Interview de Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse et la vie associative, à France Inter le 8 juin 2012, sur la participation de l'équipe de France à l'Euro 2012 et le boycott diplomatique de la France en raison de la situation politique en Ukraine.

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Média : France Inter

Texte intégral

PASCALE CLARK Irez-vous soutenir les Bleus à l’Euro, quand ils joueront en Pologne ?
 
VALERIE FOURNEYRON Oui, si les Bleus jouent en Pologne, je serais là-bas, cela voudra dire qu’ils ont déjà fait un premier parcours remarquable, que cela voudra dire qu’ils sont en demi-finale et qu’ils auront fini premiers de leur groupe.
 
PASCALE CLARK Pas d’autorité française, anglaise, allemande, pour les matchs en Ukraine. A quoi sert cette absence ?
 
VALERIE FOURNEYRON C'est avant tout un boycott qui n'est pas sportif, c'est un boycott diplomatique. Notre équipe sera en Ukraine à cet Euro 2012, et en Pologne, et il est important que nous faisions bien, avant tout, la distinction entre ce qui relève du diplomatique, c'est-à-dire que l’ensemble des membres du gouvernement seront absents de cet Euro 2012, pour prendre en compte une situation démocratique, aujourd'hui, en Ukraine, qui, au regard de l’ensemble des accords de coopération de voisinage, des accords européens, n’est pas satisfaisante, et en particulier la situation de Ioulia TIMOCHENKO, aujourd'hui encore détenue.
 
PASCALE CLARK Ioulia TIMOCHENKO, opposante ukrainienne emprisonnée, effectivement. Vous savez qu’elle n'est pas, elle, pour le boycott, elle pense qu’il ne faut pas stigmatiser, qu’il ne faut pas isoler le peuple ukrainien, sa fille l’a dit au JDD.
 
VALERIE FOURNEYRON Je crois que l’on a besoin, j’allais dire, dans ces périodes où il y a ces grands débats, sur la place, des uns et des autres, pas de subordonner le sport à la politique, mais de marquer, par simplement une absence diplomatique, notre désaccord sur la situation aujourd'hui, démocratique, en Pologne.
 
PASCALE CLARK Mais, vous soutenez quelqu’un qui réprime votre geste ?
 
VALERIE FOURNEYRON Aujourd'hui, je crois que nous avons besoin de prendre une position, qui est la position de la France, et qui, vous l’avez dit, est partagé par beaucoup d’autres pays européens...
 
PASCALE CLARK Mais pas tous, malheureusement, pourquoi il n’y a pas une, encore une fois, une action commune, de tous les pays membres de l’Union européenne ?
 
VALERIE FOURNEYRON Chacun est libre de sa diplomatie, mais c'est vrai que l’on aurait ou souhaiter qu’il y ait une position qui soit plus large, car aujourd'hui, on sent bien que les autorités ukrainiennes auraient bien aimé, finalement, instrumentaliser cette compétition sportive, à leu dessein, c'est tout à fait dommage.
 
PASCALE CLARK Qu’attendez-vous de l’équipe de France ? Qu’elle se rachète, surtout, du fiasco sud-africain ?
 
VALERIE FOURNEYRON Je crois, qu’elle fasse un très beau parcours sportif. Je suis allée...
 
PASCALE CLARK Ça serait quoi, comme parcours ?
 
VALERIE FOURNEYRON Oh, eh bien écoutez, un beau parcours en sport, c'est toujours d’aller jusqu’au bout, donc, je leur souhaite, en tous les cas, je suis allé leur souhaiter bonne chance lors d’un match de préparation à Reims, et nous sommes derrière notre équipe nationale, comme beaucoup de supporters français, et j’attends tout simplement qu’ils fassent, je vais dire, honneur, à ce maillot de l’équipe de France, mais il n’y a pas besoin de faire de grande leçon de morale, je crois que l’image reste à jamais celle de l’Afrique du Sud, et nous n’avons pas envie de revoir ça, mais pas plus eux, que l’ensemble de ceux qui ont pu regretter cette triste image de l’équipe nationale. Depuis plusieurs mois maintenant, Noël LE GRAËT, Laurent BLANC, ont fait passer des messages, et j’ai pu voir, à Reims, combien cette équipe était soudée et déjà responsable de l’ensemble des valeurs, ce qu’elle porte, à l’occasion de cet Euro 2012.
 
PASCALE CLARK Donc vous pensez que l’Euro va effacer le fiasco sud-africain. C’est l’objectif.
 
VALERIE FOURNEYRON Il n’effacera jamais cette image, mais je pense que l’on aura une toute autre image de l’équipe de France, j’en suis convaincue.
 
PASCALE CLARK Vous avez apprécié la petite blague du président de l’UEFA, Michel PLATINI : « La France est une équipe à suivre, si les gens descendent du bus ». Ça vous a fait rire, vous ?
 
VALERIE FOURNEYRON Non, ça ne m’a pas fait rire, mais ça veut dire que lui non plus n’a pas oublié cette image qu’on n’a pas envie de revoir.
 
PASCALE CLARK Par exemple, c'est important pour vous que les Bleus chantent la Marseillaise ?
 
VALERIE FOURNEYRON Pour moi, c'est important que, quand on a l’hymne national, l’ensemble de ceux qui ont le maillot national, puissent être là pour chanter cet hymne, et ceux qui le souhaitent, je trouve que c'est important qu’ils le fassent.
 
PASCALE CLARK Donc, vous les encouragez à chanter la Marseillaise.
 
VALERIE FOURNEYRON Oui.
 
PASCALE CLARK Et s’ils ne le font pas, ça ne sera pas un drame.
 
VALERIE FOURNEYRON On peut aussi, j’ai envie de dire, l’intérioriser, cet hymne national.
 
PASCALE CLARK Ah, chanter à l’intérieur, c'est une solution.
 
VALERIE FOURNEYRON Voilà.
 
PASCALE CLARK Pronostic, quand même, jusqu’où les voyez-vous aller ? Pronostic pour la France.
 
VALERIE FOURNEYRON J’espère qu’ils seront, au minimum, en demi-finale en Pologne.
 
PASCALE CLARK Et sinon ?
 
VALERIE FOURNEYRON Eh bien écoutez, c'est le sport.
 
PASCALE CLARK Oui... Des primes sont prévues à partir des quarts de finale, comme vous le savez, 320 000 €. Est-ce que c'est obligé, ces primes, en temps de crise, d’effort national, est-ce que vous n’auriez pas préféré qu’il n’y en ait pas ?
 
VALERIE FOURNEYRON Ecoutez, ça, ça relève des décisions du mouvement sportif. Le football a la chance d’évoluer dans un milieu où il y a énormément d’argent, pour la première fois LE GRAËT a réussi, avec Laurent BLANC, à ce que ces primes soient moins élevées, qu’elles ne soient qu’au niveau des quarts de finale, avec une règle qui est pour moi essentielle, que nous avons rappelée dans l’ensemble de la campagne présidentielle, c'est que la fiscalité des sportifs, surtout ceux qui gagnent beaucoup d’argent, soit la même que pour tous les autres, c'est-à-dire qu’il y ait une vraie égalité, une vraie solidarité nationale. C'est ça le plus important.
 
PASCALE CLARK Ça passe bien, d'ailleurs, cette fiscalité à 75 % pour les hauts revenus, les sportifs Français ne sont pas trop effrayés ?
 
VALERIE FOURNEYRON Les hauts revenus, au-delà d’un million d’euros, net, par an, je pense que quand on en est là, on peut effectivement participer à cet effort supplémentaire.
 
PASCALE CLARK Oui, sauf que les sportifs de haute compétition sont là, et même au-delà, pour les plus grands d’entre eux. Ils ne font pas la gueule ?
 
VALERIE FOURNEYRON Ecoutez, je ne les ai pas vus « faire la gueule », comme vous dites. Ce qu’il y a surtout, c'est que, aujourd'hui, cette mesure, elle me semble tout simplement une mesure de justice par rapport à des revenus, qui, au regard de la situation économique et sociale que l’on vit dans notre pays, mérite bien qu’il y ait cette participation fiscale, solidaire, de l’ensemble de services que nous devons rendre à tous nos concitoyens.
 
PASCALE CLARK Est-ce que Laurent BLANC joue son avenir sur cet Euro ?
 
VALERIE FOURNEYRON Ça, c'est au président LE GRAËT, j’allais dire, de répondre à cette question. Je pense que l’on n’a pas besoin, l’ensemble des acteurs politiques, de nous mêler de ces choix sportifs. Les choix sportifs...
 
PASCALE CLARK Et vous ne direz rien, là-dessus, vous.
 
VALERIE FOURNEYRON Non. Les choix sportifs relèvent du mouvement sportif, et quand on s’est mêlé de ces choix sportifs, on a souvent échoué.
 
PASCALE CLARK Valérie FOURNEYRON, vous, ministre des Sports, Thierry REY, conseiller sport de François HOLLANDE, pour employer un terme sportif, vous allez vous « marquer à la culotte » ?
 
VALERIE FOURNEYRON On a beaucoup travaillé pendant cette campagne ensemble, on a beaucoup de plaisir à continuer, ensemble, à l'Elysée et au ministère des Sports. Je peux vous assurer, c'est aussi des relations humaines, une campagne électorale, donc on a beaucoup de plaisir à porter le sport maintenant.
 
PASCALE CLARK Hum, mais chacun a son domaine, comment ça se passe ?
 
VALERIE FOURNEYRON Ecoutez, lui, lui il est champion, moi je ne le suis pas...
 
PASCALE CLARK Vous auriez pu, mais bon.
 
VALERIE FOURNEYRON Oh, j’aurais pu...
 
PASCALE CLARK Vous auriez pu être championne de volley, mais bon...
 
VALERIE FOURNEYRON Oui, mais j’ai oublié de grandir, parait-il.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 22 juin 2012