Déclaration de Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat à la santé, sur le vieillissement actif et la solidarité entre les générations, la dépendance et la maladie des personnes âgées, Paris le 28 février 2012.

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Circonstance : Lancement de l'année européenne du "vieillissement actif et de la solidarité entre les générations" à Paris le 28 février 2012

Texte intégral


L’espérance de vie a beaucoup progressé et continuera de progresser encore dans ce siècle, en France, en Europe et dans d’autres pays développés et émergeants. C’est là un acquis humain formidable, grâce à l’amélioration des conditions de vie, de la protection sociale et au progrès médical.
L’allongement continu de la durée de vie est une révolution silencieuse, un fait de civilisation inédit. Il bouleverse le parcours de vie de chacun, la succession des âges de la vie, leurs rôles dans la société et les valeurs culturelles qui leurs sont associées. C’est tout notre regard sur le vieillissement, nos habitudes de penser la place et le rôle des aînés dans nos sociétés qui se trouvent remis en question. Il s’agit là d’un des enjeux majeurs de ce nouveau siècle.
Sans doute les intervenants précédents et mes deux collègues du Gouvernement, ont déjà rappelé les défis du vieillissement auxquels nous sommes confrontés. Je voudrais simplement rappeler que dans un contexte de globalisation de l’économie mondiale, l’enjeu pour nous est d’assurer le financement des retraites, des dépenses de santé et de la prise en charge de la dépendance, sans alourdir la charge des transferts financiers sur les actifs et les entreprises, et sans se lancer dans un endettement risqué. Cet enjeu est au coeur de notre pacte social, fondé sur la solidarité entre nos concitoyens, actifs et inactifs, jeunes et moins jeunes.
C’est aussi, dans le contexte actuel de crise liée à l’endettement public, une préoccupation essentielle pour tous les pays développés, en particulier ceux de l’Europe. Sur tous ces fronts, le Gouvernement reste mobilisé afin de garantir la pérennité de notre système social, de notre système de santé, sans compromettre notre compétitivité et l’avenir des jeunes générations.
Cependant, ne confondons pas les termes : le vieillissement n’est pas nécessairement synonyme de charges financières, de maladie et de dépendance, y compris au grand âge. Ne vieillissons-nous pas de mieux en mieux, c’est-à-dire en restant plus longtemps en bonne santé, actifs, autonomes et pleinement dans le jeu des relations familiales et dans la vie de la cité ?
C’est le sens même de la réforme de l’âge de la retraite menée en 2010 par le Gouvernement : il n’était pas normal d’avoir la plus courte durée de vie en activité alors même que la France est championne mondiale en terme d’espérance de vie ! En effet, le temps de la formation initiale s’allonge, le parcours de la vie professionnelle à l’âge adulte connaît des moments de formation continue, de ré-conversion, de mobilité, parfois de rupture en raison de la perte d’emploi ou pour des raisons familiales. Dès lors, il est naturel que l’âge de la retraite s’adapte à ces évolutions. Cela exige bien évidemment de sécuriser le parcours de vie des actifs afin qu’ils puissent rester en activité le plus tard possible.
C’est là aujourd’hui et plus encore demain, un enjeu majeur pour notre économie, à savoir mobiliser pleinement nos ressources humaines et optimiser la durée de vie active. Grâce aux actions menées par le Gouvernement en faveur de l’emploi des seniors, le taux d’emploi des 55-64 ans a augmenté de 5 points sur le quinquennat et celui des 55-59 ans, s’élève à 63,4% au milieu de 2011, un taux désormais nettement supérieur au taux moyen de l’Union Européenne (61,5% à la fin 2010).
L’allongement de l’espérance de vie, c’est la vie devant soi. Mais alors, qu’est-ce qu’être retraité dans notre société d’aujourd’hui ? Est-ce un retrait de toute activité, de la vie sociale, une « une mort sociale » comme on l’ait affirmé dans le passé ? Certainement pas, car après la cessation de l’activité professionnelle, il y a une vie, une vie de plus en plus longue : environ 23 ans en moyenne pour les hommes et plus de 27 ans pour les femmes après 60 ans.
Oui, avec plus de 14 millions de nos concitoyens qui ont plus de 60 ans, les aînés représentent un public qui compte !
- D’abord, ils sont le pivot de la famille en étant au coeur du lien intergénérationnel. Ils contribuent à la prévention des risques et au renforcement des liens sociaux en animant la vie associative, en s’impliquant dans le bénévolat en faveur de publics vulnérables ou de projets d’intérêt général, ou encore en acceptant les charges de la conduite des affaires communales, tels 30 % des maires de petites communes ou 50 % des conseillers municipaux non indemnisés !
- Ils représentent, enfin, un poids économique considérable : ils ont des revenus assurés, une épargne nette positive, un patrimoine conséquent et une appétence de consommation qui ne se dément pas, y compris en produits et services innovants, notamment les technologies de l’information et de la communication. Ils sont surtout de gros consommateurs de services et de commerces de proximité et de ce fait, ils dynamisent les territoires où ils résident.
Aujourd’hui, la perte d’autonomie recule vers les âges les plus élevés. Et désormais, la préservation du bien être physique, mental et social de nos aînés est la clef du maintien de leur autonomie et de la qualité de leur vie. Cela passe par une meilleure hygiène de vie : une saine nutrition, des activités physiques, une prévention santé et des liens sociaux.
Enfin, avec le vieillissement, nous assistons au développement des fragilités et des pathologies chroniques invalidantes comme les maladies cardiovasculaires, les cancers, l’arthrose, l’ostéoporose, les troubles sensoriels, les démences… Elles sont à l’origine d’un déclin fonctionnel physique, cognitif ou sensoriel qui fait perdre aux personnes âgées fragiles leurs capacités d’autonomie et aggrave les risques d’accidents domestiques, en particulier les chutes.
Alors, l’enjeu est de préserver l’autonomie des personnes âgées grâce à la promotion de l’espérance de vie sans incapacité. Or, ces dernières décennies, nous avons consacré des moyens croissants en matière de prise en charge sanitaire et médicosociale de la dépendance, mais, nous continuons à subir, plus qu’anticiper, les conséquences sanitaires et sociales du vieillissement et de la dépendance.
La prévention de la perte d’autonomie est pourtant possible, à condition que les efforts soient centrés sur ceux qui en ont le plus besoin : à savoir les personnes âgées fragiles. Ce sont là des patients qui fréquentent en nombre croissant notre système de soins : consultations, consommation de médicaments, services d’urgence, hospitalisations, soins et aide à domicile…C’est ce public qui doit être au centre de la politique de prévention santé et autonomie.
Cette stratégie nouvelle de prévention de la fragilité doit s’inscrire dans le cadre de nos politiques de santé publique. C’est déjà le cas avec les plans nationaux sur le cancer, les maladies chroniques, l’AVC, Alzheimer, ou encore PNNS. De nouveaux outils et leviers peuvent être activés, c’est notamment le cas de la télémédecine, du DMP (dossier médical personnel) et du développement des téléservices et de la e-santé en général. Ces outils numériques contribuent positivement à la prévention des risques, au maintien de l’autonomie à domicile et au bien-être des personnes âgées fragiles ou malades chroniques.
Les intervenants précédents ont sans doute évoqué des volets comme l’adaptation de l’urbanisme et de l’habitat, des réseaux de transports et des déplacements, l’accès aux services de proximité de commerces, de soins et sociaux, aux loisirs, à la culture, aux technologies de l’information et de la communication, à l’aide dans les gestes de la vie quotidienne pour les plus fragiles… C’est ainsi toute notre organisation sociale qu’il faut adapter pour accompagner les personnes vieillissantes et favoriser leur participation active au vivre ensemble.
Comme je le disais il y a un instant, la prévention de la fragilité et la perte d’autonomie touche de nombreux domaines et mobilise sur le terrain une diversité d’acteurs : collectivités locales, caisses de retraite, complémentaires santé, institutions de prévoyance, services d’aide à domicile, associations de solidarité, bailleurs sociaux, industriels et entreprises de services… De ce fait, la prévention exige l’engagement d’une démarche clairement inter-ministérielle, inter-institutionnelle et inter-sectorielle.
Le secrétariat d’Etat chargé de la Santé et le ministère des Solidarités et de la cohésion sociale, en partenariat avec les ministères de « l’Urbanisme et logement », et « des Sports et de la vie associative », nous avons lancé tout récemment une initiative inédite : la création d’un comité national de coordination de la politique de prévention de la perte d’autonomie réunissant tous les acteurs impliqués et dont la Présidence sera confiée au Pr. Jean-Pierre AQUINO, gériatre et expert reconnu de la prévention en gérontologie. Ce comité qui se réunira prochainement, sera chargé de définir les axes stratégiques et prioritaires de la politique de prévention, partagés par ses membres, et d’en suivre la mise en oeuvre.
Dans ce cadre, j’ai proposé au Professeur Bruno VELLAS du Gérontopôle de Toulouse, la mission de capitaliser sur les acquis de l’expérience menée en Midi-Pyrénées et de diffuser à l’ensemble du territoire national les connaissances, les outils et les modes d’organisation en matière de repérage, de diagnostic et de prise en charge des personnes âgées en situation de fragilité. Cette mission devra s’intégrer aux travaux à venir du Comité de coordination de la prévention de la perte d’autonomie.
Dès lors, envisager ainsi le vieillissement de façon inclusive et positive, c’est prendre en compte ces évolutions porteuses de futur car créatrices de services, d’entreprises et d’emplois, souvent non-délocalisables et d’innovations, facteur de compétitivité dans un marché international en émergence.
Alors, il est temps de changer le regard que collectivement nous portons sur le vieillissement et de reconnaître que les aînés sont d’abord une force et une chance pour notre pays, comme pour l’Europe. La responsabilité des pouvoirs publics, mais aussi de tous les acteurs de la société civile, est de permettre au plus grand nombre de personnes de bénéficier d’une avancée en âge harmonieuse dans une société solidaire.
C’est le message fort de cette année européenne. Ensemble, saisissons cette belle occasion pour agir et valoriser les initiatives innovantes en faveur du « vieillissement actif » et des « solidarités entre les générations ».
Merci
source http://www.solidarite.gouv.fr, le 26 avril 2012