Déclaration de M. Bernard Cazeneuve, ministre des affaires européennes, sur les relations franco-allemandes et sur la crise économique et financière au sein de l'Union européenne, à Paris le 12 juin 2012.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Entretien suivi d'un point presse avec M. Michael Link, ministre délégué des Affaires étrangères de la République fédérale d’Allemagne, à Paris le 12 juin 2012

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Journalistes,
Je voudrais vous remercier très sincèrement pour votre présence à cette communication que nous faisons à l’instant, avec mon collègue Michael Link, au terme d’une réunion de travail qui fait suite à un premier contact qui avait eu lieu quelques heures après ma prise de fonction à Berlin. Ceci nous avait permis d’avoir un premier échange sur un certain nombre de sujets d’intérêts communs dont celui qui nous occupe aujourd’hui, le 50ème anniversaire du Traité de l’Élysée et les nombreuses manifestations qui s’y attachent.
Nous avons le souhait, Michael Link et moi-même, qui sommes secrétaires généraux de la Coopération franco-allemande, de donner à ces manifestations du 50ème anniversaire un relief qui permette de témoigner de l’attachement que nous avons, lui et moi et nos deux pays à l’approfondissement de nos relations. Ces cérémonies sont l’occasion pour nous d’exercer le travail de mémoire à l’égard de ceux qui ont porté sur les fonts baptismaux les accords de l’Élysée, il y a cinquante ans, en leur donnant les perspectives et l’ampleur que vous savez, mais aussi d’essayer, pour les cinquante années qui viennent, de définir des sujets sur lesquels nous pourrions travailler ensemble.
La réunion que nous avons eu aujourd’hui nous a permis de faire le point sur un certain nombre de sujets sur lesquels nous travaillons et allons encore travailler dans les prochains mois.
Le premier sujet dont nous avons voulu traiter est celui de l’organisation des temps forts qui viendront jalonner les cérémonies de ce jubilé. J’en citerai trois qui ne sont pas exclusifs d’autres événements importants qui pourront se dérouler dans les mois qui viennent. Je veux parler de la réunion qui se tiendra à Reims le 8 juillet prochain et qui sera l’occasion pour les autorités françaises et allemandes de témoigner ensemble de l’importance qu’elles accordent non seulement à la relation entre nos deux pays mais à tout ce qui a pu être fait entre nos deux pays au cours des cinquante dernières années et qui peut présager de ce qui pourra se faire par la suite.
Il y a également les cérémonies de Ludwigsburg qui se tiendront le 22 septembre prochain et puis, il y a celles qui auront lieu à Berlin en janvier prochain et qui permettront de donner une très grande ampleur à l’organisation de ce 50ème anniversaire.
Par-delà l’organisation de ces cérémonies qui nous mobilisent beaucoup, qui justifient une relation quasi quotidienne entre nos collaborateurs et nos Cabinets, nous avons le souhait de profiter des mois qui viennent pour accompagner les collectivités territoriales françaises et allemandes dans l’ensemble des initiatives qu’elles auront pu prendre pour accompagner la volonté de nos deux États de célébrer ce jubilé. Beaucoup de Länders, de régions, de communes, de départements, de territoires ont prévu d’organiser sur des thématiques très différentes (la Jeunesse, l’Éducation, la Recherche, la Technologie, le Développement économique), des manifestations d’ampleur auxquelles d’ailleurs des ministres français et allemands participeront. Ce sont des manifestations que nous avons l’intention de valoriser, d’accompagner et sur lesquelles il nous paraît opportun de communiquer ensemble.
C’est le deuxième sujet dont nous avons parlé avec Michael tout à l’heure.
Le troisième point sur lequel je voudrais insister, c’est la volonté que nous avons de profiter de ce jubilé pour engager de nouvelles perspectives de coopérations et d’approfondissement entre nous. Le président de la République française avait indiqué, il y a de cela quelques semaines, qu’il souhaitait que nous profitions du 50ème anniversaire pour approfondir nos relations et les développer notamment dans le domaine de la jeunesse et de la culture. D’autres sujets peuvent être mis sur notre métier commun, nous souhaitons pouvoir en discuter ensemble.
C’est la raison pour laquelle, afin de donner une perspective ambitieuse aux cinquante années qui s’ouvrent devant nous, nous avons décidé d’approfondir, d’intensifier notre rythme de travail. Nous nous reverrons avec mon collègue au mois de juillet de manière à pouvoir regarder les sujets sur lesquels nous pouvons éventuellement cheminer ensemble et faire des propositions.
Le dernier point sur lequel je voudrais insister, avant de laisser la parole à M. Link, que je remercie encore une fois pour la qualité des relations qui se sont immédiatement nouées entre nous après ma prise de fonction, l’étroitesse de nos échanges, la complicité même, sans vouloir compromettre Michaël, qui peut exister entre nous depuis quelques semaines, c’est que nous souhaitons faire en sorte que tout cela s’intensifie et que nous puissions, notamment sur la question de l’OFAJ qui est un sujet important au cœur de nos préoccupations pour la jeunesse, essayer là aussi de porter l’ambition loin.
Nos relations sont étroites, elles sont régulières, nous entendons faire du secrétariat général de la Coopération franco-allemande un véritable outil d’approfondissement de notre coopération, avec l’organisation d’un séminaire semestriel entre nous. Une fois par semestre, le Cabinet, nos collaborateurs et nous-mêmes nous rencontrerons pour faire en sorte que cette coopération franco-allemande, à travers le secrétariat général que nous exerçons puisse s’approfondir et s’exercer.
Voilà ce que je voulais vous dire, en vous remerciant pour votre présence et en remerciant Michael Link pour sa participation et celle de ses collaborateurs ici à Paris aujourd’hui. Il sait qu’il est ici chez lui, aussi souvent que l’actualité le nécessite, nous nous parlons.
Q - Au cours de votre entretien, avez-vous évoqué la question de la croissance notamment en Europe et des moyens qu’il fallait retenir ? Dans les séminaires que vous organiserez, cette question sera-t-elle au centre des discussions ?
R - Je confirme que nous nous sommes consacrés entièrement ce matin à préparer le 50ème anniversaire du Traité de l’Élysée. Je confirme en même temps que la question de la croissance est constamment au cœur de nos échanges. Soit que nous abordions ces sujets de façon informelle, soit que l’occasion nous soit donnée de le faire de façon plus formelle, à l’instar de ce qui s’est passé d’ailleurs hier au Danemark où nous avons échangé avec nos collègues, les ministres des Affaires européennes sur les perspectives budgétaires 2014 - 2020 qui ne sont pas sans lien avec les questions de la croissance. Nous nous sommes entretenus informellement de ces sujets avec mon collègue hier après-midi.
La position française est connue de nos amis allemands, nous connaissons la position allemande. Et nous nous parlons en continu. Rien ne se construit dans l’Union européenne sans ce processus itératif de discussions, d’échanges et de confrontations. C’est assez normal, c’est assez consubstantiel au fonctionnement de l’Union européenne. Lorsque la crise est là, l’échange doit être plus intense qu’à l’accoutumée et il l’est.
Nous sommes d’accord sur le fait que la croissance est l’un des enjeux essentiels dans les mois qui viennent et nous sommes d’accord pour dire que la question de la croissance sur laquelle nous travaillons ensemble ne doit pas nous affranchir des disciplines budgétaires. Nous sommes d’accord sur la nécessité d’avancer de concert sur ces deux volets.
Sur le contenu que nous donnons à la croissance, le débat se poursuit, sur les instruments dont nous devons nous doter également. Il se poursuit dans un contexte encore une fois assez simple, nous avons des divergences, nous les exprimons. Nous avons le souhait de faire en sorte que l’Union européenne surmonte la crise et nous savons que pour cela, il faut des compromis. Nous savons que pour construire des compromis, il faut se parler.
Les choses se passent donc comme elles doivent se passer dans un contexte de crise et lorsque des grands pays désirent ensemble surmonter la crise pour réussir.
Q - Je ne sais pas si vous avez évoqué le débat en parallèle sur l’Union fiscale (sic) qui est soutenue par l’Allemagne. Quelle est la position de la France à ce sujet et allez-vous soumettre un texte écrit au Conseil européen ?
R - Je vais m’en tenir à des considérations générales puisque nous sommes dans une phase d’élaboration de nos positions. Ce que nous disons, c’est que nous sommes très désireux de poursuivre la discussion politique sur ce qui relève de processus d’intégration plus importants de nos politiques économiques et monétaires. Nous croyons, comme nos amis allemands à la construction de l’Europe politique. C’est là une orientation que nous partageons.
En même temps, tout ce qui procède des dispositifs d’harmonisation et d’intégration ne peut pas constituer la réponse à l’urgence de la crise à laquelle nous sommes confrontés. Nous continuons à dire qu’il faut, face à l’ampleur de la crise, des solutions urgentes pour la croissance. Nous essayons de les bâtir ensemble. Si ces solutions urgentes que nous essayons de construire pour la croissance et qui permettent de répondre immédiatement à la profondeur de la crise à laquelle l’Union européenne se trouve confrontée permettent de catalyser des processus d’intégration politique plus importants, bien entendu, nous y sommes ouverts.
Nous considérons que les deux sujets doivent être traités de façon parallèle. IL n’y aura pas d’intégration politique si nous ne réussissons pas à surmonter la crise économique et financière et nous ne parviendrons pas à surmonter la crise économique et financière en nous dotant d’outils pertinents si nous n’avons pas un processus supplémentaire d’intégration. Il n’y a pas, sur ces sujets, de débat théologique à avoir. Nous sommes, Allemands et Français, malgré nos divergences dans une approche très pragmatique.
Q - Que signifie le terme d’Union politique pour vous ? C’est un concept vague que l’on manipule aisément.
R - J’ai assez peu de choses à ajouter à ce que vient de dire M. Link. Votre question est extrêmement subtile puisqu’elle nous conduirait, si nous y répondions totalement à vous donner le relevé de décisions de la réunion du 28 et du 29 qui n’a pas encore eu lieu. Vous comprendrez par conséquent que notre réponse ne puisse que vous laisser dans un sentiment d’insatisfaction, mais c’est assez consubstantiel, là-aussi, à la manière dont nous fonctionnons, dont nous travaillons. Je pense que ni Michael ni moi n’avons vocation à vous donner aujourd’hui l’issue des discussions en cours.
En revanche, ce que nous pouvons dire ensemble, c’est que le processus d’union monétaire dont vous parlez est un processus que nous construisons ensemble jour après jour. J’en veux pour preuve, d’ailleurs, la décision prise par l’ensemble des pays de l’Union européenne concernant l’Espagne et qui témoigne de la capacité que nous avons ensemble, sur des sujets qui sont d’une extrême actualité, d’une grande acuité, à apporter des réponses techniques qui relèvent d’ailleurs de processus d’intégration plus poussés et qui permettent de faire en sorte que la crise monétaire et financière ne se propage pas.
Nous l’avons fait dans une relation entre les pays de l’Union européenne tout à fait excellente, avec une rapidité réelle et une efficacité opérationnelle incontestée.
Nous allons poursuivre ces discussions pour savoir jusqu’où nous pouvons aller, quels sont les outils dont nous acceptons de nous doter pour optimiser l’efficacité. Et si l’optimisation de l’efficacité justifie un processus d’intégration supplémentaire, l’optimisation de l’efficacité pour la croissance réelle, concrète, pour le redressement de l’Union européenne, je vous confirme que nous saurons nous engager ensemble dans cette même voie.
Nous souhaitons le redressement de l’Union européenne par des mesures très concrètes en faveur de la croissance sur lesquelles le président de la République s’est exprimé et qui sont des sujets de discussion entre nous, comme d’ailleurs les propositions de Mme la chancelière. Et vous pouvez constater que dans un climat excellent, détendu et amical, nous poursuivons le cheminement de nos conversations et de nos échanges.
Q - (inaudible)
R - Je vous remercie, vous posez tous des questions extrêmement faciles, sympathiques et de nature à nous mettre à l’aise. J’y suis extrêmement sensible et ce, d’autant plus, que prenant juste mes fonctions, je n’attendais pas moins de mansuétude venant de vous.
Cette question ne me gêne pas puisque nous y avons déjà répondu ensemble à Berlin il y a quelques jours. Les nominations au sein de structures de cette importance reposent sur des discussions globales qui intègrent non seulement la question que vous évoquez mais bien d’autres sujets sur lesquels les négociations sont engagées. C’est dans l’examen de l’ensemble de ces questions que l’on trouve la bonne décision et la position juste. C’est ce que nous saurons faire. Cette question s’examine à travers un ensemble d’autres sujets sur lesquels nous sommes en discussion et sur lesquelles nous pouvons trouver un accord. On ne peut pas isoler cette question de toutes les autres, ce sur quoi également nous sommes d’accord.
Q - (inaudible)
R - Je ne connais que le plan A. C’est la mobilisation de tous les pays de l’Union pour maintenir la Grèce dans la zone euro qui compte.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 juin 2012