Interview de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture et de l'agroalimentaire,à "Europe 1" le 4 juin 2012, sur la situation critique de la société Doux (filière avicole).

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Média : Europe 1

Texte intégral

BRUCE TOUSSAINT Il vous a fait un sale coup là Charles DOUX, Stéphane le FOLL, un coup en douce pour Charles DOUX. Vous lui avez passé un savon, sérieusement ?

STEPHANE LE FOLL Non, ce n’est pas un coup en douce contre les ministres ou le gouvernement…

BRUCE TOUSSAINT Oui, c’est pour les salariés…

STEPHANE LE FOLL Le problème il est plus grave oui…

BRUCE TOUSSAINT D’accord.

STEPHANE LE FOLL C’est les salariés, c’est les éleveurs, c’est ça qui nous préoccupe, ce n’est pas l’avenir de ce Charles DOUX qui est aujourd’hui dans une situation difficile qui ne date pas des quelques semaines qui viennent de se passer. Il y a eu des choix stratégiques qui ont été faits, des investissements qui ont été faits en particulier au Brésil qui n’ont pas été très judicieux. Donc on a là à la fois une filière avicole – c’était dit tout à l’heure – qui emploie non seulement des salariés dans les abattoirs mais aussi des éleveurs, et qu’il y a à partir de là une activité économique importante sur l’Ouest de la France. Et puis il y a une situation de cette entreprise dont il faut prendre aujourd’hui la mesure, trouver des décisions concrètes pour ce qui est de l’urgence ; et puis penser surtout – c’est ça qui va être le travail à venir – à l’avenir et à la capacité de la maintenir en activité…

BRUCE TOUSSAINT Cette mise en…

STEPHANE LE FOLL Je vous rappelle juste un chiffre, 40 % des poulets que nous consommons en France sont aujourd’hui importés.

BRUCE TOUSSAINT Est-ce que ce n’est pas trop tard, maintenant que la mise en…

STEPHANE LE FOLL Il n’est jamais trop tard…

BRUCE TOUSSAINT Redressement judiciaire… bah !

STEPHANE LE FOLL Au contraire.

BRUCE TOUSSAINT C’est plus compliqué qu’avant.

STEPHANE LE FOLL C’est peut-être plus compliqué mais ça permet de remettre les choses à plat et puis maintenant, il va falloir travailler. Je le dis, on ne laissera pas cette filière.

BRUCE TOUSSAINT Vous envoyez deux émissaires sur place, ils vont arriver aujourd’hui !

STEPHANE LE FOLL Oui, qui arriveront ce matin.

BRUCE TOUSSAINT Concrètement, ils vont faire quoi ?

STEPHANE LE FOLL D’abord c’est toute la question des éleveurs, est-ce qu’ils seront payés, les contrats qui ont été signés ont-ils été respectés ou pas. Donc c’est de cela dont on va parler parce que moi j’ai une responsabilité immédiate, c’est ce que je disais, c’est d’abord les éleveurs. Certains – ça a été dit d’ailleurs par votre correspondant – ne sont pas payés alors qu’ils sont sous contrats. Ces éleveurs ce sont des éleveurs sous contrat, on vous emmène des poussins, on vous amène l’aliment, vous produisez les poulets et au bout de 30 jours ils vont à l’abattoir. Et ça, on ne peut pas imaginer que des gens qui ont travaillé, qui ont quelques fois une bande de poulets chez eux ne soient pas payés.

BRUCE TOUSSAINT Qu’est-ce qu’on peut faire concrètement, je vous repose la question parce que je rappelle quand même que le groupe a une dette estimée à plus de 430 millions d’euros. A part une baguette magique…

STEPHANE LE FOLL A part une baguette magique, qu’est-ce qu’on va pouvoir faire concrètement ? Je vous le dis, déjà des départs, il y a des facilités qui vont être trouvées sur les questions de trésorerie, fiscalité, autre chose et puis avec le dépôt de bilan, c’est le respect des premiers créanciers. Dans les premiers créanciers, il y a les éleveurs, ça c’est ce que je disais, l’urgence. Et puis deuxièmement, la responsabilité du gouvernement avec Arnaud MONTEBOURG, c’est de trouver et de chercher (ce qui avait commencé à être fait d’ailleurs) des établissements, des industriels, des banques qui seraient prêts à jouer le jeu d’un redressement et en même temps une perspective donnée… je le dis et je le répète à une filière avicole dont on a besoin puisque (je répète, c’est très important) 40 % du poulet consommé en France est importé aujourd’hui.

BRUCE TOUSSAINT Charles DOUX est-il encore l’homme de la situation ?

STEPHANE LE FOLL Ecoutez, vu ce qui s’est passé, je pourrai considérer quand même qu’il y a là une discussion qui aura lieu. On ne peut pas dire que depuis des années et des mois…

BRUCE TOUSSAINT Un remontage de bretelles ?

STEPHANE LE FOLL Il ait montré beaucoup de pertinence dans ses choix industriels, dans ses choix stratégiques ; et qu’il va falloir qu’il comprenne qu’aujourd’hui, si on doit venir en aide et nous ferons tout pour faire en sorte d’éviter une catastrophe (vous l’avez dit) économique, sociale et en termes industriel, ça se fera à des conditions comme on le dit souvent du donnant donnant.

BRUCE TOUSSAINT Un dernier mot sur ce dossier, je suis sûr qu’il y a de très nombreux salariés de DOUX, ils sont 3.400 au total qui nous écoutent ce matin, qui vous écoutent. Qu’est-ce que vous pouvez leur dire, le message du lundi matin…

STEPHANE LE FOLL Leur dire que…

BRUCE TOUSSAINT Pour cette nouvelle semaine.

STEPHANE LE FOLL Le message du lundi matin c’est que… que ça soit le ministre de l’Agriculture ou que le ministre du Redressement productif, nous mettrons tout en oeuvre – et on l’a déjà fait – pour éviter cette catastrophe que vous évoquiez qui n’est pas encore arrivée, et pour donner une pérennité à l’emploi et à l’élevage dans le Grand Ouest à propos de la volaille.

BRUCE TOUSSAINT DOUX c’est l’une des 36 entreprises en danger, vous savez qu’il y a un listing…

STEPHANE LE FOLL Oui.

BRUCE TOUSSAINT Qui a été fait par le gouvernement et par le Premier ministre. Vous en avez combien, vous, dans le domaine de l’agriculture sur les 36 à part DOUX ?

STEPHANE LE FOLL Ecoutez, DOUX est déjà suffisamment compliqué pour ne pas que je me mette à faire ce matin une liste des problèmes qui peuvent arriver…

BRUCE TOUSSAINT Avec les autres.

STEPHANE LE FOLL Je sais que… vous savez dans le domaine de l’agroalimentaire, par exemple dans tout ce qui est l’abattage, on est sur des marges de rentabilité qui sont extrêmement faibles. Donc au-delà même d’une situation qui peut être dégradée, on est toujours dans des situations où économiquement, il faut être extrêmement attentif. Et donc c’est le rôle du ministre de l’Agriculture de suivre et des industries agroalimentaires, de suivre toutes ces questions. Ce matin réunion de travail, rencontre aussi avec l’ANIA qui représente l’ensemble des industries agroalimentaires.

BRUCE TOUSSAINT Stéphane le FOLL, serez-vous encore ministre le 18 juin ?

STEPHANE LE FOLL Ça dépendra de l’appel des électeurs.

BRUCE TOUSSAINT C’est eux qui décident, on rappelle que…

STEPHANE LE FOLL C’est eux qui décident.

BRUCE TOUSSAINT Si vous êtes battu… de toute façon dans les deux cas c’est quand même compliqué, parce que si vous êtes battu vous perdez tout, vous perdez évidemment le poste de député mais aussi le ministère…

STEPHANE LE FOLL Voilà.

BRUCE TOUSSAINT Ça c’est une règle, vous n’y échapperez pas ?

STEPHANE LE FOLL Non, non…

BRUCE TOUSSAINT Il n’y a pas de cas particulier ?

STEPHANE LE FOLL Je ne vois pas pourquoi ni comment je pourrai échapper…

BRUCE TOUSSAINT En tant qu’ami…

STEPHANE LE FOLL Oui, en tant qu’ami du président de la République…

BRUCE TOUSSAINT Ami proche…

STEPHANE LE FOLL Vous connaissez le rôle et la place de l’amitié dans la politique, elle est autour d’une table mais après, c’est différent.

BRUCE TOUSSAINT Pour une fois, êtes-vous d??accord avec Jean-François COPE quand il déclare : rien n’est joué dans ces élections législatives, tout est possible ?

STEPHANE LE FOLL Moi je suis toujours d’une extrême prudence, la question électorale est toujours une question mystérieuse. Et le respect des électeurs, c’est le premier principe. Annoncer des victoires ou voir des défaites d’ailleurs avant que l’élection ait lieu, c’est manquer de respect à nos électeurs et ce n’est pas prendre la mesure de l’enjeu démocratique qu’il y a derrière chaque élection. Donc moi, j’ai toujours dit que rien n’était gagné et c’est pourquoi je me bats tous les jours dans la Sarthe et, en particulier, dans la 4ème circonscription.

Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 4 juin 2012