Interview de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, à RTL le 11 juin 2012, sur le résultat du premier des élections législatives et les effets sur la santé de la consommation de cannabis.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEAN-MICHEL APATHIE La Gauche est arrivée en tête au premier tour des élections législatives hier et les projections accordent une majorité absolue potentiellement au seul Parti Socialiste dans la prochaine Assemblée national et qui, de ce fait, pourrait contrôler, l'Elysée, Matignon, le Parlement, la majorité des régions, des départements et des mairies. Est-ce que ce n'est pas trop, Marisol TOURAINE ?
 
MARISOL TOURAINE Ce type de raisonnement me parait assez méprisant à l'égard des Français, parce que ce sont eux qui décident, ce sont eux choisissent et ils ont fait le choix qui me parait judicieux de la cohérence par rapport à leur vote du 6 mai dernier, demander à ce que les Français n'amènent pas une majorité de Gauche à l'Assemblée nationale c'est leur demander de se dédire et de rendre impossible l' application du projet de François HOLLANDE. Donc ça n'a pas de sens et cela serait créateur d'instabilité et de désordre, je pense que ce n'est pas ce dont notre pays a besoin.
 
JEAN-MICHEL APATHIE François MITTERRAND disait, il y a longtemps : « il n'est pas bon qu'un parti dirige seul l'Assemblée nationale ou gouverne un pays ».
 
MARISOL TOURAINE Oh ! Eh bien écoutez, aujourd'hui, il y a des contrepouvoirs dans notre pays, il y a des contrepouvoirs localement, il y a des contrepouvoirs dans la presse, le pouvoir économique, je ne crois pas que nos vivions dans un régime dans lequel la liberté serait menacée.
 
YVES CALVI Alors l'autre information de ce premier tour, Marisol TOURAINE, c'est que l'abstention bat des records, vous comme le Parti Socialiste obtenez de bons résultats, mais pourquoi ne donnez-vous pas plus envie aux Français de voter, de participer ?
 
MARISOL TOURAINE La question de l'envie c'est une question difficile dans une élection qui arrive pour certains, en tout cas pour ceux de Gauche, en troisième rang, puisque nous avons vécu les primaires, qui avaient énormément mobilisé l'élection présidentielle, qui a elle-même beaucoup mobilisé et c'est vrai qu'il y a une forme d'illisibilité du scrutin des législatives avec des candidats qui sont, c'est indéniable, ancrés territorialement - donc qui ont une image locale - et, en même temps, le sentiment que le travail a été fait, et donc que c'est la raison pour laquelle je crois importante d'appeler à la mobilisation, c'est-à-dire qu'un certain nombre d'électeurs ne perçoivent pas le fait que sans majorité claire, solide, il n'y aurait pas la possibilité de mettre en oeuvre ce pourquoi ils ont voté le 6 mai.
 
YVES CALVI Mais vous n'estimez pas que vous êtes responsables de ce manque d'enthousiasme, on a bien compris que les Français ont envie de vous donner une majorité, mais voilà c'est une vague rose qui manque de couleur ?
 
MARISOL TOURAINE Oh ! Nous avons sans doute une part de responsabilité, moi je ne l'écarte pas. Dans le même temps le gouvernement s'est mis en place, le gouvernement s'est mis au travail et je vois dans les très bons résultats d'hier, pour autant ne sont pas définitifs, donc je reste extrêmement prudente à cette heure-ci, mais je vois dans l'élan qui commence à être donné une confiance accordée dans les premières mesures qui ont été prises par le gouvernement et qui marquent la volonté de concrétiser très rapidement le changement pour lequel les Français ont voté le 6 mai.
 
JEAN-MICHEL APATHIE Certaines situations électorales sont singulières : Marion MARECHAL - LE PEN arrive en tête dans la 3ème circonscription du Vaucluse avec 34% des suffrages, le deuxième est le député UMP sortant Jean-Michel FERRAND, 30% des suffrages et la candidate Socialiste n'arrive qu'en troisième position, elle peut se maintenir, 22% des suffrages. Faut-il, d'après vous Marisol TOURAINE, barrer la route à Marion MARECHAL – LE PEN en par exemple le Parti Socialiste appeler à voter pour l'UMP ?
 
MARISOL TOURAINE Le Parti Socialiste prendra sa décision sur des situations locales comme celle-ci demain je pense, nous avons toujours montré que nous étions à même de faire des choix qui étaient des choix républicains lorsqu'il s'agissait d'empêcher l'extrême droite de s'imposer, nous l'avons fait évidemment malheureusement en 2002, nous l'avons fait en d'autres circonstances et nous le ferons à plusieurs reprises dans ce scrutin. Voilà ! Je pense que c'est cela qui doit guider notre réflexion encore cette fois-ci.
 
YVES CALVI Il y a une autre circonscription très importante, en Charente Maritime - et ce pour toutes sortes de raisons, notamment politiques mais aussi affectives – Ségolène ROYAL est en difficulté, son adversaire Olivier FARLONI (dissident Socialiste) a réaffirmé très fermement ce matin son maintien face à Madame ROYAL, il est clair que seul François HOLLANDE peut débloquer la situation. Souhaitez-vous que le président intervienne auprès d'Olivier FARLONI pour qu'il se retire, Marisol TOURAINE ?
 
MARISOL TOURAINE Je ne sais pas si c'est du ressort du président de la République de s'engager dans les batailles législatives ! Il est certain qu'il y a à La rochelle une situation à party, parce qu'il y a aussi une candidate à part, qui a un statut particulier dans notre parti, elle a été investie et désignée, il me semble que c'est à elle de porter nos couleurs.
 
JEAN-MICHEL APATHIE Mais c'est la seule candidate qui n'ait pas passé par les primaires pour désigner un candidat et il semble que sur le terrain beaucoup de militants Socialistes, visiblement de sympathisants Socialistes, d'électeurs Socialistes, aient mal vécu le parachutage de Ségolène ROYAL en Charente Maritime. Est-ce qu'il faut…
 
MARISOL TOURAINE Il nous faudra peut-être tirer des leçons de cette situation et faire en sorte que les règles s'appliquent de la même façon partout, mais la vérité est aussi de dire que Ségolène ROYAL est une candidate à part.
 
YVES CALVI Vous n'avez pas tout à fait répondu à ma question ! On comprend bien que seul François HOLLANDE, auquel Olivier FARLONI reconfirme sa fidélité…
 
MARISOL TOURAINE Oui !
 
YVES CALVI Puisse débloquer la situation. Voilà ! C'est pensez-vous qu'il serait mieux que le président intervienne ?
 
MARISOL TOURAINE Les affaires législatives, en général, sont du ressort du parti et donc en l'occurrence de la Première secrétaire du Parti Socialiste.
 
JEAN-MICHEL APATHIE Donc, il faut attendre demain soir ?
 
MARISOL TOURAINE Je pense que Martine AUBRY est en mesure de s'exprimer avant même que le bureau national ne s'exprime.
 
JEAN-MICHEL APATHIE On a beaucoup parlé, ça a presque été le seul débat vraiment de ces élections législatives, du cannabis, faut-il légaliser ou bien seulement dépénaliser la consommation de cannabis ? Alors Jean-Marc AYRAULT a dit que rien ne changerait dans la législation, mais, comme vous êtes ministre de la Santé, c'est difficile de ne pas vous en parler. 4 millions et demi de personnes consomment du cannabis, ça suscite du trafic, du marché noir, des problèmes de santé publique…
 
MARISOL TOURAINE Bien sûr !
 
JEAN-MICHEL APATHIE Est-ce que le statu quo est vraiment envisageable, Marisol TOURAINE ?
 
MARISOL TOURAINE Ce qui manque très fortement c'est une politique publique de santé ! Parce qu'on ne peut…
 
JEAN-MICHEL APATHIE Sur cette question ?
 
MARISOL TOURAINE Oui ! On ne peut évidemment pas se contenter de renvoyer à la sanction, même si la sanction est absolument nécessaire, et, de ce point de vue là et pour des raisons de santé publique, je ne suis pas favorable à la dépénalisation du cannabis. Cela dit, je vous trouve un peu ambitieux - si j'ose dire - lorsque vous dites que…
 
JEAN-MICHEL APATHIE Ah ! C'est bien ça.
 
MARISOL TOURAINE Que le cannabis a été un sujet de la campagne électorale, moi on ne m'en a pas parlé ou très peu parlé, c'est un sujet qui a fait du bruit, médiatiquement parlant je ne suis pas certaine…
 
JEAN-MICHEL APATHIE C'est une de vos collègues qui l'a lancé !
 
MARISOL TOURAINE Je ne suis pas… je ne suis pas… Oui ! Oui, bien sûr, mais je ne suis pas certaine que ça ait beaucoup occupé l'électorat. Mais sur le fond, je le dis, l'usage du cannabis est tout sauf anodin, on sait que cela entraîne des lésions, on sait que cela diminue les capacités par exemple lorsque l'on conduit et donc il faut faire en sorte d'avoir une politique de santé très vigoureuse, de prévention en direction des jeunes, pas simplement sur le cannabis - on s'aperçoit que des comportements à risque augmentent de nouveau chez les jeunes - et en tout cas la voie de ce qui apparaîtrait comme une forme de laxisme ou de libéralisme n'est sans doute pas souhaitable…
 
YVES CALVI Mais vous…
 
MARISOL TOURAINE N'est assurément pas souhaitable.
 
YVES CALVI Vous venez de nous dire le cannabis c'est dangereux, oui moi Marisol TOURAINE je pense que c'est bien une question de santé publique, est-ce que vous pouvez engager autre chose que des campagnes d'information ? C'est finalement la question que l'on vous pose ce matin…
 
MARISOL TOURAINE Oui ! Ce n'est pas simplement…
 
YVES CALVI Quand il y a 4 millions et demi de consommateurs et probablement plus ?
 
MARISOL TOURAINE Oui ! Enfin ce sont des campagnes d'information, c'est de l'information au sein des établissements scolaires – ce qui se fait insuffisamment – c'est des lieux pour favoriser le sevrage, donc il y a des politiques à mener qui, aujourd'hui, sont insuffisantes oui.
 
YVES CALVI Donc ce n'est pas ringard de dire à des adolescents : « le cannabis ou la fumette, c'est dangereux » ?
 
MARISOL TOURAINE Oui ! Non, je pense qu'il faut le dire.
 
JEAN-MICHEL APATHIE C'est plus dangereux que l'alcool et le tabac ?
 
MARISOL TOURAINE Je ne sais pas si c'est plus dangereux ! Ce n'est pas du même ressort. L'alcool est certainement un risque important pour les jeunes aujourd'hui, le tabac aussi, le tabac tue des jeunes qui fument très tôt ou trop tôt, il n'a pas nécessairement d'impact par exemple lorsqu'on le prend sa voiture alors que c'est le cas de l'alcool.
 
JEAN-MICHEL APATHIE Brice HORTEFEUX, qui vous a précédée, dit : « on nous cache un plan fiscal, il y aura des mesures qui seront prises après les élections législatives qui ne seront pas bonnes ». Comme vous êtes en charge, alors peut-être pas financièrement d'ailleurs de la Sécurité Sociale, que les problèmes de financement de la Santé sont tout de même importants, il y a un plan caché…
 
MARISOL TOURAINE Je crois que tout…
 
JEAN-MICHEL APATHIE Pour serrer la vis après les élections législatives ?
 
MARISOL TOURAINE Tout est transparent, cela a été mis sur la table pendant la campagne présidentielle, cela fait partie du projet présidentiel, nous avons dit très explicitement que nous procéderions à la création de tranches supérieures d'impôts sur le revenu, cela a beaucoup fait parlé - donc il est difficile de dire que c'est un plan caché - et nous avons dit que nous mettrions à contribution les revenus du capital pour le financement de la Sécurité Sociale dans les mêmes proportions que les revenus du travail pour éviter que le travail ne soit seul à contribuer à notre protection sociale. Donc je crois qu'il y a là…
 
JEAN-MICHEL APATHIE Et c'est suffisant ?
 
MARISOL TOURAINE Des opérations, des options extrêmement identifiées. Non ! Cela ne suffira sans doute pas et il faudra des politiques de réorganisation, en particulier de notre système de soins.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 juin 2012