Texte intégral
Q - Merci d'être avec nous sur France Info pour évoquer notamment le Traité européen.
(...)
R - Le texte existerait en tout état de cause puisque vous savez qu'il suffit qu'un certain nombre d'États puissent l'adopter, et ils vont l'adopter.
Q - On est déjà à douze.
R - Voilà. De toutes les manières, le Traité existerait ; premier point. Deuxième point, il ne s'appliquerait pas à la France ; évidemment le fait que la France s'y oppose déclencherait de la spéculation contre notre pays. Troisième point, si on ne votait pas ce texte, cela voudrait dire que l'on ne pourrait pas bénéficier des mécanismes de solidarité. Il y aurait donc vraisemblablement de la spéculation contre la France et nous n'aurions pas le Mécanisme européen de stabilité qui permet à d'autres de se protéger.
Ce scénario ne se produira pas mais vous voyez que ce n'est pas sans conséquences, indépendamment du fait que je pense que, si la France se mettait en contradiction avec d'autres, il y aurait un problème de lisibilité.
Nous voulons une réorientation vers la croissance. Ce texte et ce contexte surtout, les décisions prises en juin, permettent d'envisager cette réorientation. Si, tout d'un coup, nous interrompions ce mouvement, nos partenaires nous diraient : «mais où allez-vous ?». Je pense tout de même que ces arguments vont prévaloir et qu'il y aura une très large majorité en faveur de l'adoption du traité.
Q - Mais ce texte est-il aussi contraignant qu'on veut bien le dire ? Parce que c'est vrai qu'il oblige les pays à ramener leur déficit à 3 %.
R - C'était déjà le cas.
Q - Oui, mais n'est-ce pas oublier aussi un petit peu vite qu'il y a à l'intérieur de ce traité des marges de manoeuvre, puisqu'il est dit aussi qu'il y a des situations exceptionnelles, et la crise que l'on traverse est une situation exceptionnelle ?
R - Exactement. Il y a la notion de circonstance exceptionnelle qui permet de prendre quelques distances avec les impératifs du texte.
Q - Cela veut dire que l'on pourra peut-être, nous Français, aussi prendre quelques distances avec les fameux 3 % ?
R - La philosophie de ce texte est qu'il faut être sérieux sur le plan budgétaire et nous sommes d'accord là-dessus. L'autre élément que nous avons ajouté, qui n'était pas du tout dans le texte initial, est le suivant : «Sérieux budgétaire, oui, mais en même temps politique de relance». Ce n'est peut-être pas un texte idéal et on peut dire que, si nous l'avions négocié, il aurait peut-être été différent. Cependant, je pense qu'il faut prendre aussi ce texte par rapport à un ensemble de décisions et, je le répète, cet ensemble maintenant c'est : discipline budgétaire, oui, et relance de l'Europe. Si ce texte était nié, n'était pas voté, je pense que l'ensemble s'écroulerait.
Q - On a beaucoup de sujets à évoquer ensemble.
R - Volontiers.
Q - Évidemment les questions qui touchent au monde arabe. On a vu qu'il y avait des caricatures qui étaient sorties dans Charlie Hebdo, caricatures dont le CFCM dit ce matin que c'est un acte islamophobe. Est-on dans la surenchère aujourd'hui ?
R - J'étais hier, vous le savez, en Égypte pour rencontrer le président Morsi et un ensemble de responsables. J'ai rencontré aussi, c'était fort intéressant, le grand Imam de l'université Al Azhar qui a une influence importante et très reconnue dans le monde musulman. Nous avons parlé de tout cela.
Revenons en France un instant. En France, vous le savez, le principe c'est la liberté d'expression. Il ne faut pas porter atteinte à ce principe. S'il une atteinte est portée à ce principe, il est possible pour une association, pour une personne, de porter plainte devant les tribunaux et c'est à eux d'en juger. Voilà le droit et il n'est pas question de revenir sur ce droit. Maintenant, le contexte est celui que vous avez indiqué : il y a, compte tenu du film complètement imbécile, la vidéo absurde qui a été diffusée, une émotion et même plus qu'une émotion dans beaucoup de pays musulmans.
Q - Et cela continue de poser des problèmes, y compris en France, puisqu'il y a une manifestation prévue et qui va visiblement être interdite.
R - Oui, bien sûr. Est-ce pertinent et intelligent dans ce cadre-là de mettre un peu d'huile sur le feu ? La réponse est non. Mais nous ne voulons pas non plus dire à ces gens : «nous portons atteinte à la liberté d'expression». Il y a un équilibre à trouver. Je suis évidemment très préoccupé parce que je suis le chef de la diplomatie. Quand j'ai vu cela, j'ai évidemment envoyé des instructions pour que, dans tous les pays où cela peut poser des problèmes, on prenne des précautions de sécurité particulières. Il faut faire attention à tout cela, il faut être responsable.
Q - Justement, avez-vous le sentiment aujourd'hui que ce qui se passe, ce qui est en train de se passer dans le monde arabe, est le reflet d'une montée en puissance des salafistes où d'un islam beaucoup plus radical ?
R - Je ne crois pas. Je crois qu'il y a - et là, je ne parle pas du tout de Charlie Hebdo, je parle de l'histoire de la vidéo et, par ailleurs, de la présence des salafistes - une espèce d'alliance objective des extrêmes. C'est-à-dire que vous avez d'un côté, dans tel ou tel pays - là, en l'occurrence, c'était les États-Unis, mais le gouvernement américain n'y est pour rien -, des gens - appelons-les, pour être simple, d'extrême-droite - qui considèrent que tous les musulmans sont des islamistes, des terroristes, ce qui est absurde et mensonger. Et, de l'autre côté, vous avez des extrémistes salafistes qui, eux, veulent faire croire que dans les pays occidentaux tout le monde est contre l'islam, ce qui est également absurde. En fait, ils s'épaulent les uns les autres.
Ce qu'il faut voir, c'est que les gens raisonnables partout, et c'est l'immense majorité, disent : «L'islam, ce n'est pas du tout cela. L'islam est une religion paisible, pacifique et, dans les pays occidentaux, l'immense majorité ne représente pas du tout la caricature qui se trouve dans le film vidéo». Il faut donc refuser l'amalgame.
Q - Je voudrais que l'on évoque aussi le conflit en Syrie. On en est au dix-neuvième mois de conflit.
R - Vingt-sept mille morts.
Q - On se rend compte, de semaine en semaine, que les combats et les morts continuent. Que pouvez-vous faire aujourd'hui ? Je sais qu'il y a une réunion du Conseil de sécurité qui va se tenir.
R - La semaine prochaine.
Q - A-t'on vraiment aujourd'hui les moyens d'agir ? On a le sentiment qu'on va de blocage en blocage.
R - On fait le maximum. Ce que vous dites est vrai : cent morts, deux cents morts chaque jour, c'est une situation épouvantable. Et pourquoi ? Il faut quand même revenir à la source du problème qui est le régime syrien. La situation en Syrie résulte de l'obstination du clan de Bachar Al-Assad et de M. Bachar Al-Assad lui-même, à se maintenir au pouvoir contre son peuple.
Alors que faisons-nous ? La France est tout à fait en pointe, aux avant-postes. Sur le plan humanitaire, nous faisons, vous le savez, toute une série de choses. Sur le plan diplomatique, nous essayons - c'est le sens aussi de ma présence en Égypte hier ; je recevrai un certain nombre de gens vendredi prochain aussi - de recréer, avec évidemment les Américains, les Turcs, les Égyptiens, avec d'autres et y compris d'ailleurs en conversant avec les Russes, une solution pour venir à bout et que M. Bachar Al-Assad...
Q - Mais cela fait des mois que cela dure et que cela n'aboutit pas.
R - Bien sûr. Mais pourquoi ? Le fond du problème, c'est qu'auparavant nous avions un monde bipolaire - qui était d'ailleurs très contestable. Donc, les Russes - enfin, les Soviétiques à l'époque - et les Am??ricains se mettaient d'accord pour régler ou pas les conflits. C'était très critiquable mais il y avait un règlement. Après, nous avons eu un monde unipolaire où les Américains faisaient la loi ; c'était également contestable. Maintenant nous avons des crises mais il n'y a plus d'élément de régulation puisque certains s'opposent au Conseil de sécurité, essentiellement les Russes et les Chinois, contre les autres. C'est donc cette régulation qu'il faut retrouver. En attendant, la France est aux avant-postes pour essayer de trouver une solution en Syrie.
Q - La France est aux avant-postes aussi sur la question du Mali. Cela aussi va être évoqué au Conseil de sécurité. Le Sahel où il y a des otages évidemment...
R - Bien sûr. Question très difficile, d'une part parce que ce qui est en train de se passer au Nord-Mali est grave dans la mesure où sont présents des éléments terroristes qui ont beaucoup d'argent, beaucoup d'armes, de très mauvaises intentions, qui se livrent au trafic de drogue, et qui menacent tous les États de la région. D'autre part, vous l'avez rappelé, nous avons des otages et donc nous devons agir avec beaucoup de précaution.
L'action doit d'abord venir des Africains eux-mêmes. J'insiste là-dessus. Il peut y avoir, le moment venu, un appui de la France, mais l'action relève des Africains.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 septembre 2012
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R - Le texte existerait en tout état de cause puisque vous savez qu'il suffit qu'un certain nombre d'États puissent l'adopter, et ils vont l'adopter.
Q - On est déjà à douze.
R - Voilà. De toutes les manières, le Traité existerait ; premier point. Deuxième point, il ne s'appliquerait pas à la France ; évidemment le fait que la France s'y oppose déclencherait de la spéculation contre notre pays. Troisième point, si on ne votait pas ce texte, cela voudrait dire que l'on ne pourrait pas bénéficier des mécanismes de solidarité. Il y aurait donc vraisemblablement de la spéculation contre la France et nous n'aurions pas le Mécanisme européen de stabilité qui permet à d'autres de se protéger.
Ce scénario ne se produira pas mais vous voyez que ce n'est pas sans conséquences, indépendamment du fait que je pense que, si la France se mettait en contradiction avec d'autres, il y aurait un problème de lisibilité.
Nous voulons une réorientation vers la croissance. Ce texte et ce contexte surtout, les décisions prises en juin, permettent d'envisager cette réorientation. Si, tout d'un coup, nous interrompions ce mouvement, nos partenaires nous diraient : «mais où allez-vous ?». Je pense tout de même que ces arguments vont prévaloir et qu'il y aura une très large majorité en faveur de l'adoption du traité.
Q - Mais ce texte est-il aussi contraignant qu'on veut bien le dire ? Parce que c'est vrai qu'il oblige les pays à ramener leur déficit à 3 %.
R - C'était déjà le cas.
Q - Oui, mais n'est-ce pas oublier aussi un petit peu vite qu'il y a à l'intérieur de ce traité des marges de manoeuvre, puisqu'il est dit aussi qu'il y a des situations exceptionnelles, et la crise que l'on traverse est une situation exceptionnelle ?
R - Exactement. Il y a la notion de circonstance exceptionnelle qui permet de prendre quelques distances avec les impératifs du texte.
Q - Cela veut dire que l'on pourra peut-être, nous Français, aussi prendre quelques distances avec les fameux 3 % ?
R - La philosophie de ce texte est qu'il faut être sérieux sur le plan budgétaire et nous sommes d'accord là-dessus. L'autre élément que nous avons ajouté, qui n'était pas du tout dans le texte initial, est le suivant : «Sérieux budgétaire, oui, mais en même temps politique de relance». Ce n'est peut-être pas un texte idéal et on peut dire que, si nous l'avions négocié, il aurait peut-être été différent. Cependant, je pense qu'il faut prendre aussi ce texte par rapport à un ensemble de décisions et, je le répète, cet ensemble maintenant c'est : discipline budgétaire, oui, et relance de l'Europe. Si ce texte était nié, n'était pas voté, je pense que l'ensemble s'écroulerait.
Q - On a beaucoup de sujets à évoquer ensemble.
R - Volontiers.
Q - Évidemment les questions qui touchent au monde arabe. On a vu qu'il y avait des caricatures qui étaient sorties dans Charlie Hebdo, caricatures dont le CFCM dit ce matin que c'est un acte islamophobe. Est-on dans la surenchère aujourd'hui ?
R - J'étais hier, vous le savez, en Égypte pour rencontrer le président Morsi et un ensemble de responsables. J'ai rencontré aussi, c'était fort intéressant, le grand Imam de l'université Al Azhar qui a une influence importante et très reconnue dans le monde musulman. Nous avons parlé de tout cela.
Revenons en France un instant. En France, vous le savez, le principe c'est la liberté d'expression. Il ne faut pas porter atteinte à ce principe. S'il une atteinte est portée à ce principe, il est possible pour une association, pour une personne, de porter plainte devant les tribunaux et c'est à eux d'en juger. Voilà le droit et il n'est pas question de revenir sur ce droit. Maintenant, le contexte est celui que vous avez indiqué : il y a, compte tenu du film complètement imbécile, la vidéo absurde qui a été diffusée, une émotion et même plus qu'une émotion dans beaucoup de pays musulmans.
Q - Et cela continue de poser des problèmes, y compris en France, puisqu'il y a une manifestation prévue et qui va visiblement être interdite.
R - Oui, bien sûr. Est-ce pertinent et intelligent dans ce cadre-là de mettre un peu d'huile sur le feu ? La réponse est non. Mais nous ne voulons pas non plus dire à ces gens : «nous portons atteinte à la liberté d'expression». Il y a un équilibre à trouver. Je suis évidemment très préoccupé parce que je suis le chef de la diplomatie. Quand j'ai vu cela, j'ai évidemment envoyé des instructions pour que, dans tous les pays où cela peut poser des problèmes, on prenne des précautions de sécurité particulières. Il faut faire attention à tout cela, il faut être responsable.
Q - Justement, avez-vous le sentiment aujourd'hui que ce qui se passe, ce qui est en train de se passer dans le monde arabe, est le reflet d'une montée en puissance des salafistes où d'un islam beaucoup plus radical ?
R - Je ne crois pas. Je crois qu'il y a - et là, je ne parle pas du tout de Charlie Hebdo, je parle de l'histoire de la vidéo et, par ailleurs, de la présence des salafistes - une espèce d'alliance objective des extrêmes. C'est-à-dire que vous avez d'un côté, dans tel ou tel pays - là, en l'occurrence, c'était les États-Unis, mais le gouvernement américain n'y est pour rien -, des gens - appelons-les, pour être simple, d'extrême-droite - qui considèrent que tous les musulmans sont des islamistes, des terroristes, ce qui est absurde et mensonger. Et, de l'autre côté, vous avez des extrémistes salafistes qui, eux, veulent faire croire que dans les pays occidentaux tout le monde est contre l'islam, ce qui est également absurde. En fait, ils s'épaulent les uns les autres.
Ce qu'il faut voir, c'est que les gens raisonnables partout, et c'est l'immense majorité, disent : «L'islam, ce n'est pas du tout cela. L'islam est une religion paisible, pacifique et, dans les pays occidentaux, l'immense majorité ne représente pas du tout la caricature qui se trouve dans le film vidéo». Il faut donc refuser l'amalgame.
Q - Je voudrais que l'on évoque aussi le conflit en Syrie. On en est au dix-neuvième mois de conflit.
R - Vingt-sept mille morts.
Q - On se rend compte, de semaine en semaine, que les combats et les morts continuent. Que pouvez-vous faire aujourd'hui ? Je sais qu'il y a une réunion du Conseil de sécurité qui va se tenir.
R - La semaine prochaine.
Q - A-t'on vraiment aujourd'hui les moyens d'agir ? On a le sentiment qu'on va de blocage en blocage.
R - On fait le maximum. Ce que vous dites est vrai : cent morts, deux cents morts chaque jour, c'est une situation épouvantable. Et pourquoi ? Il faut quand même revenir à la source du problème qui est le régime syrien. La situation en Syrie résulte de l'obstination du clan de Bachar Al-Assad et de M. Bachar Al-Assad lui-même, à se maintenir au pouvoir contre son peuple.
Alors que faisons-nous ? La France est tout à fait en pointe, aux avant-postes. Sur le plan humanitaire, nous faisons, vous le savez, toute une série de choses. Sur le plan diplomatique, nous essayons - c'est le sens aussi de ma présence en Égypte hier ; je recevrai un certain nombre de gens vendredi prochain aussi - de recréer, avec évidemment les Américains, les Turcs, les Égyptiens, avec d'autres et y compris d'ailleurs en conversant avec les Russes, une solution pour venir à bout et que M. Bachar Al-Assad...
Q - Mais cela fait des mois que cela dure et que cela n'aboutit pas.
R - Bien sûr. Mais pourquoi ? Le fond du problème, c'est qu'auparavant nous avions un monde bipolaire - qui était d'ailleurs très contestable. Donc, les Russes - enfin, les Soviétiques à l'époque - et les Am??ricains se mettaient d'accord pour régler ou pas les conflits. C'était très critiquable mais il y avait un règlement. Après, nous avons eu un monde unipolaire où les Américains faisaient la loi ; c'était également contestable. Maintenant nous avons des crises mais il n'y a plus d'élément de régulation puisque certains s'opposent au Conseil de sécurité, essentiellement les Russes et les Chinois, contre les autres. C'est donc cette régulation qu'il faut retrouver. En attendant, la France est aux avant-postes pour essayer de trouver une solution en Syrie.
Q - La France est aux avant-postes aussi sur la question du Mali. Cela aussi va être évoqué au Conseil de sécurité. Le Sahel où il y a des otages évidemment...
R - Bien sûr. Question très difficile, d'une part parce que ce qui est en train de se passer au Nord-Mali est grave dans la mesure où sont présents des éléments terroristes qui ont beaucoup d'argent, beaucoup d'armes, de très mauvaises intentions, qui se livrent au trafic de drogue, et qui menacent tous les États de la région. D'autre part, vous l'avez rappelé, nous avons des otages et donc nous devons agir avec beaucoup de précaution.
L'action doit d'abord venir des Africains eux-mêmes. J'insiste là-dessus. Il peut y avoir, le moment venu, un appui de la France, mais l'action relève des Africains.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 septembre 2012