Interview de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, à France 2 le 18 mai 2012, sur le retour à la retraite à 60 ans pour les personnes ayant commencé à travailler à 18 ans et cotisé 41 ans et la pénibilité.

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Média : France 2

Texte intégral

GILLES BORNSTEIN Alors, François HOLLANDE s'est engagé à revenir à la retraite à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler à 18 ans et qui auront cotisé 41 ans. Quant le décret paraitra t-il ?
 
MARISOL TOURAINE Des consultations préalables sont nécessaires et il faut évidemment que je rencontre …
 
GILLES BORNSTEIN Des consultations ou des négociations ?
 
MARISOL TOURAINE Des consultations avec les organisations syndicales, des consultations des caisses concernées, de la Sécurité sociale, et donc ce décret paraîtra rapidement, à la fin du mois de juin sans doute, début juillet au plus tard.
 
GILLES BORNSTEIN Et donc le changement ce n'est pas maintenant.
 
MARISOL TOURAINE Si le changement c'est très rapidement puisque François HOLLANDE l'a dit très clairement avant son élection, c'est une des mesures prioritaires pour lui, une mesure de justice. Lorsque le gouvernement précédent a fait voter une réforme, il a fait en sorte que ce soit ceux qui ont commencé à travailler jeunes qui en supportent le plus l'effort ; Donc nous nous sommes engagés à cela et c'est très clair, ceux qui ont commencé à travailler à 18 ou à 19 ans, qui ont leur quarante et une annuités de cotisation pourront partir à 60 ans et non pas à 62 ans comme c'est le cas aujourd'hui avec la loi SARKOZY.
 
GILLES BORNSTEIN Et donc vous annoncez un décret pour avant les vacances, vers la mi juillet ?
 
MARISOL TOURAINE Oui même un peu avant si possible et je vais rencontrer les organisations syndicales, les représentants patronaux dès la semaine prochaine, enfin le calendrier va être fixé dans les prochaines heures afin d'échanger avec eux sur cette question là et sur d'autres, mais sur cette question là en particulier.
 
GILLES BORNSTEIN Alors je voudrais savoir précisément qui cette mesure va concerner ? Quelqu'un, une femme par exemple qui aura 41 ans de cotisation mais qui dans ces 41 ans aura par exemple des congés de maternité, est-ce qu'elle sera concernée ?
 
MARISOL TOURAINE Oui, ce sont des éléments qui paraissent parfois un peu compliqués. Mais pour nous l'essentiel c'est quoi ? C'est de dire « il y a des hommes, des femmes, qui ont commencé tôt et qui ont travaillé pratiquement sans discontinuer. Donc l'essentiel ce sera quand même 150 000 personnes par an, ce qui représente beaucoup de Françaises et de Français : les congés maternité, pour prendre l'exemple que vous avez indiqué, seront évidemment comptabilisés dans cette période-là, de même que les périodes de service militaire. Nous allons donc avoir une discussion …
 
GILLES BORNSTEIN Mais pas les périodes de chômage.
 
MARISOL TOURAINE Nous allons avoir une discussion avec l'ensemble des partenaires sociaux bien sur, mais nous le disons, ceux qui ont commencé à travailler à 18 ou 19 ans, qui ont leur période de cotisation au sens disons du décret des carrières longues, c'est à dire qui ont commencé à travailler jeunes, pourront être concernés par ce décret.
 
GILLES BORNSTEIN Pardonnez moi d'insister, je conclus de ce que vous dires, les périodes de congés maternité seront prises en compte, les périodes de chômage ou de maladie non.
 
MARISOL TOURAINE De maladie, dans certaines limites oui, je ne veux pas rentrer ici dans des détails parce que ce sont des choses assez techniques, mais nous aurons la discussion avec les organisations syndicales et vous comprendrez que moi je souhaite d'abord échanger avec les partenaires sociaux, 150 000 personnes environ seront concernées, et cela concernera donc principalement ceux qui ont commencé à travailler à 18 ou 19 ans.
 
GILLES BORNSTEIN Combien ça coûte ?
 
MARISOL TOURAINE Le coût de la mesure a été évalué à 1 milliard net.
 
GILLES BORNSTEIN Par an.
 
MARISOL TOURAINE Par an. C'est un chiffre qui a fait consensus puisque l'Institut de l'Entreprise pendant la campagne avait considéré que c'était une bonne donnée.
 
GILLES BORNSTEIN Si vous savez déjà combien de personnes ça va concerner, ça veut dire que les négociations ne servent pas à grand chose ?
 
ARISOL TOURAINE Ca veut dire que c'est l'engagement sur lequel nous avons fait campagne et sur lequel a été élu François HOLLANDE. Donc des consultations vont s'engager, c'est ce qui a été porté pendant la campagne par François HOLLANDE.
 
GILLES BORNSTEIN Mais pour en finir avec cette histoire de retraite, la retraite à 60 ans pour tout le monde, celle de François MITTERRAND c'est fini ?
 
MARISOL TOURAINE Pendant la campagne électorale nous avons indiqué que nous allions procéder en deux temps. D'abord une mesure de justice parce que j'insiste là-dessus mais la réforme SARKOZY a été injuste dans la mesure où elle a pénalisé quasiment, exclusivement ceux qui ont commencé à travailler jeunes, et principalement. Dans un deuxième temps, nous aurons à voir l'ensemble des situations : la question de la pénibilité par exemple, qui a été totalement laissée de côté dans la réforme précédente ; la question de la retraite des femmes qui sont confrontées plus que d'autres à des carrières interrompues. Donc nous allons revoir l'ensemble de la réforme, mais cela dans un deuxième temps et dans le cadre évidemment d'une large négociation avec l'ensemble des partenaires sociaux. Cela sera lancé dans le cadre plus général du sommet social à partir de l'été ou de l'automne.
 
GILLES BORNSTEIN Alors vous êtes aussi ministre de la Sécurité sociale, le déficit des comptes sociaux s'élèvent en 2011 je crois à 17 milliards d'euros. En français ça s'appelle « le trou de la sécu », 17 milliards d'euros. Quelle piste avez-vous pour le réduire ? Je sais qu'on a parlé par exemple de dépassements d'honoraires, est-ce que vous avez l'intention d'avoir des mesures coercitives ?
 
MARISOL TOURAINE Oui. Nous devons engager des réformes sur plusieurs plans, parce que comme vous le soulignez nous héritons d'une situation qui est effectivement très dégradée. Nous devons d'un côté sécuriser les recettes de la Sécurité sociale et des textes de loi seront discutés dès lors que le Parlement sera à nouveau réuni. Nous devons par exemple faire en sorte qu'un certain nombre de niches sociales, qui aujourd'hui privent la Sécurité sociale de recettes pérennes, soit supprimé. D'un autre côté, nous le savons très bien, nous devons engager des réformes de fond, des réformes de fond concernant les dépenses de médicaments et le coût du médicament, par exemple sur l'organisation plus structurelle et je pense à la mise en avant de la prévention dans notre système de soin ; et puis vous le soulignez, nous devons faire en sorte qu'une négociation s'engage car une négociation est nécessaire sur le niveau des tarifs parce que le dépassement d'honoraire aujourd'hui conduise les Français à ne pas pouvoir accéder à des soins dans des conditions sécurisées, garanties, et l'un des engagements centraux du président de la République c'est de supprimer les barrières financières à l'accès au soin. Ce sera une des priorités des prochaines semaines.
 
GILLES BORNSTEIN Concernant la dépendance, est-ce que vous allez créer un cinquième risque et donc une nouvelle cotisation ?
 
MARISOL TOURAINE Les discussions là-dessus vont s'engager, ça n'est pas prévu pour les semaines qui viennent, mais c'est à l'ordre du jour pour la fin de l'année, réfléchir à la manière de mettre en place l'accompagnement de la perte d'autonomie et faire en sorte que ce soit financé par une cotisation de solidarité et non pas par le recours aux assurances privées.
 
GILLES BORNSTEIN En dernier point, la famille, est dans votre giron, quand la loi sur l'adoption et le mariage homosexuelle sera-t-elle discutée ? Rapidement, s'il vous plaît.
 
MARISOL TOURAINE Ce sont des discussions qui seront engagées notamment avec la Garde des Sceaux, puisque ce sont des textes qui doivent aussi être examinés par le ministre de la Justice. C'est un projet qui pour nous doit intervenir dans l'année qui vient, assez rapidement, c'est une question…
 
GILLES BORNSTEIN Dans l'année qui vient, en 2012…
 
MARISOL TOURAINE Enfin non 2012-2013, c'est une question de droit, d'accès aux droits, mais encore une fois c'est un texte qui sera évoqué avec la Garde des Sceaux. ?
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 24 mai 2012