Texte intégral
Q - On parle dabord de la situation en Syrie, tout ce qui nous est rapporté de ce pays décrit un épouvantable bain de sang, une répression impitoyable contre les insurgés et les populations civiles, y compris les enfants. Pourquoi avoir choisi de parler, comme vous venez de le faire, de guerre civile en Syrie ?
R - On peut discuter le terme ! Mais la réalité, comme vous venez de le dire, ce sont des horreurs abominables et les meurtres denfants, lutilisation denfants torturés, violés pour protéger lentrée des militaires dans des villes. Cest quelque chose dencore plus abominable, et donc un moment vient où il faut non seulement hausser le ton mais prendre des dispositions nouvelles. Nous proposons des sanctions nouvelles - qui nont pas encore été prises - et qui vont être discutées la semaine prochaine. Nous proposons que le plan de Kofi Annan, qui est un plan dinterruption des attaques, prenne force obligatoire par la mise sous ce quon appelle sous chapitre 7 de lONU.
Q - Alors on va en reparler ! Est-ce que, comme Amnesty International, on vous a rapporté des exactions qui relèvent de crimes contre lhumanité ?
R - Oui. Jai les mêmes échos exactement, malheureusement.
Q - Cest-à-dire le fait que des soldats Syriens aient traîné des civils hors de chez eux, y compris des enfants, pour les tuer, pour les assassiner ?
R - Jai exactement les mêmes informations tragiques que vous.
Q - Ca pourrait déboucher sur quoi, une saine de la CPI ?
R - Oui ! Ca peut déboucher sur une saisine de la CPI, de la Cour pénale internationale. Alors je ne vais pas rentrer dans le juridisme, il est difficile de saisir la Cour pénale internationale, car, ou bien cest lÉtat concerné, la Syrie - qui ne va pas le faire - ou bien on dit : «cest le Secrétaire général des Nations unies», mais en fait il na pas le droit de le faire. Mais nentrons pas dans ce détail juridique, il faut à la fois accumuler le maximum déléments - et malheureusement ils sont très nombreux en ce sens - et puis avoir en perspective, comme cela a existé pour dautres dictateurs - on pense à Charles Taylor récemment -, que ceux qui mènent ces exactions doivent le moment venu répondre de leurs crimes.
Q - Guerre civile, disiez-vous, on peut en discuter le terme. Certains vous ont reproché cette expression parce quelle semble mettre sur le même plan les victimes et les bourreaux ?
R - Oui ! Cest pour cela que je disais que lon peut évidemment discuter dun point de vue juridique. Mais quelle est la réalité et quest-ce que jai voulu dire ? Jai voulu dire quil y a un régime, jai dit un régime dassassins et de prébendiers, qui en fait a mis le pays en coupe réglée, qui refuse de céder son pouvoir. Sajoutent à cela évidemment des oppositions religieuses et des oppositions ethniques et, en tout cas, il y a ce risque de guerre civile qui est là très présent en Syrie, et qui risque de sétendre au Liban et dans les pays voisins.
Q - Sur le plan diplomatique, vous venez de citer donc le chapitre 7 de la Charte de lONU qui ouvre la voie à un éventuel usage de la force. Loption militaire cest du sérieux, Laurent Fabius ?
R - Ce sont deux choses différentes. Le chapitre 7 - et là encore on ne va pas faire de cours de droit - cest une décision qui est rendue obligatoire, cela ne veut pas dire une intervention militaire, mais cela pourrait vouloir dire que, pour appliquer le plan Annan, il y a le possible recours à la force. Nous discutons actuellement, parce quen même temps quil faut monter la pression, il y a des discussions - et nous avons des discussions avec les Russes, Hillary Clinton a également des discussions avec les Russes - et puis nous sommes en contact avec lopposition, que ce soit lopposition de lintérieur ou lopposition de lextérieur. Et le 6 juillet dailleurs, à Paris, nous allons réunir une Conférence des Amis de la Syrie où nous avons invité plus de 150 États ou organisations. Bref, il y a une convergence. Mais ce qui est dramatique - et même je dirais effrayant - cest quévidemment il y a les discussions, il y a les avancées, mais sur le terrain on continue à massacrer une centaine de personnes chaque jour.
Q - Analyse du journal Le Monde hier, sous la plume de Nathalie Nougayrède : «lemploi de la force en Syrie nest pas une menace crédible». Est-ce que vous diriez cela, Laurent Fabius ?
R - Tout dépend de ce quon appelle lemploi de la force. Sil sagit denvoyer des militaires dans une guerre, évidemment cest extraordinairement difficile. En revanche, sil faut dégager des couloirs humanitaires, le cas échéant avoir un certain nombre dopérations aériennes, cest différent.
Mais pour le moment nous avons une double stratégie, qui consiste à la fois à monter la pression - les sanctions, etc. - et, en même temps, à continuer la discussion, notamment avec les Russes, puisquils jouent un rôle déclencheur. Nous aurons des discussions dailleurs à Los Cabos, au Mexique, lundi sur ce point et il y a en perspective - je ne sais pas si nous allons y arriver - la possibilité à Genève, le 30 juin, dune Conférence dans une disposition voisine du Conseil de sécurité mais sans les mêmes contraintes que le Conseil de sécurité ; et puis la réunion du 6 juillet. Donc, nous sommes très, très actifs avec dautres et, en même temps, pour le moment les massacres malheureusement continuent.
Q - Faute dintervention, faudrait-il livrer des armes aux insurgés ?
R - Ayons une réponse simple ! Lorsquil y a un conflit grave comme celui-là, la logique consiste à ne pas lalimenter en armes, sinon on augmente encore les risques et la mort.
Q - Mais la Russie sen charge !
R - Mais, en même temps, il y a des États, des groupes, qui alimentent en armes et donc à la fois il y a lidéal et puis la réalité, si on ne se voile pas la face, cest quil y a des gens, des groupes, qui alimentent en armes. Pour nous la France, en tout cas, nous ne livrons pas darmes et nous veillons à ce que les armes que nous pouvons vendre - parce que la France vend des armes - ne soient pas réutilisées dans ce conflit. Si nous avions des témoignages qui len est autrement, nous réagirions immédiatement.
Q - Plus précisément, pendant que la Russie livre des armes au régime syrien, la France continue de vendre des armes à la Russie. Ce nest pas un problème, Laurent Fabius ?
R - Ce serait évidemment un immense problème si ces armes étaient utilisées dans le conflit syrien, tel nest pas le cas
Q - Vous en êtes sûr ?
R - En tout cas, jai demandé que toutes les vérifications soient faites. Et, sil y avait des indications en ce sens, nous réagirions immédiatement.
Q - Si Bachar Al-Assad finit par tomber, qui le remplacera ?
R - Eh bien cest ce dont nous discutons ! Parce que la discussion porte là dessus, il faut être très concret, Bachar El Assad est un tyran, plus vite il sera dégagé, mieux ce sera, nous sommes clairs et nets. En même temps, un pouvoir doit avoir un successeur et, donc, il y a des discussions très précises et très difficiles pour quà la fois lopposition trouve sa pleine place et, en même temps, on comprend bien que dans un régime comme celui-ci on ne passe pas de M. Bachar Al-Assad à une opposition démocratique pure et parfaite en un jour. Il y a donc des différents groupes qui doivent être réunis, qui doivent être rassemblés, qui doivent être représentés et la discussion à la fois des Américains, des Russes, de nous-mêmes et de quelques autres porte là-dessus.
Q - Je voudrais quon évoque la relation France-Allemagne. ( )
R - Le président de la République, le Premier ministre et moi-même avons reçu trois dirigeants du SPD dans le cadre de conversations régulières et il ny a aucune atteinte au couple franco-allemand.
Après cette audience, il y a eu en Allemagne une réunion entre Angela Merkel et son parti, et le SPD, et ils ont décidé dun commun accord, après cette rencontre, dun calendrier pour examiner le Pacte de stabilité. Donc, non, il ny aucune difficulté venant de là.
Pour ce qui concerne la relation franco-allemande, je tiens à dire que cest une relation qui est à la fois une évidence et une nécessité. Une évidence pourquoi ? Parce que nous sommes lun et lautre les premiers partenaires. Une nécessité parce que, pour lEurope avance, il faut que nous nous mettions daccord. Cela ne suffit pas ! Parce quil faut que cette relation soit égale et il faut quelle ne soit pas exclusive, lEurope ce nest pas simplement le franco-allemand. Hier, nous étions en Italie, notre deuxième partenaire au monde, avec lequel nous avons des relations excellentes et même exceptionnelles. Lautre jour, nous recevions nos amis espagnols. Mais, il est vrai que le franco-allemand est tout à fait décisif. Alors il peut y avoir sur tel ou tel point des différences dapproche mais jespère que, dans les jours qui viennent, nous allons réduire tout cela.
Q - Donc, une solution à la crise passe par un accord entre Paris et Berlin, toujours ?
R - Notamment ! Puisquon agit par consensus.
Q - Notamment mais pas seulement ?
R - Eh bien il faut que lensemble soit daccord, on agit par consensus.
Q - Oui ! Mais
R - Je vais vous donner un exemple. Hier, nous étions en Italie, lItalie est un pays dont le budget est équilibré, et même suréquilibré. M. Monti, qui est un homme de grande qualité, a pris toute une série de décisions extraordinairement difficiles après lépoque Berlusconi, ce qui fait quil y a eu des réactions - y compris dans la population - qui sont dures, quand vous baissez toute une série de prestations, etc. Il correspond donc aux canons, si lon peut dire, de léconomie tels que certains la souhaite, mais il écoute sa radio le matin et il entend que les taux dintérêt passent de 5,5 à 6,5 % et Mario Monti, qui est un Européen convaincu, dit : «mais quest-ce que vous voulez que je fasse par rapport à ça» - et cest la même chose avec les Espagnols. Cest donc là-dessus que nous travaillons : il faut bien sûr quil y ait du sérieux budgétaire - y compris en France. Il faut en même temps quil y ait de la croissance, et il faut quil y ait des mécanismes de stabilité, et ce sur quoi nous travaillons en ce moment, cest la dimension croissance et stabilité.
Q - En 2005, vous vous êtes opposé au Traité européen, pensez-vous que la position de lépoque soit un avantage ou un inconvénient pour la diplomatie de la France actuellement ?
R - Cest surtout un avantage. Pourquoi ? Vous me direz, les choses sont derrière nous. En ce qui concerne François Hollande, Jean-Marc Ayrault ou moi-même, nous sommes désormais sur une position unique. Je pense que cest un avantage quà la fois des personnes qui avaient voté «oui» et dautres qui avaient voté «non» se soient mis daccord sur une certaine vision de lEurope et quelles travaillent maintenant complètement ensemble.
Je voudrais aller un peu plus loin. À lépoque, vous vous souvenez que le «non» lavait emporté, et le «non» que javais défendu avec bon nombre dautres personnes était un «oui» pour une autre Europe. Cétait tout à fait clair, même si cela na pas toujours été compris ainsi. Nous disions à lépoque que lEurope, la construction européenne ne pouvaient pas se résumer à - rappelez-vous cette expression - «la concurrence libre et non faussée.» Nous disions que ce nétait pas possible davoir une Europe qui soit dictée par la règle de lunanimité alors quil faut de plus en plus que lon vote à la majorité. Nous disions quil fallait que la Banque centrale puisse intervenir de façon plus souple que ce quelle faisait, et ce quelle a fait depuis.
Le débat est derrière nous. Nous nous sommes rassemblés, nous avons vu les évolutions et nous portons aujourdhui, tous ensemble, au nom de la France, une vision dune Europe qui soit plus forte vers la croissance, plus stabilisée - on en a absolument besoin - et qui permette de repartir de lavant. Ce qui est dramatique, cest que les Américains essaient de faire ce quils peuvent pour faire repartir léconomie. Les émergents eux-mêmes ont des difficultés, mais le continent qui est en grave difficulté aujourdhui, cest lEurope. Cela fait un peu plus de deux années et demie que la crise existe et quelle nest pas résorbée. On a toujours agi trop peu, trop tard.
Maintenant, ce que nous voulons faire avec nos partenaires, cest redonner une perspective, aller de lavant et faire en sorte que lEurope cesse dêtre l«homme malade» du monde.
Q - Comment tolérer aujourdhui quil ny ait pas une rupture des relations diplomatiques avec la Syrie, une fermeture de lambassade, comment accepter la présence de lentreprise russe Rosoboronexport qui vend des armes ? Pourquoi ne pas penser à des mesures de rétorsions contre les économies russes et chinoises ?
R - Concernant les ventes darmes, jai dit tout à lheure que notre position était extrêmement ferme et claire en ce qui concerne la France. Nous ne vendons pas darmes qui, directement ou indirectement, puissent être utilisées en Syrie. Je regrette comme vous quil y ait un certain nombre de puissances qui alimentent la Syrie en vente darmes mais, évidemment, nous ne pouvons décider que pour la France.
Concernant lambassade, nous avons décidé lexpulsion de lambassadrice. Maintenant, il y a un problème - vous me direz que cest du droit mais le droit existe aussi. En effet, cette ambassadrice est en même temps la représentante de son pays à lUNESCO. Il y a un privilège international lorsquune Organisation internationale, en loccurrence lUNESCO, a son siège dans un pays. Elle est expulsée au titre dambassadeur syrienne mais nous ne pouvons pas la faire partir de France manu militari, si je puis dire.
En tout cas et cest une évidence, je vous rassure, nous navons aucun contact daucune sorte avec elle et il nest pas question que nous en ayons.
Concernant votre troisième question, il est évident que nous avons dénoncé, nous continuons de dénoncer lattitude de ceux qui, au Conseil de sécurité, refusent davancer et il y a bien sûr la chine et la Russie. En même temps, se lancer dans une politique de sanctions ou de boycott vis-à-vis de la Chine, cela naurait pas grande portée. Je partage tout à fait votre indignation, moi qui suis venu aux convictions qui sont les miennes par le soutien aux droits de lHomme, je partage totalement votre indignation. Mais, en même temps, ce que je souhaite et ce que nous souhaitons tous, cest dêtre efficaces. Donc, nous renforçons les sanctions et la semaine prochaine, le 25 juin, à linitiative de la France, de nouvelles sanctions seront prises. Je réaffirme ici que M. Bachar Al-Assad est un assassin et que nous ferons tout pour quil quitte le plus rapidement possible le pouvoir.
Q - Tout à lheure, vous avez évoqué une réunion, une conférence possible des grandes puissances le 30 juin à Genève, est-ce distinct du Groupe de contact que constitue Kofi Annan ?
R - Non, cest la même chose. Il ne faut pas se perdre dans les appellations mais il y a des discussions, des négociations entre les Russes, les Américains, nous-mêmes, Kofi Annan et quelques autres pour parvenir à trouver une solution.
Concrètement, quest-ce que cela veut dire ? Je pense que les Russes eux-mêmes ne sont pas aujourdhui attachés à la personne de Bachar Al-Assad. Ils voient bien que cest un tyran, un assassin et queux-mêmes, en senchaînant à ce dictateur, vont saffaiblir. Ce à quoi ils sont sensibles, ils nous le disent, cest, en admettant que Bachar Al-Assad soit chassé du pouvoir, qui prendrait la place. La discussion porte là-dessus en fait et cest une discussion qui nest pas cynique, elle est réelle. Il y a lopposition, bien sûr, encore faut-il distinguer quels vont être les responsables de lopposition. Et puis, il y aura probablement, même si cela est déplorable, un certain nombre de gens qui ont appartenu quand même aux anciennes équipes et qui ne sont pas en première ligne.
Q - On comprend bien lidée autour de laquelle tout le monde, les Russes compris, tournent aujourdhui : remplacer Bachar Al-Assad par un autre homme du régime.
R - Non, pas par un autre homme du régime, par une alternative qui comportera essentiellement des membres de lopposition et aussi une transition.
Q - Oui daccord, cest-à-dire la solution de type yéménite. Dans un premier temps, on cède le pouvoir à un autre homme du régime qui est chargé dorganiser la transition. Nest-ce pas ?
R - Mais il nest pas certain que cela fonctionne.
Q - Justement, cest bien lobjet de ma question.
R - Nous voulons une solution. La priorité absolue, cest que Bachar Al-Assad sen aille. Comparaison nest pas raison, au Yémen, cétait autre chose ; cest un pays beaucoup plus petit soutenu seulement par lArabie Saoudite. Cest très différent.
Q - Et en Syrie, quelle est lidée si ce nest pas un autre homme du régime ?
R - Lautre idée, cest quil y ait une victoire claire et nette de lopposition sur le terrain mais, évidemment, cela passe par des combats extrêmement durs et extrêmement violents.
Q - Ils ne gagneront pas tout seul ?
R - Non, bien sûr et cest pourquoi il y a à la fois la démarche de Kofi Annan et il est envisagé aussi - les Américains lont fait, peut-être le ferons-nous - de donner non pas des armes mais des moyens de communication supplémentaires. Une révolte de plus en plus forte se développe aussi dans la population. Les indications que nous avons montrent que des groupes entiers, très importants, de la population qui au départ nétaient pas nécessairement hostiles à Bachar Al-Assad le deviennent maintenant comme par exemple à Alep.
Q - Dans lopposition aujourdhui, il ny a aucun courant politique qui lemporte clairement sur les autres. Il y a une très grande confusion.
R - Cest en effet hétérogène.
Q - Comment peut-on parvenir à dégager une personnalité consensuelle dans cette précipitation chimique de lopposition ?
R - Vous avez vu que le président de ce groupe a changé, cest un Kurde qui a été élu. Il y a dautre part des réunions qui ont lieu en Turquie et dans dautres pays pour tenter de faire accoucher une solution. Nous aurons aussi cette Conférence des Amis de la Syrie du 6 juillet qui, nous lespérons, devrait permettre de faire un pas supplémentaire en ce sens.
Q - Que comptez-vous faire pour lever le blocus de la Bande de Gaza ? Dune façon générale, que comptez-vous faire pour redonner au peuple palestinien qui malgré tout le mérite et dont il est privé actuellement, sa liberté et sa dignité ?
R - Nos positions là-dessus sont extrêmement claires et conformes au droit international. Nous pensons que le peuple palestinien a droit à un État. En même temps, il est évident quIsraël doit voir sa sécurité garantie. Nous condamnons ce qui est à la fois colonisation et blocus. Jai eu lautre jour loccasion de recevoir Mahmoud Abbas, le président de lAutorité palestinienne. Javais reçu la veille le conseiller sécurité du Premier ministre israélien de M. Netanyahou. Nous avons dit les choses de façon très nette en particulier sur la question de la colonisation.
Je voudrais aller un peu plus loin, si vous le permettez. M. Netanyahou dispose aujourdhui dune majorité extrêmement forte puisquil a élargi sa majorité politique à la Kadima. Cest donc lhomme fort de la situation israélienne. En même temps, il y a tout ce qui se passe autour des Printemps arabes et jusquà présent, heureusement, les Printemps arabes nont pas pris Israël comme bouc émissaire. Mais, à moyen terme et surtout si les difficultés augmentent, il est à redouter quune partie de lhostilité ou de la difficulté du monde arabe se tourne contre Israël.
Lun des arguments que je développe auprès du gouvernement israélien, cest quà la fois par souci de justice vis-à-vis des Palestiniens, et aussi de sécurité dIsraël vis-à-vis delle-même, il est nécessaire quil y ait un mouvement sur le conflit israélo-palestinien. Il est nécessaire que lon ne poursuive pas la colonisation, que lon trouve des solutions et que des discussions aient lieu. Il y a une volonté de négociation, jespère quelle est partagée. En tout cas, la France pousse à des négociations sur ce conflit dont on parle peut-être moins aujourdhui mais qui est lun des conflits fondateurs, si je puis dire, de tout une série de tensions dans le monde.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 juin 2012
R - On peut discuter le terme ! Mais la réalité, comme vous venez de le dire, ce sont des horreurs abominables et les meurtres denfants, lutilisation denfants torturés, violés pour protéger lentrée des militaires dans des villes. Cest quelque chose dencore plus abominable, et donc un moment vient où il faut non seulement hausser le ton mais prendre des dispositions nouvelles. Nous proposons des sanctions nouvelles - qui nont pas encore été prises - et qui vont être discutées la semaine prochaine. Nous proposons que le plan de Kofi Annan, qui est un plan dinterruption des attaques, prenne force obligatoire par la mise sous ce quon appelle sous chapitre 7 de lONU.
Q - Alors on va en reparler ! Est-ce que, comme Amnesty International, on vous a rapporté des exactions qui relèvent de crimes contre lhumanité ?
R - Oui. Jai les mêmes échos exactement, malheureusement.
Q - Cest-à-dire le fait que des soldats Syriens aient traîné des civils hors de chez eux, y compris des enfants, pour les tuer, pour les assassiner ?
R - Jai exactement les mêmes informations tragiques que vous.
Q - Ca pourrait déboucher sur quoi, une saine de la CPI ?
R - Oui ! Ca peut déboucher sur une saisine de la CPI, de la Cour pénale internationale. Alors je ne vais pas rentrer dans le juridisme, il est difficile de saisir la Cour pénale internationale, car, ou bien cest lÉtat concerné, la Syrie - qui ne va pas le faire - ou bien on dit : «cest le Secrétaire général des Nations unies», mais en fait il na pas le droit de le faire. Mais nentrons pas dans ce détail juridique, il faut à la fois accumuler le maximum déléments - et malheureusement ils sont très nombreux en ce sens - et puis avoir en perspective, comme cela a existé pour dautres dictateurs - on pense à Charles Taylor récemment -, que ceux qui mènent ces exactions doivent le moment venu répondre de leurs crimes.
Q - Guerre civile, disiez-vous, on peut en discuter le terme. Certains vous ont reproché cette expression parce quelle semble mettre sur le même plan les victimes et les bourreaux ?
R - Oui ! Cest pour cela que je disais que lon peut évidemment discuter dun point de vue juridique. Mais quelle est la réalité et quest-ce que jai voulu dire ? Jai voulu dire quil y a un régime, jai dit un régime dassassins et de prébendiers, qui en fait a mis le pays en coupe réglée, qui refuse de céder son pouvoir. Sajoutent à cela évidemment des oppositions religieuses et des oppositions ethniques et, en tout cas, il y a ce risque de guerre civile qui est là très présent en Syrie, et qui risque de sétendre au Liban et dans les pays voisins.
Q - Sur le plan diplomatique, vous venez de citer donc le chapitre 7 de la Charte de lONU qui ouvre la voie à un éventuel usage de la force. Loption militaire cest du sérieux, Laurent Fabius ?
R - Ce sont deux choses différentes. Le chapitre 7 - et là encore on ne va pas faire de cours de droit - cest une décision qui est rendue obligatoire, cela ne veut pas dire une intervention militaire, mais cela pourrait vouloir dire que, pour appliquer le plan Annan, il y a le possible recours à la force. Nous discutons actuellement, parce quen même temps quil faut monter la pression, il y a des discussions - et nous avons des discussions avec les Russes, Hillary Clinton a également des discussions avec les Russes - et puis nous sommes en contact avec lopposition, que ce soit lopposition de lintérieur ou lopposition de lextérieur. Et le 6 juillet dailleurs, à Paris, nous allons réunir une Conférence des Amis de la Syrie où nous avons invité plus de 150 États ou organisations. Bref, il y a une convergence. Mais ce qui est dramatique - et même je dirais effrayant - cest quévidemment il y a les discussions, il y a les avancées, mais sur le terrain on continue à massacrer une centaine de personnes chaque jour.
Q - Analyse du journal Le Monde hier, sous la plume de Nathalie Nougayrède : «lemploi de la force en Syrie nest pas une menace crédible». Est-ce que vous diriez cela, Laurent Fabius ?
R - Tout dépend de ce quon appelle lemploi de la force. Sil sagit denvoyer des militaires dans une guerre, évidemment cest extraordinairement difficile. En revanche, sil faut dégager des couloirs humanitaires, le cas échéant avoir un certain nombre dopérations aériennes, cest différent.
Mais pour le moment nous avons une double stratégie, qui consiste à la fois à monter la pression - les sanctions, etc. - et, en même temps, à continuer la discussion, notamment avec les Russes, puisquils jouent un rôle déclencheur. Nous aurons des discussions dailleurs à Los Cabos, au Mexique, lundi sur ce point et il y a en perspective - je ne sais pas si nous allons y arriver - la possibilité à Genève, le 30 juin, dune Conférence dans une disposition voisine du Conseil de sécurité mais sans les mêmes contraintes que le Conseil de sécurité ; et puis la réunion du 6 juillet. Donc, nous sommes très, très actifs avec dautres et, en même temps, pour le moment les massacres malheureusement continuent.
Q - Faute dintervention, faudrait-il livrer des armes aux insurgés ?
R - Ayons une réponse simple ! Lorsquil y a un conflit grave comme celui-là, la logique consiste à ne pas lalimenter en armes, sinon on augmente encore les risques et la mort.
Q - Mais la Russie sen charge !
R - Mais, en même temps, il y a des États, des groupes, qui alimentent en armes et donc à la fois il y a lidéal et puis la réalité, si on ne se voile pas la face, cest quil y a des gens, des groupes, qui alimentent en armes. Pour nous la France, en tout cas, nous ne livrons pas darmes et nous veillons à ce que les armes que nous pouvons vendre - parce que la France vend des armes - ne soient pas réutilisées dans ce conflit. Si nous avions des témoignages qui len est autrement, nous réagirions immédiatement.
Q - Plus précisément, pendant que la Russie livre des armes au régime syrien, la France continue de vendre des armes à la Russie. Ce nest pas un problème, Laurent Fabius ?
R - Ce serait évidemment un immense problème si ces armes étaient utilisées dans le conflit syrien, tel nest pas le cas
Q - Vous en êtes sûr ?
R - En tout cas, jai demandé que toutes les vérifications soient faites. Et, sil y avait des indications en ce sens, nous réagirions immédiatement.
Q - Si Bachar Al-Assad finit par tomber, qui le remplacera ?
R - Eh bien cest ce dont nous discutons ! Parce que la discussion porte là dessus, il faut être très concret, Bachar El Assad est un tyran, plus vite il sera dégagé, mieux ce sera, nous sommes clairs et nets. En même temps, un pouvoir doit avoir un successeur et, donc, il y a des discussions très précises et très difficiles pour quà la fois lopposition trouve sa pleine place et, en même temps, on comprend bien que dans un régime comme celui-ci on ne passe pas de M. Bachar Al-Assad à une opposition démocratique pure et parfaite en un jour. Il y a donc des différents groupes qui doivent être réunis, qui doivent être rassemblés, qui doivent être représentés et la discussion à la fois des Américains, des Russes, de nous-mêmes et de quelques autres porte là-dessus.
Q - Je voudrais quon évoque la relation France-Allemagne. ( )
R - Le président de la République, le Premier ministre et moi-même avons reçu trois dirigeants du SPD dans le cadre de conversations régulières et il ny a aucune atteinte au couple franco-allemand.
Après cette audience, il y a eu en Allemagne une réunion entre Angela Merkel et son parti, et le SPD, et ils ont décidé dun commun accord, après cette rencontre, dun calendrier pour examiner le Pacte de stabilité. Donc, non, il ny aucune difficulté venant de là.
Pour ce qui concerne la relation franco-allemande, je tiens à dire que cest une relation qui est à la fois une évidence et une nécessité. Une évidence pourquoi ? Parce que nous sommes lun et lautre les premiers partenaires. Une nécessité parce que, pour lEurope avance, il faut que nous nous mettions daccord. Cela ne suffit pas ! Parce quil faut que cette relation soit égale et il faut quelle ne soit pas exclusive, lEurope ce nest pas simplement le franco-allemand. Hier, nous étions en Italie, notre deuxième partenaire au monde, avec lequel nous avons des relations excellentes et même exceptionnelles. Lautre jour, nous recevions nos amis espagnols. Mais, il est vrai que le franco-allemand est tout à fait décisif. Alors il peut y avoir sur tel ou tel point des différences dapproche mais jespère que, dans les jours qui viennent, nous allons réduire tout cela.
Q - Donc, une solution à la crise passe par un accord entre Paris et Berlin, toujours ?
R - Notamment ! Puisquon agit par consensus.
Q - Notamment mais pas seulement ?
R - Eh bien il faut que lensemble soit daccord, on agit par consensus.
Q - Oui ! Mais
R - Je vais vous donner un exemple. Hier, nous étions en Italie, lItalie est un pays dont le budget est équilibré, et même suréquilibré. M. Monti, qui est un homme de grande qualité, a pris toute une série de décisions extraordinairement difficiles après lépoque Berlusconi, ce qui fait quil y a eu des réactions - y compris dans la population - qui sont dures, quand vous baissez toute une série de prestations, etc. Il correspond donc aux canons, si lon peut dire, de léconomie tels que certains la souhaite, mais il écoute sa radio le matin et il entend que les taux dintérêt passent de 5,5 à 6,5 % et Mario Monti, qui est un Européen convaincu, dit : «mais quest-ce que vous voulez que je fasse par rapport à ça» - et cest la même chose avec les Espagnols. Cest donc là-dessus que nous travaillons : il faut bien sûr quil y ait du sérieux budgétaire - y compris en France. Il faut en même temps quil y ait de la croissance, et il faut quil y ait des mécanismes de stabilité, et ce sur quoi nous travaillons en ce moment, cest la dimension croissance et stabilité.
Q - En 2005, vous vous êtes opposé au Traité européen, pensez-vous que la position de lépoque soit un avantage ou un inconvénient pour la diplomatie de la France actuellement ?
R - Cest surtout un avantage. Pourquoi ? Vous me direz, les choses sont derrière nous. En ce qui concerne François Hollande, Jean-Marc Ayrault ou moi-même, nous sommes désormais sur une position unique. Je pense que cest un avantage quà la fois des personnes qui avaient voté «oui» et dautres qui avaient voté «non» se soient mis daccord sur une certaine vision de lEurope et quelles travaillent maintenant complètement ensemble.
Je voudrais aller un peu plus loin. À lépoque, vous vous souvenez que le «non» lavait emporté, et le «non» que javais défendu avec bon nombre dautres personnes était un «oui» pour une autre Europe. Cétait tout à fait clair, même si cela na pas toujours été compris ainsi. Nous disions à lépoque que lEurope, la construction européenne ne pouvaient pas se résumer à - rappelez-vous cette expression - «la concurrence libre et non faussée.» Nous disions que ce nétait pas possible davoir une Europe qui soit dictée par la règle de lunanimité alors quil faut de plus en plus que lon vote à la majorité. Nous disions quil fallait que la Banque centrale puisse intervenir de façon plus souple que ce quelle faisait, et ce quelle a fait depuis.
Le débat est derrière nous. Nous nous sommes rassemblés, nous avons vu les évolutions et nous portons aujourdhui, tous ensemble, au nom de la France, une vision dune Europe qui soit plus forte vers la croissance, plus stabilisée - on en a absolument besoin - et qui permette de repartir de lavant. Ce qui est dramatique, cest que les Américains essaient de faire ce quils peuvent pour faire repartir léconomie. Les émergents eux-mêmes ont des difficultés, mais le continent qui est en grave difficulté aujourdhui, cest lEurope. Cela fait un peu plus de deux années et demie que la crise existe et quelle nest pas résorbée. On a toujours agi trop peu, trop tard.
Maintenant, ce que nous voulons faire avec nos partenaires, cest redonner une perspective, aller de lavant et faire en sorte que lEurope cesse dêtre l«homme malade» du monde.
Q - Comment tolérer aujourdhui quil ny ait pas une rupture des relations diplomatiques avec la Syrie, une fermeture de lambassade, comment accepter la présence de lentreprise russe Rosoboronexport qui vend des armes ? Pourquoi ne pas penser à des mesures de rétorsions contre les économies russes et chinoises ?
R - Concernant les ventes darmes, jai dit tout à lheure que notre position était extrêmement ferme et claire en ce qui concerne la France. Nous ne vendons pas darmes qui, directement ou indirectement, puissent être utilisées en Syrie. Je regrette comme vous quil y ait un certain nombre de puissances qui alimentent la Syrie en vente darmes mais, évidemment, nous ne pouvons décider que pour la France.
Concernant lambassade, nous avons décidé lexpulsion de lambassadrice. Maintenant, il y a un problème - vous me direz que cest du droit mais le droit existe aussi. En effet, cette ambassadrice est en même temps la représentante de son pays à lUNESCO. Il y a un privilège international lorsquune Organisation internationale, en loccurrence lUNESCO, a son siège dans un pays. Elle est expulsée au titre dambassadeur syrienne mais nous ne pouvons pas la faire partir de France manu militari, si je puis dire.
En tout cas et cest une évidence, je vous rassure, nous navons aucun contact daucune sorte avec elle et il nest pas question que nous en ayons.
Concernant votre troisième question, il est évident que nous avons dénoncé, nous continuons de dénoncer lattitude de ceux qui, au Conseil de sécurité, refusent davancer et il y a bien sûr la chine et la Russie. En même temps, se lancer dans une politique de sanctions ou de boycott vis-à-vis de la Chine, cela naurait pas grande portée. Je partage tout à fait votre indignation, moi qui suis venu aux convictions qui sont les miennes par le soutien aux droits de lHomme, je partage totalement votre indignation. Mais, en même temps, ce que je souhaite et ce que nous souhaitons tous, cest dêtre efficaces. Donc, nous renforçons les sanctions et la semaine prochaine, le 25 juin, à linitiative de la France, de nouvelles sanctions seront prises. Je réaffirme ici que M. Bachar Al-Assad est un assassin et que nous ferons tout pour quil quitte le plus rapidement possible le pouvoir.
Q - Tout à lheure, vous avez évoqué une réunion, une conférence possible des grandes puissances le 30 juin à Genève, est-ce distinct du Groupe de contact que constitue Kofi Annan ?
R - Non, cest la même chose. Il ne faut pas se perdre dans les appellations mais il y a des discussions, des négociations entre les Russes, les Américains, nous-mêmes, Kofi Annan et quelques autres pour parvenir à trouver une solution.
Concrètement, quest-ce que cela veut dire ? Je pense que les Russes eux-mêmes ne sont pas aujourdhui attachés à la personne de Bachar Al-Assad. Ils voient bien que cest un tyran, un assassin et queux-mêmes, en senchaînant à ce dictateur, vont saffaiblir. Ce à quoi ils sont sensibles, ils nous le disent, cest, en admettant que Bachar Al-Assad soit chassé du pouvoir, qui prendrait la place. La discussion porte là-dessus en fait et cest une discussion qui nest pas cynique, elle est réelle. Il y a lopposition, bien sûr, encore faut-il distinguer quels vont être les responsables de lopposition. Et puis, il y aura probablement, même si cela est déplorable, un certain nombre de gens qui ont appartenu quand même aux anciennes équipes et qui ne sont pas en première ligne.
Q - On comprend bien lidée autour de laquelle tout le monde, les Russes compris, tournent aujourdhui : remplacer Bachar Al-Assad par un autre homme du régime.
R - Non, pas par un autre homme du régime, par une alternative qui comportera essentiellement des membres de lopposition et aussi une transition.
Q - Oui daccord, cest-à-dire la solution de type yéménite. Dans un premier temps, on cède le pouvoir à un autre homme du régime qui est chargé dorganiser la transition. Nest-ce pas ?
R - Mais il nest pas certain que cela fonctionne.
Q - Justement, cest bien lobjet de ma question.
R - Nous voulons une solution. La priorité absolue, cest que Bachar Al-Assad sen aille. Comparaison nest pas raison, au Yémen, cétait autre chose ; cest un pays beaucoup plus petit soutenu seulement par lArabie Saoudite. Cest très différent.
Q - Et en Syrie, quelle est lidée si ce nest pas un autre homme du régime ?
R - Lautre idée, cest quil y ait une victoire claire et nette de lopposition sur le terrain mais, évidemment, cela passe par des combats extrêmement durs et extrêmement violents.
Q - Ils ne gagneront pas tout seul ?
R - Non, bien sûr et cest pourquoi il y a à la fois la démarche de Kofi Annan et il est envisagé aussi - les Américains lont fait, peut-être le ferons-nous - de donner non pas des armes mais des moyens de communication supplémentaires. Une révolte de plus en plus forte se développe aussi dans la population. Les indications que nous avons montrent que des groupes entiers, très importants, de la population qui au départ nétaient pas nécessairement hostiles à Bachar Al-Assad le deviennent maintenant comme par exemple à Alep.
Q - Dans lopposition aujourdhui, il ny a aucun courant politique qui lemporte clairement sur les autres. Il y a une très grande confusion.
R - Cest en effet hétérogène.
Q - Comment peut-on parvenir à dégager une personnalité consensuelle dans cette précipitation chimique de lopposition ?
R - Vous avez vu que le président de ce groupe a changé, cest un Kurde qui a été élu. Il y a dautre part des réunions qui ont lieu en Turquie et dans dautres pays pour tenter de faire accoucher une solution. Nous aurons aussi cette Conférence des Amis de la Syrie du 6 juillet qui, nous lespérons, devrait permettre de faire un pas supplémentaire en ce sens.
Q - Que comptez-vous faire pour lever le blocus de la Bande de Gaza ? Dune façon générale, que comptez-vous faire pour redonner au peuple palestinien qui malgré tout le mérite et dont il est privé actuellement, sa liberté et sa dignité ?
R - Nos positions là-dessus sont extrêmement claires et conformes au droit international. Nous pensons que le peuple palestinien a droit à un État. En même temps, il est évident quIsraël doit voir sa sécurité garantie. Nous condamnons ce qui est à la fois colonisation et blocus. Jai eu lautre jour loccasion de recevoir Mahmoud Abbas, le président de lAutorité palestinienne. Javais reçu la veille le conseiller sécurité du Premier ministre israélien de M. Netanyahou. Nous avons dit les choses de façon très nette en particulier sur la question de la colonisation.
Je voudrais aller un peu plus loin, si vous le permettez. M. Netanyahou dispose aujourdhui dune majorité extrêmement forte puisquil a élargi sa majorité politique à la Kadima. Cest donc lhomme fort de la situation israélienne. En même temps, il y a tout ce qui se passe autour des Printemps arabes et jusquà présent, heureusement, les Printemps arabes nont pas pris Israël comme bouc émissaire. Mais, à moyen terme et surtout si les difficultés augmentent, il est à redouter quune partie de lhostilité ou de la difficulté du monde arabe se tourne contre Israël.
Lun des arguments que je développe auprès du gouvernement israélien, cest quà la fois par souci de justice vis-à-vis des Palestiniens, et aussi de sécurité dIsraël vis-à-vis delle-même, il est nécessaire quil y ait un mouvement sur le conflit israélo-palestinien. Il est nécessaire que lon ne poursuive pas la colonisation, que lon trouve des solutions et que des discussions aient lieu. Il y a une volonté de négociation, jespère quelle est partagée. En tout cas, la France pousse à des négociations sur ce conflit dont on parle peut-être moins aujourdhui mais qui est lun des conflits fondateurs, si je puis dire, de tout une série de tensions dans le monde.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 juin 2012