Extraits d'un entretien de Mme Yamina Benguigui, ministre des Français de l'étranger et de la francophonie, avec RTL le 20 juin 2012, sur les Printemps arabes et la Francophonie.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

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Q - Les Printemps arabes, vous voyez comment ils évoluent, avec ce qui se passe en Égypte avec les militaires qui tentent de reprendre le pouvoir ; la situation en Tunisie n’est pas stabilisée ; elle est étouffée en Algérie. Quel est votre regard un an et demi après ? Est-ce un regard d’espoir ou un regard de consternation ?
R - On a commencé par la révolution du Jasmin. Le Printemps arabe était porteur de valeurs incroyables : la démocratie, la liberté, l’indépendance, avec beaucoup de femmes. Le visage féminin dans le monde arabo-musulman a émergé. On a oublié les histoires de voile. Il y avait un tel engouement ! Mais on n’a jamais imaginé le retour de bâton, en se disant que la démocratie… Ce sont des révolutions qui se sont fait un peu prendre au piège de ce mot car le parti le plus organisé, partout, c’est le parti de la mosquée que j’appelle le parti religieux. En occident, on a porté ce Printemps avec nos propres codes, nos us et coutumes et on n’a pas imaginé que l’on ne pouvait plus arrêter la machine.
Q - Vous êtes plutôt pessimiste, à court terme du moins ?
R - Pour le moment, je suis pessimiste parce que je vois ce qui se passe en Syrie, avec la mort de ces enfants, et aussi ce qui se passe en Égypte. En revanche, il y a toujours ce visage féminin qui émerge.
Il y a deux semaines, j’ai reçu au ministère, dix «blogueuses» journalistes du Yémen, d’Égypte, de Tunisie et du Maroc. Elles sont le dernier rempart. Elles sont venues dire : «on nous frappe, on nous tape, on nous a violentées». Elles ont toutes été attaquées dans leur intégrité et ce sont ces femmes-là qui continuent de militer. Il y avait même des Palestiniennes qui ont dit qu’elles étaient des femmes, des mères qui on a porté ces combats mais, aujourd’hui, il y a des partis intégristes qui frappent et qui nous demandent de rentrer. Il faut rester en alerte, faire tout ce que l’on peut, être à l’écoute de ces pays et ne pas baisser les bras.
(…)
Q - Quels sont vos deux grands axes de travail à moyen terme pour la Francophonie et pour les Français de l’étranger ?
R - (…) Il y a un grand chantier sur la Francophonie. Je pense qu’il est absolument important… Il y a eu quand même un mot en français, durant ces Printemps arabes, qui ne vous a pas échappé : «dégage». C’est cette langue que j’ai envie de défendre. C’est une langue merveilleuse, porteuse de liberté et de culture.
Q - Il n’empêche qu’elle recule partout ?
R - C’est pour cela que c’est un vrai chantier, il faut la défendre. Il y a quand même beaucoup de pays qui aiment la langue française. Il faut l’aider, il faut, encore une fois aller vers l’autre et là, il y a le Sommet de Kinshasa en perspective.
(…)
Q - Il est certain que vous avez du travail !
R - Oui et cela me plaît beaucoup. Cela va avec cet engagement que j’ai pris depuis 18 ans maintenant. Je me sens très à l’aise avec ce portefeuille.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 juin 2012