des femmes lors de leur accueil à la maternité et lors de leur rencontre avec le correspondant départemental pour quelles laissent davantage dinformation à lattention de lenfant.
Je rejoins sur ce point les conclusions de lIGAS :
* il faut laisser du temps au CNAOP pour apprécier les résultats et évaluer limpact de la loi de 2002 : Il est encore tôt pour mesurer certains effets de la loi de 2002 : en pratique, le CNAOP na pas encore à connaître des demandes daccès aux origines des enfants nés en 2002 et depuis cette date.
* Il nous faut renforcer laccompagnement psychosocial des mères et des enfants en quête de leurs origines.
Surtout, retenons de lIGAS quil ne faut pas minimiser limportance de la phase amont de laccouchement.
Cest bien du respect de la femme pendant cette période cruciale, et de la manière dont elle est écoutée que dépend la qualité des éléments contenus dans le dossier de lenfant.
Nest ce pas la meilleure façon de donner aux enfants ces repères qui leur permettront de construire leur histoire personnelle, afin de transmettre à leur tour aux générations futures ?
Source http://www.cnaop.gouv.fr, le 24 avril 2012