Texte intégral
Mesdames et Messieurs, je vous ai réuni pour vous parler de la Conférence des ambassadeurs qui va avoir lieu la semaine prochaine et évoquer un axe qui sera tout à fait prioritaire dans l'action de cette Maison qui est la diplomatie économique.
En ce qui concerne la Conférence des ambassadeurs - puisque vous suivez les travaux habituels du Quai d'Orsay -, vous savez qu'elle réunit chaque année à la rentrée, l'ensemble de nos chefs de missions diplomatiques ainsi que les responsables de l'Administration centrale et un certain nombre d'autres partenaires et acteurs.
C'est un moment qui est privilégié pour échanger et réfléchir sur toute une série de problèmes auxquels notre diplomatie est confrontée. C'est aussi l'occasion pour le pouvoir exécutif de donner un certain nombre de grandes orientations. Cette année, la Conférence se déroulera ainsi :
Le lundi, en fin d'après-midi, le président de la République s'exprimera devant les ambassadeurs et devant la presse à l'Élysée sur les principales questions. Enfin, la Conférence proprement dite débutera le mardi et elle aura lieu jusqu'au mercredi 29 août. Durant toute la semaine - puisque c'est une occasion privilégiée d'avoir l'ensemble de nos ambassadeurs réunis -, il y aura toute une série de réunions de travail organisées par les directions du ministère sur l'ensemble des thèmes d'actualité. Nous ferons en particulier le point sur toute une série de sujets vifs qui souvent sont des sujets de crise. Je pense à la question syrienne, à ce qui se passe au Sahel, à ce qui se passe, dans un autre contexte, en Europe et à beaucoup d'autres.
Cette Conférence sera surtout l'occasion d'exprimer le cap et les objectifs que j'ai décidé d'assigner à ce ministère. Notre cap évidemment, c'est celui qui a été fixé par le président et par le gouvernement, c'est-à-dire le redressement du pays par la justice. Le ministère des Affaires étrangères y prendra sa pleine part, il n'est pas le seul, beaucoup d'autres administrations bien sûr le feront. Nous avons un rôle tout à fait majeur à jouer et dans cette période, j'entends que la diplomatie économique soit vraiment notre priorité. Le message à retenir et que je ferai passer à nos ambassadeurs, c'est donc la mobilisation partout dans l'ensemble du monde pour nos entreprises, pour nos emplois, pour la croissance et pour le redressement. Je vais y revenir dans quelques instants.
D'une façon plus concrète, la journée du mardi 28 août sera consacrée à ce thème prioritaire. Je présiderai la première séance plénière qui aura lieu le mardi matin et je serai en bonne compagnie. J'aurai à mes côtés Thomas Enders, président d'EADS, Pierre Pringuet, directeur général du Groupe Pernod-Ricard et le président de l'Association française des grandes entreprises privées, Ali Laïdi, journaliste à France24 et Yves Saint-Geours. Ce dernier était jusqu'à peu notre ambassadeur de France au Brésil et que le Conseil des ministres vient de nommer directeur de notre administration de la Modernisation auquel je vais confier de nombreuses tâches dans le futur. Le modérateur sera M. Pierre Sellal ici présent, il est le grand ordonnateur de tout cela et le Secrétaire général de cette Maison.
Ensuite et toujours dans le chapitre de la diplomatie économique, nous aurons une séance plénière sur les PME. Je crois que c'est la première fois que l'on aborde directement ce sujet qui est essentiel. J'ai demandé à Nicole Bricq qui est la ministre du Commerce extérieur, et à Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif d'être là. J'ai aussi invité et ils seront présents à cette séance plénière, Jean-François Roubaud qui est le président de la Confédération générale des PME, Martin Malvy qui est le président de «Midi-Pyrénées«, Jean-Marc Husson qui est le président de Framatome - qui est un exemple de bonne liaison entre une filière qui est la filière Atome et les PME - ainsi qu'Emmanuel Leprince qui est le directeur général du pacte PME.
Ensuite, il y aura toute une série de travaux consacrés à l'entreprise, sur les questions de l'énergie avec comme intervenant Christophe de Margerie (président de Total) et le président d'Électrique-France M. Schneider. Nous aurons également des travaux sur les transports et le développement durable, avec Patrick Kron, Guillaume Pepy, Nicolas Jachiet et quelques autres.
Concernant la santé et les industries pharmaceutiques et sur les services financiers, j'ai demandé à Michel Barnier qui est Commissaire européen en charge du Marché intérieur et services, d'être là. David Right, qui est le secrétaire général de l'Organisation internationale des Commissions de valeurs sera aussi présent.
Louis Gallois, que vous connaissez, qui est à la fois chargé d'une mission sur la compétitivité mais qui, d'autre part, fait partie d'un groupe d'experts européens qui se penchent sur ces questions financières, Jean Lemierre qui est l'ancien patron de la BERD et qui est le conseiller spécial du président de Paribas.
Ensuite, nous aurons des tables rondes sur le nucléaire français à l'étranger, sur l'Afrique, sur les Nations unies et en fin d'après-midi, avant l'allocution du Premier ministre qui viendra s'exprimer à 18h30, nous aurons une séance plénière sur l'euro et la situation de l'Union européenne où interviendront notamment Pierre Moscovici, Bernard Cazeneuve qui travaille à mes côtés et Jean-Paul Fitoussi que vous connaissez.
Le mercredi, nous traiterons toute une série d'autres sujets sur la formation supérieure dans la recherche, les questions d'organisation interne, l'action culturelle. Nous aurons à cette table ronde, MM. Filippetti, Xavier Darcos, Henri Loyrette, Nicolas Seydoux qui est le président du forum d'Avignon et Louis Schweitzer qui est le président du festival d'Avignon.
Nous aurons aussi un certain nombre de déjeuners thématiques sur l'Aide publique au développement, la Francophonie, le numérique, la sécurité de nos postes et de nos ressortissants. Il y aura des tables rondes en parallèle sur les nouveaux émergents, le nouveau monde arabe, les nouveaux espaces sociaux.
Je clôturerai tout cela en m'exprimant le mercredi en fin d'après-midi, pour rassembler devant tous nos ambassadeurs, pour leur donner des instructions précises et expliquer quels sont nos choix en matière de politique étrangère.
Ceci signifie que près de la moitié du gouvernement participera à cette Conférence des ambassadeurs, qu'il y aura beaucoup d'acteurs du monde économique, de l'entreprise mais aussi de l'Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Culture, des responsables d'Institutions européennes et internationales. Ils seront plus nombreux que les années précédentes car j'ai voulu ouvrir les fenêtres et les portes de cette Maison à toutes les forces vives qui sont la France et qui font la France.
Voilà ce que je pouvais vous dire concernant la Conférence des ambassadeurs, si vous avez des questions, j'y répondrai volontiers.
À cette occasion, je rendrai public, en m'exprimant devant les ambassadeurs qui seront chargés de l'appliquer, mon plan d'action pour notre diplomatie économique.
Le constat est simple, nous sommes dans une situation économique très difficile qui se manifeste en particulier par notre déficit commercial qui est considérable et que je considère comme le juge de paix. Dans cette situation, l'administration n'a pas évidemment à se substituer aux entreprises. Beaucoup de ministères sont concernés mais le ministère des Affaires étrangères doit faire de ce sujet sa priorité. Nous nous occupons beaucoup de crises dans différents pays et il serait paradoxal, et à vrai dire incompréhensible, que nous ne nous occupions pas au premier chef de la crise économique. C'est donc l'ensemble de nos moyens privés et publics qui doivent être mobilisés pour le redressement et c'est l'orientation qui sera celle de cette Maison.
D'ores et déjà, lorsque nos postes sont sollicités à l'étranger, ils réagissent et en général très bien, ce sont des professionnels très compétents, mais là il s'agit de passer la surmultipliée et de passer à l'offensive. Dans cette offensive, il y a évidemment des atouts qui sont considérables mais il y a aussi des difficultés. Je n'ai pas voulu m'engager dans je ne sais quel mécano administratif en reformulant les découpages avec tel ou tel ministère, mais nos faiblesses sont «archi connues«. Nos PME sont moins accompagnées que nos grands groupes. La question centrale du lien entre notre présence à l'extérieur et la base territoriale en France, nos emplois en France, n'est pas toujours suffisamment cernés. L'enjeu des investissements étrangers en France est parfois sous-estimé et donc, il s'agit de renforcer ce que j'appellerai le réflexe économique. Il faut que cette Maison, - c'est vrai pour l'ensemble des Administrations, mais en particulier de celle-ci - développe son réflexe économique. La question, la ligne de conduite de notre diplomatie économique est simple : est-ce bon pour nos entreprises, est-ce bon pour nos emplois en France et en Europe ? C'est à partir de cette question et de la réponse qu'on lui donne que nos choix doivent être largement déterminés. Quand je parle de la diplomatie économique, je ne sépare pas cela de la diplomatie écologique à la fois parce que nous avons une certaine conception du développement et aussi parce qu'il se trouve que nos entreprises dans le secteur écologique au sens large, - développement durable, c'est-à-dire, énergie, transports, eau etc. - sont parmi les meilleurs du monde et doivent donc être parmi nos vaisseaux amiraux. Je suis ici depuis trois mois et cela a été ma première tâche. Au-delà du traitement de toute une série de dossiers qui sont spectaculaires, importants et parfois dramatiques, ma première tâche, à la fois par la situation de la France et par ma propre formation et ce que je pense, c'est d'abord la diplomatie économique.
Nous avons donc consulté toute une série de professionnels et cela a abouti à un plan d'action dont je vous donne quelques éléments. Désormais, la diplomatie économique, c'est-à-dire les objectifs quantitatifs et qualitatifs pour chaque poste diplomatique à l'étranger seront une instruction prioritaire et permanente de notre réseau diplomatique. C'est-à-dire que, lorsqu'il partira en poste, un ambassadeur aura une série d'objectifs qualitatifs et quantitatifs à atteindre pour améliorer la situation économique de la France dans le poste qu'il dirige. Chaque ambassadeur sera clairement positionné à la tête de «l'équipe« de France et il y aura pour les plus grands postes, un conseil économique qui sera créé avec en particulier un certain nombre de dirigeants d'entreprises. J'ai donné instruction pour que le dialogue avec les entreprises, notamment dans le cadre des négociations commerciales, soient renforcées. L'on s'aperçoit que c'est au moment de la négociation que les intérêts des entreprises françaises doivent être pris en compte, sinon c'est trop tard. Les relations avec les collectivités territoriales seront développées. Nos collectivités locales et en particulier les régions font énormément de choses et c'est très bien mais il faut que tout cela soit canalisé pour que cela soit positif pour les entreprises françaises.
À notre disposition, nous avons un réseau d'influence magnifique, qu'il s'agisse du réseau scolaire, du réseau culturel à l'étranger, de nos bourses d'études, de la coopération scientifique, de la politique de visa, tout cela peut servir, tout cela doit servir nos objectifs économiques. Bien sûr, il faudra - et j'en ai pris la décision - adapter l'organisation de cette Maison à cela. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de créer au Quai d'Orsay, une direction qui sera spécialement dédiée aux Entreprises. Le directeur sera M. Jacques Maire qui est issu de cette Maison, il a travaillé dix ans pour diriger un certain nombre de filiales d'Axa et il a accepté de revenir dans cette Maison pour prendre l'animation de cette direction économique.
Dans la formation et dans la carrière de nos diplomates, les compétences économiques seront mieux valorisées. Notre communication d'ensemble sera repensée de façon à ce que les entreprises bénéficient désormais des éléments d'analyse de nos postes diplomatiques. Nos ambassadeurs et nos postes savent énormément de choses et leur savoir peut servir aux entreprises. Je l'annoncerai la semaine prochaine, je demanderai à quelques personnalités éminentes de suivre tel ou tel pays, non pas pour faire doublon avec les ambassadeurs qui font très bien leur travail, mais pour donner les impulsions nécessaires pour que dans ces pays en particulier, la France et les entreprises françaises progressent.
Voilà en quelques mots ce que je voulais dire pour vous présenter la Conférence des ambassadeurs et la diplomatie économique. La Conférence des ambassadeurs est un exercice classique mais cette fois-ci, elle est concentrée sur un thème et elle est très largement ouverte sur l'extérieur et notamment sur les entreprises. La diplomatie économique dont vous entendrez parler au cours des mois qui viennent car désormais, ce sera un aspect tout à fait central de l'action de cette Maison.
Je suis tout à fait prêt à répondre à vos questions sur ces sujets.
Q - Bonjour, Marie-Christine Corbier du journal les Échos. Première question sur la diplomatie économique et notamment sur les accords de libre échange qui sont ou en projet ou en cours de négociation au niveau de l'Union européenne. Quelles sont les priorités de la France ? Est-ce qu'il s'agit de mettre le futur accord avec les États-Unis en tête de priorité ? Est-ce qu'il faut donner la priorité à un éventuel accord avec le Japon ou le Canada ? Bref quelles sont les priorités de la France avec ces accords de libre échange ?
R - Il y a toute une série d'accords effectivement qui sont en discussion ou qui sont programmés. Vous en avez cité quelques-uns qui sont fort importants. La France n'a pas d'objection de principe mais notre ligne directrice sera, dans toutes ces discussions, de faire prévaloir la notion de réciprocité.
C'est une notion qui d'ailleurs a été acceptée dans les termes en tout cas pour la première fois lors d'un certain nombre de sommets mais qu'il faut maintenant faire entrer dans les faits parce que l'Europe dans le passé - beaucoup de gens le soulignent - a été parfois trop naïve. Je vais vous en donner quelques exemples qui sans doute vous frapperont.
Lorsqu'on regarde quel est le montant des marchés publics accordés à des entreprises de pays tiers, selon les différents continents, en ce qui concerne l'Europe pour une période comparable, les marchés publics attribués à des entreprises non européennes se sont élevés à 312 milliards d'euros. Cela, c'est pour la dernière année connue. En ce qui concerne les États-Unis, à 34 milliards d'euros. En ce qui concerne le Japon, à 22 milliards d'euros.
Quand on regarde ces chiffres, on voit bien qu'il y a quand même un problème dans l'accès aux marchés publics.
En ce qui concerne le taux moyen des droits de douane, s'agissant de l'Europe, il est de 3,2% en général ; pour l'Asie, il est de 7,8% en général.
S'agissant de l'agriculture, pour l'Europe, le taux moyen de droit de douane est de 13% ; pour l'Asie, il est de 28,7%.
Pour l'industrie, s'agissant de l'Europe, le taux de droit de douane est de 2,8 ; pour l'Asie il est de 6,1.
Et en ce qui concerne l'utilisation des instruments de défense commerciale sous l'égide de l'OMC, donc le recours aux instruments anti-dumping, on est tout de même un petit peu surpris de voir que lorsque l'on regarde les instances qui ont été lancées, le palmarès des mesures restrictives au commerce adoptées depuis octobre 2008, arrivent en tête l'Argentine avec 119 mesures défensives prises et autorisées comme telles, la Russie 86 et l'Indonésie 56.
Ce qui veut dire qu'autant nous sommes très favorables au développement du commerce international, autant nous sommes favorables à ce que ce soit sur une base de réciprocité et c'est donc avec cette idée simple en tête que nous abordons l'ensemble des négociations que vous avez citées.
Q - Au sujet de cette diplomatie économique, cela signifie que la politique étrangère de la France va donc être tournée plus vers la défense de ses intérêts économiques ?
R - Il y a, lorsqu'on définit une politique étrangère, des éléments permanents. La politique étrangère de la France, c'est une politique de paix, une politique de sécurité et c'est une politique de développement international, de régulation internationale. C'est une politique qui obéit à un certain nombre de principes que vous connaissez de respect des droits de l'Homme, de défense de la personne humaine, de mise en valeur de la démocratie. Ces éléments n'ont pas à être modifiés et ils sont tout à fait déterminants.
En même temps, quand on constate la situation qui est à la fois celle de l'Europe et celle de la France, on s'aperçoit que nous devons mettre en valeur nos atouts économiques probablement plus que nous ne l'avons fait dans le passé. Et c'est cela que j'appelle la diplomatie économique.
N'ayons pas une vision refermée sur nous-mêmes qui n'aurait pas de sens mais il faut vraiment mobiliser tous les moyens publics et privés pour faire valoir l'offre française et c'est cela que je veux dire par diplomatie économique active.
Là encore, vous avez cela à l'esprit, ce que font d'ailleurs déjà pas mal de pays, quand je dis que désormais l'objectif précis en terme économique devra être pour chaque poste diplomatique. Cela ne se faisait pas jusqu'ici, non pas du tout que l'administration puisse se substituer aux entreprises, car ce sont les entreprises qui font le commerce, l'emploi, etc. mais il faut que nous ayons ce souci, davantage que nous ne l'avons eu.
De même, lorsque je dis qu'il faudra aider davantage les PME à être présentes à l'export, beaucoup de pays le font.
On prend l'exemple de l'Allemagne souvent. Vous savez les grandes entreprises prennent sur leurs épaules les entreprises petites et moyens et leur permettent de se développer en France. Il y a eu un certain nombre de créations utiles, Ubifrance, etc. mais on ne le fait pas assez.
Lorsque je dis qu'il faut mettre davantage les régions dans le coup, cela ne veut pas dire que chaque région peut installer en Chine ou ailleurs une délégation pour développer les entreprises françaises. Il faut qu'il y ait une certaine coordination et nos postes diplomatiques peuvent y aider.
Lorsque je dis qu'il faut qu'il y ait - elle sera créée dans les semaines qui viennent - une Direction qui s'occupe spécifiquement des entreprises au sein de ce ministère, cela paraît une évidence.
Voilà ce que nous avons à l'esprit. C'est donc une mobilisation en faveur de nos entreprises, nos emplois. Il faut que nous travaillons la main dans la main et d'ailleurs chaque année, désormais, nous ferons au ministère une journée portes ouvertes aux entreprises, en particulier aux Petites et Moyennes Entreprises parce qu'il faut bien que l'on comprenne que l'économie est un élément - pour vous c'est quelque chose d'évident - substantiel de notre rayonnement.
Je dis souvent «qu'est-ce qui définit la France ?». La France, est une puissance d'influence. Je ne rentre pas trop dans la discussion, en bon français, de ce que l'on appelle hard power/soft power, etc.
Nous, nous sommes en bon français une influential power, une puissance d'influence et notre influence est due à une série de qualités ou de spécificités que nous avons, qui sont très diverses.
La France est un des membres permanents - il n'y en a que 5 dans le monde - du Conseil de sécurité des Nations unies.
La France a une langue qui est la langue française qui est actuellement parlée par plus de 200 millions de personnes mais qui devrait être parlée par plus de 700 millions de personnes dans les années 2050, en particulier grâce au développement du français en Afrique et de l'Afrique elle-même.
La France est un pays qui est une puissance nucléaire. La France est un pays qui a des principes. La France est un pays qui a un rayonnement international. Mais ce qui fait aussi notre influence, c'est notre force économique, notre puissance économique.
Si nous voulons que le Quai d'Orsay et que l'ensemble des administrations servent l'influence de la France, il faut aussi que nous servions et prioritairement, l'aspect économique.
Le rôle d'un ministre étant de donner des impulsions à son administration, l'impulsion que j'ai décidé de donner va dans le sens de la diplomatie économique.
Q - Monsieur le Ministre, j'ai vu que vous avez une table ronde sur les Nations unies et il y a M. Ladsous qui va venir [inaudible], j'imagine que la question syrienne sera débattue à cette occasion. Dans une semaine vous allez présider le Conseil de sécurité. Je sais que vous vous êtes exprimés ces derniers jours sur la question mais ce que je voudrais savoir, c'est qu'attendez-vous de cette réunion du Conseil de sécurité ? Vous avez dit à plusieurs reprises que vous allez privilégier l'aspect humanitaire. Est-ce que c'est le cas, Est-ce qu'il n'y a pas un message politique ? Est-ce que vous attendez une résolution ? Quelle est la teneur ? Merci.
R - M. Ladsous viendra parler de choses et d'autres mais c'est surtout vous qui vouliez parler de ce sujet, ce que je comprends tout à fait. À ce stade, je peux vous donner quelques indications.
Effectivement, cette réunion doit être centrée sur les aspects humanitaires. La situation en Syrie et dans les pays voisins du point de vue humanitaire est extrêmement difficile puisque vous savez qu'il y a entre 2,5 millions et 3 millions de personnes en Syrie qui sont déplacées et vous avez plus de 300 000 personnes réfugiées dans les pays voisins, on pense notamment à la Jordanie, au Liban, à la Turquie et à l'Irak.
Ceci pose évidemment des problèmes considérables. Il faut que, comme le droit international le prévoit, il y ait un accès humanitaire au sein de la Syrie et il faut s'occuper de façon très active de ces réfugiés dont le nombre augmente au fur et à mesure que, malheureusement, le clan de Bachar Al-Assad continue ses exactions. Donc cela pose des problèmes extrêmement lourds dont essaient de s'occuper chacun des pays concernés. J'ai demandé d'ailleurs aux ministres des pays concernés, des pays voisins concernés par le nombre de réfugiés de venir au Conseil de sécurité où ils pourront s'exprimer.
Et puis le problème humanitaire crée des difficultés pour l'ensemble de la communauté internationale.
Alors, c'est vrai qu'aujourd'hui il y a un certain nombre de blocages politiques que vous connaissez bien. Nous ne renonçons pas du tout à des avancées sur le plan politique qui sont absolument indispensables.
Le président de la République a eu l'occasion de s'exprimer à nouveau sur ces sujets ces jours derniers en disant qu'il faut qu'il y ait un changement de régime.
Nous avons reçu, comme vous le savez, les représentants du Conseil national syrien. Nous souhaitons qu'il y ait une mobilisation de l'opposition qui permette la représentation de chacun et la protection des différentes communautés.
Nous pensons déjà avec beaucoup d'autres à la reconstruction de la Syrie du futur mais là, l'idée qui est la nôtre, c'est de nous centrer sur les questions humanitaires pour à la fois appeler l'attention sur ces questions qui sont tout à fait essentielles puisque il s'agit de la vie de femmes et d'hommes, pour renforcer les moyens nécessaires parce que tout cela évidemment à un coût souvent très lourd pour les pays concernés, pour sensibiliser l'opinion et essayer de faire avancer sur ces sujets.
Sans doute ne pourrons-nous pas avancer sur tous les sujets mais, au moins, que sur les questions humanitaires, on puisse avancer.
C'est le sens de l'effort que font non seulement la France mais beaucoup d'autres pays.
Au fur et à mesure que cette réunion sera préparée, nous entrerons dans plus de détail mais l'objet est essentiellement de pouvoir avancer, témoigner, mobiliser sur le plan humanitaire.
Q - Inaudible
R - Alors tout cela est en train d'être précisé.
Q - Les sanctions économiques seront présentes bien sûr à la conférence, elles varient selon la taille des entreprises et selon les pays qui tombent sous les sanctions économiques. Avez-vous une stratégie, ou allez-vous traiter les problèmes qui se posent aux entreprises visées par ces sanctions au coup par coup ?
R - La question que vous posez, c'est la question générale des sanctions. Il y a, en fonction évidemment de l'évolution de la situation internationale, des politiques de sanctions qui peuvent être décidées. La France s'associe à un certain nombre de ces sanctions.
On pense, par exemple, aux sanctions qui ont été décidées à propos des relations avec l'Iran, on pense aux sanctions qui ont été décidées vis-à-vis de la Syrie, on peut penser à d'autres sanctions. À l'expérience...évidemment par définition, ces sanctions ont toujours un coût. Elles ont un coût pour - vous parliez des entreprises - les entreprises qui ne peuvent plus travailler compte tenu de ces sanctions. Elles peuvent avoir parfois, il faut avoir l'honnêteté de le reconnaître aussi, un coût pour les populations concernées.
Mais en même temps, force est de constater que, dans des situations extrêmes, la politique des sanctions peut avoir une utilité. Personnellement, je l'avais constaté, et je fais référence à un exemple assez lointain, en Afrique du Sud, au moment de l'apartheid. C'était un contexte évidemment très spécifique, mais à l'époque je dirigeais le gouvernement du pays, et l'opposition d'Afrique du Sud, c'est-à-dire les Noirs, nous avaient demandé de décider des sanctions. Peut-être les plus anciens d'entre vous se le rappellent. Et nous avions pris la tête de ce mouvement de sanctions. Et je me rappelle pertinemment en particulier, pas loin d'ici, c'était à Matignon, avoir eu une conversation très forte avec Monseigneur Desmond Tutu, que certains d'entre vous peuvent connaître, qui m'avait demandé, alors que lui-même et son peuple pouvaient être victimes de ces sanctions, que nous prenions ces sanctions.
Ces sanctions, je vais venir directement à votre question, avaient eu un rôle très important, parce que c'est à partir du moment où, pour parler simplement, la bourgeoisie sud-africaine avait constaté que l'ensemble du monde allait sanctionner économiquement l'Afrique du Sud, que le basculement s'était fait et qu'un certain nombre de ces grandes entreprises qui avaient pignon sur rue s'étaient dit : «on ne peut plus soutenir ce régime, puisqu'il nous empêche indirectement de travailler.» Cela, c'est le passé.
Aujourd'hui nous avons quelques exemples, j'en ai cité deux mais il y en a d'autres. L'Iran, la Syrie, où nous appliquons des sanctions. Cela peut bien sûr avoir des incidences négatives sur un certain nombre d'entreprises. Mais nous considérons lorsque nous prenons ces sanctions, - et en général nous le faisons au niveau européen, parfois au niveau des Nations unies -, que c'est parce que l'intérêt général de la paix, de la sécurité, du peuple est supérieur à tel ou tel inconvénient que ces sanctions peuvent occasionner pour telle ou telle entreprise ou telle ou telle fraction de la population. Et nous voyons l'utilité de ces sanctions, même si parfois nous regrettons qu'il y ait des trous dans les sanctions, qu'elles ne soient pas appliquées par tous. Prenons deux exemples.
Dans l'exemple iranien. Vous savez que nous somme en discussion difficile avec les Iraniens sur le nucléaire militaire. Autant nous considérons qu'il est parfaitement légitime que l'Iran qui est un grand pays puisse disposer du nucléaire civil, autant nous n'acceptons pas, au nom du refus de la dissémination nucléaire, qu'il puisse accéder à l'arme nucléaire. Nous avons donc décidé une politique qui est à la fois de dialogue et de sanctions. Et ces sanctions, d'après nos informations, commencent à avoir un effet sérieux sur le régime, ou en tout cas sur le pays.
En Syrie, de la même façon, des sanctions ont été décidées dans le domaine économique, dans le domaine financier, dans d'autres domaines encore : soit des sanctions personnelles à l'égard de tel ou tel individu, soit des sanctions à l'égard de tel bien, ou de telle possibilité d'échange. Et, là aussi, ces sanctions ont un effet. Malheureusement elles ont souvent un effet sur la population, mais la population elle-même, en tout cas pour une large part, comprend que c'est par le biais de sanctions qu'on peut arriver à changer une situation qui sinon ne pourrait pas évoluer. C'est vrai que cela pose des problèmes à telle ou telle entreprise ; dans ce cas-là nous les examinons individuellement. Mais, en même temps, c'est un moyen qui existe dans l'arsenal international pour faire bouger des situations.
Q - Monsieur le Ministre, si vous mettez l'appareil diplomatique de la France en ordre de bataille pour aller chercher des contrats à l'étranger, est-ce que vous n'amoindrissez pas la capacité de la diplomatie française à défendre certaines valeurs, à défendre des personnes qui seraient opprimées dans certains pays ? En fixant cette priorité est-ce que vous ne diminuez pas votre capacité à porter un certain message de défense des valeurs dans le monde ?
R - Non. La question est pertinente et la réponse est clairement non car je n'ai pas dit- et je vous remercie de poser la question car ça va me permettre de le préciser - que cette recherche d'équilibre économique devait se faire au détriment d'autres préoccupations qui sont parfaitement légitimes. J'ai dit que l'influence de la France était également liée au principe que nous défendions, à la justice, aux droits de l'Homme, et à ce qu'est toute la tradition de la France. Donc, il ne s'agit pas de dire «on va faire de l'économie contre tel autre principe. On choisit à 100% une chose et on abandonne à 100% telle ou telle autre». Il peut se produire, là vous avez raison, telle situation où il y a conflit. Je vais prendre un exemple très simple : la France est une puissance qui produit des armements.
Si on avait simplement à l'esprit la dimension économique, on pourrait dire « ces armements, on les vend à tout le monde «. La réponse est non. Il y a des règles qui sont fixées, qui sont très précises, qui font qu'on peut vendre telle ou telle catégorie d'armement à tel ou tel pays, mais qu'il y en a d'autres qu'on se refuse à vendre, alors que l'intérêt économique seulement, pour aller dans le sens que vous évoquez, pourrait nous conduire à dire « on se moque de la dimension morale, de la dimension droits de l'Homme, de la nature du régime, on le fait ». Non, dans ce cas-là, nous décidons de ne pas le faire. Et il peut y avoir d'autres exemples.
Si vous voulez, insister sur la diplomatie économique n'est pas renoncer aux autres éléments de la diplomatie. C'est mettre ce facteur en exergue. Après, il y aura des arbitrages à faire, ou bien au niveau national, ou bien au niveau de nos ambassades. Mais mon sentiment est que, jusqu'à présent, l'aspect économique n'était pas suffisamment pris en compte. Je vais vous en donner un autre exemple. Je suis très frappé du fait que nous nous mobilisions, et souvent très bien d'ailleurs, pour les grands contrats, ce qu'on appelle les grands contrats, et beaucoup moins pour le commerce courant. Or, le commerce extérieur, c'est fait à la fois des grands contrats et du commerce courant. Il faut, et ça n'entache en rien les questions de principe, que nous soyons plus présents sur le commerce courant. Je vais prendre un autre exemple.
Nous nous occupons beaucoup, enfin, nos postes diplomatiques s'occupent beaucoup de ce qui vient de France et qui peut aller à l'étranger, mais pas autant qu'il le faudrait des capacités d'investissements étrangers en France. Or, la France est un grand pays, un grand marché, avec beaucoup de possibilités, nos postes diplomatiques sont parfaitement au courant des groupes qui ont des capacités à investir : il faut que nous soyons plus présents.
Mais pour revenir à l'essentiel de votre question, prendre davantage en compte l'aspect économique ne signifie en aucun cas, en tout cas dans mon esprit, abandonner ce qui constitue vraiment l'un des éléments centraux de l'identité de la France. Je vais vous en donner un autre exemple. Parmi les éléments que j'annoncerai aux ambassadeurs, vous savez qu'il y a un certain nombre de grandes causes internationales qui sont débattues périodiquement. J'ai pensé qu'il fallait que, pour les deux années qui viennent, nous nous mobilisions sur une grande cause internationale et j'ai choisi que cette grande cause internationale soit l'abrogation universelle de la peine de mort.
Je demanderai donc à tous nos postes diplomatiques, selon des formes qu'ils devront définir en fonction des situations locales, de mener campagne en faveur de l'abrogation universelle de la peine de mort. Il y a des pays où ça ne posera aucun problème. Mais il y a des pays, on les a à l'esprit, où cela peut poser des problèmes, parce que ces pays pratiquent la peine capitale. Mais cela ne nous empêchera pas, sans être provocateurs, de dire ce que nous avons à dire. Et bien sûr aussi de faire ce que nous avons à faire sur le plan économique.
Q - Je n'aime pas passer du coq à l'âne, mais est-ce que je peux revenir sur le dossier syrien ?
R - Oui, même si ce n'est pas l'essentiel de la conférence, mais je vous en prie.
Q - C'est pour cela que je vous demande votre permission. Il y a eu une forte activité diplomatique ici à Paris cette semaine : des réunions tous les jours avec soit des responsables syriens, soit des responsables onusiens et par ailleurs M. Hollande va traiter ce dossier avec Mme Merkel ce soir, je crois.
R - Oui.
Q - Trois précisions.
Dans le départ de M. Brahimi comme envoyé spécial de l'ONU et de la Ligue arabe a très mal commencé. Est-ce que la France est intervenue pour apaiser les esprits entre le Conseil national syrien et M. Brahimi d'une part ? Vous avez vu les deux ici cette semaine.
Deuxièmement, le Qatar. On parle d'une amélioration de la coordination renforcée, y compris sur le terrain, c'est le président de la République qui le dit, est-ce que ça va au-delà de ce qui avait été décidé à la Conférence de Paris le 6 juillet ?
Et troisième petite précision, est-ce que la France pense à un consensus avec d'autres pays pour amener Bachar Al-Assad devant la Cour pénale internationale à La Haye ? Et si oui, bientôt ? Ou combien de morts faut-il pour qu'on s'exprime à ce sujet ?
R - Réponse rapide et précise.
En ce qui concerne M. Brahimi et le Conseil national syrien, je crois qu'ils se sont vus puisque M. Brahimi était à Paris et le Conseil national syrien également. J'ai moi-même reçu à la fois l'un des vice-présidents la semaine précédente et puis le président et ses vice-présidents, et ensuite nous sommes allés voir le président de la République et la réunion était extrêmement utile et positive. Nous n'avons pas à nous mêler bien sûr de ce qui est fait entre les uns et les autres. Mais le contact a été pris entre les uns et les autres.
En ce qui concerne le Qatar, le président de la République a reçu, hier, et j'étais présent, l'Émir du Qatar, et la diversité des sujets a été abordée. Nous avons abordé les sujets des relations générales entre le Qatar et la France. Également, bien sûr, - personne n'aurait compris qu'il en soit autrement -, la situation en Syrie, et le Qatar n'a jamais caché quelles étaient ses analyses et nous essayons de travailler de manière convergente, les uns au sein de la Ligue arabe, les autres à la fois au sein du Conseil de sécurité, d'une manière plus large et nous sommes en relation étroite.
En ce qui concerne l'aspect Cour pénale internationale, il y a des éléments de faits et de droit qui sont réunis et les responsables de l'ONU suivent cela et encore récemment il a été déclaré que selon leur estimation, le clan de M. Bachar Al-Assad, - je ne sais pas si c'est le terme qui est utilisé -, était responsable de crimes contre l'humanité et nous sommes d'avis, sans entrer dans davantage de précision à ce stade que, dans cette matière, il ne peut pas y avoir d'impunité.
Q - Lors de votre visite à Beyrouth la semaine dernière, vous avez appelé à laisser le Liban à l'écart du conflit syrien. Les confrontations à Tripoli au nord du Liban viennent confirmer vos craintes. Le bilan des morts s'est alourdi aujourd'hui de douze morts et des dizaines de blessés. Craignez-vous un embrasement général au Liban ?
R - Il faut tout faire pour l'éviter et c'est la position de tous les responsables que j'ai rencontrés, en particulier du président de la République M. Sleimane et du Premier ministre M. Mikati. Quand on sait à la fois l'équilibre du Liban qui est fragile, sa composition et sa proximité géographique avec la Syrie, nous approuvons, nous la France, pleinement la volonté des dirigeants libanais de se tenir autant qu'il est possible à l'écart du conflit syrien. Mais il y a certainement des personnes, des groupes qui voudraient qu'il y ait une contagion entre les deux. Et, nous disons de la manière la plus nette que nous souhaitons très vivement que cette contagion n'existe pas. De la même façon, cela n'a pas été relevé par la presse mais j'ai dit, j'ai même téléphoné au Patriarche lorsque j'étais à Beyrouth, nous soulignons le fait que toutes les communautés doivent être respectées. J'avais fait en particulier allusion à la communauté des chrétiens d'Orient mais cela vaut pour les autres communautés, il faut éviter au maximum qu'il y ait cette contagion.
Vous me direz que cela est plus facile à dire qu'à faire, nous ne sommes pas sur place mais en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, en tant qu'ami extrêmement proche et fidèle du Liban depuis toujours parce que les Libanais sont nos amis, nos cousins, nos frères, nous disons que, vraiment, il faut se garder de tout ce qui pourrait faciliter cette contagion.
Q - Pourriez-vous nous donner votre réaction sur le fait qu'un élu français ait été molesté par des salafistes à Bizerte ? Lui avez-vous parlé ?
Plus largement, cela vous inquiète-t-il sur l'évolution de ces révolutions arabes, que ce soit en Égypte, en Libye ou en Tunisie ?
R - Effectivement, j'ai appris cet incident très sérieux quelques heures après qu'il se soit produit. Immédiatement, j'ai téléphoné à cet élu de la région des Pays de la Loire qui venait de rentrer en France. Il m'a raconté exactement ce qui s'était passé à Bizerte et il était, je le comprends, extrêmement choqué ainsi que sa femme et sa petite fille. Il est non seulement choqué physiquement mais aussi très heurté par tout ce qu'il a vécu. Je tiens à dire de la manière la plus nette que ce qui s'est passé là-bas est inacceptable. Pour résumer, cet homme, sa femme, sa fille, qui n'avaient pas de tenue provocante contrairement à ce que certains ont pu dire, se promenaient à Bizerte et ont été attaqués très violemment par un groupe identifié comme étant un groupe de salafistes.
Il n'y a malheureusement pas eu de réaction pour l'aider, d'après ce qu'il m'a dit, ni de la part des gens qui se trouvaient là, ni de la police.
Je lui ai dit tout mon soutien parce qu'il était très «secoué» et au-delà, j'ai demandé que cet incident fasse l'objet de contacts avec le gouvernement tunisien par nos représentants en Tunisie. En effet, il est évident que ce type d'actes ne peut pas être accepté.
Q - Si je comprends bien la finalité du plan d'actions, c'est quand même la question de l'emploi en France. L'un des aspects, c'est la délocalisation industrielle. Je voulais connaître quelle est l'attitude que le gouvernement français comptait adopter ?
La diplomatie française doit-elle jouer un rôle car, lorsqu'elle délocalise, généralement l'entreprise fait ce choix pour des questions de coûts salariaux.
Vous parlez de réciprocité, alors la diplomatie française doit-elle être plus ferme ? Y a-t-il une attitude que l'on doit adopter sur les délocalisations ?
R - Ce sont des questions qui sont évidemment très compliquées, que vous connaissez très bien et pour lesquelles on ne peut pas répondre par oui ou par non ou en cochant des cases. Il y a la question générale de la compétitivité. Le ministère des Affaires étrangères ne va pas à lui seul traiter ce sujet et ce n'est d'ailleurs pas directement dans sa compétence. Vous savez que c'est un sujet important, le Premier ministre a confié à Louis Galois le soin - et c'est un expert en la matière puisque c'est un grand patron dans tous les sens du terme - le soin de nous faire des propositions, ce qu'il va faire prochainement. Après, en ce qui concerne la localisation, avant de parler de délocalisation, si j'avais à exprimer une philosophie générale, il faut évidemment que nos entreprises puissent être présentes à l'extérieur, souvent même plus qu'elles ne le sont, mais en même temps, il faut toujours avoir à l'esprit ce que cela donne pour la base française et pour, finalement, la «collectivité France».
Très souvent, il faut donc une appréciation au cas par cas. Lorsque vous avez une implantation industrielle, si c'est pour conquérir un marché, si cela ne vient pas en substitution de tel autre, ce peut être une bonne chose ; si en revanche, c'est une délocalisation totale, c'est-à-dire que l'on ferme une entreprise en France pour en ouvrir une autre à l'étranger et qu'en même temps, les productions reviennent en France, c'est-à-dire que l'on perd les emplois et qu'en même temps on importe davantage, là évidemment, c'est sujet à caution. Il ne peut pas y avoir de réponse systématique, c'est à l'appréciation des responsables d'entreprises, parfois de l'administration. C'est plutôt d'ailleurs à ce moment-là, l'administration des Finances ou du Commerce extérieur mais, le cas échéant, peut-être aussi le «local», le chef de l'ensemble de nos services qui est l'ambassadeur qui doit porter appréciation ou porter jugement. C'est un débat considérable, il y a aussi une question plus vaste que l'on peut avoir et qui n'est, ni localisation, ni délocalisation mais colocalisation. C'est un autre concept celui-là, il doit être précisément examiné, notamment dans nos relations avec l'euro-méditerranéen. Car on peut très bien concevoir, si on veut éviter les délocalisations sauvages, une répartition des tâches où il y aurait de la valeur ajoutée créée et en même temps, où l'on tiendrait compte des coûts de revient plus bas propres à tel ou tel pays. On peut penser au Maroc ou à d'autres. Ce sont des sujets sur lesquels mon collègue Arnaud Montebourg travaille et il a bien raison de le faire. Nous n'allons pas nous ériger en juge de tout. L'un de mes amis, il y a quelques années, avait une formule : «Europe ouverte mais pas offerte» et à l'époque je l'avais fait sourire en lui disant : «Si tu me permets d'emprunter cette formule sans te verser de dividendes excessifs, je la reprendrais volontiers». Et je l'ai fait ! Je pense que cela résume bien notre position et d'ailleurs, cette formule a été utilisée plusieurs fois pendant la campagne présidentielle, elle résume notre position. Il faut que nous soyons offensifs, il faut que nous fassions un effort de recherche, d'investissements etc. et en même temps, il faut que nous sachions ne pas être naïfs. Il faut que nous fassions le bilan, en terme de richesses créées et d'emplois que les opérations apportent. N'ayons pas une vision des choses refermée sur nous-mêmes, franco-française, étroite. Lorsque l'on voit le nombre d'entreprises qui travaillent pour l'exportation, évidemment ce serait non seulement simpliste mais complètement absurde de nous refermer sur nous-mêmes.
Il y a un équilibre à trouver qui n'est pas facile et la diplomatie française et les diplomates s'inscriront dans cet équilibre.
Q - Sur le plan d'action pour la diplomatie économique, est-ce qu'il va de pair avec une vraie stratégie française de relance de la croissance, je parle de l'Union européenne où on sait que beaucoup de pays connaissent une croissance en berne voire une récession ? Je vous pose cette question à quelques heures de la rencontre entre Mme Merkel et M. Hollande qui vont parler de la Grèce, dont certains voudraient faire un exemple de punition pour mauvaise gestion ? Est-ce que la France va l'aider pour plus de croissance et est-ce que ce soir ce sera le cas ?
R - Oui, la position de la France telle qu'elle a été traduite, en particulier par le sommet de la fin du mois de juin, est de dire il faut marcher sur ses deux jambes. Il y a la jambe discipline budgétaire, absolument indispensable, et qui parfois n'a pas été respectée par tel ou tel par le passé, et puis il y a la jambe croissance.
Si vous n'avez pas de discipline, évidemment vos comptes dérapent, les emprunts augmentent et à un moment vous êtes pris à la gorge, si vous n'avez pas de croissance vous pouvez faire tous les efforts de discipline que vous voudrez, les résultats ne seront pas au rendez-vous, donc il faut marcher sur les deux jambes. Et ce sont les premières mesures qui ont été décidées fin juin.
Les mesures, il faut d'abord les appliquer, il y a donc tout un travail qui est fait par tous les gouvernements, en particulier, par le gouvernement français pour veiller à les appliquer ; c'est ce qui concerne la BEI, ce qui concerne la taxe sur les transactions financières, qui concerne les project bonds, etc., et si possible, après, aller plus loin. Après, il y a la situation de la Grèce, et je suis sûr que François Hollande et Angela Merkel vont en parler, et François Hollande sera bientôt à Rome et il doit recevoir à la fin de la semaine, samedi, M. Samaras, le Premier ministre grec, donc ces questions seront abordées, mais il faut discuter au-delà même du cas grec.
Nous, nous voyons bien la difficulté, il va y avoir un rapport de la troïka, nous verrons ce qu'il y a dans ce rapport, nous sommes très vigilants sur tout cela mais nous plaidons pour l'intégrité de la zone euro. La position de la France est de plaider pour l'intégrité de la zone euro, c'est-à-dire que nous pensons qu'il faut respecter ce qui a été décidé. L'intégrité de la zone euro est très importante c'est ainsi qu'elle a été constituée, et il faut éviter les effets de précédent.
Donc, dans ce débat, sans être en aucune manière aveugle, en voyant les difficultés, la France plaide et plaidera pour l'intégrité de la zone euro. Quant à la question plus générale que vous avez posée, nous voulons à la fois la discipline qui est indispensable et à la fois le soutien à la croissance, surtout que les derniers éléments que nous avons en notre possession, à la fois ce qui vient des États-Unis, d'un certain nombre de pays émergents et de pays d'Europe eux-mêmes, y compris d'ailleurs l'Allemagne. Quand on voit les prévisions, elles montrent que la croissance risque de se ralentir, et là vous entrez dans une espèce de cercle vicieux, c'est que si la croissance se ralentit à l'excès, l'objectif même qui était visé et qui est d'arriver à une meilleur équilibre budgétaire a beaucoup de mal à être réalisé.
Alors, on entre dans une logique récessive alors qu'on était dans une logique expansive ; donc la France plaidera pour ces thèmes-là au cours des jours qui viennent.
Q - Sur votre plan d'action pour la diplomatie économique, vous parlez de désigner des personnalités de stature internationale, pouvez-vous développer, va-t-il s'agir d'élus ou d'anciens élus et est-ce que ça ne va pas poser un problème en en rendant plus complexe la tâche des diplomates, est-ce que ce sont des chefs d'entreprise et dans ce cas n'y a-t-il pas un potentiel pour des conflits d'intérêts, ou est-ce que ce sont des personnalités médiatiques ou intellectuelles et se pose alors la question de leur légitimité ou de leur compétence ?
R - Vous posez très bien la question, l'idée est que pour tel ou tel pays, il peut être intéressant pour soutenir le développement de nos relations, pour accompagner ces relations, veiller à tel ou tel sujet, de désigner une personnalité qui va suivre et accompagner tout cela. Cela ne met nullement en cause le rôle des ambassadeurs, ceux-ci ont un rôle absolument fondamental.
L'une de mes confirmations en arrivant ici, c'est que je considère que nos personnels sont des professionnels excellents et je m'appuie et m'appuierai pleinement sur eux. Et j'ai cru comprendre que par le passé on n'avait pas eu, peut-être, l'attention qu'il fallait à l'égard de leur professionnalisme. Donc, je m'appuie et m'appuierai sur les diplomates du Quai, à la fois ici et bien sûr dans le monde entier.
Il peut y avoir utilité à désigner telle ou telle personnalité, il ne faut pas qu'il y ait de conflits d'intérêts sinon on ne s'en sort pas, et d'autre part il faut que ce soit un apport réel, c'est-à-dire que la personnalité qui serait désignée n'ait pas l'intention de faire ça pour 25 pays, qu'elle puisse apporter vraiment quelque chose et ne soit pas là pour l'apparence.
Mais je le dirai aux ambassadeurs la semaine prochaine, je donnerai des éléments plus précis ; vous en serez informés.
Q - La notion de réciprocité que vous avez évoquée Monsieur le ministre est aussi vivement souhaitée et recherchée par les pays partenaires qui ne veulent pas être simplement des clients. Je cite par exemple l'Algérie qui souhaite aussi bénéficier du savoir faire et de l'expertise des entreprises françaises. Ainsi, Renault vient de faire en Algérie ses meilleures ventes à l'international. On félicite Renault mais pour l'Algérie ce n'est pas suffisant. Je pourrais citer aussi Alstom et l'énergie nucléaire civile. La France doit être offensive pour vendre ses produits mais aussi pour mettre en oeuvre cette réciprocité.
R - C'est un excellent exemple. Renault a de projets en Algérie. Vous savez que je me suis rendu, il y a quelque temps, en Algérie où j'ai rencontré mon homologue et le président Bouteflika. Nous avons décidé de préparer ce qui sera, nous le souhaitons, le prochain voyage du président français. Nous avons aussi fait le point sur différents dossiers. En ce qui concerne la situation précise des projets en Algérie, il y a eu un MOU, un pré-accord pour un projet Renault en Algérie et les choses sont très avancées. Le projet prévoit l'implantation d'une usine qui fabriquerait des véhicules. Ce serait notamment au bénéfice des Algériens, car cela créé de l'emploi sur place et dans le même temps les véhicules seraient destinés au marché local. C'est une démarche tout à fait positive. Mais essayons d'aller plus loin car il faut avoir à l'esprit d'autres éléments.
Dans d'autres cas, les projets sont différents et je reviens sur vos paroles concernant la délocalisation. S'il s'agissait - ce qui n'est pas le cas de l'usine Renault, et alors que le secteur automobile est en situation difficile en France -, de fermer telle unité en France et de l'ouvrir dans un pays tiers pour attaquer le marché français, là nous serions dans une opération de dupes. Vous voyez bien la différence. Autant ce projet-là me parait extrêmement intéressant et j'y suis tout à fait favorable. Autant on peut aussi nous proposer des projets ailleurs, et parfois on ne peut s'y opposer car l'économie est libre, qui sont de pures et simples délocalisations. Il faut avoir une philosophie générale, nous travaillons pour nos propres intérêts et, vous avez tout à fait raison d'évoquer, cette réciprocité. Comme nous le disons dans un français approximatif c'est «gagnant gagnant» et il faut que chacun y trouve son compte.
Mais dans le cas qui nous intéresse (Renault), c'est un très bon projet et j'espère que nous pourrons le faire aboutir. D'ailleurs, j'avais évoqué ce dossier avec le Président Bouteflika et je le lui ai dit que les mois de septembre et d'octobre seraient consacrés à la préparation de ces dossiers car il y a un certain nombre de sujets sur lesquels nous devrions avancer ensemble. Ensuite si la visite du Président a lieu elle pourrait permettre d'aboutir à des résultats très probants. Mais j'avais été heureux de mon voyage en Algérie car nous avons traité les dossiers sur le fond et cela dans un excellent climat.
Q - À propos des Nations unies et de la Syrie. Nous avons parfois l'impression que la France a tiré une croix sur le rôle des Nations unies dans ce dossier. Est-ce que vous avez l'assurance que vos homologues - américain, britannique, chinois et russe - viendront à la réunion du 30 août ? Par ailleurs, comment appréciez-vous la décision du Secrétaire général de l'Onu, M. Ban Ki-Moon, de se rendre au Sommet des Non-alignés à Téhéran le 30 août. ?
R - Sur le second point, il n'est pas coutume de commenter les décisions prises par le Secrétaire général des Nations unies. Mais simplement tout dépend du message qui est passé. Il faut avoir à l'esprit, et M. Ban Ki-Moon l'a certainement, que l'Iran, est l'un des pays - et en disant cela je suis généreux - qui alimente le plus le conflit en Syrie qui est redoutable. De plus, les pays du P5 +1 (+ Allemagne), le coeur du Conseil de sécurité, connaissent des discussions difficiles avec l'Iran sur l'armement nucléaire et tout cela doit être présent dans son esprit.
Maintenant, je crois aussi qu'il y a des réalités qu'il ne faut pas oublier. Récemment lors de la réunion de l'Organisation de coopération islamique la question de la suspension de la Syrie a été posée. Je crois qu'il y a eu 57 votants et que l'Iran seul a voté contre. Ce qui montre que quelles que soient les décisions des uns et des autres, l'Iran, qui est un très grand pays, - personne ne le conteste - est très isolé dans la communauté internationale. Et tant qu'il maintiendra cette position sur un certain nombre de sujets, cet isolement continuera.
Les Nations unies sont l'autre point sur lequel je vais conclure. Elles ne se résument pas à la question syrienne mais malheureusement nous constatons que sur ce point, et cela n'était pas arrivé depuis longtemps, la Russie et la Chine ont opposé par trois fois leur veto à des résolutions qui auraient permis d'avancer. Nous pensons que, à partir du moment où nous sommes favorables à une régulation internationale, il est nécessaire de donner sa pleine mesure à l'ONU. Nous sommes enclins à une réforme de l'ONU, c'est bien connu, mais tant que celle-ci n'a pas eu lieu nous travaillons à l'intérieur du cadre tel qu'il existe et nous déplorons qu'il y ait ce blocage.
Nous travaillons avec les institutions telles qu'elles existent et nous continuons à penser qu'il faut une légalité internationale et que ce sont les Nations unies qui doivent permettre cette légalité internationale. Encore faut-il qu'elles ne soient pas bloquées comme elles le sont aujourd'hui sur l'aspect politique du conflit syrien.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 septembre 2012
En ce qui concerne la Conférence des ambassadeurs - puisque vous suivez les travaux habituels du Quai d'Orsay -, vous savez qu'elle réunit chaque année à la rentrée, l'ensemble de nos chefs de missions diplomatiques ainsi que les responsables de l'Administration centrale et un certain nombre d'autres partenaires et acteurs.
C'est un moment qui est privilégié pour échanger et réfléchir sur toute une série de problèmes auxquels notre diplomatie est confrontée. C'est aussi l'occasion pour le pouvoir exécutif de donner un certain nombre de grandes orientations. Cette année, la Conférence se déroulera ainsi :
Le lundi, en fin d'après-midi, le président de la République s'exprimera devant les ambassadeurs et devant la presse à l'Élysée sur les principales questions. Enfin, la Conférence proprement dite débutera le mardi et elle aura lieu jusqu'au mercredi 29 août. Durant toute la semaine - puisque c'est une occasion privilégiée d'avoir l'ensemble de nos ambassadeurs réunis -, il y aura toute une série de réunions de travail organisées par les directions du ministère sur l'ensemble des thèmes d'actualité. Nous ferons en particulier le point sur toute une série de sujets vifs qui souvent sont des sujets de crise. Je pense à la question syrienne, à ce qui se passe au Sahel, à ce qui se passe, dans un autre contexte, en Europe et à beaucoup d'autres.
Cette Conférence sera surtout l'occasion d'exprimer le cap et les objectifs que j'ai décidé d'assigner à ce ministère. Notre cap évidemment, c'est celui qui a été fixé par le président et par le gouvernement, c'est-à-dire le redressement du pays par la justice. Le ministère des Affaires étrangères y prendra sa pleine part, il n'est pas le seul, beaucoup d'autres administrations bien sûr le feront. Nous avons un rôle tout à fait majeur à jouer et dans cette période, j'entends que la diplomatie économique soit vraiment notre priorité. Le message à retenir et que je ferai passer à nos ambassadeurs, c'est donc la mobilisation partout dans l'ensemble du monde pour nos entreprises, pour nos emplois, pour la croissance et pour le redressement. Je vais y revenir dans quelques instants.
D'une façon plus concrète, la journée du mardi 28 août sera consacrée à ce thème prioritaire. Je présiderai la première séance plénière qui aura lieu le mardi matin et je serai en bonne compagnie. J'aurai à mes côtés Thomas Enders, président d'EADS, Pierre Pringuet, directeur général du Groupe Pernod-Ricard et le président de l'Association française des grandes entreprises privées, Ali Laïdi, journaliste à France24 et Yves Saint-Geours. Ce dernier était jusqu'à peu notre ambassadeur de France au Brésil et que le Conseil des ministres vient de nommer directeur de notre administration de la Modernisation auquel je vais confier de nombreuses tâches dans le futur. Le modérateur sera M. Pierre Sellal ici présent, il est le grand ordonnateur de tout cela et le Secrétaire général de cette Maison.
Ensuite et toujours dans le chapitre de la diplomatie économique, nous aurons une séance plénière sur les PME. Je crois que c'est la première fois que l'on aborde directement ce sujet qui est essentiel. J'ai demandé à Nicole Bricq qui est la ministre du Commerce extérieur, et à Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif d'être là. J'ai aussi invité et ils seront présents à cette séance plénière, Jean-François Roubaud qui est le président de la Confédération générale des PME, Martin Malvy qui est le président de «Midi-Pyrénées«, Jean-Marc Husson qui est le président de Framatome - qui est un exemple de bonne liaison entre une filière qui est la filière Atome et les PME - ainsi qu'Emmanuel Leprince qui est le directeur général du pacte PME.
Ensuite, il y aura toute une série de travaux consacrés à l'entreprise, sur les questions de l'énergie avec comme intervenant Christophe de Margerie (président de Total) et le président d'Électrique-France M. Schneider. Nous aurons également des travaux sur les transports et le développement durable, avec Patrick Kron, Guillaume Pepy, Nicolas Jachiet et quelques autres.
Concernant la santé et les industries pharmaceutiques et sur les services financiers, j'ai demandé à Michel Barnier qui est Commissaire européen en charge du Marché intérieur et services, d'être là. David Right, qui est le secrétaire général de l'Organisation internationale des Commissions de valeurs sera aussi présent.
Louis Gallois, que vous connaissez, qui est à la fois chargé d'une mission sur la compétitivité mais qui, d'autre part, fait partie d'un groupe d'experts européens qui se penchent sur ces questions financières, Jean Lemierre qui est l'ancien patron de la BERD et qui est le conseiller spécial du président de Paribas.
Ensuite, nous aurons des tables rondes sur le nucléaire français à l'étranger, sur l'Afrique, sur les Nations unies et en fin d'après-midi, avant l'allocution du Premier ministre qui viendra s'exprimer à 18h30, nous aurons une séance plénière sur l'euro et la situation de l'Union européenne où interviendront notamment Pierre Moscovici, Bernard Cazeneuve qui travaille à mes côtés et Jean-Paul Fitoussi que vous connaissez.
Le mercredi, nous traiterons toute une série d'autres sujets sur la formation supérieure dans la recherche, les questions d'organisation interne, l'action culturelle. Nous aurons à cette table ronde, MM. Filippetti, Xavier Darcos, Henri Loyrette, Nicolas Seydoux qui est le président du forum d'Avignon et Louis Schweitzer qui est le président du festival d'Avignon.
Nous aurons aussi un certain nombre de déjeuners thématiques sur l'Aide publique au développement, la Francophonie, le numérique, la sécurité de nos postes et de nos ressortissants. Il y aura des tables rondes en parallèle sur les nouveaux émergents, le nouveau monde arabe, les nouveaux espaces sociaux.
Je clôturerai tout cela en m'exprimant le mercredi en fin d'après-midi, pour rassembler devant tous nos ambassadeurs, pour leur donner des instructions précises et expliquer quels sont nos choix en matière de politique étrangère.
Ceci signifie que près de la moitié du gouvernement participera à cette Conférence des ambassadeurs, qu'il y aura beaucoup d'acteurs du monde économique, de l'entreprise mais aussi de l'Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Culture, des responsables d'Institutions européennes et internationales. Ils seront plus nombreux que les années précédentes car j'ai voulu ouvrir les fenêtres et les portes de cette Maison à toutes les forces vives qui sont la France et qui font la France.
Voilà ce que je pouvais vous dire concernant la Conférence des ambassadeurs, si vous avez des questions, j'y répondrai volontiers.
À cette occasion, je rendrai public, en m'exprimant devant les ambassadeurs qui seront chargés de l'appliquer, mon plan d'action pour notre diplomatie économique.
Le constat est simple, nous sommes dans une situation économique très difficile qui se manifeste en particulier par notre déficit commercial qui est considérable et que je considère comme le juge de paix. Dans cette situation, l'administration n'a pas évidemment à se substituer aux entreprises. Beaucoup de ministères sont concernés mais le ministère des Affaires étrangères doit faire de ce sujet sa priorité. Nous nous occupons beaucoup de crises dans différents pays et il serait paradoxal, et à vrai dire incompréhensible, que nous ne nous occupions pas au premier chef de la crise économique. C'est donc l'ensemble de nos moyens privés et publics qui doivent être mobilisés pour le redressement et c'est l'orientation qui sera celle de cette Maison.
D'ores et déjà, lorsque nos postes sont sollicités à l'étranger, ils réagissent et en général très bien, ce sont des professionnels très compétents, mais là il s'agit de passer la surmultipliée et de passer à l'offensive. Dans cette offensive, il y a évidemment des atouts qui sont considérables mais il y a aussi des difficultés. Je n'ai pas voulu m'engager dans je ne sais quel mécano administratif en reformulant les découpages avec tel ou tel ministère, mais nos faiblesses sont «archi connues«. Nos PME sont moins accompagnées que nos grands groupes. La question centrale du lien entre notre présence à l'extérieur et la base territoriale en France, nos emplois en France, n'est pas toujours suffisamment cernés. L'enjeu des investissements étrangers en France est parfois sous-estimé et donc, il s'agit de renforcer ce que j'appellerai le réflexe économique. Il faut que cette Maison, - c'est vrai pour l'ensemble des Administrations, mais en particulier de celle-ci - développe son réflexe économique. La question, la ligne de conduite de notre diplomatie économique est simple : est-ce bon pour nos entreprises, est-ce bon pour nos emplois en France et en Europe ? C'est à partir de cette question et de la réponse qu'on lui donne que nos choix doivent être largement déterminés. Quand je parle de la diplomatie économique, je ne sépare pas cela de la diplomatie écologique à la fois parce que nous avons une certaine conception du développement et aussi parce qu'il se trouve que nos entreprises dans le secteur écologique au sens large, - développement durable, c'est-à-dire, énergie, transports, eau etc. - sont parmi les meilleurs du monde et doivent donc être parmi nos vaisseaux amiraux. Je suis ici depuis trois mois et cela a été ma première tâche. Au-delà du traitement de toute une série de dossiers qui sont spectaculaires, importants et parfois dramatiques, ma première tâche, à la fois par la situation de la France et par ma propre formation et ce que je pense, c'est d'abord la diplomatie économique.
Nous avons donc consulté toute une série de professionnels et cela a abouti à un plan d'action dont je vous donne quelques éléments. Désormais, la diplomatie économique, c'est-à-dire les objectifs quantitatifs et qualitatifs pour chaque poste diplomatique à l'étranger seront une instruction prioritaire et permanente de notre réseau diplomatique. C'est-à-dire que, lorsqu'il partira en poste, un ambassadeur aura une série d'objectifs qualitatifs et quantitatifs à atteindre pour améliorer la situation économique de la France dans le poste qu'il dirige. Chaque ambassadeur sera clairement positionné à la tête de «l'équipe« de France et il y aura pour les plus grands postes, un conseil économique qui sera créé avec en particulier un certain nombre de dirigeants d'entreprises. J'ai donné instruction pour que le dialogue avec les entreprises, notamment dans le cadre des négociations commerciales, soient renforcées. L'on s'aperçoit que c'est au moment de la négociation que les intérêts des entreprises françaises doivent être pris en compte, sinon c'est trop tard. Les relations avec les collectivités territoriales seront développées. Nos collectivités locales et en particulier les régions font énormément de choses et c'est très bien mais il faut que tout cela soit canalisé pour que cela soit positif pour les entreprises françaises.
À notre disposition, nous avons un réseau d'influence magnifique, qu'il s'agisse du réseau scolaire, du réseau culturel à l'étranger, de nos bourses d'études, de la coopération scientifique, de la politique de visa, tout cela peut servir, tout cela doit servir nos objectifs économiques. Bien sûr, il faudra - et j'en ai pris la décision - adapter l'organisation de cette Maison à cela. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de créer au Quai d'Orsay, une direction qui sera spécialement dédiée aux Entreprises. Le directeur sera M. Jacques Maire qui est issu de cette Maison, il a travaillé dix ans pour diriger un certain nombre de filiales d'Axa et il a accepté de revenir dans cette Maison pour prendre l'animation de cette direction économique.
Dans la formation et dans la carrière de nos diplomates, les compétences économiques seront mieux valorisées. Notre communication d'ensemble sera repensée de façon à ce que les entreprises bénéficient désormais des éléments d'analyse de nos postes diplomatiques. Nos ambassadeurs et nos postes savent énormément de choses et leur savoir peut servir aux entreprises. Je l'annoncerai la semaine prochaine, je demanderai à quelques personnalités éminentes de suivre tel ou tel pays, non pas pour faire doublon avec les ambassadeurs qui font très bien leur travail, mais pour donner les impulsions nécessaires pour que dans ces pays en particulier, la France et les entreprises françaises progressent.
Voilà en quelques mots ce que je voulais dire pour vous présenter la Conférence des ambassadeurs et la diplomatie économique. La Conférence des ambassadeurs est un exercice classique mais cette fois-ci, elle est concentrée sur un thème et elle est très largement ouverte sur l'extérieur et notamment sur les entreprises. La diplomatie économique dont vous entendrez parler au cours des mois qui viennent car désormais, ce sera un aspect tout à fait central de l'action de cette Maison.
Je suis tout à fait prêt à répondre à vos questions sur ces sujets.
Q - Bonjour, Marie-Christine Corbier du journal les Échos. Première question sur la diplomatie économique et notamment sur les accords de libre échange qui sont ou en projet ou en cours de négociation au niveau de l'Union européenne. Quelles sont les priorités de la France ? Est-ce qu'il s'agit de mettre le futur accord avec les États-Unis en tête de priorité ? Est-ce qu'il faut donner la priorité à un éventuel accord avec le Japon ou le Canada ? Bref quelles sont les priorités de la France avec ces accords de libre échange ?
R - Il y a toute une série d'accords effectivement qui sont en discussion ou qui sont programmés. Vous en avez cité quelques-uns qui sont fort importants. La France n'a pas d'objection de principe mais notre ligne directrice sera, dans toutes ces discussions, de faire prévaloir la notion de réciprocité.
C'est une notion qui d'ailleurs a été acceptée dans les termes en tout cas pour la première fois lors d'un certain nombre de sommets mais qu'il faut maintenant faire entrer dans les faits parce que l'Europe dans le passé - beaucoup de gens le soulignent - a été parfois trop naïve. Je vais vous en donner quelques exemples qui sans doute vous frapperont.
Lorsqu'on regarde quel est le montant des marchés publics accordés à des entreprises de pays tiers, selon les différents continents, en ce qui concerne l'Europe pour une période comparable, les marchés publics attribués à des entreprises non européennes se sont élevés à 312 milliards d'euros. Cela, c'est pour la dernière année connue. En ce qui concerne les États-Unis, à 34 milliards d'euros. En ce qui concerne le Japon, à 22 milliards d'euros.
Quand on regarde ces chiffres, on voit bien qu'il y a quand même un problème dans l'accès aux marchés publics.
En ce qui concerne le taux moyen des droits de douane, s'agissant de l'Europe, il est de 3,2% en général ; pour l'Asie, il est de 7,8% en général.
S'agissant de l'agriculture, pour l'Europe, le taux moyen de droit de douane est de 13% ; pour l'Asie, il est de 28,7%.
Pour l'industrie, s'agissant de l'Europe, le taux de droit de douane est de 2,8 ; pour l'Asie il est de 6,1.
Et en ce qui concerne l'utilisation des instruments de défense commerciale sous l'égide de l'OMC, donc le recours aux instruments anti-dumping, on est tout de même un petit peu surpris de voir que lorsque l'on regarde les instances qui ont été lancées, le palmarès des mesures restrictives au commerce adoptées depuis octobre 2008, arrivent en tête l'Argentine avec 119 mesures défensives prises et autorisées comme telles, la Russie 86 et l'Indonésie 56.
Ce qui veut dire qu'autant nous sommes très favorables au développement du commerce international, autant nous sommes favorables à ce que ce soit sur une base de réciprocité et c'est donc avec cette idée simple en tête que nous abordons l'ensemble des négociations que vous avez citées.
Q - Au sujet de cette diplomatie économique, cela signifie que la politique étrangère de la France va donc être tournée plus vers la défense de ses intérêts économiques ?
R - Il y a, lorsqu'on définit une politique étrangère, des éléments permanents. La politique étrangère de la France, c'est une politique de paix, une politique de sécurité et c'est une politique de développement international, de régulation internationale. C'est une politique qui obéit à un certain nombre de principes que vous connaissez de respect des droits de l'Homme, de défense de la personne humaine, de mise en valeur de la démocratie. Ces éléments n'ont pas à être modifiés et ils sont tout à fait déterminants.
En même temps, quand on constate la situation qui est à la fois celle de l'Europe et celle de la France, on s'aperçoit que nous devons mettre en valeur nos atouts économiques probablement plus que nous ne l'avons fait dans le passé. Et c'est cela que j'appelle la diplomatie économique.
N'ayons pas une vision refermée sur nous-mêmes qui n'aurait pas de sens mais il faut vraiment mobiliser tous les moyens publics et privés pour faire valoir l'offre française et c'est cela que je veux dire par diplomatie économique active.
Là encore, vous avez cela à l'esprit, ce que font d'ailleurs déjà pas mal de pays, quand je dis que désormais l'objectif précis en terme économique devra être pour chaque poste diplomatique. Cela ne se faisait pas jusqu'ici, non pas du tout que l'administration puisse se substituer aux entreprises, car ce sont les entreprises qui font le commerce, l'emploi, etc. mais il faut que nous ayons ce souci, davantage que nous ne l'avons eu.
De même, lorsque je dis qu'il faudra aider davantage les PME à être présentes à l'export, beaucoup de pays le font.
On prend l'exemple de l'Allemagne souvent. Vous savez les grandes entreprises prennent sur leurs épaules les entreprises petites et moyens et leur permettent de se développer en France. Il y a eu un certain nombre de créations utiles, Ubifrance, etc. mais on ne le fait pas assez.
Lorsque je dis qu'il faut mettre davantage les régions dans le coup, cela ne veut pas dire que chaque région peut installer en Chine ou ailleurs une délégation pour développer les entreprises françaises. Il faut qu'il y ait une certaine coordination et nos postes diplomatiques peuvent y aider.
Lorsque je dis qu'il faut qu'il y ait - elle sera créée dans les semaines qui viennent - une Direction qui s'occupe spécifiquement des entreprises au sein de ce ministère, cela paraît une évidence.
Voilà ce que nous avons à l'esprit. C'est donc une mobilisation en faveur de nos entreprises, nos emplois. Il faut que nous travaillons la main dans la main et d'ailleurs chaque année, désormais, nous ferons au ministère une journée portes ouvertes aux entreprises, en particulier aux Petites et Moyennes Entreprises parce qu'il faut bien que l'on comprenne que l'économie est un élément - pour vous c'est quelque chose d'évident - substantiel de notre rayonnement.
Je dis souvent «qu'est-ce qui définit la France ?». La France, est une puissance d'influence. Je ne rentre pas trop dans la discussion, en bon français, de ce que l'on appelle hard power/soft power, etc.
Nous, nous sommes en bon français une influential power, une puissance d'influence et notre influence est due à une série de qualités ou de spécificités que nous avons, qui sont très diverses.
La France est un des membres permanents - il n'y en a que 5 dans le monde - du Conseil de sécurité des Nations unies.
La France a une langue qui est la langue française qui est actuellement parlée par plus de 200 millions de personnes mais qui devrait être parlée par plus de 700 millions de personnes dans les années 2050, en particulier grâce au développement du français en Afrique et de l'Afrique elle-même.
La France est un pays qui est une puissance nucléaire. La France est un pays qui a des principes. La France est un pays qui a un rayonnement international. Mais ce qui fait aussi notre influence, c'est notre force économique, notre puissance économique.
Si nous voulons que le Quai d'Orsay et que l'ensemble des administrations servent l'influence de la France, il faut aussi que nous servions et prioritairement, l'aspect économique.
Le rôle d'un ministre étant de donner des impulsions à son administration, l'impulsion que j'ai décidé de donner va dans le sens de la diplomatie économique.
Q - Monsieur le Ministre, j'ai vu que vous avez une table ronde sur les Nations unies et il y a M. Ladsous qui va venir [inaudible], j'imagine que la question syrienne sera débattue à cette occasion. Dans une semaine vous allez présider le Conseil de sécurité. Je sais que vous vous êtes exprimés ces derniers jours sur la question mais ce que je voudrais savoir, c'est qu'attendez-vous de cette réunion du Conseil de sécurité ? Vous avez dit à plusieurs reprises que vous allez privilégier l'aspect humanitaire. Est-ce que c'est le cas, Est-ce qu'il n'y a pas un message politique ? Est-ce que vous attendez une résolution ? Quelle est la teneur ? Merci.
R - M. Ladsous viendra parler de choses et d'autres mais c'est surtout vous qui vouliez parler de ce sujet, ce que je comprends tout à fait. À ce stade, je peux vous donner quelques indications.
Effectivement, cette réunion doit être centrée sur les aspects humanitaires. La situation en Syrie et dans les pays voisins du point de vue humanitaire est extrêmement difficile puisque vous savez qu'il y a entre 2,5 millions et 3 millions de personnes en Syrie qui sont déplacées et vous avez plus de 300 000 personnes réfugiées dans les pays voisins, on pense notamment à la Jordanie, au Liban, à la Turquie et à l'Irak.
Ceci pose évidemment des problèmes considérables. Il faut que, comme le droit international le prévoit, il y ait un accès humanitaire au sein de la Syrie et il faut s'occuper de façon très active de ces réfugiés dont le nombre augmente au fur et à mesure que, malheureusement, le clan de Bachar Al-Assad continue ses exactions. Donc cela pose des problèmes extrêmement lourds dont essaient de s'occuper chacun des pays concernés. J'ai demandé d'ailleurs aux ministres des pays concernés, des pays voisins concernés par le nombre de réfugiés de venir au Conseil de sécurité où ils pourront s'exprimer.
Et puis le problème humanitaire crée des difficultés pour l'ensemble de la communauté internationale.
Alors, c'est vrai qu'aujourd'hui il y a un certain nombre de blocages politiques que vous connaissez bien. Nous ne renonçons pas du tout à des avancées sur le plan politique qui sont absolument indispensables.
Le président de la République a eu l'occasion de s'exprimer à nouveau sur ces sujets ces jours derniers en disant qu'il faut qu'il y ait un changement de régime.
Nous avons reçu, comme vous le savez, les représentants du Conseil national syrien. Nous souhaitons qu'il y ait une mobilisation de l'opposition qui permette la représentation de chacun et la protection des différentes communautés.
Nous pensons déjà avec beaucoup d'autres à la reconstruction de la Syrie du futur mais là, l'idée qui est la nôtre, c'est de nous centrer sur les questions humanitaires pour à la fois appeler l'attention sur ces questions qui sont tout à fait essentielles puisque il s'agit de la vie de femmes et d'hommes, pour renforcer les moyens nécessaires parce que tout cela évidemment à un coût souvent très lourd pour les pays concernés, pour sensibiliser l'opinion et essayer de faire avancer sur ces sujets.
Sans doute ne pourrons-nous pas avancer sur tous les sujets mais, au moins, que sur les questions humanitaires, on puisse avancer.
C'est le sens de l'effort que font non seulement la France mais beaucoup d'autres pays.
Au fur et à mesure que cette réunion sera préparée, nous entrerons dans plus de détail mais l'objet est essentiellement de pouvoir avancer, témoigner, mobiliser sur le plan humanitaire.
Q - Inaudible
R - Alors tout cela est en train d'être précisé.
Q - Les sanctions économiques seront présentes bien sûr à la conférence, elles varient selon la taille des entreprises et selon les pays qui tombent sous les sanctions économiques. Avez-vous une stratégie, ou allez-vous traiter les problèmes qui se posent aux entreprises visées par ces sanctions au coup par coup ?
R - La question que vous posez, c'est la question générale des sanctions. Il y a, en fonction évidemment de l'évolution de la situation internationale, des politiques de sanctions qui peuvent être décidées. La France s'associe à un certain nombre de ces sanctions.
On pense, par exemple, aux sanctions qui ont été décidées à propos des relations avec l'Iran, on pense aux sanctions qui ont été décidées vis-à-vis de la Syrie, on peut penser à d'autres sanctions. À l'expérience...évidemment par définition, ces sanctions ont toujours un coût. Elles ont un coût pour - vous parliez des entreprises - les entreprises qui ne peuvent plus travailler compte tenu de ces sanctions. Elles peuvent avoir parfois, il faut avoir l'honnêteté de le reconnaître aussi, un coût pour les populations concernées.
Mais en même temps, force est de constater que, dans des situations extrêmes, la politique des sanctions peut avoir une utilité. Personnellement, je l'avais constaté, et je fais référence à un exemple assez lointain, en Afrique du Sud, au moment de l'apartheid. C'était un contexte évidemment très spécifique, mais à l'époque je dirigeais le gouvernement du pays, et l'opposition d'Afrique du Sud, c'est-à-dire les Noirs, nous avaient demandé de décider des sanctions. Peut-être les plus anciens d'entre vous se le rappellent. Et nous avions pris la tête de ce mouvement de sanctions. Et je me rappelle pertinemment en particulier, pas loin d'ici, c'était à Matignon, avoir eu une conversation très forte avec Monseigneur Desmond Tutu, que certains d'entre vous peuvent connaître, qui m'avait demandé, alors que lui-même et son peuple pouvaient être victimes de ces sanctions, que nous prenions ces sanctions.
Ces sanctions, je vais venir directement à votre question, avaient eu un rôle très important, parce que c'est à partir du moment où, pour parler simplement, la bourgeoisie sud-africaine avait constaté que l'ensemble du monde allait sanctionner économiquement l'Afrique du Sud, que le basculement s'était fait et qu'un certain nombre de ces grandes entreprises qui avaient pignon sur rue s'étaient dit : «on ne peut plus soutenir ce régime, puisqu'il nous empêche indirectement de travailler.» Cela, c'est le passé.
Aujourd'hui nous avons quelques exemples, j'en ai cité deux mais il y en a d'autres. L'Iran, la Syrie, où nous appliquons des sanctions. Cela peut bien sûr avoir des incidences négatives sur un certain nombre d'entreprises. Mais nous considérons lorsque nous prenons ces sanctions, - et en général nous le faisons au niveau européen, parfois au niveau des Nations unies -, que c'est parce que l'intérêt général de la paix, de la sécurité, du peuple est supérieur à tel ou tel inconvénient que ces sanctions peuvent occasionner pour telle ou telle entreprise ou telle ou telle fraction de la population. Et nous voyons l'utilité de ces sanctions, même si parfois nous regrettons qu'il y ait des trous dans les sanctions, qu'elles ne soient pas appliquées par tous. Prenons deux exemples.
Dans l'exemple iranien. Vous savez que nous somme en discussion difficile avec les Iraniens sur le nucléaire militaire. Autant nous considérons qu'il est parfaitement légitime que l'Iran qui est un grand pays puisse disposer du nucléaire civil, autant nous n'acceptons pas, au nom du refus de la dissémination nucléaire, qu'il puisse accéder à l'arme nucléaire. Nous avons donc décidé une politique qui est à la fois de dialogue et de sanctions. Et ces sanctions, d'après nos informations, commencent à avoir un effet sérieux sur le régime, ou en tout cas sur le pays.
En Syrie, de la même façon, des sanctions ont été décidées dans le domaine économique, dans le domaine financier, dans d'autres domaines encore : soit des sanctions personnelles à l'égard de tel ou tel individu, soit des sanctions à l'égard de tel bien, ou de telle possibilité d'échange. Et, là aussi, ces sanctions ont un effet. Malheureusement elles ont souvent un effet sur la population, mais la population elle-même, en tout cas pour une large part, comprend que c'est par le biais de sanctions qu'on peut arriver à changer une situation qui sinon ne pourrait pas évoluer. C'est vrai que cela pose des problèmes à telle ou telle entreprise ; dans ce cas-là nous les examinons individuellement. Mais, en même temps, c'est un moyen qui existe dans l'arsenal international pour faire bouger des situations.
Q - Monsieur le Ministre, si vous mettez l'appareil diplomatique de la France en ordre de bataille pour aller chercher des contrats à l'étranger, est-ce que vous n'amoindrissez pas la capacité de la diplomatie française à défendre certaines valeurs, à défendre des personnes qui seraient opprimées dans certains pays ? En fixant cette priorité est-ce que vous ne diminuez pas votre capacité à porter un certain message de défense des valeurs dans le monde ?
R - Non. La question est pertinente et la réponse est clairement non car je n'ai pas dit- et je vous remercie de poser la question car ça va me permettre de le préciser - que cette recherche d'équilibre économique devait se faire au détriment d'autres préoccupations qui sont parfaitement légitimes. J'ai dit que l'influence de la France était également liée au principe que nous défendions, à la justice, aux droits de l'Homme, et à ce qu'est toute la tradition de la France. Donc, il ne s'agit pas de dire «on va faire de l'économie contre tel autre principe. On choisit à 100% une chose et on abandonne à 100% telle ou telle autre». Il peut se produire, là vous avez raison, telle situation où il y a conflit. Je vais prendre un exemple très simple : la France est une puissance qui produit des armements.
Si on avait simplement à l'esprit la dimension économique, on pourrait dire « ces armements, on les vend à tout le monde «. La réponse est non. Il y a des règles qui sont fixées, qui sont très précises, qui font qu'on peut vendre telle ou telle catégorie d'armement à tel ou tel pays, mais qu'il y en a d'autres qu'on se refuse à vendre, alors que l'intérêt économique seulement, pour aller dans le sens que vous évoquez, pourrait nous conduire à dire « on se moque de la dimension morale, de la dimension droits de l'Homme, de la nature du régime, on le fait ». Non, dans ce cas-là, nous décidons de ne pas le faire. Et il peut y avoir d'autres exemples.
Si vous voulez, insister sur la diplomatie économique n'est pas renoncer aux autres éléments de la diplomatie. C'est mettre ce facteur en exergue. Après, il y aura des arbitrages à faire, ou bien au niveau national, ou bien au niveau de nos ambassades. Mais mon sentiment est que, jusqu'à présent, l'aspect économique n'était pas suffisamment pris en compte. Je vais vous en donner un autre exemple. Je suis très frappé du fait que nous nous mobilisions, et souvent très bien d'ailleurs, pour les grands contrats, ce qu'on appelle les grands contrats, et beaucoup moins pour le commerce courant. Or, le commerce extérieur, c'est fait à la fois des grands contrats et du commerce courant. Il faut, et ça n'entache en rien les questions de principe, que nous soyons plus présents sur le commerce courant. Je vais prendre un autre exemple.
Nous nous occupons beaucoup, enfin, nos postes diplomatiques s'occupent beaucoup de ce qui vient de France et qui peut aller à l'étranger, mais pas autant qu'il le faudrait des capacités d'investissements étrangers en France. Or, la France est un grand pays, un grand marché, avec beaucoup de possibilités, nos postes diplomatiques sont parfaitement au courant des groupes qui ont des capacités à investir : il faut que nous soyons plus présents.
Mais pour revenir à l'essentiel de votre question, prendre davantage en compte l'aspect économique ne signifie en aucun cas, en tout cas dans mon esprit, abandonner ce qui constitue vraiment l'un des éléments centraux de l'identité de la France. Je vais vous en donner un autre exemple. Parmi les éléments que j'annoncerai aux ambassadeurs, vous savez qu'il y a un certain nombre de grandes causes internationales qui sont débattues périodiquement. J'ai pensé qu'il fallait que, pour les deux années qui viennent, nous nous mobilisions sur une grande cause internationale et j'ai choisi que cette grande cause internationale soit l'abrogation universelle de la peine de mort.
Je demanderai donc à tous nos postes diplomatiques, selon des formes qu'ils devront définir en fonction des situations locales, de mener campagne en faveur de l'abrogation universelle de la peine de mort. Il y a des pays où ça ne posera aucun problème. Mais il y a des pays, on les a à l'esprit, où cela peut poser des problèmes, parce que ces pays pratiquent la peine capitale. Mais cela ne nous empêchera pas, sans être provocateurs, de dire ce que nous avons à dire. Et bien sûr aussi de faire ce que nous avons à faire sur le plan économique.
Q - Je n'aime pas passer du coq à l'âne, mais est-ce que je peux revenir sur le dossier syrien ?
R - Oui, même si ce n'est pas l'essentiel de la conférence, mais je vous en prie.
Q - C'est pour cela que je vous demande votre permission. Il y a eu une forte activité diplomatique ici à Paris cette semaine : des réunions tous les jours avec soit des responsables syriens, soit des responsables onusiens et par ailleurs M. Hollande va traiter ce dossier avec Mme Merkel ce soir, je crois.
R - Oui.
Q - Trois précisions.
Dans le départ de M. Brahimi comme envoyé spécial de l'ONU et de la Ligue arabe a très mal commencé. Est-ce que la France est intervenue pour apaiser les esprits entre le Conseil national syrien et M. Brahimi d'une part ? Vous avez vu les deux ici cette semaine.
Deuxièmement, le Qatar. On parle d'une amélioration de la coordination renforcée, y compris sur le terrain, c'est le président de la République qui le dit, est-ce que ça va au-delà de ce qui avait été décidé à la Conférence de Paris le 6 juillet ?
Et troisième petite précision, est-ce que la France pense à un consensus avec d'autres pays pour amener Bachar Al-Assad devant la Cour pénale internationale à La Haye ? Et si oui, bientôt ? Ou combien de morts faut-il pour qu'on s'exprime à ce sujet ?
R - Réponse rapide et précise.
En ce qui concerne M. Brahimi et le Conseil national syrien, je crois qu'ils se sont vus puisque M. Brahimi était à Paris et le Conseil national syrien également. J'ai moi-même reçu à la fois l'un des vice-présidents la semaine précédente et puis le président et ses vice-présidents, et ensuite nous sommes allés voir le président de la République et la réunion était extrêmement utile et positive. Nous n'avons pas à nous mêler bien sûr de ce qui est fait entre les uns et les autres. Mais le contact a été pris entre les uns et les autres.
En ce qui concerne le Qatar, le président de la République a reçu, hier, et j'étais présent, l'Émir du Qatar, et la diversité des sujets a été abordée. Nous avons abordé les sujets des relations générales entre le Qatar et la France. Également, bien sûr, - personne n'aurait compris qu'il en soit autrement -, la situation en Syrie, et le Qatar n'a jamais caché quelles étaient ses analyses et nous essayons de travailler de manière convergente, les uns au sein de la Ligue arabe, les autres à la fois au sein du Conseil de sécurité, d'une manière plus large et nous sommes en relation étroite.
En ce qui concerne l'aspect Cour pénale internationale, il y a des éléments de faits et de droit qui sont réunis et les responsables de l'ONU suivent cela et encore récemment il a été déclaré que selon leur estimation, le clan de M. Bachar Al-Assad, - je ne sais pas si c'est le terme qui est utilisé -, était responsable de crimes contre l'humanité et nous sommes d'avis, sans entrer dans davantage de précision à ce stade que, dans cette matière, il ne peut pas y avoir d'impunité.
Q - Lors de votre visite à Beyrouth la semaine dernière, vous avez appelé à laisser le Liban à l'écart du conflit syrien. Les confrontations à Tripoli au nord du Liban viennent confirmer vos craintes. Le bilan des morts s'est alourdi aujourd'hui de douze morts et des dizaines de blessés. Craignez-vous un embrasement général au Liban ?
R - Il faut tout faire pour l'éviter et c'est la position de tous les responsables que j'ai rencontrés, en particulier du président de la République M. Sleimane et du Premier ministre M. Mikati. Quand on sait à la fois l'équilibre du Liban qui est fragile, sa composition et sa proximité géographique avec la Syrie, nous approuvons, nous la France, pleinement la volonté des dirigeants libanais de se tenir autant qu'il est possible à l'écart du conflit syrien. Mais il y a certainement des personnes, des groupes qui voudraient qu'il y ait une contagion entre les deux. Et, nous disons de la manière la plus nette que nous souhaitons très vivement que cette contagion n'existe pas. De la même façon, cela n'a pas été relevé par la presse mais j'ai dit, j'ai même téléphoné au Patriarche lorsque j'étais à Beyrouth, nous soulignons le fait que toutes les communautés doivent être respectées. J'avais fait en particulier allusion à la communauté des chrétiens d'Orient mais cela vaut pour les autres communautés, il faut éviter au maximum qu'il y ait cette contagion.
Vous me direz que cela est plus facile à dire qu'à faire, nous ne sommes pas sur place mais en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, en tant qu'ami extrêmement proche et fidèle du Liban depuis toujours parce que les Libanais sont nos amis, nos cousins, nos frères, nous disons que, vraiment, il faut se garder de tout ce qui pourrait faciliter cette contagion.
Q - Pourriez-vous nous donner votre réaction sur le fait qu'un élu français ait été molesté par des salafistes à Bizerte ? Lui avez-vous parlé ?
Plus largement, cela vous inquiète-t-il sur l'évolution de ces révolutions arabes, que ce soit en Égypte, en Libye ou en Tunisie ?
R - Effectivement, j'ai appris cet incident très sérieux quelques heures après qu'il se soit produit. Immédiatement, j'ai téléphoné à cet élu de la région des Pays de la Loire qui venait de rentrer en France. Il m'a raconté exactement ce qui s'était passé à Bizerte et il était, je le comprends, extrêmement choqué ainsi que sa femme et sa petite fille. Il est non seulement choqué physiquement mais aussi très heurté par tout ce qu'il a vécu. Je tiens à dire de la manière la plus nette que ce qui s'est passé là-bas est inacceptable. Pour résumer, cet homme, sa femme, sa fille, qui n'avaient pas de tenue provocante contrairement à ce que certains ont pu dire, se promenaient à Bizerte et ont été attaqués très violemment par un groupe identifié comme étant un groupe de salafistes.
Il n'y a malheureusement pas eu de réaction pour l'aider, d'après ce qu'il m'a dit, ni de la part des gens qui se trouvaient là, ni de la police.
Je lui ai dit tout mon soutien parce qu'il était très «secoué» et au-delà, j'ai demandé que cet incident fasse l'objet de contacts avec le gouvernement tunisien par nos représentants en Tunisie. En effet, il est évident que ce type d'actes ne peut pas être accepté.
Q - Si je comprends bien la finalité du plan d'actions, c'est quand même la question de l'emploi en France. L'un des aspects, c'est la délocalisation industrielle. Je voulais connaître quelle est l'attitude que le gouvernement français comptait adopter ?
La diplomatie française doit-elle jouer un rôle car, lorsqu'elle délocalise, généralement l'entreprise fait ce choix pour des questions de coûts salariaux.
Vous parlez de réciprocité, alors la diplomatie française doit-elle être plus ferme ? Y a-t-il une attitude que l'on doit adopter sur les délocalisations ?
R - Ce sont des questions qui sont évidemment très compliquées, que vous connaissez très bien et pour lesquelles on ne peut pas répondre par oui ou par non ou en cochant des cases. Il y a la question générale de la compétitivité. Le ministère des Affaires étrangères ne va pas à lui seul traiter ce sujet et ce n'est d'ailleurs pas directement dans sa compétence. Vous savez que c'est un sujet important, le Premier ministre a confié à Louis Galois le soin - et c'est un expert en la matière puisque c'est un grand patron dans tous les sens du terme - le soin de nous faire des propositions, ce qu'il va faire prochainement. Après, en ce qui concerne la localisation, avant de parler de délocalisation, si j'avais à exprimer une philosophie générale, il faut évidemment que nos entreprises puissent être présentes à l'extérieur, souvent même plus qu'elles ne le sont, mais en même temps, il faut toujours avoir à l'esprit ce que cela donne pour la base française et pour, finalement, la «collectivité France».
Très souvent, il faut donc une appréciation au cas par cas. Lorsque vous avez une implantation industrielle, si c'est pour conquérir un marché, si cela ne vient pas en substitution de tel autre, ce peut être une bonne chose ; si en revanche, c'est une délocalisation totale, c'est-à-dire que l'on ferme une entreprise en France pour en ouvrir une autre à l'étranger et qu'en même temps, les productions reviennent en France, c'est-à-dire que l'on perd les emplois et qu'en même temps on importe davantage, là évidemment, c'est sujet à caution. Il ne peut pas y avoir de réponse systématique, c'est à l'appréciation des responsables d'entreprises, parfois de l'administration. C'est plutôt d'ailleurs à ce moment-là, l'administration des Finances ou du Commerce extérieur mais, le cas échéant, peut-être aussi le «local», le chef de l'ensemble de nos services qui est l'ambassadeur qui doit porter appréciation ou porter jugement. C'est un débat considérable, il y a aussi une question plus vaste que l'on peut avoir et qui n'est, ni localisation, ni délocalisation mais colocalisation. C'est un autre concept celui-là, il doit être précisément examiné, notamment dans nos relations avec l'euro-méditerranéen. Car on peut très bien concevoir, si on veut éviter les délocalisations sauvages, une répartition des tâches où il y aurait de la valeur ajoutée créée et en même temps, où l'on tiendrait compte des coûts de revient plus bas propres à tel ou tel pays. On peut penser au Maroc ou à d'autres. Ce sont des sujets sur lesquels mon collègue Arnaud Montebourg travaille et il a bien raison de le faire. Nous n'allons pas nous ériger en juge de tout. L'un de mes amis, il y a quelques années, avait une formule : «Europe ouverte mais pas offerte» et à l'époque je l'avais fait sourire en lui disant : «Si tu me permets d'emprunter cette formule sans te verser de dividendes excessifs, je la reprendrais volontiers». Et je l'ai fait ! Je pense que cela résume bien notre position et d'ailleurs, cette formule a été utilisée plusieurs fois pendant la campagne présidentielle, elle résume notre position. Il faut que nous soyons offensifs, il faut que nous fassions un effort de recherche, d'investissements etc. et en même temps, il faut que nous sachions ne pas être naïfs. Il faut que nous fassions le bilan, en terme de richesses créées et d'emplois que les opérations apportent. N'ayons pas une vision des choses refermée sur nous-mêmes, franco-française, étroite. Lorsque l'on voit le nombre d'entreprises qui travaillent pour l'exportation, évidemment ce serait non seulement simpliste mais complètement absurde de nous refermer sur nous-mêmes.
Il y a un équilibre à trouver qui n'est pas facile et la diplomatie française et les diplomates s'inscriront dans cet équilibre.
Q - Sur le plan d'action pour la diplomatie économique, est-ce qu'il va de pair avec une vraie stratégie française de relance de la croissance, je parle de l'Union européenne où on sait que beaucoup de pays connaissent une croissance en berne voire une récession ? Je vous pose cette question à quelques heures de la rencontre entre Mme Merkel et M. Hollande qui vont parler de la Grèce, dont certains voudraient faire un exemple de punition pour mauvaise gestion ? Est-ce que la France va l'aider pour plus de croissance et est-ce que ce soir ce sera le cas ?
R - Oui, la position de la France telle qu'elle a été traduite, en particulier par le sommet de la fin du mois de juin, est de dire il faut marcher sur ses deux jambes. Il y a la jambe discipline budgétaire, absolument indispensable, et qui parfois n'a pas été respectée par tel ou tel par le passé, et puis il y a la jambe croissance.
Si vous n'avez pas de discipline, évidemment vos comptes dérapent, les emprunts augmentent et à un moment vous êtes pris à la gorge, si vous n'avez pas de croissance vous pouvez faire tous les efforts de discipline que vous voudrez, les résultats ne seront pas au rendez-vous, donc il faut marcher sur les deux jambes. Et ce sont les premières mesures qui ont été décidées fin juin.
Les mesures, il faut d'abord les appliquer, il y a donc tout un travail qui est fait par tous les gouvernements, en particulier, par le gouvernement français pour veiller à les appliquer ; c'est ce qui concerne la BEI, ce qui concerne la taxe sur les transactions financières, qui concerne les project bonds, etc., et si possible, après, aller plus loin. Après, il y a la situation de la Grèce, et je suis sûr que François Hollande et Angela Merkel vont en parler, et François Hollande sera bientôt à Rome et il doit recevoir à la fin de la semaine, samedi, M. Samaras, le Premier ministre grec, donc ces questions seront abordées, mais il faut discuter au-delà même du cas grec.
Nous, nous voyons bien la difficulté, il va y avoir un rapport de la troïka, nous verrons ce qu'il y a dans ce rapport, nous sommes très vigilants sur tout cela mais nous plaidons pour l'intégrité de la zone euro. La position de la France est de plaider pour l'intégrité de la zone euro, c'est-à-dire que nous pensons qu'il faut respecter ce qui a été décidé. L'intégrité de la zone euro est très importante c'est ainsi qu'elle a été constituée, et il faut éviter les effets de précédent.
Donc, dans ce débat, sans être en aucune manière aveugle, en voyant les difficultés, la France plaide et plaidera pour l'intégrité de la zone euro. Quant à la question plus générale que vous avez posée, nous voulons à la fois la discipline qui est indispensable et à la fois le soutien à la croissance, surtout que les derniers éléments que nous avons en notre possession, à la fois ce qui vient des États-Unis, d'un certain nombre de pays émergents et de pays d'Europe eux-mêmes, y compris d'ailleurs l'Allemagne. Quand on voit les prévisions, elles montrent que la croissance risque de se ralentir, et là vous entrez dans une espèce de cercle vicieux, c'est que si la croissance se ralentit à l'excès, l'objectif même qui était visé et qui est d'arriver à une meilleur équilibre budgétaire a beaucoup de mal à être réalisé.
Alors, on entre dans une logique récessive alors qu'on était dans une logique expansive ; donc la France plaidera pour ces thèmes-là au cours des jours qui viennent.
Q - Sur votre plan d'action pour la diplomatie économique, vous parlez de désigner des personnalités de stature internationale, pouvez-vous développer, va-t-il s'agir d'élus ou d'anciens élus et est-ce que ça ne va pas poser un problème en en rendant plus complexe la tâche des diplomates, est-ce que ce sont des chefs d'entreprise et dans ce cas n'y a-t-il pas un potentiel pour des conflits d'intérêts, ou est-ce que ce sont des personnalités médiatiques ou intellectuelles et se pose alors la question de leur légitimité ou de leur compétence ?
R - Vous posez très bien la question, l'idée est que pour tel ou tel pays, il peut être intéressant pour soutenir le développement de nos relations, pour accompagner ces relations, veiller à tel ou tel sujet, de désigner une personnalité qui va suivre et accompagner tout cela. Cela ne met nullement en cause le rôle des ambassadeurs, ceux-ci ont un rôle absolument fondamental.
L'une de mes confirmations en arrivant ici, c'est que je considère que nos personnels sont des professionnels excellents et je m'appuie et m'appuierai pleinement sur eux. Et j'ai cru comprendre que par le passé on n'avait pas eu, peut-être, l'attention qu'il fallait à l'égard de leur professionnalisme. Donc, je m'appuie et m'appuierai sur les diplomates du Quai, à la fois ici et bien sûr dans le monde entier.
Il peut y avoir utilité à désigner telle ou telle personnalité, il ne faut pas qu'il y ait de conflits d'intérêts sinon on ne s'en sort pas, et d'autre part il faut que ce soit un apport réel, c'est-à-dire que la personnalité qui serait désignée n'ait pas l'intention de faire ça pour 25 pays, qu'elle puisse apporter vraiment quelque chose et ne soit pas là pour l'apparence.
Mais je le dirai aux ambassadeurs la semaine prochaine, je donnerai des éléments plus précis ; vous en serez informés.
Q - La notion de réciprocité que vous avez évoquée Monsieur le ministre est aussi vivement souhaitée et recherchée par les pays partenaires qui ne veulent pas être simplement des clients. Je cite par exemple l'Algérie qui souhaite aussi bénéficier du savoir faire et de l'expertise des entreprises françaises. Ainsi, Renault vient de faire en Algérie ses meilleures ventes à l'international. On félicite Renault mais pour l'Algérie ce n'est pas suffisant. Je pourrais citer aussi Alstom et l'énergie nucléaire civile. La France doit être offensive pour vendre ses produits mais aussi pour mettre en oeuvre cette réciprocité.
R - C'est un excellent exemple. Renault a de projets en Algérie. Vous savez que je me suis rendu, il y a quelque temps, en Algérie où j'ai rencontré mon homologue et le président Bouteflika. Nous avons décidé de préparer ce qui sera, nous le souhaitons, le prochain voyage du président français. Nous avons aussi fait le point sur différents dossiers. En ce qui concerne la situation précise des projets en Algérie, il y a eu un MOU, un pré-accord pour un projet Renault en Algérie et les choses sont très avancées. Le projet prévoit l'implantation d'une usine qui fabriquerait des véhicules. Ce serait notamment au bénéfice des Algériens, car cela créé de l'emploi sur place et dans le même temps les véhicules seraient destinés au marché local. C'est une démarche tout à fait positive. Mais essayons d'aller plus loin car il faut avoir à l'esprit d'autres éléments.
Dans d'autres cas, les projets sont différents et je reviens sur vos paroles concernant la délocalisation. S'il s'agissait - ce qui n'est pas le cas de l'usine Renault, et alors que le secteur automobile est en situation difficile en France -, de fermer telle unité en France et de l'ouvrir dans un pays tiers pour attaquer le marché français, là nous serions dans une opération de dupes. Vous voyez bien la différence. Autant ce projet-là me parait extrêmement intéressant et j'y suis tout à fait favorable. Autant on peut aussi nous proposer des projets ailleurs, et parfois on ne peut s'y opposer car l'économie est libre, qui sont de pures et simples délocalisations. Il faut avoir une philosophie générale, nous travaillons pour nos propres intérêts et, vous avez tout à fait raison d'évoquer, cette réciprocité. Comme nous le disons dans un français approximatif c'est «gagnant gagnant» et il faut que chacun y trouve son compte.
Mais dans le cas qui nous intéresse (Renault), c'est un très bon projet et j'espère que nous pourrons le faire aboutir. D'ailleurs, j'avais évoqué ce dossier avec le Président Bouteflika et je le lui ai dit que les mois de septembre et d'octobre seraient consacrés à la préparation de ces dossiers car il y a un certain nombre de sujets sur lesquels nous devrions avancer ensemble. Ensuite si la visite du Président a lieu elle pourrait permettre d'aboutir à des résultats très probants. Mais j'avais été heureux de mon voyage en Algérie car nous avons traité les dossiers sur le fond et cela dans un excellent climat.
Q - À propos des Nations unies et de la Syrie. Nous avons parfois l'impression que la France a tiré une croix sur le rôle des Nations unies dans ce dossier. Est-ce que vous avez l'assurance que vos homologues - américain, britannique, chinois et russe - viendront à la réunion du 30 août ? Par ailleurs, comment appréciez-vous la décision du Secrétaire général de l'Onu, M. Ban Ki-Moon, de se rendre au Sommet des Non-alignés à Téhéran le 30 août. ?
R - Sur le second point, il n'est pas coutume de commenter les décisions prises par le Secrétaire général des Nations unies. Mais simplement tout dépend du message qui est passé. Il faut avoir à l'esprit, et M. Ban Ki-Moon l'a certainement, que l'Iran, est l'un des pays - et en disant cela je suis généreux - qui alimente le plus le conflit en Syrie qui est redoutable. De plus, les pays du P5 +1 (+ Allemagne), le coeur du Conseil de sécurité, connaissent des discussions difficiles avec l'Iran sur l'armement nucléaire et tout cela doit être présent dans son esprit.
Maintenant, je crois aussi qu'il y a des réalités qu'il ne faut pas oublier. Récemment lors de la réunion de l'Organisation de coopération islamique la question de la suspension de la Syrie a été posée. Je crois qu'il y a eu 57 votants et que l'Iran seul a voté contre. Ce qui montre que quelles que soient les décisions des uns et des autres, l'Iran, qui est un très grand pays, - personne ne le conteste - est très isolé dans la communauté internationale. Et tant qu'il maintiendra cette position sur un certain nombre de sujets, cet isolement continuera.
Les Nations unies sont l'autre point sur lequel je vais conclure. Elles ne se résument pas à la question syrienne mais malheureusement nous constatons que sur ce point, et cela n'était pas arrivé depuis longtemps, la Russie et la Chine ont opposé par trois fois leur veto à des résolutions qui auraient permis d'avancer. Nous pensons que, à partir du moment où nous sommes favorables à une régulation internationale, il est nécessaire de donner sa pleine mesure à l'ONU. Nous sommes enclins à une réforme de l'ONU, c'est bien connu, mais tant que celle-ci n'a pas eu lieu nous travaillons à l'intérieur du cadre tel qu'il existe et nous déplorons qu'il y ait ce blocage.
Nous travaillons avec les institutions telles qu'elles existent et nous continuons à penser qu'il faut une légalité internationale et que ce sont les Nations unies qui doivent permettre cette légalité internationale. Encore faut-il qu'elles ne soient pas bloquées comme elles le sont aujourd'hui sur l'aspect politique du conflit syrien.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 septembre 2012