Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur la restauration de la compétitivité des entreprises et de l'industrie, à Paris le 11 juillet 2012.

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Circonstance : Réunion de la Conférence nationale de l'industrie, au Centre Pierre Mendès France, à Bercy, Paris le 11 juillet 2012

Texte intégral

Monsieur le vice-président, mesdames, messieurs les ministres, mesdames, messieurs. Je voudrais d’abord remercier le vice-président de la Conférence nationale de l’industrie, Jean-François DEHECQ, vous remercier chaleureusement non seulement pour votre accueil mais aussi pour l’engagement et la détermination qui est la vôtre pour faire vivre cette Conférence nationale de l’industrie et la rendre utile. Et vous avez su créer, je crois, un bon climat d’échanges qui s’est dans la franchise, de la lucidité et qui abordent toutes les questions qui concernent l’avenir de l’industrie de notre pays. Donc c’est un travail très important que je tiens particulièrement à saluer.
C’est donc mon premier rendez-vous avec vous, ça aurait pu être une simple prise de contact institutionnel entre le Premier ministre que je suis et les membres d’un organisme qui est placé sous mon autorité. C’est un usage, à chaque changement de gouvernement on vient installer à nouveau. Mais comme je l’ai rappelé hier en concluant les travaux de la grande conférence sociale, le redressement de notre économie nécessite un nouvel élan collectif, une mobilisation générale, je l’ai dit dans ma déclaration de politique générale. Mais ce n’est pas pour moi qu’une formule, je crois qu’il y a urgence à mobiliser en partant d’un diagnostic, je l’ai dit, lucide, si possible partagé pour nous conduire à agir pertinemment, efficacement, durablement et en mobilisant toutes les forces qui peuvent concourir au redressement du pays et tout particulièrement de notre industrie. C’est donc un moment pour moi solennel mais pour vous aussi je pense puisque vous êtes venus là nombreux, attentifs et en même temps exigeants, j’en suis conscient.
Nous sommes face à un grand défi et si vous êtes là c’est parce que vous avez comme moi conscience que nous pouvons le relever, nous ne sommes pas des défaitistes, nous ne nous résignons pas, la France a des atouts mais quand même il faut chercher les réponses, les voies pour restaurer durablement la compétitivité et l’excellence de notre industrie. C’est d’ailleurs l’objet de la mission que j’ai confiée, je l’ai annoncé hier, à Louis GALLOIS, il est d’ailleurs présent à cette réunion, je l’en remercie. Je le remercie surtout d’avoir accepté toutes les missions que je lui ai confiées, il y en a plusieurs, puisque, comme vous le savez, il a aussi la responsabilité du Commissariat général à l’investissement placé sous l’autorité du Premier ministre. Mais c’est parce que ce défi est de taille que j’ai voulu vous rencontrer aujourd’hui pour partager avec vous le projet que porte mon gouvernement et l’ambition pour l’industrie française et vous faire part de quelques attentes. Vous êtes un organe de concertation à la fois large et novateur et je souhaite que cette Conférence nationale de l’industrie et le ministre du Redressement productif propose qu’on l’appelle d’ailleurs Conseil national de l’industrie, c’est une bonne suggestion, en tout cas il doit désormais pleinement son rôle surtout dans la durée et comme force de conseils et de propositions.
D’ailleurs, après plus de deux ans d’existence, et vous venez de le dire, cette conférence est aujourd’hui un exemple de ce que devrait être chacun de ses comités, il en existe beaucoup, je suis actuellement en train d’en faire l’inventaire à Matignon, de conseils, de commissions pas toutes utiles, dont certaines ont vocation à disparaitre. J’ai même proposé hier d’en supprimer plusieurs et de les regrouper dans un organisme conseil à prospective qui permettrait à tous les partenaires économiques et sociaux d’avoir un lieu de concertation, d’analyse et d’aide aux choix et un peu sur le modèle du Conseil d’orientation des retraites, ce qui nécessitera évidemment d’en supprimer plusieurs autres, mais avec vraiment une volonté d’avoir une connaissance précise, exacte de toutes les questions qui se posent à notre pays et surtout être capable de nous projeter dans l’avenir et donc d’aider à faire les choix à la fois pour les décideurs publics en particulier le gouvernement mais aussi le monde économique mais aussi les partenaires sociaux.
Donc je voudrais à cet égard saluer l’initiative de mon prédécesseur qui est à l’origine de cette Conférence nationale de l’industrie, je le répète, ma présence ici n’est pas que formelle, cet organe interministériel, qui est d’ailleurs présidé par le Premier ministre officiellement, j’y tiens particulièrement parce que la situation de notre pays l’exige et nous ne réussirons pas si nous ne sommes pas capables d’associer aux réflexions, à la préparation des décisions l’ensemble du tissu entrepreneurial et industriel français avec le concours des ministres et tout particulièrement celui du Redressement productif mais aussi de votre concours, monsieur le président Jean-François DEHECQ. Et bien entendu avec la coordination nécessaire avec les autres ministres et particulièrement tous ceux qui sont présents ici et en premier lieu Pierre MOSCOVICI, ministre de l’Economie et des Finances.
Vous avez rappelé en quelques mots l’essentiel de vos travaux, je considère que votre conférence est exemplaire parce que vous avez su mettre en place des forums de dialogue de très grande qualité qui sont surtout respectés par tous et qui sont animés aussi d’un esprit collectif, on sent cet esprit collectif, et surtout constructif, un esprit positif. Vous êtes à la fois des chefs d’entreprise, vous êtes aussi des responsables d’organisations syndicales, vous êtes aussi des représentants de la société civile et vous avez su dans ce cadre dépasser des postures mais aussi les rhétoriques habituelles pour mieux vous concentrer sur les enjeux fondamentaux. Ce n’est pas toujours simple à faire mais vous l’avez fait. Donc merci, merci monsieur le vice-président DEHECQ d’avoir su justement créer un climat et surtout permis à chacun de s’exprimer et accepté aussi la diversité des situations et des opinions. Je pense ne particulier votre souci de donner la parole aux petites et moyennes entreprises qui sont souvent les plus affectées, les premières victimes de dégâts économiques ou de restructurations et qui se sentent souvent abandonnées et donc d’ailleurs quand il y a des restructurations on parle peu, on parle peu, on parle des plus grosses mais peu des petites et des moyennes, donc cette considération est essentielle. Cette qualité du dialogue est précieuse, elle est donc au cœur de notre démarche et au cœur du pacte productif que je veux promouvoir.
Mais vous êtes aussi exemplaire par l’ampleur du travail que vous avez accompli à partir des décisions menées à très vaste échelle et cela sur tout le territoire. Vous avez su structurer plusieurs milliers de contributions individuelles, c’est dire l’envie de participer, l’envie de contribuer, l’envie de réussir. Et ça ne m’étonne pas, moi quand je me déplace sur le territoire national, une région à l’autre, mais mon expérience personnelle m’en avait convaincu déjà depuis longtemps, quand je rencontre des chefs d’entreprise, quand je rencontre des responsables de collectivités locales, quand je rencontre des syndicalistes, ils me disent « on a tous envie de participer, on a tous envie de réussir et de sortir en quelque sorte des sentiers battus, des postures et des positions que parfois à une échelle nationale on retrouve trop souvent et qu’à l’échelle territoriale on retrouve beaucoup moins parce que lorsqu’il y a des projets proposés là les gens sont prêts à se mobiliser parce qu’ils ont envie de réussir, ils ont surtout la capacité de réussir, l’esprit d’invention, l’esprit d’entreprise, le goût de l’avenir en quelque sorte. Et donc de ce point de vue aussi la conférence nationale est exemplaire par son approche novatrice et surtout réussie en termes de filières.
Vous avez créé 12 comités stratégiques de filières, créer une liste des représentants de l’ensemble des acteurs concernés et notamment, je l’ai dit, les petites entreprises, et qui a permis de mettre en évidence les priorités propres à chacun et en particulier à chacun des secteurs et la nécessité absolue de disposer de filières structurées et solidaires. Ca c’est, à mon avis, là qu’il y a aussi beaucoup de progrès à faire parce qu’on ne peut pas réussir si on ne joue pas collectif. Je le disais à propos de mon expérience territoriale, lorsque nous avons des résultats c’est parce qu’au-delà des opinions, des histoires personnelles, des cheminements des uns et des autres, lorsqu’il y a un projet qu’on a su se battre ensemble pour le faire valoir et le mettre en œuvre, alors on a des résultats et c’est comme ça qu’on y arrivera. Mais il faut aussi des stratégies et il faut les avoir aussi par filières. Et quand on compare souvent, parce qu’on nous dit les exemples étrangers, moi je ne cherche pas des exemples, je ne dis pas qu’il faut importer un exemple ou un modèle mais malgré tout on peut quand même regarder comment les autres font et quand ils font bien s’en inspirer. Et on prend souvent en exemple le modèle allemand, il n’est pas le seul. Si on va en Autriche, si on va en République tchèque, peut-être aux Pays-Bas ou au Danemark, on va retrouver des choses similaires mais l’Allemagne est sans doute par sa taille, par son histoire le pays le plus proche du nôtre et quand on regarde les acteurs savent être solidaires, solidaires dans leur pays, solidaires en Europe et solidaires aussi à l’échelle internationale. Et ça ça donne des résultats, donc c’est à nous aussi de veiller scrupuleusement à accompagner et non pas faire à leur place mais à accompagner à l’international en les associant aux efforts d’innovation, en instaurant des comportements vertueux, chaque filière, l’ensemble des acteurs.
Et donc vos travaux ont permis d’identifier un certain nombre de freins à la compétitivité et ce travail est particulièrement riche et il doit inspirer notre politique industrielle parce que l’heure de l’action est désormais venue et je pense que nous pouvons si nous le voulons créer le sursaut collectif nécessaire avec une ambition qui est celle de mettre fin au décrochage réel de notre industrie et de retrouver durablement une place au premier rang de l’industrie mondiale. Je l’ai dit dans ma déclaration de politique générale, un pays sans industrie c’est un pays sans avenir. Et malheureusement nous sommes face à une situation préoccupante, en 10 ans la part de l’industrie dans la richesse produite en France a diminué de 30%, celle de l’emploi industriel dans l’emploi total de 20%, 750 000 emplois industriels ont été perdus en 10 ans, c’est considérable. Et c’est vrai aussi que les derniers plans de restructuration annoncés ces derniers jours ou ces dernières semaines témoignent de cette tendance lourde et peuvent aussi conduire au découragement.
Sur ce plan, le gouvernement et notamment le ministre du Redressement productif mais aussi avec les autres ministres et encore une fois particulièrement celui de l’Economie et des Finances sont totalement mobilisés face à cette situation d’urgence économique et sociale. Là il s’agit d’une position défensive mais il faut l’avoir à la fois à l’échelle nationale sur des gros dossiers et vous les connaissez tous mais aussi à l’échelle territoriale parce qu’il ne faut pas oublier les PME qui sont concernées par ces situations. Certaines peuvent être sans difficulté avec un effort bien entendu à une solidarité redressées, faut-il en avoir la volonté mais c’est possible. Parfois, il faut faire preuve de créativité et d’imagination, résister aux tendances lourdes, aux habitudes, et c’est ce que nous faisons. La nomination dans chaque préfecture de région d’un commissaire à l’industrialisation a pour but justement d’être l’interlocuteur permanent de tous les acteurs mais aussi avant même les futures lois de décentralisation de mobiliser les grandes collectivités territoriales, je pense en particulier aux régions qui font déjà beaucoup et qui sont prêtes à faire plus. Mais ça c’est la position défensive avec toutes les différentes situations que je viens d’évoquer, je ne vais pas les décrire davantage mais il y a des filières très touchées, je pense à la filière automobile, qui nécessiteront au-delà de l’examen de chaque situation une action globale, forte, rapide et durable, donc nous y travaillons, le ministre vous en parlera je pense aussi.
Mais, vous l’avez compris, la volonté du gouvernement c’est d’inscrire cette action dans la durée sur une politique de long terme et pas seulement défensive mais offensive. Et donc c’est vrai que cela va au-delà de la gestion au jour le jour d’une situation dégradée et dont nous héritons mais je en suis pas là pour simplement dire c’est l’héritage, nous sommes au pouvoir, nous sommes aux postes de responsabilités, donc nous avons le devoir de faire face, de résister, d’agir, même si cette action, je ne le cache pas, est difficile. C’est donc maintenant qu’il faut aussi engager les réformes en profondeur pour donner à notre industrie les moyens de figurer durablement parmi les meilleures du monde. Et la France n’est pas n’importe quel pays et elle doit avoir cette ambition en partant de nos atouts, j’ai décrit des choses qui ne marchent pas, des choses négatives mais il y a aussi beaucoup de choses qui marchent, beaucoup de capacités, beaucoup d’intelligence, beaucoup de réussite aussi dont il faudrait parler pour entraîner les autres. Et donc parfois il faut changer un certain nombre de choses, remettre en cause certains politiques. Et c’est vrai que nous avons besoin de formations d’excellence mais nous avons beaucoup de main-d’œuvre très qualifiée, nous avons avec cette main-d’œuvre qualifiée une bonne productivité, une main-d’œuvre motivée, partons aussi de cette réalité même si malheureusement il y a encore trop de jeunes éloignés des métiers de l’industrie alors soit par l’échec scolaire, soit par le manque d’intérêt pour ces métiers et donc ça aussi c’est un défi à relever. Mais le grand chantier de la reconstruction de notre système éducatif et qui passe d’abord par un effort massif au niveau du début des cycles et en particulier le cycle primaire doit avoir aussi comme objectif d’intéresser les jeunes aux métiers professionnels et de l’industrie et le faire dès le départ avec le souci de la transmission d’une culture scientifique et technique qui fait aujourd’hui défaut dans notre pays.
Et là encore je parle de ma propre expérience de maire que je ne suis plus, il faut respecter nos engagements en matière de cumul des mandats puis ça serait quand même très difficile de faire les deux. Mais j’ai l’expérience d’un travail sur la culture scientifique et technique avec les écoles, les grandes écoles, un certain nombre d’associations et il y a des résultats. On voit changer les mentalités, on voit changer les habitudes, on voit dépasser les craintes et on voit dépasser les visions... image d’Épinal d’une industrie qui se résumerait aux hauts-fourneaux ou aux grandes usines polluantes.
Alors, quand on montre les métiers d’aujourd'hui, ah ! Les jeunes se disent : mais c’est bien, c’est intéressant. Donc c’est aussi un effort collectif que nous devons faire et ça passe d’abord par l’école et aussi par la formation de nos maîtres qui verront (sic) enfin à nouveau pouvoir bénéficier, pardon, d’une formation professionnelle digne de ce nom parce que c’est quand même paradoxal que ceux qui ne sont plus formés, ce sont ceux qui sont chargés de former les autres.
Donc, vous voyez, il y a beaucoup de choses à changer là aussi mais aussi les infrastructures adaptées, modernisées, des services publics de qualité. Un service public de qualité contribue à l’attractivité d’un pays, contribue à l’attractivité du territoire. Et puis, bien sûr, vous êtes les mieux placés pour le redire, un haut niveau de recherche et de développement avec l’ambition de soutenir des champions nationaux dans chaque filière.
Mais l’Europe doit contribuer à cela. Et vous disiez, Monsieur le président : « Est-ce que l’Europe existe ? » Des décisions importantes viennent d’être prises au Conseil européen. Certains les trouveront insuffisantes mais elles vont dans la bonne direction parce que c’est vrai qu’il y a de quoi être inquiet de voir la situation de certains pays européens et la manière dont, sommet après sommet, Conseil après Conseil, on prétend avoir solutionné et sans le faire vraiment la crise.
Là, les décisions qui ont été prises les 28 et 29 mai, je pense, même si elles sont encore insuffisantes, elles doivent être confirmées et Pierre MOSCOVICI était à la réunion de l’Eurogroupe lundi et il sait qu’il faut se battre là encore, mais le pacte de croissance et d’emploi qui a été adopté peut permettre de dégager des financements d’infrastructures stratégiques, soutenir des projets innovants, une politique commerciale fondée sur le principe de la réciprocité. Ce sont aussi les décisions qui ont été prises et le bénéfice actuel. Et donc il faut qu’on soit prêts. Il faut que les différents ministères et le Commissariat général à l’Investissement travaille d’arrache-pied sans tarder pour présenter des projets parce que s’ils sont financés aujourd'hui par la BANQUE PUBLIQUE D’INVESTISSEMENT, avec l’effet de levier que ça représente, les project bonds, bon, tout ça est en marche. Ne soyons pas les derniers à être présents.
La compétitivité est nécessaire, je l’ai dit, mais elle est nécessaire aussi pour créer davantage de richesse, faire reculer le chômage, améliorer les conditions de travail des salariés, faire progresser leur niveau de vie. Elle est donc nécessaire aussi pour pérenniser notre modèle social. Tout cela fait partie du grand pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi que le gouvernement propose au pays et vous propose d’abord. Et je souhaite que l’ensemble des leviers de la compétitivité soit discuté et cela sans tabou, je l’ai dit aussi.
Certains d’entre eux ont été évoqués lors de la Conférence sociale hier et ils vont faire l’objet d’un agenda spécifique. Je pense à la question souvent évoquée, concernant l’industrie, du coût du travail et aux modalités de financement de notre protection sociale. Il est hors de question de faire reculer le niveau de protection sociale. La protection sociale (santé, retraite) est au cœur même du pacte républicain et donc garantie pour le pays de sa pérennité, de son avenir et donc de la cohésion, j’allais dire, nationale. Donc il ne s’agit pas de l’affaiblir. Simplement, il faut trouver les bonnes réponses.
La mission que j’ai confiée à Louis GALLOIS pour préparer les bases de ce pacte tiendra naturellement compte de vos travaux mais s’inscrit aussi dans le prolongement direct de la démarche engagée au cours des deux derniers jours dans le cadre de cette grande Conférence sociale. Donc Louis GALLOIS participera à vos débats et, bien entendu, je pense que dès le mois d’octobre, on aura déjà un certain nombre d’éclairages.
En tout cas, j’ai engagé, avec détermination, responsabilité, aussi, vous le savez, un vaste programme de redressement de nos comptes publics. Je souhaite que soit établi, en parallèle et avec la même volonté, un agenda de compétitivité qui orientera notre politique industrielle. Les thèmes que vous avez-vous-mêmes identifiés seront au cœur de vos travaux et inspireront – je le souhaite – des propositions très concrètes, très opérationnelles. Je ne citerai que quelques exemples pour ne pas être long. Je pense que la France doit se doter d’une avance compétitive dans le domaine des nouvelles technologies en s’appuyant, là aussi, sur le Commissariat général à l’Investissement, sur les dispositifs européens – je viens de les évoquer. Il faut encourager les entreprises qui innovent et nous favoriserons également l’utilisation et la diffusion des nouvelles technologies dans le quotidien des entreprises.
L’innovation sera aussi au cœur de la transition écologique et énergétique que mon gouvernement entend promouvoir. Nous voulons développer, là aussi, une croissance verte qui sera – j’en suis convaincu –, pour les décennies à venir, l’une des composantes majeures de notre redressement productif. Mais il faut s’en donner les moyens. Et il y a aussi là une dimension européenne. Vous connaissez les engagements du président de la République en la matière. J’en dis juste un mot sans être long. Le président de la République s’est engagé à développer ce qu’on appelle un mix énergétique. D’un côté, il y a l’immense chantier de l’efficacité énergétique : les économies d’énergie mais aussi la sobriété, la, une manière différente de fonctionner. Ça c’est sans doute le premier chantier. C’est vrai pour le logement, c’est vrai pour les transports, c’est vrai pour les entreprises. Chacun a sa part à y prendre, c’est vrai, bon, pour les particuliers. Mais c’est aussi le développement des énergies renouvelables où la France a pris des engagements mais il y a encore du retard de pris. En tout cas, là, il ne s’agit pas d’avoir un yo-yo permanent, notamment des règles fiscales. On l’a vu avec les conséquences parfois dramatiques pour un certain nombre de secteurs économiques ou d’entreprises. Donc il faut que les choses soient claires, stables et durables.
Et puis enfin l’objectif à l’horizon 2025 – donc il faut du temps pour ça, pour réussir –, c’est de réduire la part de la production, la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 à 50 %. Mais ce qui veut dire qu’il reste et qu’il doit rester une filière industrielle du nucléaire et pas seulement pour démanteler ou déconstruire, mais aussi parce que nous garderons durablement une part d’industrie nucléaire. Donc le savoir-faire français – apprécié d’ailleurs à l’échelle internationale – sera préservé. Je tenais à vous le rappeler.
Quant aux conditions de financement des entreprises et d’abord des PME, elles doivent être améliorées. Nous allons créer un véritable service public – on peut le dire – de financement et de mobilisation des financements de nos entreprises pour coordonner beaucoup mieux et plus efficacement ce qui existe déjà, amplifier les moyens, simplifier aussi et rendre plus efficace. C’est l’objet de la BANQUE PUBLIQUE D’INVESTISSEMENT que prépare Pierre MOSCOVICI pour la fin de l’année. Dès l’automne, nous en aurons les éléments constitutifs parce qu’il y a urgence.
Là aussi, quand je rencontre les chefs d’entreprise, ils me parlent de financement, ils me parlent de trésorerie, ils me parlent de toutes ces difficultés-là. Parfois, de grands dossiers mais aussi beaucoup de petits ! Mais les petits ne sont pas négligeables, ils créent une dynamique, ils créent du lien, ils créent de la force. Et puis là aussi, rien ne sera possible si cette démarche nouvelle reste centralisée. Et je ne veux pas ouvrir un débat, Monsieur DEHECQ (phon), sur qui est girondin ou qui est jacobin. On est un peu les deux parce que l’État, il est aussi le garant, le garant de l’égalité entre les citoyens, le garant de l’égalité entre les territoires. Donc c’est son rôle et il ne doit pas avoir peur de continuer à le jouer pleinement et peut-être davantage et pas forcément s’occuper de tout.
C’est pour ça que le gouvernement va engager un nouvel acte de la décentralisation en concevant que l’État doit se recentrer sur ses missions essentielles d’abord stratégiques – je l’ai dit tout à l’heure –, garant de l’égalité mais aussi acteur pour impulser. Mais la mise en œuvre des politiques concrètes, pratiques, ça se fait sur le terrain. La France a des ressources, de l’intelligence, des capacités humaines, d’entreprises, de collectivités territoriales mais elles sont sur les territoires. Quand on se déplace en France – et vous le savez comme moi –, on voit que la France a changé toutes ces années. Elle a changé souvent parce qu’il y a eu des initiatives locales et territoriales. Alors certains pourront les contester, certains diront qu’elles sont coûteuses ou inutiles. Mais globalement, la France s’est modernisée souvent par là.
Et mon expérience – je ne veux pas vous le redire encore une autre fois, ce sera la dernière –, c’est que j’ai toujours trouvé, avec moi, sur des projets, des chefs d’entreprise. Je pense à ceux des organisations professionnelles, ceux des Chambres de commerce et d’industrie, des Chambres de métiers qui, à chaque fois qu’il y avait un projet et qu’ils étaient capables de s’intéresser, pas seulement à leur métier mais aussi à leur environnement, aux questions de société et qui se battaient pour que ça marche et qui avaient, une fois le résultat acquis, que ce soit sur les territoires urbains ou les territoires ruraux, la fierté d’avoir accompli cela. Et je pense que le levier de la fierté, le levier, je dirais, de l’ambition collective et de l’ambition partagée, au-delà des sensibilités de chacun, c’est un levier qui nous permettra de gagner et de réussir.
En tout cas, au cœur, il y a les PME – je l’ai dit –, celles qui créent de l’emploi et qui doivent donc bénéficier en priorité de nos choix et des soutiens que nous devrons apporter à travers notamment une politique fiscale plus favorable. Aussi permettre à nos PME d’accéder à la commande publique et là, on sait que c’est très difficile en Europe, en France. Et donc c’est aussi une manière de favoriser leur croissance, leur développement et les soutenir vers l’exportation et conquérir ainsi de nouvelles parts de marché.
Vous le soulignez vous-mêmes dans vos travaux et vous l’avez redit, Monsieur DEHECQ (phon), l’environnement réglementaire et administratif des entreprises est parfois très complexe et décourageant et donc je vous invite à faire des propositions. Je demande aussi aux membres du gouvernement concernés pour simplifier. Ce ne sera pas si facile que ça une fois qu’on l’a dit. Simplifier, tout le monde est d’accord. Après, quand on va passer à l’acte, on va bien trouver une bonne raison de garder telle ou telle réglementation et pas seulement celles qui sont issues des volontés des bureaux, des ministères. Parfois, ils en produisent un peu trop. Parfois, lorsque l’État est faible sur les territoires, il a tendance à créer de la norme pour affirmer son autorité. On sait ça mais il n’y a pas que ça ! Il y a la société civile elle-même qui redemande des règles, qui demande une couche de plus.
Donc c’est pour ça que ça ne peut se faire que si on accepte aussi le débat, la confrontation avec l’objectif principal et à voir après comment on s’y prend. Ça ne viendra pas tout seul. C’est pour ça que la démarche, je dirais, de négociation, la démarche de dialogue, la démarche de concertation, quels que soient les sujets, elle est incontournable sinon on ne réussit rien. Le décret ne suffit pas, surtout dans cette matière.
En tout cas, c’est vrai que certains secteurs souffrent d’un excès de rigidité qui pèse aussi sur la croissance, qui pèse même sur le pouvoir d’achat. Donc il faudra avancer avec pragmatisme. Notre stratégie industrielle doit permettre aussi la création d’un nouvel écosystème qui sera favorable ainsi au développement de nos entreprises.
La contrepartie de cet engagement de l’État doit être claire. Je l’ai dit, il a pour bout de stimuler un sursaut collectif des entreprises elles-mêmes. Donc il est souhaitable que chaque filière se dote d’une feuille de route qui soit très opérationnelle, très concrète, avec des engagements solidaires des entreprises entre elles, grands groupes et grands donneurs d’ordres et aussi les PME et les TPE et des partenaires sociaux qui doivent être autour de la table – je pense au dialogue social territorial – en tenant compte, bien sûr, des bassins d’emploi.
Le redressement productif – je conclus – sera l’affaire de tous et ici, vous en êtes plus convaincus encore que quiconque. Mesdames, Messieurs, c’est vrai, j’ai conscience que le chantier qui est devant nous est lourd mais il est crucial et il déterminera en grande partie l’avenir de la France. Donc, moi, je vous donne un rendez-vous pour une conférence en grand format. Donc je reviendrai – je l’ai dit, ce n’est pas par politesse – parce que ce rendez-vous est utile, il est indispensable.
Je termine pour vous dire que cette grand ambition de redressement dans la justice qui est celle du président de la République, j’ai évoqué des mesures d’urgence, mesures d’urgence par rapport aux restructurations industrielles, mesures d’urgence pour préparer la rentrée scolaire, mesures d’urgence pour contribuer à l’équilibre de nos comptes publics – je pense à la loi de finances rectificative de 2012 –, mais ne pourra permettre ce redressement que si nous engageons des réformes de structure. Donc le pacte productif dont j’ai parlé en est une des composantes essentielles. La reconstruction de notre système éducatif également. Et il ne s’agit pas de mettre uniquement des postes. Il faut mettre des moyens ! Tous les pays qui ont une éducation, un système éducatif performant ont mis les moyens ! C’est de l’investissement ! J’ai parlé de la formation des maîtres mais c’est aussi une réorganisation, c’est un autre état d’esprit. Donc c’est une réforme que nous engageons et c’est pour ça que j’ai ouvert l’autre jour, avec le ministre de l’Éducation nationale, Vincent PEILLON, les, la concertation parce qu’il faudra, là aussi, bouger.
L’autre grande réforme, c’est la réforme fiscale avec premier objectif, c’est la justice parce qu’on ne peut pas demander aux Français un effort, alors qu’ils savent qu’il faudra faire des efforts – tout le monde sait qu’il y a des efforts à faire –, s’ils ne sont pas convaincus que ces efforts sont justes. Et puis la réforme fiscale, elle a aussi le but d’être efficace sur le plan économique et de prendre en compte aussi les dimensions essentielles de l’écologie. Donc c’est un vaste chantier qui ne fait que s’ouvrir. Et donc là aussi on aura besoin de vos contributions. Et puis c’est – je l’ai dit – la transition énergétique et le grand chantier de la réforme de l’État et de la décentralisation auquel je tiens particulièrement, non pas pour faire bien mais parce que c’est la garantie de la réussite.
Voilà, Mesdames, Messieurs, Monsieur le vice-président, Mesdames, Messieurs les ministres, l’état d’esprit qui est le mien, qui est celui de mon gouvernement qui est la conscience que nous avons aussi de la gravité, de la difficulté des problèmes mais aussi de la confiance que nous avons dans les capacités de la France que vous représentez à travers vos engagements respectifs, … actions de tous les jours. Et encore une fois, je vous remercie de consacrer du temps, au-delà de vos obligations professionnelles, à cette réflexion et à ces travaux de proposition qui seront utiles non seulement à l’industrie mais utiles à la France. Je vous remercie.
Source http://www.gouvernement.fr, le 12 juillet 2012