Interview de M. Benoît Hamon, ministre de l'économie sociale et solidaire, à "RTL" le 17 mai 2012, sur les attributions de son ministère, sur le salaire des ministres.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEAN-MICHEL APATHIE Vous avez 45 ans, vous êtes donc ministre de la République…

BENOIT HAMON Pas encore !

JEAN-MICHEL APATHIE Pas encore ! Vous allez les avoir ?

BENOIT HAMON Bientôt !

JEAN-MICHEL APATHIE Désolé ! Vous êtes ministre de la République depuis hier soir ça c’est sûr…

BENOIT HAMON Oui !

JEAN-MICHEL APATHIE Quels sont vos sentiments ce matin ?

BENOIT HAMON Heureux et, en même temps, plein de gravité, parce que ce sont des sujets assez lourds sur lesquels nous allons être impliqués. On a beaucoup d’attentes, il y a beaucoup d’espérances aussi qui ont été placées dans ce Gouvernement, vous disiez – je vous entendais tout à l’heure – le changement c’est maintenant, les attentes sont considérables sur le pouvoir d’achat, sur l’emploi…

JEAN-MICHEL APATHIE Vous êtes inquiet ?

BENOIT HAMON Ah ! Je sais que les attentes sont importantes, maintenant il faut se mettre au travail, très concrètement : on a des plans sociaux qui ont été différés le temps de la campagne électorale et qui vont se multiplier ; il y a des rendez-vous européens extrêmement important et, de ce point de vue là, le président de la République a été dire – et c’est bien – dès le premier jour à Madame MERKEL notre intention de renégocier le traité européen ; il y a un grand rendez-vous avec la conférence sociale où on reparlera financement des retraites, financement de la Sécurité Sociale, droits du travail, sur toutes ces questions là les attentes sont nombreuses et donc, je vous le dis, je suis à la fois heureux et en même temps concentré. Voilà !

JEAN-MICHEL APATHIE Et c’est marrant ! Parce que, quand on entend, on sent une inquiétude.

BENOIT HAMON Non ! Non, concentré, c’est du travail et ces choses là sont sérieuses et il faut être concentré. Voilà ! Concentré sur son boulot.

JEAN-MICHEL APATHIE On parle une seconde de votre ministère, Benoît HAMON ?

BENOIT HAMON Oui !

JEAN-MICHEL APATHIE Ministre de l’Economie sociale et solidaire, mutuelles, coopératives, fondations, peut-être autre chose, je ne sais pas ?

BENOIT HAMON Oui ! C’est toute la vie associative, c’est le financement de la vie associative, c’est à peu près 10% du PIB français, c'est-à-dire à peu près 200 milliards…

JEAN-MICHEL APATHIE 10% ! Tant que ça ?

BENOIT HAMON Oui ! Oui, 200 milliards d’euros, oui, oui…

JEAN-MICHEL APATHIE Oui ! J’allais vous demander est-ce qu’il y a vraiment besoin d’un ministre, parce qu’il n’y en a pas tout le temps des ministres…

BENOIT HAMON Oui ! C’est…

JEAN-MICHEL APATHIE De l’Economie sociale et solidaire ?

BENOIT HAMON Oui ! Mais c’est d’abord la marque d’une volonté politique, on ne crée pas de la richesse simplement à travers le modèle économique classique, le modèle d’entreprises classiques. Il y a à peu près plus de 200.000 établissements, qui sont coopératives, mutuelles et qui contribuent aujourd’hui à la création de richesses, à la création d’emplois - ce n’est pas loin de 2 millions d’emplois - et donc c’est un secteur extrêmement important, et c’est aussi un secteur que nous voulons développer, il faut avoir plusieurs modèles économiques, notamment pour répondre à la crise et on le voit notamment dans le cadre des plans sociaux où les salariés aspirent à reprendre leur entreprise, eh bien ce sera l’un des premiers sujets sur la table du ministre que je suis pour faciliter ce type de reprise par les salariés…

JEAN-MICHEL APATHIE Donc c’est un vrai ministère, ce n’est pas un…

BENOIT HAMON Oui ! Je ne crois pas que…

JEAN-MICHEL APATHIE D’accord !

BENOIT HAMON Ni François HOLLANDE, ni Jean-Marc AYRAULT ont eu l’envie de bâtir de faux ministères, ça ne sert pas à grand-chose. En l’occurrence, c’est…

JEAN-MICHEL APATHIE On a pu voir – et puis on le verra à l’usage aussi – si tous vos collègues…

BENOIT HAMON Non ! Non, mais là il y a une vraie volonté politique…

JEAN-MICHEL APATHIE Très bien ! Très bien.

BENOIT HAMON Et le fait de le rattacher à Bercy marque et signe cette volonté politique.

JEAN-MICHEL APATHIE Alors pour finir de parler de vous, Benoît HAMON, vous êtes candidat aux élections législatives dans les Yvelines...

BENOIT HAMON Dans la 11ème circonscription Trappes – Elancourt - Bois d’Arcy.

JEAN-MICHEL APATHIE Oui ! Ce n’est pas pour faire la campagne que je vous dis ça, c’est que Jean- Marc AYRAULT a fixé une règle hier soir, le Premier ministre, ceux qui sont battus ils ne seront plus ministres, vous acceptez la règle ?

BENOIT HAMON Bien sûr ! Je suis candidat dans la 11ème circonscription des Yvelines, j’entends le rester, je vais me battre pour être le député de cette circonscription et il n’y a pas de raison que d’ailleurs les ministres ne s’engagent pas totalement dans le combat qui consiste à donner une majorité à François HOLLANDE, si François HOLLANDE n’a pas cette majorité, son élection quelque part n’aura pas servi à grand-chose puisqu’il ne pourra pas mettre en oeuvre la politique pour laquelle il a été élu. Donc, c’est fondamental…

JEAN-MICHEL APATHIE Majorité socialiste seule, homogène ?

BENOIT HAMON Non ! Mais, écoutez, je ne vais pas commencer à… je ne peux deviner combien il y a de députés Socialistes, s’il y a une majorité de députés Socialistes ce sera bien, l’objectif c’est de gouverner au-delà avec une majorité beaucoup plus large et, je vous le répète, imaginez le scénario inverse qui consisterait à penser que la majorité serait UMP et donc, eh bien, François HOLLANDE serait amener à choisir le Premier ministre au sein de l’UMP, ça bloquerait toute volonté de remettre en cause l’augmentation de la TVA prévue par Nicolas SARKOZY, toute renégociation du traité européen, toute possibilité de recréer des postes de profs. Voilà ! Une raison pour laquelle il faut éviter le chaos et le désordre, et le blocage, et donner une majorité à François HOLLANDE, j’espère y contribuer dans les Yvelines.

JEAN-MICHEL APATHIE L’un des évènements de ce remaniement, Benoît HAMON, c’est à contrario l’absence du Gouvernement de Martine AUBRY (la Première secrétaire du Parti Socialiste) et cette absence est-elle un problème selon vous ?

BENOIT HAMON Non ! Parce qu’elle reste Première secrétaire du Parti Socialiste et qu’elle conduire le Parti Socialiste dans cette bataille qui consiste à donner une majorité à François HOLLANDE…

JEAN-MICHEL APATHIE Ca été une surprise quand même qu’elle n’y soit pas hier soir ?

BENOIT HAMON Moi je ne crois pas, je ne trouve pas.

JEAN-MICHEL APATHIE Ah bon !

BENOIT HAMON En tout cas, moi qui connaît à peu près tous les acteurs en place, ça ne me surprend pas, elle pouvait être Premier ministre, elle ne l’est pas, et elle dit assez honnêtement : « je ne suis pas Premier ministre, je considère que je dois laisser le champ libre » et elle laisse le champ libre - ce qui permet d’ailleurs que ce Gouvernement soit un Gouvernement très renouvelé, qui fait de la place à beaucoup de nouvelles personnalités que les Français vont découvrir - et je trouve que c’est un choix honnête et c’est une décision honnête, et qui doit être respectée comme telle.

JEAN-MICHEL APATHIE Ah ! On la respecte mais on essaie de la comprendre. Dans Le Monde daté d’aujourd’hui, Martine AUBRY dit ceci, c’est elle qui parle : « François HOLLANDE a fait un choix politique en ne me nommant pas à Matignon », ça veut dire quoi un choix politique ?

BENOIT HAMON Eh bien il a fait le choix de nommer Jean-Marc AYRAULT, c’était un proche…

JEAN-MICHEL APATHIE C’était deux lignes politiques ?

BENOIT HAMON Non ! Il n’y a pas deux lignes politiques, évidemment pas, on a fait la même campagne…

JEAN-MICHEL APATHIE Alors pourquoi ?

BENOIT HAMON On a fait la même campagne, on fait la même campagne des élections législatives…


JEAN-MICHEL APATHIE Ce n’est pas la même sensibilité !

BENOIT HAMON Mais elle… François HOLLANDE a fait le choix de Jean-Marc AYRAULT qui est quelqu’un qu’il connaît bien, qui est un proche politiquement, qui lui a constitué un Gouvernement dont vous observez qu’il rassemble le Parti Socialiste et au-delà de la Gauche et qui est un Gouvernement paritaire, où il y a de la diversité, où il y a des sensibilités différentes, c’est le choix de François HOLLANDE, à partir du moment où Martine AUBRY n’a pas été choisie, elle considère elle que sa place c’est d’être Première secrétaire du Parti Socialiste et de conduire la campagne des élections législatives au côté du Premier ministre. Voilà ! C’est un choix…

JEAN-MICHEL APATHIE Elle avait choisi d’abandonner sa fonction de Première secrétaire à l’automne…

BENOIT HAMON Si elle avait été ministre ou Premier ministre !

JEAN-MICHEL APATHIE Donc, à votre avis, elle va rester ?

BENOIT HAMON Non ! Oui, pardon, là si elle avait été ministre ou Premier ministre elle a dit qu’elle abandonnerait…

JEAN-MICHEL APATHIE Elle conditionnait ça, je n’avais pas repéré, mais bon… donc elle va rester Première secrétaire, à votre avis ? Il faut qu’elle reste ?

BENOIT HAMON Jusqu’au congrès oui, elle l’a dit…

JEAN-MICHEL APATHIE Et après ?

BENOIT HAMON Eh bien là c’est sa décision…

JEAN-MICHEL APATHIE Après, on…

BENOIT HAMON Je crois qu’elle n’avait pas spécialement envie de continuer au-delà si… mais en tout cas elle a dit qu’elle resterait jusqu’au prochain congrès.

JEAN-MICHEL APATHIE On note beaucoup le renouvellement…

BENOIT HAMON Oui !

JEAN-MICHEL APATHIE Puisque sur l’équipe, Laurent le disait tout à l’heure, 34 ministres, 29 nouveaux ministres, c’est énorme, mais beaucoup d’inexpérience aussi, peut-être des boulettes, peut-être des gaffes ?

BENOIT HAMON Oui ! Non mais ça on… il y en aura peut-être, il y en aura même sans doute, mais en même temps quand il y a un… quand le président américain tout nouveau constitue son cabinet, il n’y a que des nouveaux, on ne se pose pas la question de savoir si ces gens là sont inexpérimentés, c’est quand même une curiosité la France…

JEAN-MICHEL APATHIE On est mieux que les Etats-Unis ?

BENOIT HAMON Non ! Mais qu’il faille avoir perdu 3 élections, avoir été 3 fois ministres pour être jugés aptes à gouverner, eh bien là on va voir qu’il y a des gens qui ont moins de 40 ans qui sont aptes à gouverner, des gens qui ont moins de 50 ans qui sont aptes à gouverner, des nouveaux ministres. Et pourquoi ils sont aptes à gouverner ? Parce qu’ils comprennent la société dans laquelle nous vivons, parce qu’ils vivent dedans et qu’ils ont compris ce qu’étaient les espérances, les attentes et les demandes de nos concitoyens, et c’est ça qu’on demande aujourd’hui, c‘est qu’il y ait des ministres qui travaillent à comprendre ce qui se passe et à répondre aux problèmes concrets, rien de plus. Et en l’occurrence on en a un beau paquet qui nous est laissé, de problèmes concrets qui nous sont laissés par la majorité précédente et je peux vous dire que rien que dans mon domaine, il n’y a qu’à voir la façon dont le secteur associatif a été totalement étranglé pour justifier qu’on crée ces 150.000 emplois d’avenir, qu’on mette le paquet sur l’insertion par l’activité économique et… Voilà ! Voilà autant de sujets sur lesquels, en tout cas moi à partir d’aujourd’hui, je travaillerai.

JEAN-MICHEL APATHIE Vous serez à l’Elysée tout à l’heure pour votre premier conseil des ministres, dans deux heures maintenant, ou…

BENOIT HAMON Oui ! Non, à 15 h, à 15 h.

JEAN-MICHEL APATHIE Ah ! A 15 h, d’accord.

BENOIT HAMON Oui.

JEAN-MICHEL APATHIE Excusez-moi. Ca va vous faire un choix, hein ?

BENOIT HAMON Eh bien c’est… Oui ! C’est surtout émouvant. Moi je… pour être très honnête, je vais penser à mes parents, mes grands-parents, voilà, et à mes enfants, parce que c’est un honneur d’être ministre de la République…

JEAN-MICHEL APATHIE Et s’asseoir à la table du conseil des ministres à l’Elysée, avec en face de soi le président de la République.

BENOIT HAMON Voilà ! Eh bien c’est…

JEAN-MICHEL APATHIE C’est une chose dans une vie ?

BENOIT HAMON Eh bien c’est un immense honneur et je suis très fier que le président de la République et le Premier ministre m’aient confié cette responsabilité, oui.

JEAN-MICHEL APATHIE Et première mesure, on va baisser votre salaire.

BENOIT HAMON Ah oui ! C’est vrai, oui. Mais ça… revenons… parce que d’abord, un, c’est un engagement et c’est normal qu’on s’aligne un petit peu sur ce qui est d’abord était une rémunération qui était confortable et, à mon avis, même baissée elle restera confortable, je vais vous dire ça ne va pas faire des pauvres et des malheureux quand même.

JEAN-MICHEL APATHIE Et alors on apprend que le Gouvernement allemand, lui, va augmenter le salaire de ses ministres, c’est la première fois depuis 12 ans, c’est 6%.

BENOIT HAMON C’est les conservateurs ! Ce sont les conservateurs.

JEAN-MICHEL APATHIE Oui ! Je me disais autre chose…

BENOIT HAMON Mais s’ils augmentent les salaires, s’ils augmentent les salaires des salariés Allemands soit, mais j’attends de voir les accords avec les organisations syndicales allemandes avant de me prononcer sur le bien-fondé de cette décision de Madame MERKEL.

JEAN-MICHEL APATHIE On peut se dire aussi c’est lié aux performances économiques des pays, dans un pays où ça va bien on augmente les ministres, dans un pays où ça va mal on baisse les salaires ?

BENOIT HAMON Oui ! Sauf que, je vous dis, le sujet c’est l’augmentation des salariés Allemands avant d’augmenter les ministres Allemands.

Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 25 mai 2012