Interview de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, à France Info le 7 juin 2012, sur la hausse du chômage, les entreprises en difficulté et la politique de l'emploi.

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Média : France Info

Texte intégral

RAPHAËLLE DUCHEMIN Merci d'être avec nous en direct pour commenter bien sûr d'abord ces chiffres du chômage, chiffres officiels qui viennent de tomber : 10%, c'est un chiffre symbolique, 10% de la population active touchés par le chômage, c'est le 12ème de hausse consécutive. Alors vous avez évidemment durant la campagne électorale développé des idées pour essayer d'enrayer cette spirale, quand est-ce que vous allez les mettre en place ?
 
MICHEL SAPIN En janvier, février, mars, ce sont les chiffres qui nous font passer à 10%. On voit le caractère dérisoire de cette phrase qu'avait prononcée le président de la République de l'époque : la baisse tendancielle de la hausse, ça monte c'est la hausse. C'est la hausse et le mois d'avril aussi, nous avons eu des chiffres il y a de cela quelques jours, est aussi un mois à la hausse. Il faut donc agir. Agir comment ? A deux grands niveaux, il y a un premier niveau qui est la croissance. Il faut retrouver le chemin de la croissance parce que les emplois ils ne se créent pas par miracle, ils se créent parce qu'il y a une activité économique, parce qu'il y a une activité industrielle, c'est tout le grand travail qui est mené par le redressement productif, par la réorientation de la politique européenne. Et puis il y a un deuxième niveau, c'est ce qu'on appelle la politique de l'Emploi, les outils qui permettent d'agir non pas à la marge, parfois c'est important sur le niveau de l'emploi et surtout sur les emplois à créer et à …
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Là vous pensez par exemple aux contrats de génération ?
 
MICHEL SAPIN Je pense bien entendu aux contrats de génération, je pense aux emplois d'avenir. Je pense aussi à la suppression d'un certain nombre incitatif au chômage que de dispositions qui sont incitatives au chômage comme par exemple aujourd'hui l'encouragement aux heures supplémentaires qui est une forme d'encouragement au chômage. Donc sur tous ces points là nous sommes en train de travailler, nous allons le faire avec la méthode voulue par le président de la République et par le Premier ministre, c'est la méthode de concertation, mais il y a chacun le voit urgence. Donc ce sera de la concertation mais de la concertation qui nous permettra de déboucher rapidement.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN J'entends bien ce que vous dites Michel SAPIJN mais en même temps vous nous dites aussi que les mesures concrètes seront prises en janvier, février et mars, est-ce que ce ne sera pas trop tard ? Est-ce que les Français ne vont pas se désespérer parce qu'entre temps eh bien la hausse risque de continuer ?
 
MICHEL SAPIN Oui mais personne ne va dire aux Français la hausse s'arrête parce que le président de la République à l'Elysée a changé.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Oui mais ce sont des mesures d'urgence qui sont attendues.
 
MICHEL SAPIN Chacun le comprend bien, chacun le comprend bien aussi, enfin j'espère que chacun va bien le comprendre qu'il ne suffit pas d'avoir un président de la République différent, il faut aussi une majorité. Parce que si je vous parle de ces contrats de génération ou de ces emplois d'avenir, la droite elle fait campagne contre. Et donc si elle est majoritaire ça ne se fera pas. Donc il faut aussi ce moment là qui est un moment très important d'avoir une majorité pour porter ces propositions là. Et puis il faut la concertation, on ne peut pas mettre en place un contrat de génération, chacun sait bien maintenant ce que c'est le contrat de génération, c'est offrir un emploi durable en CDI à un jeune tout en maintenant un plus ancien dans l'emploi. Donc ces contrats de génération, le principe est simple, son application est différente suivant que vous travaillez dans une boulangerie ou que vous travaillez dans un atelier de construction de voiture. Donc il faut aussi faire ça dans le dialogue avec les acteurs et les partenaires sociaux. Mais en 2013 ces outils seront effectifs, ils agiront et ils permettront, accompagnés par toutes les grandes politiques en faveur de la croissance, de changer les choses.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Vous parlez de pérenniser les emplois, qu'allez-vous faire Michel SAPIN pour soutenir notamment les entreprises en difficulté qui sont évidemment de plus en plus nombreuses ? Beaucoup sont notamment en redressement, on peut prendre l'exemple de DOUX évidemment. C'est vrai pour les gros et c'est vrai aussi pour les plus petits, qu'est-ce qu'il faut faire très concrètement.
 
MICHEL SAPIN D'abord il ne faut pas faire de confusion, toutes les entreprises ne sont pas dans la même situation. Il y a des entreprises souvent et malheureusement les salaires le savent à l'intérieur de l'entreprise où il n'y a plus de commandes, il n'y a plus d'activités, il n'y a plus d'emploi. Et puis il y a d'autres tout à fait à l'autre bout si je puis dire dans l'échelle où vous avez des actionnaires qui veulent encore augmenter un peu plus leurs bénéfices et qui disent si je délocalise telle activité je vais pouvoir gagner un peu plus. Ce n'est pas l'entreprise qui est en jeu, ce ne sont même pas les emplois qui sont en jeu, ils sont pérennes, ils sont rentables. Mais non il faut encore maximiser les profits. Donc chaque situation est différente. Et à chaque situation il faut appliquer une méthode et faire des propositions différentes. C'est ce que fait Arnaud MONTEBOURG, c'est ce que nous faisons avec lui, avec cet axe fort, avec ce groupe de personnalités qui connaissent le fonctionnement des entreprises, qui savent ce que c'est que le dialogue social, et qui entreprise par entreprise se déplacent. C'est ce qui se passe à FRALIB aujourd'hui, ils se déplacent, eh bien le dialogue qui était bloqué a repris à FRALIB. C'est ce qui se passe en Lorraine pour essayer de sauver l'activité du haut fourneau de Florange.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Ils sont toujours à l'arrêt.
 
MICHEL SAPIN Ils sont toujours à l'arrêt, mais en train de travailler avec MITTAL pour que les salariés et l'Etat ne se fassent pas balader de mois en mois en reculant comme ça la date à laquelle on va reprendre l'activité. Chacun des dossiers mérite une attention particulière.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Aujourd'hui à Roubaix les salariés des 3 SUISSES ont saisi les Prud'hommes pour non justification économique de leurs licenciements. Licenciements qui ne sont pas justifiés économiquement, c'est je crois une de vos priorités aussi. Vous dites mesures législatives à la rentrée, quelles sont les pistes ?
 
MICHEL SAPIN La piste principale dans ces cas là c'est de faire en sorte que le licenciement soit tellement coûteux pour l'entreprise que ça ne vaille pas le coup de le faire.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Ca veut dire grosse sanction financière.
 
MICHEL SAPIN Ce n'est pas seulement une sanction.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Si ça n'est pas justifié.
 
MICHEL SAPIN Ca veut dire qu'il faut indemniser à la bonne hauteur les salariés. Il faut financer des actions de reconversion sur le site, et tout cela a un coût. Et il y a un moment donné où le coût est tellement élevé pour l'entreprise parce que le coût est tellement élevé pour le salarié comme pour les collectivités qui sont concernés que l'entreprise fait marche arrière parce que ce licenciement là à ce moment là n'a plus de valeur. Ce n'est pas les entreprises qui sont en train de couler parce qu'il n'y a plus d'activité, celle là ça ne servirait à rien de s'acharner ainsi, il faut trouver d'autres solutions, d'autres solutions pour les salariés, d'autres solutions en terme d'activité. Mais c'est celle là précisément qu'on a tendance à appeler parfois des licenciements boursiers qu'il faut combattre.
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Laurence PARISOT a tiré la sonnette d'alarme pas plus tard qu'hier matin, la patronne du MEDF dit que la situation économique se dégrade. C'est vrai qu'on le constate un peu plus chaque jour. Que depuis un mois, elle est très précise, il y a une fragilisation des trésoreries, un affaiblissement des carnets de commandes est-ce que c'est ce que vous aussi Michel SAPIN vous avez constaté et si oui dans quel secteur particulièrement ?
 
MICHEL SAPIN Je pense qu'il serait un peu facile de dire que c'est depuis un mois. Cela fait plusieurs mois les chiffres du chômage que nous venons de commenter le démontre que…
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN C'est ce qu'elle dit, elle dit depuis un mois.
 
MICHEL SAPIN Oui bien sûr, mais c'est pour ça que je dis que c'est un peu facile de dire depuis un mois, pourquoi pas depuis trois semaines. Donc on voit bien…
 
RAPHAËLLE DUCHEMIN Vous pensez que c'est politique ?
 
MICHEL SAPIN Non, non mais je dis qu'il ne faut pas faire dans la facilité. Il y a une dégradation de la situation économique que nous avons décrite pendant la campagne, que nous avons analysée pendant la campagne. Quand Nicolas SARKOZY disait la crise est derrière nous, nous disait non la crise est devant nous, et c'est pour ça qu'il faut des mesures qui soient adaptées à cette crise et qui permettent d'y répondre. Oui la situation économique n'est pas bonne. Oui la situation de l'emploi n'est pas bonne. Au fond c'est bien pour ça que les Français ont voulu changer de président de la République, qu'ils vont je l'espère vouloir changer de majorité pour pourvoir changer de politique.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 juin 2012