Déclaration de M. Guillaume Garot, ministre de l'agroalimentaire, sur l'importance dus industries agrolalimentaires dans le tissu industriel français, ses atouts, et ses défis à relever en matière de compétitivité, de développement durable ou d'innovation, Laval le 5 juillet 2012.

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Circonstance : 6ème Conférence internationale sur l'usine agroalimentaire de demain, à Laval le 5 juillet 2012

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Je tenais tout d’abord à vous remercier pour votre invitation à m’exprimer devant vous, mais également pour votre présence, nombreuse, dans cette ville qui est la mienne, Laval.
Food Factory, la conférence internationale sur l’usine agroalimentaire de demain, est un événement qui fait la fierté des Lavallois. Il réunit en effet tous les deux ans, alternativement à Laval et Göteborg, les acteurs scientifiques et industriels les plus en pointe, les plus avertis, les plus dynamiques de l’industrie agroalimentaire de l’Europe et, sans doute, du monde.
Ce grand rassemblement d’intelligences et de talents, nous le devons aux responsables de l’institut de recherche suédois SIK et de Laval Mayenne Technopole. En votre nom à tous, et pour nous avoir permis d’être tous réunis aujourd’hui, je leur adresse mes plus chaleureux remerciements.
C’est à Laval que je prononce mon premier discours de ministre. C’est une vraie émotion pour moi. Fils d’agriculteur, élu d’un département rural où l’industrie agroalimentaire tient une place incontournable, la Mayenne, je m’exprime en effet aujourd’hui devant vous dans mes nouvelles fonctions de Ministre délégué à l’agroalimentaire.
Le Président de la République et le Premier Ministre ont fait le choix de créer ce nouveau ministère. Il s’agit d’un geste fort, qui marque la reconnaissance de l’importance de ce secteur par notre pays. Qui marque aussi la volonté de le placer au coeur du pacte productif imaginé par François Hollande.
Les industries agroalimentaires constituent en effet, et cela est trop souvent méconnu, le premier secteur industriel en France. C’est une activité essentielle en termes économiques, avec plus de 10 000 entreprises, dont 97 % de Petites et Moyennes Entreprises, un chiffre d’affaires de 143 milliards d’euros et plus de 400 000 emplois, ancrés dans nos territoires et dans la ruralité de notre pays.
Et, à travers de grands champions et un tissu très vivace de milliers de PME et de coopératives, c’est une richesse qui est une véritable locomotive pour les exportations françaises. Les industries agroalimentaires ont généré en 2011 plus de 8 milliards d’euros d’excédent commercial, la plus importante contribution de l’économie française.
Constater ce très beau résultat ne doit cependant pas nous détourner d’être vigilants et lucides. Je rappelle ici que notre part relative dans le commerce mondial est plus fragile, avec l’émergence de nouvelles puissances.
C’est le signe que l’excellence française, remarquable, fondée sur une histoire, une culture, un certain art de vivre, sur la diversité des terroirs, n’est pas un acquis immuable. Alors soyons conscients de notre potentiel comme de nos faiblesses. Ce doit être une source d’émulation pour tous les acteurs : les industriels, les organismes de recherche, les pouvoirs publics.
Pour dire les choses autrement, le premier enjeu pour nous tous est donc bien celui de la compétitivité. Et nous devons l’aborder sous différents angles.
Quand 97% des entreprises de l’agroalimentaire sont des PME, cela pose d’abord le problème de la taille et de leur capacité à se lancer à l’international. Non seulement du fait des volumes concernés et de capacités d’investissement limitées, mais également du fait de normes sanitaires complexes à respecter.
Il faudra nous donner les moyens de la réussite et de la performance industrielle, et en particulier les moyens financiers, pour faire émerger des champions qui porteront le secteur, notamment à l’exportation : nous favoriserons donc la constitution de groupes à la taille accrue et le travail collectif des entités plus petites, autour de formes nouvelles à imaginer.
Bien entendu, il existe des problèmes de fond, spécifiques aux industries agroalimentaires, qui sont ceux de la volatilité des prix des matières premières, de l’importance du coût de l’énergie et des relations commerciales avec la grande distribution. Ce sont des questions que nous n’évacuons pas et sur lesquelles nous allons travailler avec mes collègues du Ministère de l’Economie et des Finances.
Il y a également la question du coût du travail, mais qui mérite d’être traitée à sa juste place. Il représente moins de 12% du chiffre d’affaires du secteur. Dans la filière porcine, nous sommes aux alentours de 8%. L’avantage décisif ne peut donc se situer à ce niveau.
Définitivement, ce n’est pas là que se fait ou se fera la différence. Ce n’est pas là que se bâtit la compétitivité. Fondamentalement, je crois que la clé pour la compétitivité de nos entreprises, de nos industries, de nos produits sur les marchés national et international, la clé pour l’emploi, c’est la création de valeur ajoutée, ce qui passe par la qualité et l’innovation.
En tant que Ministre délégué à l’agroalimentaire, je favoriserai donc, aux côtés de Stéphane Le Foll, la création de signes de qualité, ainsi que les démarches collectives régionales pour promouvoir les produits locaux.
Mais au-delà, j’ai la conviction que l’alimentation, ce n’est pas seulement un processus économique et mécanique. Ce sont des données et choix culturels, produits d’une histoire et d’une identité, producteurs de sens collectif, fondés sur des valeurs partagées entre le producteur et le consommateur. Je pense par exemple au modèle français dont nous sommes si fiers, et dont le repas gastronomique a été inscrit au Patrimoine Mondial de l’Humanité.
Vous, chercheurs et acteurs incontournables de l’industrie agroalimentaire, comptez parmi les garants de ces choix et de ces valeurs, tout en portant la modernisation et le progrès constants de vos filières.
Nous appuyer sur notre histoire, sur nos héritages culturels, est ainsi absolument nécessaire. C’est bien un levier majeur pour nos entreprises, de miser sur cette qualité, sur cette identité culturelle si forte, si française, pour mieux vendre nos produits en France comme à l’international. D’autant que c’est une attente très forte des consommateurs, au coeur de la mondialisation qui menace tout d’uniformisation, de connaître la provenance de ce qu’ils consomment et d’avoir le sentiment de manger, d’une certaine façon, « un petit bout de France ».
Ensuite, pour améliorer notre compétitivité, nous devons donc soutenir l’innovation, en renforçant les moyens des pépinières et pôles de compétitivité, et en facilitant le rapprochement entre les entreprises, les centres techniques et les instituts de recherche agroalimentaire.
Ce point, en particulier, est essentiel. En quelques décennies, le secteur de l’industrie agroalimentaire s’est considérablement modernisé et technicisé. Pourtant, seul 0,7% du chiffre d’affaires des industries agroalimentaires est consacré à la recherche et au développement, contre 2,3% pour l’industrie manufacturière.
Ce chiffre est bien trop insuffisant si nous souhaitons être en mesure de relever le défi de la concurrence. C’est pourquoi Stéphane Le Foll et moi proposerons que les industries agroalimentaires soient soutenues par les instruments que François Hollande a souhaité mettre en place, et notamment la Banque Publique d’Investissement.
Enfin, c’est l’un de ces défis essentiels auxquels notre société doit faire face, le défi du développement durable et des questions climatiques et c’est là aussi un enjeu de compétitivité. C’est une question, bien entendu, à laquelle le secteur agroalimentaire doit apporter sa quote-part de réponses et de solutions. C’est pourquoi le Gouvernement souhaite notamment relancer la filière bois et favoriser le développement des agro-industries.
A ce sujet, il ne faut pas envisager la règlementation environnementale, et plus largement une démarche de production durable, comme une addition de contraintes, mais bien comme un investissement pour l’avenir qui génère des gains de productivité. Comme l’a dit le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault dans sa déclaration de politique générale, les exigences croissantes en faveur de modes de production plus respectueux de l’environnement doivent être perçues comme une chance, y-compris pour les professionnels de l’agroalimentaire.
Après la compétitivité, le second enjeu, pour le secteur agroalimentaire, est celui du social, de la santé et de l’emploi.
Nous ne devons pas oublier que l’emploi, dans les industries agroalimentaires, peut être très dispersé et parfois, dans certaines filières, très fragilisé. Je pense évidemment à Doux, pour lequel le Gouvernement est entièrement mobilisé, avec pour objectif de sauver le maximum de salariés. Mais nous devons avoir à l’esprit de créer de nouveaux emplois dans la filière.
Pour y parvenir, pour parvenir à développer cette filière agroalimentaire et ses capacités d’exportation, il faut bien entendu s’appuyer sur les leviers que je viens d’énoncer : la performance industrielle, la qualité, l’innovation.
Nous devons également produire des efforts très conséquents en matière de formation professionnelle, de valorisation des métiers, qui souffrent d’une trop mauvaise image, mais également de santé au travail, pour, au-delà de la préservation des emplois, protéger les salariés.
Nous devons, tous ensemble, continuer à améliorer les conditions de travail pour améliorer l’image de la filière, et redonner aux salariés comme aux sous-traitants la fierté légitime de produire le premier et le plus essentiel des biens : l’alimentation.
Mesdames, Messieurs, Chers amis,
Au cours de ces journées, vous avez notamment choisi de poser la question de ce que sera notre assiette en 2030. La question est particulièrement intéressante : elle sera ce que nous ferons ensemble, agriculteurs, industriels, chercheurs et politiques. Je vais vous dire ce que j’aimerais qu’on y trouve, dans cette assiette.
Je pense bien entendu à une assiette de qualité, mais également à une assiette pleine. L’alimentation, c’est d’abord et avant tout parvenir à nourrir chacun et tous, tous les jours. Et il est inadmissible qu’en 2012, il y ait encore en France tant d’enfants qui ne disposent pas de 3 repas par jour, tant de personnes qui doivent faire appel à l’aide alimentaire.
2 millions d’enfants vivraient sous le seuil de pauvreté en France en 2012. 2 millions ! Combien plus nombreux encore dans le monde ! Nous sommes collectivement comptables de cette situation et devons faire en sorte de trouver des solutions.
Je pense également à une assiette sûre, et je crois indispensables et essentiels vos échanges aujourd’hui sur la sécurité alimentaire qui sera, bien entendu, au coeur des préoccupations du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Je forme le voeu également qu’en 2030, en France et dans le monde, nous ayons collectivement et de façon significative réduit le gaspillage. Aujourd’hui, on estime que 40% de la production alimentaire mondiale est gaspillée. C’est un scandale et un chantier considérable qui doit mobiliser tous les acteurs : les producteurs et les consommateurs, pour modifier nos mauvaises habitudes, mais également les distributeurs, qui doivent repenser normes et standards d’emballage.
Penser l’assiette de 2030, c’est aussi penser l’agriculture et les industries agroalimentaires du futur. L’industrie agroalimentaire est de celles qui concernent et concerneront le quotidien de chacun. A ce titre, elle contribue puissamment à définir une société.
Mais que seront nos sociétés en 2030 ? Des sociétés qui auront poursuivi la dégradation de la diversité agricole, au service d’une alimentation mondiale uniformisée ? Ou des sociétés soucieuses de leur diversité alimentaire, biologique et agricole, soucieuses de préserver un environnement durable ?
A nous de trouver les réponses et d’agir.
Voici, Mesdames, Messieurs, les quelques idées que je souhaitais partager avec vous.
Au cours des mois et des années à venir, nous allons ensemble travailler à les mettre en oeuvre. Avec Stéphane Le Foll, nous lancerons à l’automne un grand processus de concertation qui doit nous permettre d’aboutir à l’élaboration d’une loi cadre sur l’agriculture et l’agroalimentaire en 2013. Je vous invite et je vous encourage à y prendre toute votre part, car nous aurons besoin de l’intelligence et de la contribution de tous.
Sachez que je serai un ministre à l’écoute, et je serai un ministre dans l’action au service de l’emploi, de l’innovation, de la qualité, de la performance durable, et des territoires.
Merci de votre mobilisation. Merci de votre implication pour inventer ensemble le « bien-manger » pour tous, demain.
Bonne soirée à Laval.
Source http://www.food-factory.fr, le 18 juillet 2012