Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur le décès de soldats français victimes d'une attaque suicide et sur la présence militaire française en Afghanistan, à Nijrab (Afghanistan) le 11 juin 2012.

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Circonstance : Déplacement en Afghanistan, le 11 juin 2012

Texte intégral

Officiers, sous-officiers,
officiers mariniers, soldats,
C’est avec beaucoup d’émotion que je m’adresse à vous ce matin.
Il était presque huit heures en France, avant-hier, lorsque j’ai appris, par le chef d’état-major des armées et par mon directeur de cabinet, qu’une attaque suicide venait d’emporter la vie de quatre de vos compagnons d’armes, ainsi que celle de deux interprètes afghans, et de blesser cinq autres de vos camarades et plusieurs civils afghans, à quelques kilomètres d’ici.
J’ai immédiatement pensé à Nijrab, à ceux d’entre vous que j’avais rencontrés lors de ma première visite à la FOB, avec le Président de la République. Et je n’ai cessé de me demander si j’avais alors croisé le regard de l’adjudant-chef Serrat, du Maréchal des logis-chef Prudhom, du Maréchal des logis Lumineau ou du Brigadier Marcillian. J’ai pensé à eux. J’ai pensé à vous, j’ai pensé aussi à vos camarades qui ont été blessés et auprès desquels je me suis rendu hier soir.
J’ai pensé à vous parce que vous êtes engagés pour la France, dans l’une des régions les plus difficiles d’Afghanistan. J’ai pensé bien sûr aux familles. A celles et ceux que les autorités civiles et militaires sont allées rencontrer, dès samedi, pour annoncer la mort d’un mari, d’un père, d’un frère, d’un fils. J’ai pensé aussi à toutes vos familles qui, elles aussi, ont vécu des heures difficiles, dans l’attente d’une nouvelle. Et dans ces circonstances, je sais combien la solidarité cimente la communauté militaire, autour des familles autant que sur le théâtre, c’est pourquoi le chef d’état-major des armées et le chef d’état-major de l’armée de terre ont tenu à m’accompagner ce matin.
Je voudrais vous dire aussi que l’émotion a été grande en France. Le Président de la République m’a immédiatement appelé après que nous ayons été prévenus et m’a demandé de me rendre auprès de vous. Dès samedi après-midi, à l’issue d’une commémoration d’un massacre perpétré à Tulle en juin 1944, pendant la seconde guerre mondiale, le Président de la République s’est adressé solennellement à la nation, pour saluer la mémoire des victimes et pour vous apporter, à vous, son soutien. Et vous le savez, un hommage national sera rendu dans la cour des Invalides jeudi. Parce que, lorsqu’on s’en prend à nos militaires, c’est le cœur de la nation qui est meurtri. Et j’ai été frappé de l’ensemble de l’émotion que l’on a pu constater en France : tous les matchs ont eu une minute de silence auparavant samedi, pour eux, pour vous. Il y a vraiment une considération, une solidarité qui s’est manifestée.
C’est pourquoi je suis venu ici vous apporter un message de France. Dans cette épreuve tragique, comme dans le quotidien de vos missions, c’est le pays tout entier qui est rassemblé autour de vous. Votre mission est difficile, vous le savez, nous le savons, votre engagement est exemplaire. La nation est fière de vous. Je dois vous dire que le ministre de la défense est impressionné par votre détermination et votre sang-froid.
Dans la province de Kapisa, dans les opérations de sécurisation que vous menez, opérations dans lesquelles le contact direct des populations est indispensable, vous œuvrez toujours dans l’intérêt de la France.
Vous faites preuve d’un professionnalisme et d’un courage d’acier qui vous honorent, parce qu’ils ne vous ont jamais fait défaut, comme ils n’ont pas fait défaut, samedi, aux soldats du 40ème régiment d’artillerie de Suippes, du GIACM de Lyon, du 16ème bataillon de chasseurs de Bitche et du 13ème régiment du génie de Valdahon.
Nous avions deux objectifs ici, sur ce théâtre : garantir à l’Afghanistan sa souveraineté par la création de forces de sécurité propres, et contenir Al Qaida. Qu’on se le dise, grâce à vous, grâce aux forces de la coalition, grâce au travail exemplaire que vous avez déjà accompli, ces deux objectifs sont en passe d’être atteints. J’ai eu l’occasion de le dire au journal de 20 heures, le soir de l’attaque suicide, et c’est pourquoi, vous méritez le plus profond respect, et ce que je vous dis ici, je le fais au nom du Président de la République et du Gouvernement.
Votre mission continue. L’attaque de samedi ne change pas le sens de votre engagement. Vous en connaissez le risque. Je salue le sang-froid dont vous faites preuve, dont vous avez fait la preuve encore dans les circonstances les plus difficiles. Je veux dire ici, avec force, que votre sécurité est une priorité majeure. Il y a un calendrier, je l’ai dis au chef d’état-major tout à l’heure et il y a la sécurité. La sécurité prime sur le calendrier, qu’on le sache !
Je voulais aussi rappeler ce que le Président de la République a eu l’occasion de vous dire ici. La situation a changé, la mutation se fait, les efforts qui ont été menés permettent de mettre en œuvre la transition dans le district de Surobi et de commencer à le faire dans la province de Kapisa.
Je vais d’ailleurs m’entretenir tout à l’heure avec le Président Karzaï : au-delà de ces régions qui nous concernent, c’est l’ensemble de l’Afghanistan qui est concerné par le processus de transition. Le désengagement des forces de la coalition a déjà commencé et, en ce qui concerne la France, il se poursuivra sur le calendrier indiqué.
Mais, comme l’a annoncé le Président de la République, notre engagement en Afghanistan restera. Nous n’allons pas abandonner la population afghane, nous allons transférer les responsabilités de sécurité aux Afghans eux-mêmes, dans le respect de leur souveraineté, car chaque pays a vocation à avoir sa souveraineté et son intégrité. Nous concentrerons nos actions sur la coopération telle qu’elle a été définie par le traité d’amitié franco-afghan, qui sera soumis à l’Assemblée Nationale dans peu de temps, et nous allons concentrer nos efforts sur la coopération au-delà de 2014. Sur la formation, en y intégrant la formation militaire, sur l’hôpital et sur l’aéroport, dont nous allons avoir la charge. Il s’agit d’œuvrer au développement de l’Afghanistan et de fertiliser sur la durée l’action que nous avons menée, que vous avez menée et vous continuez à mener ici.
Avant de vous rejoindre pour échanger avec vous, je voudrais pour terminer vous redire aux uns et aux autres, à vous tous, officiers, sous-officiers, caporaux chefs, officiers mariniers, caporaux et soldats du groupement tactique interarmes STEEL, et à vous tous, militaires de la Task Force Lafayette, je tiens à vous redire mon admiration et mon soutien total, en mon nom propre, au nom du Gouvernement, et au nom du Président de la République.
Vive la République, vive la France !
Source http://www.defense.gouv.fr, le 13 juin 2012