Déclaration de M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, sur les mesures de soutien à l'innovation et à la compétitivité des PME et entreprises à taille intermédiaire (ETI) et sur le projet de création d'une banque publique d'investissement, Paris le 28 juin 2012.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Clôture de la séance plénière au Salon "Planète PME", à Paris le 28 juin 2012

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
J’ai accepté avec plaisir d’intervenir ici, pour les 10 ans de Planète PME, devant les entreprises et leurs principaux partenaires publics de financement. Nous partageons tous – je vois autour de la table OSEO, le FSI, un établissement bancaire, des représentants du secteur privé dans l’assistance – un même souci, une même préoccupation : assurer le financement des entreprises en France, et en particulier le financement des PME et des Entreprises de Taille Intermédiaires (ETI), à tous les stades de leur développement.
Nous traversons actuellement une période difficile. Il revient au gouvernement de Jean-Marc Ayrault de mettre en place un cadre fiscal et règlementaire favorable à un redressement de l’activité économique et de créer les conditions qui permettront aux PME et aux ETI qui innovent d’accroître leur compétitivité et de se développer. Ce chantier est essentiel : c’est du secteur privé – et d’abord des PME et des ETI – que viendront demain la relance du moteur économique et les créations d’emplois. Elles représentent aujourd’hui plus de 70% de l’emploi salarié en France, elles ont contribué à hauteur de 85% aux créations nettes d’emploi entre 2002 et 2010 en Europe. Elles sont à la base du dynamisme de notre activité économique : j’en ai conscience, le gouvernement en a conscience. Et si la première mesure que j’ai annoncée est une mesure concrète en faveur du financement des PME et des entreprises innovantes, c’est la reconnaissance directe de leur contribution cruciale au retour, demain, de la croissance.
Nous devons agir rapidement sur ce front. Le financement des PME et des ETI a relativement bien résisté depuis le début de la crise financière, les encours de crédit n’ont pas reculé, les conditions de taux restent plutôt favorables, mais les tensions s’accroissent. Et j’entends, quand je parle aux organisations patronales, aux chefs d’entreprise, aux dirigeants des PME industrielles, les mêmes inquiétudes. Comment couvrir les besoins de trésorerie à court terme, alors que les commandes diminuent et les délais de paiement augmentent ? Comment financer les nouveaux investissements nécessaires au développement de l’activité, avec des taux de marge historiquement bas ? Comment, lorsqu’on est une jeune entreprise à fort potentiel de croissance, lever des fonds sur le segment du capital-risque ? Comment accéder au crédit, alors que les banques, tenues aujourd’hui à plus de prudence par de nouvelles règles européennes de solvabilité, durcissent les conditions de financement ?
C’est pour apporter une réponse concrète et immédiate à ces difficultés que j’ai préparé, depuis mon entrée en fonction, une politique de financement au service de l’économie réelle, au plus près des entreprises et de leurs besoins. Cette politique reposera sur trois piliers. Premier pilier : mieux orienter l’épargne – abondante – des français vers l’investissement et le soutien aux entreprises sur le long terme, grâce à une réforme de l’épargne réglementée et de la fiscalité de l’épargne. Deuxième pilier : encourager une réorientation du crédit vers l’économie réelle, en s’appuyant sur une réforme du système bancaire. Dernier pilier de cette réforme, enfin, que je veux présenter plus en détails dans un instant : créer une Banque Publique d’Investissement (BPI) qui prenne le relai du privé quand celui-ci n’est pas en mesure de répondre aux besoins des entreprises.
La Banque Publique d’Investissement est un projet que je conçois, en lien étroit avec Arnaud Montebourg, pour vous, pour les entreprises. Elle est pensée et voulue comme une réponse pratique à des obstacles directement identifiés par les PME, les PME industrielles et les ETI aujourd’hui sur le terrain. Des structures performantes existent, elles interviennent chaque jour aux côtés des entreprises pour soutenir leurs projets ; mais nous devons faire mieux. Faire mieux, c’est faire plus simple, plus stratégique, et plus efficace.
Les opérateurs publics – certains sont autour de cette table, et je saisis cette occasion pour saluer leur engagement – mènent à l’heure actuelle un travail remarquable. Avec ses nombreux outils de garantie et de cofinancement, OSEO est une force d’entraînement majeur sur les financements bancaires accordés aux PME, et a permis à des milliers d’entreprises de trouver les moyens de se développer et de passer le cap difficile des dernières années. La Caisse des Dépôts joue un rôle central en région pour l’investissement en fonds propres et continue d’accompagner les PME sur le long terme. Au sein des Chambres de Commerce et d’Industrie, Ubifrance a également développé son offre de services en région afin de mieux soutenir encore l’effort d’exportation des entreprises.
Mais nous devons aller au-delà, et c’est le projet de la BPI.
Faire plus simple, tout d’abord: les PME, aujourd’hui, doivent mobiliser d’importantes ressources simplement pour identifier et être capable de naviguer entre les partenaires compétents. Cette multiplicité d’acteurs du financement est source de confusion, de lourdeurs et de coûts. Nous voulons y remédier avec un « guichet d’entrée unique » pour les entreprises en région, et nous leur proposerons donc un interlocuteur unique capable de les guider vers les dispositifs appropriés. Nous voulons une BPI réellement accessible, dans les faits, aux entreprises, et surtout aux PME ; le guichet unique répond à cette ambition.
Faire plus efficace, ensuite, pour mieux répondre à tous les besoins des PME, des PME industrielles et des ETI. La Banque Publique d’Investissement fonctionnera comme un réseau de distribution unique de l’ensemble des outils publics de financement – prêts garantis, fonds propres, subventions – à la disposition des entreprises, dont elle appuiera aussi les projets à l’export.
Faire plus stratégique, enfin, grâce au rôle accru de l’Etat dans le pilotage de ces instruments, pour orienter les investissements vers les secteurs d’avenir et le développement des territoires – là encore en associant les régions – et pour assurer qu’ils correspondent bien aux besoins de l’économie.
La Banque Publique d’Investissement sera donc d’abord tournée vers les PME et les ETI, et vers leurs besoins. Elle va prendre forme dans les mois qui viennent, et j’appelle votre pleine association à ce projet pour en arrêter les contours définitifs et ajuster les modalités de son déploiement. J’ai lancé une mission de préfiguration que j’ai volontairement confiée à quelqu’un qui connaît bien les entreprises, Bruno Parent. Il a pour première tâche de consulter l’ensemble des parties prenantes, et en particulier les régions et les entreprises. Il faut être pragmatique, je suis Ministre de l’économie, pas de l’économie dirigée : la BPI naîtra des besoins locaux identifiés par le secteur privé, pas dans le bureau des services de l’Etat à Paris.
Nous consulterons et nous associerons également les opérateurs, et je le dis ici en leur présence : la BPI a vocation à être un projet fédérateur, qui mobilisera tous les acteurs. Je compte ainsi sur le plein engagement de la Caisse des Dépôts, du Fonds Stratégique d’Investissement, d’Oseo et d’Ubifrance. Enfin, les régions seront étroitement associées à l’exercice. Plusieurs grands élus régionaux m’ont déjà contacté pour me proposer d’expérimenter la BPI localement. Je vois dans leur intérêt une validation de nos objectifs et de notre démarche, et un engagement commun en faveur d’un financement renforcé des PME qui animent nos territoires. Je les remercie et je les entends : ce projet se fera avec, et par les régions.
Je le disais il y a quelques instants : nous voulons agir très vite, pour répondre aux besoins de financement immédiats des entreprises. C’est la demande du Président de la République. A l’issue de ces consultations, la mission de préfiguration remettra ses premières conclusions dans moins d’un mois, fin juillet. En parallèle, j’engagerai les premiers travaux de mise en oeuvre pour une création de la Banque Publique d’Investissement par la loi, comme le Président de la République, François Hollande, s’y est engagé, en 2013. Elle deviendra opérationnelle peu de temps après. D’ici là, la palette actuelle d’outils de soutien au financement des PME restera à la disposition des entreprises afin que ni les opérateurs, ni le secteur privé, ne soient déstabilisés par les évolutions en cours.
Nous élaborons bien sûr également d’autres outils de réponse aux préoccupations des PME et des ETI – la Banque Publique d’Investissement n’est que l’un d’entre eux. Nos priorités stratégiques pour le développement du tissu économique français sont plus larges, et visent à terme à densifier le réseau de PME innovantes et exportatrices qui fait la force de notre voisin d’outre-Rhin. J’en retiens deux. Soutien à l’investissement, à l’innovation tout d’abord – et l'engagement du président de taxer différemment les bénéfices distribués aux actionnaires et les bénéfices réinvestis dans l’entreprise sera pleinement mis en oeuvre. La loi de finance rectificative (LFR) qui sera examinée en juillet au parlement marquera une avancée dans ce sens. Accompagnement à l’export, aussi, alors que la situation du commerce extérieur de la France ne cesse de se dégrader depuis dix ans. Les données récentes confirment que notre déficit extérieur - 70 milliards d'euros en 2011 - reste l'un des points noirs de l'économie française, tandis que le nombre d'entreprises exportatrices est en diminution constante depuis dix ans. Il faut réagir rapidement. Nous avons fait des propositions sur ces points pendant la campagne présidentielle – par exemple, réformer le Crédit Impôt Recherche pour mieux l’orienter vers les PME innovantes. La loi de finances pour 2013 nous donnera l’occasion d’avancer sur ces sujets.
La conférence sociale convoquée par le Premier Ministre les 9 et 10 juillet posera aussi les premiers jalons d’une politique de compétitivité : elle sera l’occasion pour l’Etat et les partenaires sociaux, y compris les organisations patronales, d’aborder des questions touchant notamment au fonctionnement du marché du travail, et de débattre des moyens de fonder une nouvelle politique de compétitivité pour notre économie. Elle tiendra compte – comme nous l’avons fait lorsque nous avons opté pour une hausse modérée du SMIC – des contraintes qui s’exercent actuellement sur les entreprises.
Je veux dissiper ici un malentendu, entretenu peut-être ces dernières semaines par ceux qui ne se sont pas suffisamment penchés sur notre programme et nos initiatives récentes: la gauche mène une politique déterminée de soutien au tissu productif français. Une politique qui comporte, certes, un volet défensif, car il faut accompagner les établissements qui sont en difficulté ; mais avant tout – et c’est ma priorité, comme Ministre de l’Economie – une politique économique dynamique, créative et résolument tournée vers l’avenir : notre objectif – qu’il ne subsiste ici aucun doute – est bien de doper la compétitivité de l’appareil productif français, et en particulier des PME. La LFR contiendra ainsi un premier train de mesures pour rééquilibrer le niveau d'imposition des bénéfices entre les grands groupes et les petites entreprises. Il n'est pas acceptable que l'imposition effective des bénéfices soit de 20 points plus lourde pour les PME que pour les grands établissements. Nous mettrons ainsi un terme, dans un premier temps, aux montages internationaux qui permettent trop souvent aux grands groupes d'échapper à l'impôt en toute légalité. C’est donc une approche favorable à l’entreprenariat qui s’assume tranquillement, mais pleinement.
Nous avons fixé un cap, lisible, stable, que nous tenons. L’ambition pour nous, à terme, est de donner à notre industrie les moyens de se redresser et de se développer, de fournir aux initiatives privées – et je fais confiance aux entreprises de ce pays, à leur volonté et à leur savoir-faire – le cadre favorable qui leur permettra de se déployer pleinement. Nous serons au rendez-vous, à leurs côtés.
Merci.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 29 juin 2012