Déclaration de Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, sur les chantiers de la politique en faveur des handicapés, notamment la scolarisation des enfants handicapés, l'insertion professionnelle, l'accessibilité et l'accès aux soins, Toulouse le 22 juin 2012.

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Circonstance : 46ème congrès de le FNATH à Toulouse du 20 au 22 juin 2012

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
J'ai tenu à être vos côtés aujourd'hui pour ce 46e congrès de la FNATH dans cette si belle et si chaleureuse ville de Toulouse que l'actualité récente et tragique à malheureusement mis au premier plan ces dernières semaines.
Je sais, par ailleurs, que vous avez souhaité rendre hier un hommage aux victimes de la catastrophe AZF. Je tiens, naturellement, à avoir également une pensée pour elles et pour leurs familles.
J'ai immédiatement accepté l'invitation de votre secrétaire général Arnaud de Broca –que je salue- car je sais combien votre association lutte, au quotidien, et cela, depuis plus de 90 ans, pour défendre les droits des travailleurs en situation de handicap ou invalides.
Je souhaiterai commencer cette intervention en saluant l‘action volontariste de vos 20 000 bénévoles et l'engagement de vos 200.000 adhérents.
Votre slogan pourrait être la maxime de mon action à venir : construire une société plus juste, plus sûre et plus solidaire. Les valeurs que vous prônez sont les miennes.
Je suis venue pour vous exprimer ma détermination pour agir avec vous afin d'améliorer, partout sur le territoire national, la situation des personnes en situation de handicap.
Je connais vos attentes en matière de protection sociale, de prévention des accidents du travail et de la vie, d'indemnisation des victimes d'accidents du travail et des maladies professionnelles.
Nous sommes avec Marisol Touraine et Michel Sapin très sensibles à ces questions.
Renforcer le rôle de la médecine du travail qui a été hélas minoré ces dernières années, porter notre attention sur les métiers dans lesquels les salariés doivent accomplir des gestes répétitifs ou être au contact de machines dangereuses…je connais vos revendications, je les partage, elles sont au coeur de mes préoccupations.
Mais, en tant que Ministre déléguée aux personnes handicapées, je souhaiterai avant tout évoquer avec vous les grands chantiers auxquels je vais m'atteler dans les semaines, les mois et les années à venir.
Nous partageons d'ores et déjà un objectif : que les personnes en situation de handicap soient elles-mêmes décideuses de leur projet de vie et qu'elles puissent participer à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques les concernant.
La loi du 11 février 2005 a affirmé le principe de l'inclusion des personnes handicapées dans la Cité. Il est impératif désormais de se donner véritablement les moyens d'agir ! Je veux vous dire à quel point je suis déterminée à faire en sorte que les personnes en situation de handicap puissent dans tous les lieux de la société voir leur vie quotidienne s'améliorer. A quel point je souhaite favoriser leur inclusion scolaire, sociale et professionnelle en promouvant leur autonomie, quelque soit leur âge.
Je veux que nous changions de vision sur le handicap que l'on a trop longtemps cantonné dans des logiques institutionnelles et compassionnelles. Pour cela, je souhaite impliquer chaque ministre, chaque élu local, chaque association, chaque citoyen de notre pays.
Je veux que nous fassions du handicap un facteur d'innovation et de progrès pour l'ensemble de la société. Je veux créer les conditions de la participation des personnes en situation de handicap à la vie sociale dans toutes ses dimensions. Et parce que nous avons plus que jamais besoin de concertation et de dialogue, je ferai en sorte que les associations comme la vôtre qui représentent les personnes en situation de handicap soient très souvent consultées.
1) Ma première priorité sera l'école.
Nous devrons agir pour qu'un nombre croissant d'enfants en situation de handicap soient scolarisés à l'école ordinaire.
Trop d'enfants aujourd'hui ne sont encore pas scolarisés. L'école, creuset de la nation est le lieu de socialisation et d'apprentissage des différences par excellence. Le droit à la scolarisation de chaque enfant ne doit pas souffrir d'exception. La loi doit être appliquée.
Tous les enfants de la République doivent avoir les mêmes droits, le Président de la République, le Ministre de l'Education nationale et moi-même ne transigerons jamais là-dessus.
Dès la rentrée scolaire, nous veillerons à augmenter le nombre d'assistants de vie scolaire, pour accroître le nombre d'enfants qui pourront être accompagnés.
Les moyens vont augmenter, après avoir été remis en cause depuis plusieurs années, avec la diminution des moyens des réseaux d'appui par le précédent gouvernement.
Cela suppose d'engager très vite le chantier de la formation des AVS et de la pérennisation de leur contrat. Ce que nous ferons dès cette rentrée scolaire avec le Ministre de l'Education nationale.
Mais dégager des moyens ne suffit pas : il faudra développer à nouveau la formation des enseignants, en prenant en compte de manière spécifique la question du handicap.
D'autant plus que je me réjouis que nous ayons à présent des nouveaux outils d'évaluation des besoins des jeunes en situation de handicap avec le Geva-Sco développé par la CNSA et la DGESCO.
La question de la mutualisation des aides aussi est devant nous. Nous devons nous y engager de manière sereine et concertée, avec les associations, les enseignants et le milieu spécialisé.
La coopération entre l'école et les établissements médico-sociaux doit être renforcée, c'est une évidence. Cela fait partie de mes ambitions.
Enfin, nous devrons assurer l'accueil des jeunes en situation de handicap, à l'école mais aussi dans tous les lieux d'enseignement jusqu'aux universités et grandes écoles.
Nous devrons à tout prix faire en sorte d'éviter les situations de rupture et favoriser la continuité des parcours. C'est particulièrement vrai pour le passage souvent compliqué entre le collège et le lycée. Ca l'est tout autant concernant l'entrée dans l'enseignement supérieur.
Ces moments constituent toujours une période de décrochage important, que seul un travail de coopération, notamment en ce qui concerne le lien entre équipe éducative et enseignants référents pourrait permettre de réduire.
Chacun d'entre nous ici le sait : favoriser l'accès aux formations pour les jeunes en situation de handicap, que ce soit au lycée, dans l'enseignement supérieur ou en alternance, c'est aussi permettre leur insertion sociale et professionnelle.
2) Ma deuxième priorité, c'est l'accès et le maintien dans l'emploi.
Le taux de chômage des personnes en situation de handicap avoisine encore aujourd'hui les 20%.
Il est primordial que les employeurs proposent de manière effective des emplois à des personnes handicapées formées, dont le suivi et l'accompagnement dans l'emploi sera renforcé.
Nous inciterons donc et nous aiderons les entreprises et les services publics à remplir leurs obligations.
Nous évoquerons ces questions dans le cadre de la Conférence sociale qui s'engagera les 9 et 10 juillet – soit 25 ans jour pour jour après le vote de la loi instituant des sanctions pour les entreprises ne respectant pas l'obligation d'employer 6% de travailleurs en situation de handicap ! - .
Je dialoguerai ainsi avec l'ensemble des partenaires sociaux pour qu'ils fassent clairement exister cette question lors de cette conférence.
Pour cela, je prendrai dans les prochains jours avec le Ministre du Travail une initiative pour engager le dialogue social sur cette question cruciale.
Nous aurons aussi à examiner la question de l'organisation et du pilotage de la politique de l'emploi, dans le cadre de la préparation de la convention multipartite prévue pour 2013.
Mais il faut bien le dire, à bien des égards, nous partons de loin.
Si des efforts ont été accomplis, chacun a pu constater qu'il n'avait pas été mis en place ces dernières années de financement d'accompagnement pérenne susceptibles de sécuriser les employeurs et les travailleurs dans le cadre de l'accès et du maintien durable dans l'emploi en milieu ordinaire des personnes en situation de handicap.
L'exercice du droit au retour peine également à se mettre en oeuvre faute de places dédiées.
Les chantiers sont vastes :
- Accès à la formation professionnelle, de droit commun et en milieu spécialisé,
- maintien dans l'emploi,
- coordination des actions d'accès à l'emploi,
- modernisation des ESAT,
- mise en oeuvre du plan « entreprises adaptées » qui doit donner un vrai souffle à ce secteur,
- vrai tremplin pour l'autonomie des personnes en situation de handicap et l'articulation entre l'emploi protégé et l'emploi ordinaire,
- inclusion des jeunes handicapés dans le dispositif « emplois d'avenir »,
- réflexion pour limiter le nombre de contrats courts ou à temps partiels trop souvent proposés aux personnes en situation de handicap,
- développement des articulations entre les services de l'emploi et les missions locales…
Je m'engage à m'y atteler sans attendre.
3) Ma troisième priorité c'est la question de l'accessibilité
Et quand je dis « accessibilité », je pense bien sûr à toutes les formes de handicap.
Je constate qu'hélas sur ce sujet nous manquons de données claires pour faire un bilan partagé de la loi de 2005, qui a fixé de grandes ambitions, sans les moyens d'y parvenir.
Votre association a notamment rappelé l'absence préjudiciable de cartographie des lieux accessibles.
Dans ce domaine, nous avons donc besoin d'une véritable volonté politique pour pallier les retards qui ont été pris.
Et qu'il s'agisse de l'accès à la culture, aux sports, aux loisirs et avant tout aux lieux de travail, nous savons bien que les personnes en situation de handicap sont en attentes de solutions pour pouvoir tout à la fois développer leur autonomie et leur vie sociale.
Nous avons le devoir d'être, sans attendre, au rendez-vous.
Education, emploi, accessibilité : voilà donc quelles seront mes trois priorités mais il y a tant de domaines sur lesquels il est également impératif d'agir.
4) Je pense à l'accès aux soins
Nous devons être particulièrement attentifs à éviter toute rupture dans la prise en charge et travailler à un renforcement de la coordination entre les structures médico-sociales qui suivent les personnes en situation de handicap et les autres structures de soins.
Au quotidien, un acte simple comme le fait d'aller chez son médecin généraliste ou son dentiste ne doit pas devenir un parcours du combattant pour une personne en situation de handicap !
Comme le reste de la cité et de la vie sociale, la santé doit devenir plus accessible. Et je ne parle pas que de l'accès physique aux cabinets médicaux ou aux hôpitaux.
Il faut informer et surtout former les professionnels de santé au handicap. Il faut aussi mettre un frein à l'emballement des dépassements d'honoraires et à l'extension des déserts médicaux.
De la même façon, nous devrons imaginer ensemble des solutions pour faire face au vieillissement des personnes.
5) Je pense à la perte d'autonomie
Nous devrons articuler les questions de dépendance, de handicap, de compensation, d'accès aux aides et d'appui aux aidants.
C'est tout le sens de la proximité des ministères délégués aux personnes handicapées et aux personnes âgées.
6) Je pense aussi aux questions liées à la prise en charge médico-sociale des personnes en situation de handicap.
Car si nous partageons tous l'ambition de faire participer les personnes en situation de handicap à la vie de la cité en la rendant accessible à toutes et tous, cela suppose aussi, pour bon nombre d'entre elles, un accompagnement médico-social personnalisé et de qualité.
Il faudra, pour cela, continuer à faire évoluer les missions des établissements et des services médico-sociaux dans une logique de parcours au plus près des besoins et du projet de vie de chaque personne prise en charge.
Cela passe par une évolution des pratiques et de notre organisation :
- Par une réforme des règles de financement.
- Par la transformation de l'offre existante, en complément de la création de places nouvelles.
- Par une meilleure connaissance des besoins.
Au plan collectif, en développant des dispositifs d'observation.
Au plan individuel, en mettant au point des outils d'évaluation des besoins de chaque personne handicapée.
Enfin, il est, à mon sens, plus que jamais aujourd'hui nécessaire de revoir les modalités de leur orientation. Il faudra favoriser le décloisonnement, tout ce qui permettra de s'adapter réellement aux besoins, aux aspirations des personnes en situation de handicap.
Je connais vos interrogations sur le rythme de créations de places, les inégalités territoriales, les contraintes budgétaires qui sont fortes...je tenterai d'y répondre avec la plus grande attention.
Et toujours dans un esprit de concertation, je consulterai toutes celles et ceux qui sont concernés par ce sujet : gestionnaires, usagers, collectivités locales….
Les chantiers, de toute évidence, sont nombreux.
Et je n'oublie pas non plus la question des plans dédiés à des handicaps spécifiques, sensoriels, psychiques. Il nous faudra en tirer un bilan pour évaluer comment poursuivre nos efforts.
Je m'exprimerai également très prochainement pour répondre à toutes les attentes concernant l‘accompagnement des personnes avec autisme, dont je sais qu'elles vous préoccupent particulièrement.
La question du handicap est une priorité de la Présidence de François Hollande.
Le Président de la République a évoqué la présence d'un volet « handicap » dans chaque loi soumise au parlement. Nous avons commencé à y travailler sans délai.
Mesdames, Messieurs,
Vous l'aurez compris, j'ai décidé de suivre ces prochains mois un principe : celui de la concertation.
Je serai attentive à ce qu'il y ait une réelle clarification des compétences des décideurs et financeurs publics sans que cela, bien sûr, ne vienne appauvrir d'une quelconque manière la réponse publique.
J'aurai un impératif : l'équité, entre les territoires et pour les personnes.
Bien sûr, le Président de la République a eu le courage de le dire durant sa campagne, nous avons le devoir de maîtriser l'évolution des dépenses publiques. Nous ne pourrons pas tout faire tout de suite.
Il faudra, chaque fois que possible, favoriser les solutions innovantes, celles qui engagent les personnes dans des parcours d'inclusion et qui multiplient les passerelles entre les établissements et la Cité.
Je serai une Ministre en souhaite affirmer une volonté politique forte dans le domaine du handicap.
Nous avons fait le choix de la transversalité puisque la question du handicap est par essence interministérielle.
Si la question du handicap concerne tous les ministres, il faut se garder d'avoir une vision trop étroite des champs d'action car cela ne conduirait qu'à diluer les responsabilités, comme cela a été le cas sous les gouvernements précédents.
Je suis la ministre en charge des personnes en situation de handicap et j'entends bien me saisir de tous les sujets qui les concernent.
Je construirai pour cela les liens nécessaires avec mes collègues. J'ai commencé à le faire avec Vincent Peillon et Michel Sapin.
Voilà, je ne serai pas plus longue. Vous avez, je crois, eu le temps de percevoir ma détermination à agir, à agir vite et avec vous.
La résignation ne fait pas partie de mon vocabulaire.
Trop de retards dans le domaine du handicap ont été pris.
Il est temps que nous fassions en sorte que les promesses d'égalité et d'accessibilité ne soient plus des voeux pieux mais des réalités gagée au sein d'un gouvernement qui quotidiennes pour les personnes en situation de handicap.
Je sais que vous aurez à coeur de m'accompagner dans ce défi majeur pour notre pays.Source http://www.fnath.org, le 20 juillet 2012