Interview de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, à France Inter le 8 juin 2012, sur la polémique à propos de la dépénalisation du cannabis, l'accord de majorité parlementaire entre le PS et EELV et le projet de décret sur le blocage des loyers.

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Média : France Inter

Texte intégral

PATRICK COHEN Hier soir, Eva JOLY, votre ex-candidate à l’Elysée a dit ceci : « ceux qui souhaitent la dépénalisation du cannabis, voteront pour nos candidats aux législatives. » C’est donc votre dernier argument de campagne avant le premier tour ?
 
CECILE DUFLOT Non, mais je crois vraiment qu’il y a une polémique qui a pris une ampleur, un peu, pas forcément inédite, mais un peu déplacée, on va dire. Pour la bonne et simple raison que les enjeux du moment, sont des enjeux qui sont liés à l’action du gouvernement qui répondent tout de suite à des problèmes de justice sociale. Il y a des débats de société sur pleins de sujets. D’ailleurs ces débats, ils auront sans doute lieu au Parlement. Mais l’essentiel, aujourd’hui, c’est de montrer que dès l’élection de François HOLLANDE, le gouvernement a répondu à un certain nombre d’urgence.
 
PATRICK COHEN Et donc Eva JOLY a dit une bêtise ?
 
CECILE DUFLOT Non, pas du tout. Chacun, vous savez la position des écologistes, depuis sans doute leur création est connue, c’est aussi, la position du Parti radical de gauche, c’est un débat qui traverse la société, qui traverse les formations politiques, il n’y a rien de nouveau sous le soleil.
 
PATRICK COHEN C’est François HOLLANDE qui vous a demandé de ne plus en parler, Cécile DUFLOT ?
 
CECILE DUFLOT Bah ! François HOLLANDE, il est un ancien chef de parti, et il a souhaité constituer autour de lui, un rassemblement. Et quand on constitue un rassemblement, on sait bien que les gens ne sont pas identiques. Sinon, ce ne serait pas un rassemblement. Et ce qui fait la force de cette nouvelle majorité, avec des socialistes, avec des radicaux, avec des écologistes, c’est bien d’être uni dans la diversité.
 
PATRICK COHEN Avez-vous parlé du sujet avec le président lors de votre entretien hier, à l’Elysée, Cécile DUFLOT ?
 
CECILE DUFLOT Ca va peut-être vous semblez curieux, mais nous avons parlé du G20, nous avons parlé de Rio Plus 20, donc qui est un sommet absolument important qui doit parler de l’économie verte, des moyens de transformer la production et les modes de consommation, qui permet de répondre à une crise écologique sans précédent. Donc c’était des sujets plus importants.
 
PATRICK COHEN Donc la réponse est non ?
 
CECILE DUFLOT La réponse, c’est que c’est un sujet annexe et c’est un sujet qui n’est pas sans intérêt, d’ailleurs on voit bien que ça soulève beaucoup de débats, mais c’est un sujet qui n’est pas le sujet prioritaire du moment.
 
PATRICK COHEN Le bois de votre langue est devenu épais, si je puis me permettre, Cécile DUFLOT.
 
CECILE DUFLOT Non pas du tout !
 
PATRICK COHEN Vous avez, oui ?
 
CECILE DUFLOT Vous êtes marrant ! Vous êtes marrant ! Quand je réponds à des questions, on m’a posée une question…
 
PATRICK COHEN Je suis marrant, j’essaie d’avoir des réponses, oui.
 
CECILE DUFLOT Non, j’ai répondu, j’ai répondu et je continuerai, je suis une femme écologiste avec des convictions, qui sont des convictions connues sur beaucoup de sujets, et c’est à ce titre-là que j’ai été nommée ministre comme membre d’un parti partenaire et au coeur de cette majorité. Et donc quand je réponds à des questions, vous dites que je fais de la provocation, et quand je vous dis, que ce n’est quand même pas le sujet essentiel de la semaine, vous me dites que c’est de la langue de bois ! Donc entre ceux deux extrêmes, je continuerai à être ce que je suis. Les écologistes continueront à être ce qu’ils sont, mais seront aussi des partenaires extrêmement loyaux de cette majorité.
 
PATRICK COHEN Disons que j’ai l’impression d’obtenir des réponses un peu moins franches que précédemment, il y a encore quelques semaines, quand vous n’étiez pas au gouvernement.
 
CECILE DUFLOT Non ! C’est très franc. Pas du tout. Non, non, et vous savez, ça va être la nouvelle histoire, je vais vous tenir tête, c’est ni langue de bois, ni provocation, simplement, des convictions et de la loyauté.
 
PATRICK COHEN Vous avez quand même appelé hier soir, en meeting à ne pas élire des députés Godillots, qui ont l’esprit de soumission. C’est sympa pour vos amis du PS ?
 
CECILE DUFLOT Pas du tout ! Justement je parlais de Danièle HOFFMAN-RISPAL, à ce moment, qui est ma suppléante socialiste dans le cadre de ces candidatures d’union que nous avons…
 
PATRICK COHEN Alors qui sont les députés Godillots ?
 
CECILE DUFLOT C’est ceux qui étaient convoqués par l’ancien président de la République, dans la salle des fêtes de l’Elysée, et à qui on disait ce qu’ils devaient voter. Je crois que ce nouveau président de la République, François HOLLANDE a décidé de redonner toute sa place au Parlement, et de faire en sorte que les parlementaires s’expriment, que le débat parlementaire vive et c’est une excellente chose pour la démocratie.
 
PATRICK COHEN Ah ! Bon, donc les Godillots, c’était des députés, des candidats UMP ! Bon !
 
CECILE DUFLOT Vous auriez dû venir, à mon meeting monsieur COHEN, vous auriez au plein d’aventures, pleins de sujets…
 
PATRICK COHEN Je n’avais pas compris cela. Pas du tout, du tout ! HOLLANDE, François HOLLANDE lui, appelle, a appelé hier soir, à une majorité large, solide et cohérente. Cohérente, donc pour vous, c’est compatible, Europe Ecologie Les Verts est parfaitement cohérent avec le PS sur tous les sujets, maintenant ?
 
CECILE DUFLOT Mais vous allez reposer la même question, pour vous, il n’y a une alternative, c’est soit on est aligné et tous d’accords, soit c’est le bazar. Eh bien, je vais vous faire une révélation, il existe une autre voie, c’est celle et du rassemblement et de la diversité, et c’est le chemin que nous avons choisi, il y a plusieurs mois, en passant un accord de majorité parlementaire, qui fait le point sur beaucoup de sujets, qui sont un pacte entre nous, des sujets qui sont des sujets essentiels. Et quand vous voyez, effectivement, que le gouvernement a pu rétablir la retraite à 60 ans, pour tous ceux qui ont travaillé tôt et jeune en prenant comme priorité de rétablir par le biais de la prise en compte du congés maternité, l’équilibre et une vraie égalité entre les femmes et les hommes, ça, c’est quelque chose, effectivement, de très cohérent. C’est très cohérent aussi, de travailler sur l’encadrement des loyers. C’est extrêmement cohérent de dire qu’aujourd’hui, pour beaucoup de familles dans la difficulté, il faut une augmentation de l’allocation de rentrée scolaire tout autant qu’il faut, comme j’en ai la charge, engagé un plan de rénovation thermique, d’un million de logements par an. C’est ça la cohérence ! Et ça ne veut pas dire que nous sommes d’accords sur tout. Vous savez les débats et en particulier les débats de société, ils traversent les uns et les uns et c’est sain, c’est ça qui est démocratique.
 
PATRICK COHEN On va parler de votre secteur ministériel, grande préoccupation des Français. D’abord, le meeting que vous avez animé hier soir, dans le 20ème arrondissement de Paris a été perturbé pendant une demi-heure par des mal-logés au cri de « gauche/droite des bobards, il y en a marre ! » Ce sont les charmes de la fonction de ministre du Logement ?
 
CECILE DUFLOT Oui, ce n’est pas vraiment des mal-logés, mais c’était des gens qui avaient le droit de s’exprimer avec cette méthode-là qui est connue à Paris…
 
PATRICK COHEN Comment savez-vous que ce n’était pas des mal-logés ?
 
CECILE DUFLOT Parce qu’il y en a un certain nombre, on les connait bien, bien, bien et depuis des années.
 
PATRICK COHEN Ils venaient d’où alors ?
 
CECILE DUFLOT Ils venaient d’une mouvance politique qui considère que les responsables politiques, tels qu’ils soient sont par essence des traitres. Ce n’est pas nouveau dans la vie politique…
 
PATRICK COHEN C'est-à-dire l’extrême gauche ?
 
CECILE DUFLOT Ce n’est pas nouveau dans la vie politique, ce n’est pas non plus très grave. Et ça n’a pas empêché que ce meeting se tienne de manière très agréable. Pourquoi ? Parce qu’on est dans un moment où le 10 et le 17 juin, il y a un vote très important, vous en parliez précédemment, du risque de l’abstention, et pour nous, ce vote, il est essentiel, notamment pour les écologistes, parce que c’est le choix de la majorité, et de la majorité du changement, donc c’est un choix important pour ne pas revenir, vers ce qu’on a pu connaître précédemment, mais c’est aussi le choix de la couleur de la majorité. Et c’est vrai, qu’il y aura dans beaucoup d’endroits, des candidats écologistes et avoir un groupe écologiste à l’Assemblée nationale, pour la première fois, dans l’histoire de la République, ce sera un moment très nouveau. Et c’est permis aussi, par ces candidatures de rassemblement et c’est le cas de la mienne, avec Danièle HOFFMAN-RISPAL, à Paris, c’est le cas de celle de Philippe MEIRIEU que je vais soutenir tout à l’heure, avec sa suppléante Nathalie PERRIN-GILBERT.
 
PATRICK COHEN Oui, oui, on va en reparler tout à l’heure. La couleur de la majorité, ça veut dire un PS qui n’a pas la majorité absolue à l’Assemblée nationale et qui doit compter sur l’appoint des Verts, des écolos…
 
CECILE DUFLOT Ce n’est pas une question de majorité absolue ou pas. C’est une question de présence significative de toutes les composantes de la majorité et en particulier des écologistes.
 
PATRICK COHEN Alors le logement, j’y reviens. Et d’abord un mot sur le blocage des loyers, que vous avez annoncé en début de semaine. On en a débattu ici même, sauf que vous les avez, il y a une grande incertitude juridique, la loi de 89 sur laquelle vous vous appuyez, laissait la possibilité de limiter les loyers par décrets jusqu’à la fin juillet 97, sans avoir fait de…
 
CECILE DUFLOT Ca c’est dans l’article 17, monsieur COHEN.
 
PATRICK COHEN Oui. L’article 18…
 
CECILE DUFLOT Ce n’est pas dans l’article 18.
 
PATRICK COHEN Article 18.
 
CECILE DUFLOT Donc vous verrez que ce dispositif est parfaitement légal. Je sais que c’est le nouvel argumentaire, mais je peux vous assurer…
 
PATRICK COHEN Non, ce n’est pas un argumentaire, j’ai lu la loi de 89.
 
CECILE DUFLOT Vous ne l’avez pas bien lu, parce qu’il y a deux articles. Il y a un article qui rend possible en cas d’urgence, et c’est le cas, la prise d’un décret qui permet justement ce que nous allons faire, c'est-à-dire d’empêcher ces augmentations de loyers à la relocation qui ont été parfois délirantes, en 5 ans, à Paris…
 
PATRICK COHEN Article 18, oui.
 
CECILE DUFLOT Exactement, mais vous verrez que le Conseil d’Etat va pouvoir examiner ce projet de décret, et vous aurez une bonne surprise, si vous avez la moindre inquiétude.
 
PATRICK COHEN Bon ! Alors en attendant de spéculer là-dessus. Pour beaucoup de juristes, la cause est entendue. C'est-à-dire qu’ils pensent qu’il vous faudra une nouvelle loi, si c’est le cas, vous la feriez passer dès cet été ?
 
CECILE DUFLOT Mais monsieur COHEN, monsieur COHEN, juste, je vais vous dire…
 
PATRICK COHEN Vous ne voulez pas discuter de cette hypothèse ?
 
CECILE DUFLOT Alors vous avez tort, parce que je suis navrée de vous le dire, vous avez tort et vous verrez que ce décret est parfaitement légal, déjà les quelques juristes, si vous voulez, y compris, le secrétaire général du gouvernement qui s’est penché sur le projet de décret, sont tout à fait convaincus que ce décret sera non seulement valide juridiquement, mais surtout qu’il sera utile. Il sera utile pendant cet été, pour éviter le bond d’augmentation des loyers notamment sur les petites surfaces et pour les jeunes qui devront se loger en Ile de France, mais pas seulement dans des zones tendues, dans le sud-est par exemple, où les propriétaires ont parfois profité pour augmenter les loyers de manière absolument invraisemblable.
 
PATRICK COHEN C’est votre propre cabinet en début de semaine, qui disait qu’il y avait une incertitude…
 
CECILE DUFLOT Non, ça ce n’est pas possible ! Ca ce n’est pas possible !
 
PATRICK COHEN Bon !
 
CECILE DUFLOT Ce n’est vraiment pas possible ! Vous savez, il y a 15 personnes à mon cabinet, et c’est eux notamment qui ont travaillé sur ce dossier et je vous dis que ce n’est pas possible !
 
PATRICK COHEN Eh bien écoutez ! Nous verrons, rapidement, avec la décision du Conseil d’Etat.
 
CECILE DUFLOT Oui, vous me réinvitez à ce moment-là, et vous me dites que j’ai eu raison, c’est promis ?
 
PATRICK COHEN Non, mais moi, je ne prends pas position. Je dis simplement, il y a une incertitude. Je ne dis pas…
 
CECILE DUFLOT On dirait bien, on dirait bien.
 
PATRICK COHEN Hein !
 
CECILE DUFLOT On dirait bien, mais je vous dis, quand et ça, je crois que ça fera partie des caractéristiques de l’exercice de mes responsabilités de ministre, sur les questions de logement, notamment dans la mandature précédente, on a enfilé les effets d’annonce. Et moi, ce qui m’intéresse dans cette période, c’est qu’on travaille dans la durée avec l’ensemble des intervenants. Et j’ai rencontré toutes les associations de propriétaires, toutes les associations de locataires, et nous allons travailler tous autour de la table, parce que je sais qu’il y a dans ce pays, notamment, beaucoup de propriétaires très responsables, très raisonnables, qui veulent exercer leurs responsabilités, dans un esprit tout à fait responsable justement, de louer des biens de bonne qualité, à un tarif normal et qui sont sans doute, parfois discrédités par certains spéculateurs ou certains profiteurs qui louent des biens de très mauvaises qualités, à des tarifs invraisemblables et on…
 
PATRICK COHEN Quand connaîtra-t-on, Cécile DUFLOT, le périmètre d’application de ce décret ? C'est-à-dire les zones en dehors de l’Ile de France où ça va s’appliquer ?
 
CECILE DUFLOT Dans les jours qui viennent.
 
PATRICK COHEN Il y aura le pourtour méditerranéen ? La région frontalière de la Suisse. Est-ce qu’il y aura les villes de plus de 250 000 habitants ?
 
CECILE DUFLOT Sans doute pas toutes les villes, parce qu’il y a des villes, je pense à Dijon, par exemple ou à d’autres villes où il n’y a pas de problème de tension sur le marché locatif, où les loyers sont très modérés et il n’y a pas d’augmentation. Ca concernera les zones qui en ont spécifiquement besoin, celles qui comme Paris, ont vu les loyers bondir, je dis bien bondir, de 40 % à la relocation en 5 ans.
 
Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 22 juin 2012