Déclaration de M. François Lamy, ministre délégué à la ville, sur les grandes orientations de la politique de la ville, à Evry le 29 juin 2012.

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Circonstance : Déplacement à la Maison de l'Habitat, à Evry (Essonne) le 29 juin 2012

Texte intégral

Monsieur le Préfet de l’Essonne,
Monsieur le Préfet délégué à l’égalité des chances,
Monsieur le Député,
Monsieur le Sénateur,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Monsieur le Maire,
Mesdames et monsieur les élus,
Mesdames et monsieur,
Chers amis,
Permettez-moi pour commencer de vous faire part de mon plaisir de pouvoir être aujourd’hui avec vous en Essonne, ce département que je connais bien, qui s’est engagé dès les premières heures dans une action volontariste pour changer la vie des quartiers en difficulté ; un territoire qui a le souci de l’égalité, un lieu d’expérimentation et d’innovation comme en témoigne le plan de cohésion sociale et urbain du conseil général et les multiples actions menées par les collectivités territoriales.
Je suis heureux, après cette visite de terrain, toujours trop rapide, de pouvoir ébaucher ici quelques orientations de la politique de la Ville pour les prochains mois.
Le 6 Mai dernier des millions de français ont accordé leur confiance à François Hollande. Le Président de la République a été élu pour mener à bien un programme. L’engagement 27 du projet du Président de la République est notre feuille de route. Et puisque pour pouvoir avancer c’est important de savoir où l’on va, je vais prendre quelques instants pour le lire : « Je lancerai une nouvelle génération d’opération de renouvellement urbain, je les compléterai avec des actions de cohésion sociale en lien avec les collectivités et les associations et je maintiendrai les services publics dans nos quartiers. J’augmenterai les moyens, notamment scolaires, dans les zones qui en ont le plus besoin et je rétablirai une présence régulière des services de police au contact des habitants ».
C’est cela la normalité, un Président de la République qui donne le cap, un Premier ministre qui fixera la feuille de route lors de son discours de politique générale le 3 juillet prochain et un gouvernement uni qui la mettra en oeuvre après avoir reçu la confiance de la majorité parlementaire.
Depuis plus d’un mois maintenant, le gouvernement est au travail, je sais que les attentes en ce qui concerne la Politique de la Ville sont extrêmement importantes. A chacun de mes déplacements je mesure les besoins. Aujourd’hui encore des demandes particulières m’ont été faites, que je m’efforcerai de satisfaire dans les prochains mois.
Je connais les enjeux, je sais qu’il y a un certain nombre de quartiers prioritaires qui n’ont pas pu bénéficier d’investissements à la hauteur des difficultés qu’ils rencontrent. Je sais que les associations, acteurs essentiels du vivre ensemble ont vu leur subventions diminuées. Je mesure l’immensité du travail accompli par des professionnels et des élus qui ont été insuffisamment soutenus.
Avant de définir les grandes priorités d’actions, j’ai choisi de prendre le temps d’aller à la rencontre des habitants, des associations, des élus, d’évaluer les dispositifs mis en oeuvre.
S’il y a une urgence, la mesure d’urgence n’existe pas.
Ces dernières années, les coups de communications, humiliations et stigmatisations à tout va ont tenté de masquer l’impuissance à agir. Les effets d’annonces ont remplacé le travail et la volonté réelle d’améliorer les vies.
Depuis 10 ans, sous couvert « d’urgence », les plans, les agences, les contrats, les zones se superposent les uns aux autres tandis que le droit commun se désengage peu à peu de ces territoires. A chaque crise, à chaque « émeute » on invente un nouveau dispositif de la politique de la ville sans jamais traiter les problèmes à la racine.
Dans son discours du Bourget, le Président de la République a fait une promesse à la France : faire en sorte que chaque jeune de France vive mieux en 2017 qu’en 2012.
Cet engagement c’est ce qui guide les pas, les choix et les actions du gouvernement. Cet engagement il vaut autant pour les jeunes de nos villes, de nos campagnes que de nos quartiers.
Vous pouvez compter sur moi pour mobiliser tous les outils et les énergies, pour que dans nos quartiers populaires, cette promesse devienne réalité.
Notre boussole est unique: la Justice
J’ai souvent entendu dire que les habitants de nos quartiers populaires bénéficiaient de plus de moyens que les autres. C’est faux.
La réalité c’est qu’en France, l’Etat investit moins pour les enfants des quartiers populaires que pour les autres.
En 2010, l’Etat a dépensé 47% de plus pour former un élève parisien que pour former un banlieusard de l’Académie de Créteil ou de Versailles. A la rentrée 2011 l’académie de Créteil, qui gagnait près de 4000 élèves dans le secondaire, perdait plus de 400 postes, tandis que Paris, qui ne gagnait que 1000 élèves, a obtenu 20 emplois de plus.
La réalité c’est qu’en France, alors que la part des demandeurs d’emplois de moins de 25 ans résidant en ZUS représente 11,1% des demandes d’emploi en fin de mois, ils ne bénéficient que de 8,5% des emplois aidés du secteur marchand.
La réalité c’est qu’en France, l’offre de soin est moins dense dans nos quartiers populaires que dans nos centres villes.
Le taux de densité de médecins généralistes est inférieur de 47% dans les ZUS à celle observée dans leurs agglomérations.
La réalité c’est que là où on mobilise des crédits spécifiques politique de la Ville, les crédits de droit commun ne suivent pas.
Notre ambition est claire : Rétablir l’égalité
Les habitants de nos quartiers populaires ne demandent pas l’aumône ou la charité, simplement l’égalité. Les habitants de nos quartiers comme tous ceux qui vivent sur le sol français ont des devoirs, ils les assument déjà largement. Ils ont aussi des droits : Droit au respect, droit à vivre dignement, droit au service public, à des écoles de qualité pour aider les enfants à grandir, à des policiers formés pour les protéger, à des centres de santé pour se soigner, à des bureaux de postes et à des commerces aussi.
Dans la République française, chacun doit être considéré à égalité et ce, quelque soit son genre, son lieu d’habitation, la couleur de sa peau ou sa religion.
Chaque territoire, chaque ville, chaque quartier a sa propre histoire, ses propres caractéristiques et besoins. Mais à chacun de mes déplacements que ce soit à Narbonne, Argenteuil, Meulan ou ici, à Evry, deux choses me marquent :
La dureté d’abord des conditions de vie des habitants de nos quartiers populaires : Ici peut être plus qu’ailleurs encore la vie est dure avec des discriminations et injustices prégnantes, un habitant sur quatre et un mineur sur deux vivent en dessous du seuil de pauvreté, 43% des jeunes hommes et 37% des jeunes femmes, soit plus de 550 000 jeunes de nos quartiers sont au chômage. C’est inacceptable.
Ce qui m’a marqué ensuite, c’est l’énergie, la volonté ensuite de ces habitants, de ces élus, de ces responsables associatifs qui s’engagent sans relâche pour leur cité. Le regard intime et tendre qu’a posé Alexis HARNICHARD sur ces « héros du quotidien » de l’Essonne leur rend un bel hommage.
Chers amis, les enjeux qui sont devant nous sont importants, alors je veux dire les choses comme elles le sont, parce qu’il n’y a qu’en partant de la réalité, sans angélisme aucun, que l’on peut changer la réalité.
D’abord, l’enjeu de la sécurité. Il y a dans nos quartiers une minorité de personnes qui ne respectent pas la loi, qui commettent des actes d’incivilités, des infractions, des délits et rien ne saurait l’excuser. Les délinquants doivent être punis. La sécurité est l’une des grandes priorités du gouvernement pour les quartiers, comme l’emploi et l’éducation. La sécurité est un préalable absolu : sans sécurité, pas de rénovation urbaine durable ; sans sécurité, pas de création d’activités et d’emploi ; sans sécurité, pas de liberté d’aller et venir ; sans sécurité, pas de libertés individuelles.
Au même titre que tous les habitants de ce pays, les habitants des quartiers doivent se sentir en sécurité dans leur quartier. En cela, je sais pouvoir compter sur mon collègue Manuel Valls, pour sa grande vigilance à l’égard des quartiers populaires.
Il y a dans nos quartiers des enfants, des adolescents et des parents aussi qui font tout ce que la République leur demande : ils vont à l’école puis au collège et au lycée, ils travaillent durs : Ces enfants, ils ont autant le droit de réussir leur vie que ceux qui sont nés à Neuilly.
C’est pour cela que la majorité des postes créent à la rentrée prochaine devront être affectés aux quartiers populaires. J’y veille et Vincent Peillon aussi, je le sais.
Il y a dans nos quartiers des jeunes qui ne demandent qu’une seule chose pouvoir travailler. Près d’un jeune homme sur deux actifs dans nos quartiers est au chômage, deux fois plus que la moyenne nationale. L’emploi, et notamment celui des jeunes, sera une de nos priorités d’action : Les emplois d’avenir, 150 000 emplois bénéficieront en priorité aux jeunes des territoires délaissés, de nos quartiers populaires. Je travaille déjà avec mes collègues du gouvernement à la demande du Premier Ministre de définir rapidement la nature de ces emplois et les critères d’attribution. Nous mettrons également en place des emplois francs et dans la future banque d’investissement une filiale sera réservée à l’investissement dans nos quartiers populaires.
Il y a dans nos quartiers des habitants, et des professionnels aussi, qui s’engagent, qui créent et qui innovent: ils doivent être reconnus, salués et encouragés pour leur engagement au service de la Cité.
Sans les associations, il y aurait tellement de choses qui ne tournerait pas rond en France, sans des professionnels engagés, qui ne comptent ni leurs heures, ni leur énergie, il y aurait tellement de projets qui n’auraient pas vu le jour.
Notre méthode d’action est transparente :
La première étape : c’est la concertation
Nous sommes dans cette phase riche d’échanges, de débats et de questionnements aussi. Il est important de se poser les bonnes questions pour prendre les bonnes décisions. 3 axes principaux de réflexions se posent à nous :
-La Politique de la Ville, telle qu’elle a été portée ces 10 dernières années, a-t-elle amélioré les conditions de vie ? Les habitants des quartiers populaires aiment leur ville, leur quartier, ils veulent la réhabilitation, la rénovation du bâti et ils ont raison. L’intervention de l’ANRU a permis de structurer et d’associer les partenaires, collectivités et bailleurs, autour de projets communs, de provoquer des investissements élevés par un fort effet levier, et au final d’améliorer, le cadre de vie des habitants des 595 quartiers concernés. Nous poursuivons la mise en oeuvre du PNRU et pour tout vous dire avant même d’envisager un PNRU2, ma priorité, dans les jours qui viennent, sera d’assurer le financement du PNRU 1, puisque nous nous retrouvons avec 6 milliards d’euros à trouver, soit la moitié du programme. J’engagerai parallèlement une démarche d’évaluation du PNRU. C’est un préalable à toute nouvelle action que nous pourrons entreprendre.
Je suis conscient de l’importance de la rénovation urbaine mais également de ses limites et je sais que vous partagez la même préoccupation que moi : En même temps que l’on réhabilite les immeubles, que l’on abat les barres, que l’on construit d’autres tours, on a trop souvent oublié ces dernières années les services publics, l’accompagnement, les associations, bref les Hommes. Agir sur l’urbain, c’est important mais ça ne peut pas suffire. Il va nous falloir rétablir, réinstaurer l’humain à côté du bâti et dessiner une nouvelle forme de contractualisation qui associe l’ensemble des partenaires, qui embrasse la réalité et les spécificités des territoires tout en équilibrant l’urbain et l’humain.
Au-delà de la Politique de la Ville, l’investissement de tous les acteurs, de toutes les administrations est-il suffisant ? Je ne le crois pas. Nous aurons très prochainement les évaluations des 33 avenants expérimentaux aux contrats urbains de cohésion sociale qui avaient comme objectif de recenser et de mobiliser les moyens de droit commun investis sur ces quartiers.
A Grigny, à Evry dans les domaines de l’emploi, de l’éducation et de la sécurité de nouveaux projets ont vu le jour. Il nous reste des étapes à passer, des frontières à dépasser, des batailles à mener mais avec de l’intelligence et de la volonté nous pouvons avancer. L’investissement du droit commun est une condition indispensable à l’amélioration de l’action publique en faveur des habitants des quartiers, la mobilisation générale est indispensable et vous l’avez bien compris ici en Essonne.
-100 ZFU, 416 ZRU, 751 ZUS, 494 PRU, 2492 quartiers CUCS, la multiplication des zonages, l’éparpillement des moyens, est-ce une méthode d’action qui a porté ces fruits ? J’en doute. Le Président de la République s’est engagé à bannir ces zonages qui stigmatisent, divisent, assignent à résidence, je vous proposerai très prochainement de travailler ensemble à la déclinaison pratique de l’engagement du président de la République.
La seconde étape : c’est la prise de décision.
Le précédent gouvernement a laissé le pays dans une situation économique préoccupante et toutes les dépenses de l’année 2012 n’ont pas été budgétées. Rien qu’en ce qui concerne l’ANRU, je l’ai dit tout à l’heure, par exemple, les ressources ne sont pas sécurisées.
Le gouvernement tiendra ses engagements en termes de déficits publics, aussi toute nouvelle politique, toute nouvelle dépense sera jugée sous le double critère de la justice et de l’efficacité. Il n’est pas question de donner dans la précipitation mais dans l’efficacité. Ce sera la même règle pour la politique de la Ville.
Une fois la concertation et l’évaluation aboutie nous définirons des chantiers. Le Premier Ministre donnera l’orientation au moment du discours de politique générales. C’est à partir de celui-ci que je serai amené à faire des propositions d’actions au Premier Ministre et à mes collègues du Gouvernement. Gouverner c’est choisir, nous ferons donc des choix et nous les assumerons.
Nous aurons comme seule boussole la Justice et comme seul objectif, améliorer la vie des françaises et de français.
Le changement est en marche, le temps nous est précieux. Nous connaissons les difficultés rencontrées et nous agirons dès l’été: augmentation de l’allocation de rentrée scolaire de 25%, création de 80 000 contrats aidés supplémentaires, 1000 postes supplémentaires à la rentrée dans l’éducation nationale. A coté de ces mesures, la mise en oeuvre de mesures structurelles est nécessaire afin non pas de gérer les problèmes mais de les régler en profondeur et c’est ce à quoi nous allons nous atteler.
Je vous tiens un langage de vérité, ma méthode sera fondée sur la franchise et le dialogue. Vous trouverez toujours ma porte ouverte pour travailler ensemble sur les chantiers décisifs qui s’annoncent.
Vous pouvez compter sur ma détermination pour porter la voix des 8 millions d’habitants qui vivent dans nos quartiers populaires dans l’équipe gouvernementale. Je sais que je peux compter sur vous pour expérimenter, innover ; pour développer une politique volontaire et efficace.
Source http://www.territoires.gouv.fr, le 12 juillet 2012