Déclaration de Mme Fleur Pellerin, ministre des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, sur le rôle majeur des petites et moyennes entreprises (PME) dans le redressement économique et industriel français, à Paris le 28 juin 2012.

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Circonstance : Salon Planète PME à Paris le 28 juin 2012

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les chefs d’entreprise,
Mesdames et Messieurs,
L’événement que vous organisez aujourd’hui est pour moi essentiel.
Je dois vous dire à quel point je me réjouis d’être parmi vous aujourd’hui, et d’avoir eu l’honneur d’inaugurer ce matin cette grande manifestation qui nous rassemble autour d’une même envie : faire gagner aux PME françaises la rude bataille de la compétitivité et de l’innovation. Cette bataille se gagnera avec vous : aujourd’hui, ensemble, nous initions un travail, qui sera aussi intense que durable.
Et si j’ai attendu ce jour pour m’exprimer pour la première fois publiquement sur mon ambition pour les PME, sur mon ambition pour vous, c’est bien pour marquer toute l’importance que j’accorde à « Planète PME », ce formidable rendez-vous des entrepreneurs qui fête cette année la 10ème édition !
J’ai conscience de l’ampleur de la tâche qui m’a été confiée au service des PME, de leurs dirigeants et de leurs salariés : c’est un honneur de servir cette cause, votre cause, jour après jour, aux côtés d’un Ministre, Arnaud Montebourg, qui comme vous le savez ne ménage pas ses efforts pour redonner à notre industrie toutes ses couleurs.
Avant de parler des défis communs qui nous attendent, je veux dès à présent vous dire la méthode qui sera la mienne :
- je veux, sans relâche, sillonner notre territoire, région après région, pour aller à l’écoute de ceux qui font vivre nos PME au quotidien, pour comprendre leurs attentes et leurs préoccupations, pour porter aussi leur voix ;
- je rappellerai, jour après jour, au sein du gouvernement, que les PME étaient l’une des grandes priorités des engagements de campagne de François Hollande et qu’elles sont aujourd’hui au coeur de l’action du gouvernement de Jean-Marc Ayrault ;
- je veillerai, mesure après mesure, à ce que les intérêts spécifiques de nos PME soient bien pris en compte dans l’action gouvernementale ;
- je ne ménagerai pas mes efforts pour promouvoir le goût d’entreprendre, la valeur du risque utile : la figure de l’entrepreneur est parfois injustement ignorée, je veux qu’elle retrouve toute sa noblesse ; c’est aussi un peu un combat personnel, pour la fille d’entrepreneur qui s’exprime aujourd’hui devant vous… ;
- enfin, je suis convaincue que mon rôle est aussi de montrer des exemples à suivre, des modèles de réussite : une ministre des PME doit s’attaquer aux problèmes et aux difficultés de nos entreprises, mais elle doit aussi valoriser les succès des PME françaises, accompagner les bonnes pratiques, mettre en avant les choix réussis.
C’est pourquoi, je veux d’abord évoquer le formidable potentiel et les atouts, Mesdames, Messieurs, des entreprises dans lesquelles vous travaillez ou que vous dirigez.
La capacité à innover, voilà un atout formidable pour nos PME !
J’y attache une importance toute spéciale, car ce lien entre les PME et l’innovation est au coeur même du portefeuille dont j’ai la charge. Le gouvernement a, je le crois, donné un signal fort en confiant à une même ministre cette double responsabilité.
On oublie peut-être trop souvent que les petites et moyennes entreprises sont plus innovantes qu’on veut bien le dire. Le montant total des dépenses qu’elles ont consacré à la R&D a augmenté de 35% entre 2005 et 2009. Il en va de même pour les brevets, pour lesquels l’effort des PME ces dernières années est réel (+ 20 % de demandes de brevets en moins de dix ans). Je veux croire en cette génération de dirigeants de PME qui ont l’innovation chevillée au corps.
Nos PME, qu’elles soient naissantes ou déjà en développement, ont su aussi montrer leur capacité à s’adapter à des situations de crise pourtant parfois très dures pour elles. Les taux de créations d’entreprises sont restés, pendant ces dernières années, élevés au regard des moyennes européennes. Et les chiffres récents sont tout aussi éloquents : près de 550 000 entreprises, de tous statuts, ont été créées en 2011. Pendant la crise, les efforts des dirigeants comme des salariés des PME ont aussi permis de conserver les emplois : pour la seule année 2009, alors même que leur chiffre d’affaires reculait de 5,4%, la masse salariale des PME est restée quasiment stable.
Je voudrais vous dire à quel point les réussites d’entreprises françaises, parvenues à s’adapter à la demande des marchés mondiaux, malgré la concurrence des pays émergents, sont loin d’être isolées et présentent une forte valeur d’exemplarité à mes yeux :
- je songe à une entreprise comme SBM, fabriquant de chauffage industriel à rayonnement installée en Bourgogne et qui réalise un chiffre d’affaires de 6 millions d’euros, à partir d’une fabrication 100% française. Avec ses 45 salariés, et depuis son usine de Clénay, elle exporte 70% de sa production dans plus de 65 pays ;
- je pense aussi à la réussite exceptionnelle de EPSILON COMPOSITE, une PME d’Aquitaine, devenue leader mondial sur le marché de la pultrusion de profilés en fibre de carbone. Cette entreprise qui réalise 90% de son chiffre d’affaires à l’export a plus que doublé ses effectifs entre 2005 (70 salariés) et 2010 (160 salariés) en s’appuyant sur une stratégie d’innovation, de diversification et une réactivité remarquable pour répondre aux demandes de ses clients ;
- je suis également impressionnée par les résultats d’une entreprise comme DOUCE HYDRO, leader français sur le marché des vérins industriels et dans les premiers au niveau mondial. Son CA est passé de 17M€ en 2007 à plus de 33M€ en 2010 avec une part à l’export qui atteint désormais 80%. Ce développement spectaculaire doit tout ou presque à l’effort de cette PME picarde en R&D, à sa stratégie de croissance externe et à son ouverture vers de nouveaux marchés tels que le off-shore ou l’éolien.
J’ai tenu à citer ces quelques exemples d’entreprises, mais je sais très bien que, parmi vous, nombreux sont ceux que je pourrais également mentionner comme autant d’exemples à suivre.
Les entrepreneurs français, vous le voyez bien, n’ont aucun complexe à avoir dans la compétition internationale !
Il y a donc de vraies raisons d’espérer, et des atouts indéniables qu’il nous faut, ensemble, exploiter au mieux.
Mais la situation actuelle reste très tendue, et les menaces qui pèsent sur votre activité, après la crise de 2009 puis dans le contexte actuel, ne doivent pas être prises à la légère.
Il y a d’abord des difficultés conjoncturelles. Deux crises successives laissent des traces, parfois lourdes.
M. Roubaud a ainsi alerté le gouvernement sur les problèmes de trésorerie que rencontrent les PME : nous nous montrerons extrêmement attentifs à ces questions, essentielles pour la préservation de l’activité des PME, et prêts à réagir si la situation venait à se tendre davantage. Nous devons veiller à ce que ce problème, pour l’heure conjoncturel, ne devienne pas chronique. C’est un sujet important, qui en appelle d’autres (celui des délais de paiement, celui de l’accès au crédit), sur lesquels nous voulons être tout aussi vigilants.
Nous avons aussi, en commun, des préoccupations au long cours, qui se jouent à un niveau plus structurel.
Le constat est simple mais préoccupant : les PME françaises naissent « petites » (en effectifs et en capitaux propres) et peinent par la suite à combler leur retard pour « grandir », « innover » et « exporter ».
Nos entreprises naissent avec une vulnérabilité quasi-« congénitale » dont elles se remettent parfois difficilement : avec moins de 8 000 euros, la majorité des créateurs dispose d’un capital initial bien plus faible que nos homologues britanniques ou allemands par exemple.
Le tissu économique français reste marqué par des disparités entre d’une part une base très large de petites entreprises et, d’autre part, une poignée de grands groupes de taille mondiale, avec, entre les deux, environ 4600 entreprises de taille intermédiaire (ETI), soit moitié moins que chez notre voisin allemand.
Quant à notre capacité à nous projeter à l’international, elle reste bridée par le faible nombre d’entreprises exportatrices (110 000 aujourd’hui), en stagnation, alors qu’il ne cesse de croître en Allemagne ou en Italie.
En résumé notre pays peut compter sur des entrepreneurs dynamiques. Mais cette vitalité ne porte pas pleinement ses fruits. Mon projet est simple : je veux libérer l’énergie créatrice et l’envie d’entreprendre, au service de la croissance de notre pays.
Pour être en mesure d’offrir aux PME l’environnement qu’elles méritent afin qu’elles poursuivent leur développement, y compris à l’international, je veux m’engager sur trois fronts importants :
* je prendrai d’abord toutes les dispositions nécessaires pour briser le « plafond de verre » qui fragilise les PME dans leur expansion et pour mieux les accompagner aux différents stades de leur développement
Ce plafond de verre, auquel se heurtent encore les PME, surgit parfois dès les premières étapes, cruciales, du financement.
La création prochaine de la Banque publique d’investissement (BPI) est justement conçue pour être le bras armé d’une nouvelle politique de financement de l’économie, plus ambitieuse et totalement dévolue aux petites et moyennes entreprises. Comme vous le savez, nous avons lancé une Mission de préfiguration pour préparer l’installation de la BPI, qui sera opérationnelle début 2013.
Aucune source potentielle de financement ne sera négligée : je serai par exemple attentive aux conclusions du rapport de Nyse Euronext, qui seront dévoilées le 3 juillet prochain, sur le projet d’une plate-forme boursière dédiée aux PME et aux ETI.
Sur le plan budgétaire, le Président de la République l’a indiqué à plusieurs reprises : en dépit de la dureté de la situation, le Gouvernement donne priorité à la croissance et au redressement productif. Au sein de ce gouvernement, mon rôle est justement de tout faire pour que la réforme fiscale qui sera engagée se fasse, malgré le contexte budgétaire très tendu, en faveur des PME, de l’investissement et de l’innovation et sous le signe de l’équité entre grandes et petites entreprises. Croyez-moi, j’y veillerai très attentivement !
Pour l’intérêt de nos PME, l’Etat doit bien entendu rester vigilant au-delà de la seule politique fiscale. Chaque mesure, chaque texte, chaque décision peut avoir un impact lourd, parfois imprévu, sur la vie quotidienne de nos PME : aussi, je m’engage devant vous à mettre en oeuvre le « test PME » que le Président de la République, alors qu’il était encore en campagne, est venu annoncer devant la Confédération le 2 avril dernier. Avec le soutien du Premier Ministre, je veillerai à ce que chaque nouvelle législation, avant de devenir définitive, soit examinée à la lumière de ses effets sur l’entreprise et plus particulièrement sur la petite et moyenne entreprise.
Protéger les PME, c’est en effet d’abord leur garantir un environnement financier, fiscal et réglementaire qui soulage leurs contraintes !
* mon second engagement - et je souhaite que vous soyez témoins et juges de mes efforts sur ce sujet - est de stimuler le « réflexe PME » auprès du plus grand nombre
De quoi s’agit-il ? Nous devons être en mesure d’accompagner nos entreprises vers un nouveau modèle de développement économique, qui place les petites entreprises, source de croissance, au centre de toutes les attentions et où l’esprit collaboratif prévale clairement dans la relation entre les grands groupes et les PME.
La récente enquête publiée en partenariat avec la Médiation des relations inter-entreprises, me conduit en effet à penser que si l’état d’esprit est en train de changer, d’importants progrès restent à accomplir pour rééquilibrer la relation actuelle entre donneurs d’ordre et sous-traitants. Vous pourrez compter sur ma mobilisation et ma vigilance sur cette question. Je porterai ce message avec fermeté auprès de nos grands groupes, et saurai me faire parfois la porte-parole de sous-traitants qui n’osent pas toujours tout dire.
La sphère publique devra elle-même montrer l’exemple. Je veux parler ici de la commande publique. On ne peut pas se satisfaire de ce que les PME obtiennent aujourd’hui une part des marchés publics (28% de la valeur ajoutée) notablement inférieure à leur poids dans l’économie (44%). L’Etat, mais aussi les opérateurs et les collectivités locales doivent conduire, de concert, cette importante réflexion.
Pour stimuler ce « réflexe PME » que j’appelle de mes voeux, j’engagerai prochainement une mission destinée à explorer toutes les pistes (financières, fiscales, réglementaires) susceptibles d’accélérer le développement des PME françaises.
On estime à 10 000 le nombre de PME françaises ayant le potentiel de devenir championnes dans leur domaine ! Ne passons pas à côté de cette opportunité et aidons-les à y parvenir !
* mon troisième engagement devant vous aujourd’hui est de soutenir les PME dans leur bataille pour la compétitivité et la conquête des marchés internationaux
Le commerce extérieur de la France traverse une passe très préoccupante : en un peu plus de dix ans, la part des exportations françaises dans les échanges mondiaux a presque diminué de moitié (un peu plus de 3 % aujourd’hui). Or, comme vous le savez, les PME sont concernées au premier chef dans cette tendance à la baisse : d’une part, elles sont trop peu nombreuses à exporter ; d’autre part, en valeur, moins d’un euro exporté sur deux provient des PME.
Nous devons tout mettre en oeuvre pour faire participer activement les PME à l’effort de redressement des exportations. On a beaucoup insisté au cours des derniers mois, à juste titre, sur le différentiel de performance à l’exportation qui s’est creusé au cours des années 2000 entre la France et l’Allemagne, à notre détriment.
Avec ma collègue Nicole Bricq, en charge du commerce extérieur, nous aurons à coeur de cibler le plus efficacement possible notre soutien au potentiel exportateur des PME françaises.
Pour ma part, j’estime qu’il est essentiel d’aider les PME à renforcer la stratégie de différenciation de leurs produits et de leurs services à l’export !
Pour cela, je porterai prochainement, au sein du Gouvernement, un nouveau plan d’accompagnement volontariste pour soutenir la stratégie globale d’innovation des entreprises dans ses différentes dimensions : accompagnement de la transition numérique, design, marketing, stratégie de marque, propriété intellectuelle, etc.
Le redressement de notre économie est à ce prix : ériger un « bouclier » protecteur des PME, dans leur diversité, et leur permettre aussi de grandir, d’innover, d’entreprendre pour gagner la bataille de la compétitivité. Les PME d’aujourd’hui représentent la croissance et les emplois de demain.
Une chose est sûre : je ne pourrai accomplir ce chemin qu’avec votre plein concours ! Je compte sur votre mobilisation. Soyez pleinement convaincus de la mienne !
Merci beaucoup pour votre attention.
Source http://www.redressement-productif.gouv.fr, le 9 juillet 2012