Texte intégral
Monsieur le Président,
Messieurs les Directeurs généraux,
Mesdames et Messieurs,
Avant de commencer ce discours, je voulais tout d'abord exprimer mon émotion après la disparition brutale d'un agent du réseau de coopération ce week-end. Mes pensées ainsi que les vôtres vont à ses proches et à tous ceux d'entre vous qui ont eu l'occasion de travailler avec lui.
Cet événement tragique nous rappelle que le réseau de coopération et d'action culturelle, ce sont d'abord les hommes, surtout des hommes d'ailleurs en regardant cette salle, et les femmes qui le composent.
Vous êtes les représentants de ces 7.000 agents qui aujourd'hui incarnent la politique d'influence et de développement française.
Comme ministre délégué chargé du Développement, sous l'autorité de Laurent Fabius, j'ai la responsabilité d'une des finalités de notre action de coopération à savoir le développement. J'ai eu l'occasion de me présenter aux équipes de la DGM peu de temps après mon entrée en fonction. J'ai aujourd'hui la possibilité de vous rencontrer pour vous présenter les grandes lignes qui gouverneront mon action.
Cette action s'inscrit dans une volonté de changement, la volonté de changement souhaité par les Français, par le président de la République, par le Premier ministre, la volonté de construire un nouveau partenariat avec les pays en développement.
J'ai donc, sous l'autorité du ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, la passionnante responsabilité de concrétiser cette volonté de changement, dans le monde d'aujourd'hui, un monde en mutation, ce monde qui fait face à un formidable défi, celui du développement durable, soutenable.
À la fin du siècle dernier, nous avons assisté à l'effondrement du bloc communiste. J'avais quinze ans à l'époque. La division Est-Ouest qui structurait la vision du monde de l'après-guerre, n'était plus. Certains ont alors parlé de fin de l'histoire. La réalité du monde s'est rapidement chargée de démentir ce présage. Vingt ans plus tard, notre vision du monde doit s'adapter à un nouveau changement. Plus progressif mais tout aussi radical. Nous assistons peu à peu à la disparition, non plus de la division Est-Ouest, mais de la division Nord-Sud, cette division non pas politique mais économique du monde. Non pas du fait de l'effondrement d'un bloc mais d'une émergence au Sud. Émergence économique, le Brésil la Chine, l'Inde, mais aussi émergence démocratique, sur la rive sud de la méditerranée et au Moyen-Orient.
Pourtant, malgré ces émergences, la fin des politiques de développement n'est pas pour demain.
Car aux côtés de ces émergences, nous constatons aussi des stagnations. Le nombre des pays les moins avancés n'a diminué que très marginalement ces dernières années. Quand les crises ou les catastrophes naturelles n'entraînent pas parfois de terribles reculs. Le développement n'est pas un processus linéaire. La situation au Mali, que nous suivons tous avec beaucoup d'attention et beaucoup d'émotion, en est l'illustration. J'ai reçu la semaine dernière des maires maliens qui m'ont exprimé leur inquiétude notamment face à l'afflux de réfugiés en provenance de provinces du nord du pays. Ils m'ont exprimé le désarroi et la vulnérabilité des habitants contraints d'abandonner leurs villages, d'abandonner le peu qu'ils possèdent. Ces hommes et ces femmes nous rappellent que pour une partie trop importante de l'humanité, l'existence se réduit encore à la survie. Cette ligne de fracture nous devons tous l'avoir à l'esprit quand nous décidons de nos politiques et quand nous les mettons en oeuvre.
La fin de l'histoire pour les politiques du développement n'est pas pour demain car au sein même des pays émergents subsiste une pauvreté extrême. Plus d'un milliard d'être humains vivent avec moins de un dollar par jour et près de la moitié d'entre eux vivent en Chine et en Inde. Le programmeur informatique de Bangalore ne doit pas nous faire oublier l'ouvrier agricole de la région d'Orissa, l'une des plus pauvres de l'Inde.
Cependant, la fin d'une certaine histoire du développement est en cours, car, notre monde fait face à un changement de paradigme. De la Renaissance à nos jours, la maîtrise de la nature par l'homme a été un des fondements de notre modernité. La science, le progrès technique ont permis de rompre avec les fatalités. Fatalité des famines, fatalité des épidémies, fatalité des événements naturels. Et l'homme guidé par sa raison s'est progressivement émancipé de la nature. Cette émancipation a donné à l'être humain une formidable liberté.
Mais aujourd'hui et c'est ça le changement de paradigme, la toute puissance de l'homme fait peser sur lui, pour la première fois dans l'histoire, une responsabilité nouvelle, celle de cogérer sa planète. Car, notre capacité créatrice nous amène au seuil des limites de notre planète. Que l'on s'intéresse au climat, à la biodiversité, aux océans, à la forêt, tous les indicateurs sont, au mieux, à l'orange, au pire, au rouge. Or, nous n'avons pas de planète de rechange. Gérer cette planète, c'est notre défi commun, c'est le défi du développement soutenable. Le développement durable, c'est inventer une nouvelle équation qui inscrit cette émancipation libératrice de notre modernité dans cette responsabilité écologique nouvelle qui incombe à l'humanité.
C'était l'objectif par exemple de la Conférence Rio+20. J'étais à Rio aux côtés de Laurent Fabius, aux côtés du président de la République, un des seuls chefs d'État occidentaux à avoir fait le déplacement. Nous le savons, malheureusement, le sommet de Rio n'a pas débouché sur la feuille de route nécessaire pour définir les nouveaux compromis entre les pays les moins avancés, les pays en développement et les pays développés ni pour inventer les nouveaux modes de production dont nous avons besoin pour sortir 1,3 milliard d'êtres humains de la pauvreté tout en faisant en sorte que l'humanité puisse vivre à 9 milliards dans les limites d'une planète, une petite planète, la seule que nous ayons !
Pour trouver ces nouveaux compromis, nous aurons besoin de nouveaux Sommets internationaux. Nous aurons besoin de dialogue pour progresser vers des objectifs du développement durable, dont le principe a été acté à Rio. L'une des rares avancées de ce Sommet. Certes, nous sommes encore loin d'indicateurs contraignants. Mais, nous n'avons pas d'autre choix que de faire le pari de la réussite de ce processus et je compte bien m'y engager avec mes collègues notamment européens. Parce que nous ne pourrons pas nourrir 9 milliards d'humains sans préserver les sols et les ressources halieutiques. Parce que nous ne pourrons pas offrir un accès à l'énergie pour tous sans tenir compte de la rareté des ressources fossiles et de leur impact concret sur le climat en matière de désertification et de déforestation. Le développement ne peut être aujourd'hui que soutenable. Refuser le pari du développement durable, c'est se condamner à l'échec.
Pour réussir ce pari, nous aurons besoin de partager, partager l'effort d'adaptation qu'implique le passage à un développement soutenable. Partager pour les pays riches, cela signifie transformer nos économies pour en assurer la soutenabilité : c'est d'ailleurs l'un des éléments essentiels de la feuille de route de ce gouvernement comme cela a été précisé dans le discours de politique générale du Premier ministre. Cette transformation est indispensable. Indispensable, car nos modes de vie actuels sont incompatibles avec la soutenabilité écologique de notre planète. Indispensable, car notre capacité à convaincre les pays émergents suppose notre exemplarité.
Pour réussir ce pari du développement durable, nous aurons besoin d'innover. J'ai rencontré à l'occasion de sa venue à Paris le président du Sénégal, Macky Sall. Nous avons évoqué ensemble les grands enjeux de développement pour le Sénégal et en particulier les problématiques énergétiques auxquelles est confronté le pays. Aujourd'hui, le Sénégal envisage de construire une nouvelle centrale électrique - construite par la Corée du Sud - au charbon importé de Chine par bateau. Ce choix, compréhensible, c'est celui de l'énergie la moins chère. Pour que demain ce choix de l'énergie bon marché devienne celui des énergies renouvelables, nous avons besoin d'innovation. Cette innovation, nous la trouverons au sein nos centres de recherche comme l'IRD et le CIRAD. Cette innovation, nous la trouverons au sein des entreprises françaises, des savoir-faire de nos grandes entreprises comme de nos PME. Il ne s'agit pas de lier notre aide à la signature de tels ou tels contrats. Mais que l'on parle de services urbains, de mobilité ou d'énergies renouvelables, il existe bien en la matière un savoir-faire français. Ainsi en Colombie, à Medellin, avec notamment l'aide de l'AFD, l'excellence française en matière de développement urbain est à l'oeuvre. C'est le savoir-faire français, en l'occurrence celui de l'entreprise Poma, qui en désenclavant les hauteurs de la ville, change concrètement la vie des habitants des favelas de Medellin. Ce savoir-faire est utile au développement, il n'y a pas de raison de ne pas le valoriser.
L'innovation c'est aussi les nouvelles technologies. Je pense à ces producteurs ivoiriens de noix de cajou qui reçoivent via leur téléphone mobile les cours mondiaux de leur production. Ces producteurs peuvent ainsi mieux valoriser leur production, bénéficier de revenus agricoles plus élevés. Ainsi la pauvreté rurale recule tout en préservant une agriculture familiale respectueuse de l'environnement.
L'innovation, c'est enfin trouver de nouveaux outils de financement. Par exemple en mixant prêts et dons, en mixant l'argent public et l'argent privé, avec une nouvelle ingénierie financière, garantissant dès aujourd'hui le rendement des investissements dans la recherche des solutions de demain, nous trouverons les moyens de financer le développement durable.
Partage et innovation donc.
Ainsi nous pourrons démontrer, à nos partenaires du Sud et aux émergents, que développement durable et développement économique ne sont pas des objectifs antagonistes.
Nous pourrons démontrer que le développement durable n'est pas une composante complémentaire des politiques de développement ou un luxe pour les pays développés, mais bien une nouvelle façon de penser le développement, un développement qui ne déboucherait pas sur des impasses, environnementales, sociales ou économiques.
Ce nouveau modèle de développement, nous avons dès à présent à le construire avec les pays du sud et les pays émergents, et le résultat décevant de Rio ne devrait pas entamer notre détermination. Au contraire. Puisque nous n'avons pas - encore devrais-je dire si je suis optimiste - réussi à dresser cette feuille de route au niveau global, il faut plus que jamais continuer à agir à notre niveau, national et européen. Je sais que la politique française de développement est déjà tournée vers cet objectif. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec le Directeur général de l'AFD, mais nous pouvons encore progresser.
À Rio, nous avons aussi pu constater, une fois de plus, que le centre de gravité du monde a changé. Le monde multipolaire est une réalité. Cette réalité nous oblige à repenser notre politique de développement et de coopération. Parce que nos partenaires ont changé, parce que leurs attentes ont changé. Parce qu'il n'y a plus de relations obligées. Ce nouveau partenariat nous devons notamment le construire avec l'Afrique. Comme l'a souhaité le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, dans son discours de politique générale, il s'agit d'un partenariat d'égal à égal reposant sur la bonne gouvernance, reposant sur le développement et la mobilisation de toutes les énergies. J'ai la responsabilité de transcrire ce nouveau partenariat, cette feuille de route dans notre politique de développement, je compte sur vous pour y parvenir là où vous êtes, là où vous êtes impliqués.
Ce nouveau partenariat nous devons le construire partout dans le monde en développement. Cela passe, bien évidement, par notre action culturelle, l'apprentissage de notre langue, cette envie de France qui est le meilleur vecteur de notre influence. Je pense, en particulier, à notre coopération universitaire. Et je me réjouis d'ailleurs de l'abrogation de la circulaire antérieure qui permet de lever les doutes quant à notre volonté d'accueillir des étudiants étrangers.
Ce nouveau partenariat implique de penser au-delà de la seule aide publique au développement. Car, le développement, c'est bien plus que la seule aide publique au développement.
Nous ne pouvons ainsi ignorer que les sommes qui quittent les pays en développement représentent dix fois le montant de cette aide publique au développement. Ces sommes colossales ne génèrent ni consommation, ni emplois ou investissement productif sur place. Ces sommes ne permettent pas aux pays du Sud de consolider les recettes fiscales, recettes fiscales qui leur permettraient de mener des politiques publiques en matière de santé ou d'éducation. Lutter contre les facteurs qui nuisent au développement est tout aussi important que le maintien de notre effort de solidarité.
Avec le ministre de l'Économie et des Finances, Pierre Moscovici, nous allons nous atteler à avoir une plus grande transparence des flux financiers. Une directive européenne à l'initiative de Michel Barnier est en cours de discussion, j'en étais d'ailleurs un des négociateurs avant d'être appelé par le Premier ministre dans ces nouvelles fonctions. C'est donc, vous pouvez l'imaginer, un dossier que je suis donc de près.
Ce nouveau partenariat se construira sur une gouvernance démocratique. Cette gouvernance, vous avez la responsabilité, d'aider nos partenaires à la construire, à consolider le fonctionnement de l'État. Notre assistance technique y participe déjà. Notre aide peut servir à combler des manques, mais elle doit toujours contribuer à créer les capacités qui permettront de ne plus en dépendre. Nous devons notamment travailler à renforcer les capacités fiscales des États bénéficiaires pour leur permettre d'accroître leurs ressources budgétaires. Avec France Expertise Internationale (FEI), mais aussi avec l'ADETEF, vous avez une palette d'expertises à offrir à nos partenaires et je veillerai à ce que l'offre d'expertise française voit sa lisibilité et sa complémentarité renforcées.
Cette question de la gouvernance, est également déterminante pour les États fragiles. Je pense par exemple à l'Afghanistan où je me suis rendu début juin. Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a confirmé à Tokyo la semaine dernière l'augmentation de l'aide française et le renforcement de la coopération civile franco-afghane. Ces jours-ci, l'Assemblée nationale et au Sénat examinent le traité d'amitié franco-afghan. Nous agissons ainsi pour éviter une nouvelle déstabilisation de l'État afghan. Je serai très attentif à la bonne mise en oeuvre de nos projets de coopération civile et à la sécurité de nos personnels qui y participent.
Pour autant, cet engagement n'est pas sans conditions. Je serai tout aussi attentif au respect par nos partenaires afghans de leurs engagements notamment en matière de lutte contre la corruption et de respect des droits de l'Homme et notamment du droit des femmes.
Mais consolider les États ne peut suffire à consolider la démocratie. Consolider la démocratie, c'est contribuer à la création d'une société civile vivante, avec des associations et avec des fondations politiques, avec des contre-pouvoirs par exemple la presse et les médias. C'est enfin assurer l'accès à la justice qui permet aux citoyens d'exercer leurs droits. Pour mettre en oeuvre ces objectifs, le fonds de solidarité prioritaire doit retrouver sa vocation première au service de la gouvernance démocratique.
Ce nouveau partenariat avec les pays en développement, ce n'est bien évidemment pas une rupture. Demain comme hier, notre aide ira en priorité à l'Afrique subsaharienne. Je souhaite également que la rive sud de la méditerranée continue de faire l'objet d'une attention particulière pour consolider le mouvement démocratique qui est globalement à l'oeuvre dans la région. Cette attention particulière, je l'exercerai par un dialogue régulier avec les ambassadeurs et les conseillers de coopération et d'action culturelle qui sont à l'oeuvre dans ces pays.
Ce nouveau partenariat, c'est aussi une aide efficace. Cette efficacité, nous la devons aux citoyens français mais aussi aux citoyens des pays dans lesquels nous intervenons. Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons tous, nous devons optimiser chaque euro dépensé au regard des priorités qui sont les nôtres. Cette obligation d'efficacité implique à mes yeux une transparence accrue. Chacun, ici comme là-bas, doit être en mesure de juger des réalités de notre politique d'aide au développement, de savoir précisément quels projets nous finançons ou co-finançons, avec quel impact sur les populations. D'autres États ont réussi ce défi de la transparence et de la mesure de l'impact. Je m'engage à ce que la France le relève à son tour. Nous devons cesser de mesurer notre aide uniquement au regard des moyens mis en oeuvre mais aussi porter notre attention sur l'impact de cette aide. Cela suppose d'adopter de nouveaux indicateurs et j'y travaillerai dans les prochains mois.
L'aide efficace c'est aussi une aide contrôlée. Trop de Français doutent encore que l'aide parvient bien à ses bénéficiaires. Ces doutes ne sont pas justifiés. Ils doivent cependant être entendus. À nous d'afficher des dispositifs de contrôle qui lèvent enfin cette suspicion.
Cette efficacité enfin, elle doit se retrouver sur le terrain. Nous avons besoin d'une équipe France unie dans ce domaine comme ailleurs. Unie quand il s'agit de travailler avec les pays où nous intervenons. Unie quand il s'agit de travailler avec la délégation de l'Union européenne ou les bailleurs multilatéraux.
Ce discours d'unité, je l'ai aussi tenu, il y a une semaine devant le comité de direction de l'AFD. Je souhaite que, sous l'autorité de l'ambassadeur, vous travailliez en bonne intelligence avec les responsables de l'AFD sur le terrain.
Ce discours, je le tiendrai également lors de mes déplacements. À commencer par mon déplacement dans 48 heures au Maroc, où je rencontrerai le conseiller de coopération et d'action culturelle, le responsable d'agence de l'AFD et le responsable de la délégation de l'Union européenne.
Je souhaite que vous renforciez vos liens avec les délégations de l'Union européenne et avec nos partenaires européens présents sur le terrain. La France est et restera le deuxième contributeur au FED. L'heure n'est donc pas de s'interroger sur le niveau de notre contribution, mais sur la manière de mieux mobiliser ces fonds européens au service de nos priorités. L'effet de levier de notre action sera d'autant plus important si nous parvenons à orienter cette aide vers nos priorités. Je soutiendrai, si nécessaire, vos démarches au niveau européen. Je suis d'ailleurs allé, lors de mon premier déplacement, à Bruxelles où j'ai rencontré notamment le commissaire au développement, - avec lequel je m'entretiens régulièrement par téléphone -, d'autres commissaires et les ONG réunies dans la plate-forme Concord. J'ai à coeur de renforcer notre influence auprès de la Commission, à Bruxelles, j'attends de vous que vous fassiez de même, sur le terrain.
L'Union européenne, c'est aussi le moyen de l'efficacité de notre action. Demain, nous aurons à faire face au défi de la programmation conjointe. La France devra se montrer à la hauteur dans sa mise en oeuvre. Pour préparer cet exercice, dont j'ai conscience de la complexité et des contraintes, je souhaite organiser à l'automne une réunion de travail avec la Commission européenne et nos grands partenaires européens. J'irai également à Berlin sur ces sujets. Nous avons tout à gagner à ce que l'Europe soit enfin identifiée comme le premier contributeur mondial à l'aide publique au développement,
Enfin, et pour aller à l'essentiel, je souhaite que cette nouvelle impulsion s'inscrive dans le dialogue et la concertation.
Dialogue, en France, avec l'ensemble des acteurs du développement. Le dialogue, je le mènerai avec les ONGs. J'ai déjà reçu l'ensemble des collectifs représentatifs des ONGs françaises de développement et de solidarité internationale et européenne. Je suis en train de fixer avec elles le calendrier et les modalités de l'agenda de concertation que nous mènerons. Comme le président de la République s'y était engagé pendant sa campagne, la part de l'aide bilatérale qui passe par les ONGs sera doublée. Cet engagement sera tenu. Ce doublement va permettre de faire plus. Il nous oblige aussi à réfléchir au rôle des ONGs dans la politique publique d'aide au développement. Il nous oblige également à mieux accompagner les ONGs sur le terrain. Je sais que vous le faites déjà. Je vous encourage à renforcer encore ce soutien.
Dialogue avec les collectivités locales également. La mission confiée par Laurent Fabius au Secrétaire général de l'Association des maires de France, André Laignel, permettra de dégager dans les prochains mois les grandes lignes d'un nouveau partenariat entre l'État et les collectivités locales. Sans attendre, je vous invite à continuer de porter une attention particulière aux initiatives des collectivités locales et à faciliter leurs démarches sur le terrain.
Ce dialogue nous devons l'avoir au Nord, nous devrons aussi l'avoir au Sud. Nous devons écouter les besoins de nos partenaires. Il y a 15 jours, j'ai accueilli Aung San Suu Kyi au nom du Gouvernement à son arrivée en France. Lors de sa visite, elle nous a rappelé l'importance de la transparence pour aider à une gouvernance démocratique. Elle nous a également dit à quel point notre présence était nécessaire, aujourd'hui, en Birmanie et je me réjouis que l'Agence française de développement soit présente sur ce terrain depuis quelques mois. Je serai très attentif à ce que notre politique de coopération soutienne le processus de transition démocratique aujourd'hui à l'oeuvre.
En résumé, une politique de développement en partenariat fondée sur la soutenabilité, la transparence, l'efficacité, le dialogue.
Notre politique de développement, c'est au nom des valeurs de la République que nous la menons. Au nom d'une conception de la liberté, de l'égalité, de la fraternité qui transcende notre nation. Au nom de cette universalité des droits de l'être humain à laquelle nous croyons tous. Parce que chaque être humain a le droit de construire sa vie. Chaque être humain a le droit à l'éducation, a le droit la santé, a le droit à un environnement préservé.
Cette politique de développement, j'en suis convaincu, c'est parce que nous la mènerons de manière soutenable, efficace, transparente, en dialogue avec nos partenaires que nous contribuerons à accroître encore le rayonnement et l'influence de la France dans le monde.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 juillet 2012
Messieurs les Directeurs généraux,
Mesdames et Messieurs,
Avant de commencer ce discours, je voulais tout d'abord exprimer mon émotion après la disparition brutale d'un agent du réseau de coopération ce week-end. Mes pensées ainsi que les vôtres vont à ses proches et à tous ceux d'entre vous qui ont eu l'occasion de travailler avec lui.
Cet événement tragique nous rappelle que le réseau de coopération et d'action culturelle, ce sont d'abord les hommes, surtout des hommes d'ailleurs en regardant cette salle, et les femmes qui le composent.
Vous êtes les représentants de ces 7.000 agents qui aujourd'hui incarnent la politique d'influence et de développement française.
Comme ministre délégué chargé du Développement, sous l'autorité de Laurent Fabius, j'ai la responsabilité d'une des finalités de notre action de coopération à savoir le développement. J'ai eu l'occasion de me présenter aux équipes de la DGM peu de temps après mon entrée en fonction. J'ai aujourd'hui la possibilité de vous rencontrer pour vous présenter les grandes lignes qui gouverneront mon action.
Cette action s'inscrit dans une volonté de changement, la volonté de changement souhaité par les Français, par le président de la République, par le Premier ministre, la volonté de construire un nouveau partenariat avec les pays en développement.
J'ai donc, sous l'autorité du ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, la passionnante responsabilité de concrétiser cette volonté de changement, dans le monde d'aujourd'hui, un monde en mutation, ce monde qui fait face à un formidable défi, celui du développement durable, soutenable.
À la fin du siècle dernier, nous avons assisté à l'effondrement du bloc communiste. J'avais quinze ans à l'époque. La division Est-Ouest qui structurait la vision du monde de l'après-guerre, n'était plus. Certains ont alors parlé de fin de l'histoire. La réalité du monde s'est rapidement chargée de démentir ce présage. Vingt ans plus tard, notre vision du monde doit s'adapter à un nouveau changement. Plus progressif mais tout aussi radical. Nous assistons peu à peu à la disparition, non plus de la division Est-Ouest, mais de la division Nord-Sud, cette division non pas politique mais économique du monde. Non pas du fait de l'effondrement d'un bloc mais d'une émergence au Sud. Émergence économique, le Brésil la Chine, l'Inde, mais aussi émergence démocratique, sur la rive sud de la méditerranée et au Moyen-Orient.
Pourtant, malgré ces émergences, la fin des politiques de développement n'est pas pour demain.
Car aux côtés de ces émergences, nous constatons aussi des stagnations. Le nombre des pays les moins avancés n'a diminué que très marginalement ces dernières années. Quand les crises ou les catastrophes naturelles n'entraînent pas parfois de terribles reculs. Le développement n'est pas un processus linéaire. La situation au Mali, que nous suivons tous avec beaucoup d'attention et beaucoup d'émotion, en est l'illustration. J'ai reçu la semaine dernière des maires maliens qui m'ont exprimé leur inquiétude notamment face à l'afflux de réfugiés en provenance de provinces du nord du pays. Ils m'ont exprimé le désarroi et la vulnérabilité des habitants contraints d'abandonner leurs villages, d'abandonner le peu qu'ils possèdent. Ces hommes et ces femmes nous rappellent que pour une partie trop importante de l'humanité, l'existence se réduit encore à la survie. Cette ligne de fracture nous devons tous l'avoir à l'esprit quand nous décidons de nos politiques et quand nous les mettons en oeuvre.
La fin de l'histoire pour les politiques du développement n'est pas pour demain car au sein même des pays émergents subsiste une pauvreté extrême. Plus d'un milliard d'être humains vivent avec moins de un dollar par jour et près de la moitié d'entre eux vivent en Chine et en Inde. Le programmeur informatique de Bangalore ne doit pas nous faire oublier l'ouvrier agricole de la région d'Orissa, l'une des plus pauvres de l'Inde.
Cependant, la fin d'une certaine histoire du développement est en cours, car, notre monde fait face à un changement de paradigme. De la Renaissance à nos jours, la maîtrise de la nature par l'homme a été un des fondements de notre modernité. La science, le progrès technique ont permis de rompre avec les fatalités. Fatalité des famines, fatalité des épidémies, fatalité des événements naturels. Et l'homme guidé par sa raison s'est progressivement émancipé de la nature. Cette émancipation a donné à l'être humain une formidable liberté.
Mais aujourd'hui et c'est ça le changement de paradigme, la toute puissance de l'homme fait peser sur lui, pour la première fois dans l'histoire, une responsabilité nouvelle, celle de cogérer sa planète. Car, notre capacité créatrice nous amène au seuil des limites de notre planète. Que l'on s'intéresse au climat, à la biodiversité, aux océans, à la forêt, tous les indicateurs sont, au mieux, à l'orange, au pire, au rouge. Or, nous n'avons pas de planète de rechange. Gérer cette planète, c'est notre défi commun, c'est le défi du développement soutenable. Le développement durable, c'est inventer une nouvelle équation qui inscrit cette émancipation libératrice de notre modernité dans cette responsabilité écologique nouvelle qui incombe à l'humanité.
C'était l'objectif par exemple de la Conférence Rio+20. J'étais à Rio aux côtés de Laurent Fabius, aux côtés du président de la République, un des seuls chefs d'État occidentaux à avoir fait le déplacement. Nous le savons, malheureusement, le sommet de Rio n'a pas débouché sur la feuille de route nécessaire pour définir les nouveaux compromis entre les pays les moins avancés, les pays en développement et les pays développés ni pour inventer les nouveaux modes de production dont nous avons besoin pour sortir 1,3 milliard d'êtres humains de la pauvreté tout en faisant en sorte que l'humanité puisse vivre à 9 milliards dans les limites d'une planète, une petite planète, la seule que nous ayons !
Pour trouver ces nouveaux compromis, nous aurons besoin de nouveaux Sommets internationaux. Nous aurons besoin de dialogue pour progresser vers des objectifs du développement durable, dont le principe a été acté à Rio. L'une des rares avancées de ce Sommet. Certes, nous sommes encore loin d'indicateurs contraignants. Mais, nous n'avons pas d'autre choix que de faire le pari de la réussite de ce processus et je compte bien m'y engager avec mes collègues notamment européens. Parce que nous ne pourrons pas nourrir 9 milliards d'humains sans préserver les sols et les ressources halieutiques. Parce que nous ne pourrons pas offrir un accès à l'énergie pour tous sans tenir compte de la rareté des ressources fossiles et de leur impact concret sur le climat en matière de désertification et de déforestation. Le développement ne peut être aujourd'hui que soutenable. Refuser le pari du développement durable, c'est se condamner à l'échec.
Pour réussir ce pari, nous aurons besoin de partager, partager l'effort d'adaptation qu'implique le passage à un développement soutenable. Partager pour les pays riches, cela signifie transformer nos économies pour en assurer la soutenabilité : c'est d'ailleurs l'un des éléments essentiels de la feuille de route de ce gouvernement comme cela a été précisé dans le discours de politique générale du Premier ministre. Cette transformation est indispensable. Indispensable, car nos modes de vie actuels sont incompatibles avec la soutenabilité écologique de notre planète. Indispensable, car notre capacité à convaincre les pays émergents suppose notre exemplarité.
Pour réussir ce pari du développement durable, nous aurons besoin d'innover. J'ai rencontré à l'occasion de sa venue à Paris le président du Sénégal, Macky Sall. Nous avons évoqué ensemble les grands enjeux de développement pour le Sénégal et en particulier les problématiques énergétiques auxquelles est confronté le pays. Aujourd'hui, le Sénégal envisage de construire une nouvelle centrale électrique - construite par la Corée du Sud - au charbon importé de Chine par bateau. Ce choix, compréhensible, c'est celui de l'énergie la moins chère. Pour que demain ce choix de l'énergie bon marché devienne celui des énergies renouvelables, nous avons besoin d'innovation. Cette innovation, nous la trouverons au sein nos centres de recherche comme l'IRD et le CIRAD. Cette innovation, nous la trouverons au sein des entreprises françaises, des savoir-faire de nos grandes entreprises comme de nos PME. Il ne s'agit pas de lier notre aide à la signature de tels ou tels contrats. Mais que l'on parle de services urbains, de mobilité ou d'énergies renouvelables, il existe bien en la matière un savoir-faire français. Ainsi en Colombie, à Medellin, avec notamment l'aide de l'AFD, l'excellence française en matière de développement urbain est à l'oeuvre. C'est le savoir-faire français, en l'occurrence celui de l'entreprise Poma, qui en désenclavant les hauteurs de la ville, change concrètement la vie des habitants des favelas de Medellin. Ce savoir-faire est utile au développement, il n'y a pas de raison de ne pas le valoriser.
L'innovation c'est aussi les nouvelles technologies. Je pense à ces producteurs ivoiriens de noix de cajou qui reçoivent via leur téléphone mobile les cours mondiaux de leur production. Ces producteurs peuvent ainsi mieux valoriser leur production, bénéficier de revenus agricoles plus élevés. Ainsi la pauvreté rurale recule tout en préservant une agriculture familiale respectueuse de l'environnement.
L'innovation, c'est enfin trouver de nouveaux outils de financement. Par exemple en mixant prêts et dons, en mixant l'argent public et l'argent privé, avec une nouvelle ingénierie financière, garantissant dès aujourd'hui le rendement des investissements dans la recherche des solutions de demain, nous trouverons les moyens de financer le développement durable.
Partage et innovation donc.
Ainsi nous pourrons démontrer, à nos partenaires du Sud et aux émergents, que développement durable et développement économique ne sont pas des objectifs antagonistes.
Nous pourrons démontrer que le développement durable n'est pas une composante complémentaire des politiques de développement ou un luxe pour les pays développés, mais bien une nouvelle façon de penser le développement, un développement qui ne déboucherait pas sur des impasses, environnementales, sociales ou économiques.
Ce nouveau modèle de développement, nous avons dès à présent à le construire avec les pays du sud et les pays émergents, et le résultat décevant de Rio ne devrait pas entamer notre détermination. Au contraire. Puisque nous n'avons pas - encore devrais-je dire si je suis optimiste - réussi à dresser cette feuille de route au niveau global, il faut plus que jamais continuer à agir à notre niveau, national et européen. Je sais que la politique française de développement est déjà tournée vers cet objectif. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec le Directeur général de l'AFD, mais nous pouvons encore progresser.
À Rio, nous avons aussi pu constater, une fois de plus, que le centre de gravité du monde a changé. Le monde multipolaire est une réalité. Cette réalité nous oblige à repenser notre politique de développement et de coopération. Parce que nos partenaires ont changé, parce que leurs attentes ont changé. Parce qu'il n'y a plus de relations obligées. Ce nouveau partenariat nous devons notamment le construire avec l'Afrique. Comme l'a souhaité le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, dans son discours de politique générale, il s'agit d'un partenariat d'égal à égal reposant sur la bonne gouvernance, reposant sur le développement et la mobilisation de toutes les énergies. J'ai la responsabilité de transcrire ce nouveau partenariat, cette feuille de route dans notre politique de développement, je compte sur vous pour y parvenir là où vous êtes, là où vous êtes impliqués.
Ce nouveau partenariat nous devons le construire partout dans le monde en développement. Cela passe, bien évidement, par notre action culturelle, l'apprentissage de notre langue, cette envie de France qui est le meilleur vecteur de notre influence. Je pense, en particulier, à notre coopération universitaire. Et je me réjouis d'ailleurs de l'abrogation de la circulaire antérieure qui permet de lever les doutes quant à notre volonté d'accueillir des étudiants étrangers.
Ce nouveau partenariat implique de penser au-delà de la seule aide publique au développement. Car, le développement, c'est bien plus que la seule aide publique au développement.
Nous ne pouvons ainsi ignorer que les sommes qui quittent les pays en développement représentent dix fois le montant de cette aide publique au développement. Ces sommes colossales ne génèrent ni consommation, ni emplois ou investissement productif sur place. Ces sommes ne permettent pas aux pays du Sud de consolider les recettes fiscales, recettes fiscales qui leur permettraient de mener des politiques publiques en matière de santé ou d'éducation. Lutter contre les facteurs qui nuisent au développement est tout aussi important que le maintien de notre effort de solidarité.
Avec le ministre de l'Économie et des Finances, Pierre Moscovici, nous allons nous atteler à avoir une plus grande transparence des flux financiers. Une directive européenne à l'initiative de Michel Barnier est en cours de discussion, j'en étais d'ailleurs un des négociateurs avant d'être appelé par le Premier ministre dans ces nouvelles fonctions. C'est donc, vous pouvez l'imaginer, un dossier que je suis donc de près.
Ce nouveau partenariat se construira sur une gouvernance démocratique. Cette gouvernance, vous avez la responsabilité, d'aider nos partenaires à la construire, à consolider le fonctionnement de l'État. Notre assistance technique y participe déjà. Notre aide peut servir à combler des manques, mais elle doit toujours contribuer à créer les capacités qui permettront de ne plus en dépendre. Nous devons notamment travailler à renforcer les capacités fiscales des États bénéficiaires pour leur permettre d'accroître leurs ressources budgétaires. Avec France Expertise Internationale (FEI), mais aussi avec l'ADETEF, vous avez une palette d'expertises à offrir à nos partenaires et je veillerai à ce que l'offre d'expertise française voit sa lisibilité et sa complémentarité renforcées.
Cette question de la gouvernance, est également déterminante pour les États fragiles. Je pense par exemple à l'Afghanistan où je me suis rendu début juin. Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a confirmé à Tokyo la semaine dernière l'augmentation de l'aide française et le renforcement de la coopération civile franco-afghane. Ces jours-ci, l'Assemblée nationale et au Sénat examinent le traité d'amitié franco-afghan. Nous agissons ainsi pour éviter une nouvelle déstabilisation de l'État afghan. Je serai très attentif à la bonne mise en oeuvre de nos projets de coopération civile et à la sécurité de nos personnels qui y participent.
Pour autant, cet engagement n'est pas sans conditions. Je serai tout aussi attentif au respect par nos partenaires afghans de leurs engagements notamment en matière de lutte contre la corruption et de respect des droits de l'Homme et notamment du droit des femmes.
Mais consolider les États ne peut suffire à consolider la démocratie. Consolider la démocratie, c'est contribuer à la création d'une société civile vivante, avec des associations et avec des fondations politiques, avec des contre-pouvoirs par exemple la presse et les médias. C'est enfin assurer l'accès à la justice qui permet aux citoyens d'exercer leurs droits. Pour mettre en oeuvre ces objectifs, le fonds de solidarité prioritaire doit retrouver sa vocation première au service de la gouvernance démocratique.
Ce nouveau partenariat avec les pays en développement, ce n'est bien évidemment pas une rupture. Demain comme hier, notre aide ira en priorité à l'Afrique subsaharienne. Je souhaite également que la rive sud de la méditerranée continue de faire l'objet d'une attention particulière pour consolider le mouvement démocratique qui est globalement à l'oeuvre dans la région. Cette attention particulière, je l'exercerai par un dialogue régulier avec les ambassadeurs et les conseillers de coopération et d'action culturelle qui sont à l'oeuvre dans ces pays.
Ce nouveau partenariat, c'est aussi une aide efficace. Cette efficacité, nous la devons aux citoyens français mais aussi aux citoyens des pays dans lesquels nous intervenons. Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons tous, nous devons optimiser chaque euro dépensé au regard des priorités qui sont les nôtres. Cette obligation d'efficacité implique à mes yeux une transparence accrue. Chacun, ici comme là-bas, doit être en mesure de juger des réalités de notre politique d'aide au développement, de savoir précisément quels projets nous finançons ou co-finançons, avec quel impact sur les populations. D'autres États ont réussi ce défi de la transparence et de la mesure de l'impact. Je m'engage à ce que la France le relève à son tour. Nous devons cesser de mesurer notre aide uniquement au regard des moyens mis en oeuvre mais aussi porter notre attention sur l'impact de cette aide. Cela suppose d'adopter de nouveaux indicateurs et j'y travaillerai dans les prochains mois.
L'aide efficace c'est aussi une aide contrôlée. Trop de Français doutent encore que l'aide parvient bien à ses bénéficiaires. Ces doutes ne sont pas justifiés. Ils doivent cependant être entendus. À nous d'afficher des dispositifs de contrôle qui lèvent enfin cette suspicion.
Cette efficacité enfin, elle doit se retrouver sur le terrain. Nous avons besoin d'une équipe France unie dans ce domaine comme ailleurs. Unie quand il s'agit de travailler avec les pays où nous intervenons. Unie quand il s'agit de travailler avec la délégation de l'Union européenne ou les bailleurs multilatéraux.
Ce discours d'unité, je l'ai aussi tenu, il y a une semaine devant le comité de direction de l'AFD. Je souhaite que, sous l'autorité de l'ambassadeur, vous travailliez en bonne intelligence avec les responsables de l'AFD sur le terrain.
Ce discours, je le tiendrai également lors de mes déplacements. À commencer par mon déplacement dans 48 heures au Maroc, où je rencontrerai le conseiller de coopération et d'action culturelle, le responsable d'agence de l'AFD et le responsable de la délégation de l'Union européenne.
Je souhaite que vous renforciez vos liens avec les délégations de l'Union européenne et avec nos partenaires européens présents sur le terrain. La France est et restera le deuxième contributeur au FED. L'heure n'est donc pas de s'interroger sur le niveau de notre contribution, mais sur la manière de mieux mobiliser ces fonds européens au service de nos priorités. L'effet de levier de notre action sera d'autant plus important si nous parvenons à orienter cette aide vers nos priorités. Je soutiendrai, si nécessaire, vos démarches au niveau européen. Je suis d'ailleurs allé, lors de mon premier déplacement, à Bruxelles où j'ai rencontré notamment le commissaire au développement, - avec lequel je m'entretiens régulièrement par téléphone -, d'autres commissaires et les ONG réunies dans la plate-forme Concord. J'ai à coeur de renforcer notre influence auprès de la Commission, à Bruxelles, j'attends de vous que vous fassiez de même, sur le terrain.
L'Union européenne, c'est aussi le moyen de l'efficacité de notre action. Demain, nous aurons à faire face au défi de la programmation conjointe. La France devra se montrer à la hauteur dans sa mise en oeuvre. Pour préparer cet exercice, dont j'ai conscience de la complexité et des contraintes, je souhaite organiser à l'automne une réunion de travail avec la Commission européenne et nos grands partenaires européens. J'irai également à Berlin sur ces sujets. Nous avons tout à gagner à ce que l'Europe soit enfin identifiée comme le premier contributeur mondial à l'aide publique au développement,
Enfin, et pour aller à l'essentiel, je souhaite que cette nouvelle impulsion s'inscrive dans le dialogue et la concertation.
Dialogue, en France, avec l'ensemble des acteurs du développement. Le dialogue, je le mènerai avec les ONGs. J'ai déjà reçu l'ensemble des collectifs représentatifs des ONGs françaises de développement et de solidarité internationale et européenne. Je suis en train de fixer avec elles le calendrier et les modalités de l'agenda de concertation que nous mènerons. Comme le président de la République s'y était engagé pendant sa campagne, la part de l'aide bilatérale qui passe par les ONGs sera doublée. Cet engagement sera tenu. Ce doublement va permettre de faire plus. Il nous oblige aussi à réfléchir au rôle des ONGs dans la politique publique d'aide au développement. Il nous oblige également à mieux accompagner les ONGs sur le terrain. Je sais que vous le faites déjà. Je vous encourage à renforcer encore ce soutien.
Dialogue avec les collectivités locales également. La mission confiée par Laurent Fabius au Secrétaire général de l'Association des maires de France, André Laignel, permettra de dégager dans les prochains mois les grandes lignes d'un nouveau partenariat entre l'État et les collectivités locales. Sans attendre, je vous invite à continuer de porter une attention particulière aux initiatives des collectivités locales et à faciliter leurs démarches sur le terrain.
Ce dialogue nous devons l'avoir au Nord, nous devrons aussi l'avoir au Sud. Nous devons écouter les besoins de nos partenaires. Il y a 15 jours, j'ai accueilli Aung San Suu Kyi au nom du Gouvernement à son arrivée en France. Lors de sa visite, elle nous a rappelé l'importance de la transparence pour aider à une gouvernance démocratique. Elle nous a également dit à quel point notre présence était nécessaire, aujourd'hui, en Birmanie et je me réjouis que l'Agence française de développement soit présente sur ce terrain depuis quelques mois. Je serai très attentif à ce que notre politique de coopération soutienne le processus de transition démocratique aujourd'hui à l'oeuvre.
En résumé, une politique de développement en partenariat fondée sur la soutenabilité, la transparence, l'efficacité, le dialogue.
Notre politique de développement, c'est au nom des valeurs de la République que nous la menons. Au nom d'une conception de la liberté, de l'égalité, de la fraternité qui transcende notre nation. Au nom de cette universalité des droits de l'être humain à laquelle nous croyons tous. Parce que chaque être humain a le droit de construire sa vie. Chaque être humain a le droit à l'éducation, a le droit la santé, a le droit à un environnement préservé.
Cette politique de développement, j'en suis convaincu, c'est parce que nous la mènerons de manière soutenable, efficace, transparente, en dialogue avec nos partenaires que nous contribuerons à accroître encore le rayonnement et l'influence de la France dans le monde.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 juillet 2012