Texte intégral
Je suis heureux d'être ici aujourd'hui au Royaume-Uni, pays avec lequel nous avons une relation bilatérale extrêmement forte puisque le président de la République, M. François Hollande, a déjà rencontré cinq fois son homologue, David Cameron, notamment lors du G8 et du G20, à Camp David et Los Cabos. Nos coopérations sont incroyablement développées dans toute une série de domaines. Je pense d'abord à la Défense, où nos relations sont à un niveau d'excellence encore accru depuis les accords de Lancaster House dans lesquels le gouvernement s'inscrit parfaitement.
Elles sont très proches aussi dans le domaine de la politique étrangère. Au fond sur tous les sujets brulants de la planète, qu'on aille vers la Syrie, l'Afghanistan, l'Iran, la France et la Grande-Bretagne travaillent de concert, le font de manière extrêmement proche. Nous avons aussi des coopérations très puissantes dans le domaine de l'énergie, et la présence de l'industrie française ici, notamment dans le domaine du nucléaire, est très forte. Nous développons des coopérations dans le domaine spatial. Nous sommes également dans une excellente coopération dans les matières de justice, de sécurité, de police, et l'ambassadeur nous rappelait notamment que la France avait beaucoup contribué à la sécurité des Jeux Olympiques.
Donc, c'est dans ce contexte que je suis ici et que je me suis entretenu avec George Osborne. Évidemment, le fait que la Grande-Bretagne n'appartienne pas à la zone euro - je n'ose pas dire «pas encore» car je n'ai pas l'impression que ce soit pour tout de suite - fait que nous sommes dans une situation un peu différente entre un pays qui est au coeur de la zone euro, la France, et un pays qui est à l'extérieur, la Grande-Bretagne.
Néanmoins, ce que je veux dire c'est qu'avec George Osborne nous sommes tombés d'accord sur un principe, qui est de toujours essayer de faciliter la vie de l'autre : faire en sorte que, dans les évolutions qui sont celles de la zone euro, eh bien nous prenions en compte les difficultés, les spécificités, les interrogations britanniques.
Et, à l'inverse, nous avons demandé à nos amis britanniques de comprendre à quel point il était important pour nous que la zone euro se développe, qu'elle garde son intégrité, qu'elle résolve ses problèmes. Quand on est dans la même union, l'Union européenne, avec des économies aussi interdépendantes, à l'évidence la façon dont la zone euro surmonte ou surmontera demain et veut surmonter ces difficultés a un impact sur l'économie du Royaume-Uni. À l'inverse le Royaume-Uni peut jouer un rôle par son influence, parce que beaucoup de décisions doivent être prises à l'unanimité à 27 pour favoriser la sortie de crise dans la zone euro.
Nous avons fait un large tour d'horizon, en parlant notamment de la situation de la zone euro justement, des solutions à apporter à la situation grecque, à la situation espagnole, nous avons parlé de l'union bancaire. Lorsque j'étais à Nicosie, j'ai pu apprécier la position ouverte favorable, compréhensive du Royaume-Uni. J'ai moi-même pu dire à George Osborne que nous serions attentifs aux préoccupations qui pourraient être celles du Royaume-Uni.
Nous avons envisagé nos coopérations bilatérales dans le domaine économique, dans le domaine industriel. Nous avons aussi examiné un certain nombre de dossiers que nous avions à défendre ensemble ou séparément, au niveau de l'Union européenne, notamment dans la régulation bancaire et financière.
Au total, il est vrai que, dans des cadres multilatéraux, c'est notre première rencontre bilatérale, mais on s'est déjà vu souvent avec George Osborne. Je dirais que cela a été un contact positif, fructueux, amical, où nous avons décidé pour l'avenir non pas de cacher nos désaccords, mais de tâcher aussi toujours, systématiquement de rapprocher nos points de vue.
J'ajoute, pour terminer ce propos introductif, que je tiens à féliciter la Grande-Bretagne pour la réussite des Jeux Olympiques et des Jeux Paralympiques. Je suis ici alors que ce matin le président de la République recevait à l'Élysée tous nos athlètes médaillés lors de ces jeux, que évidemment la planète entière a regardés, moi aussi, et qui ont été magistralement organisés ici à Londres.
Je veux aussi dire bien sûr toute la sympathie, la compassion que nous éprouvons pour ce terrible drame de Chevaline qui a endeuillé une famille britannique, qui a ému l'opinion française et l'opinion britannique, et dire que dans ce domaine aussi la coopération est exemplaire pour faire en sorte que ceux qui ont commis ce forfait épouvantable, terrible, puissent être identifiés, et ensuite punis. Voilà ce que je voulais dire pour commencer, mais je suis maintenant disponible pour répondre à vos questions de manière plus précise.
Q - Étant donnés les coûts d'emprunt pour l'Espagne, est-ce que vous pensez qu'ils ont encore besoin d'un plan de sauvetage ?
R - C'est une question de souveraineté. Je ne pense pas que nous ayons à décider, à trancher pour le gouvernement espagnol. Tout ce que je peux dire c'est que si le gouvernement espagnol demande le cas échéant une solution ou une intervention de la Banque centrale ou d'États membres et au moment où il le fera, après la décision prise par la BCE et après nos échanges au sein de l'Eurogroupe, tous les outils seront disponibles. Nous donnerons suite à toute demande qui émanerait éventuellement du gouvernement espagnol. Mais nous ne devons pas leur donner de conseils, nous ne devons pas prendre la décision à leur place, c'est une question de souveraineté nationale. Donc, nous sommes à leur disposition, les outils existent mais nous n'avons pas à faire la demande à leur place.
Q - (au sujet du projet de fusion EADS / BAE
R - Écoutez, je ne vous dirai évidemment pas que nous l'avons appris par la presse mais cela s'est trouvé dans la presse. Nous examinons ce projet, nous le faisons avec les Allemands. Nous l'avons fait avec les Allemands, il y a une semaine, et nous posons un certain nombre de questions concernant les aspects stratégiques de cette fusion, les effets industriels, les synergies éventuelles entre les deux entreprises et la gouvernance de l'entité, l'avenir de notre industrie de la Défense, les conséquences que cela aurait pour la France, notamment pour l'emploi. Nous examinerons les choses à la lumière de la réponse à ces questions. Cela prendra du temps et nous le ferons avec nos amis allemands.
Q - Vous avez dit que vous avez appris par la presse... ?
R - Non, je disais que je serais mensonger si je disais que je l'ai appris par la presse. Je ne l'ai pas appris par la presse. Mais c'est dans la presse.
Q - D'accord, est-ce que vous pouvez nous donner un peu de détails, comment cela s'est passé parce que c'est quand même quelque chose...
R - Absolument pas.
Q - C'est bien dommage...
R - Je n'ai pas un mot de plus à dire là-dessus.
Q - D'accord ; est-ce que vous avez souhaité qu'une entité soit séparée, soit créée pour pouvoir protéger les positions militaires de la France ? Vous avez cité les accords de Lancaster, qui sont très puissants entre la France et l'Angleterre, toutefois l'Angleterre est l'alliée des États-Unis, donc est-ce que vous allez souhaiter avoir une entité particulière, notamment pour les missiles balistiques. Comment vous souhaitez que cela se passe ?
R - Pas un mot de plus. Tout cela nécessite un examen approfondi et discret. Discret mais profond.
Q - Vous parlez de l'union bancaire européenne. L'union bancaire européenne nécessitera une forme de soutien britannique ; en échange de ce soutien britannique, quelles sont les concessions que la zone euro devra faire ?
R - Nous allons en parler avec nos amis britanniques ; je crois qu'ils souhaitent que les intérêts du système bancaire britannique soient préservés dès lors qu'existe un superviseur unique. D'un autre côté, nous avons dit à Nicosie, c'est ce que j'ai dit, que les pays qui n'étaient pas dans la zone euro pouvaient bien sûr bénéficier, s'ils le souhaitaient, de ce mécanisme de supervision. C'est une question qui concerne en effet pas seulement la zone euro mais l'ensemble du marché intérieur.
Ce que j'ai noté à Nicosie déjà, et encore aujourd'hui, c'est qu'il y avait une convergence de vue sur beaucoup de sujets. La Grande-Bretagne, comme nous, souhaite qu'il y ait un superviseur unique, qui soit la Banque Centrale Européenne, même s'il y a des superviseurs nationaux qui travaillent au quotidien. J'ai noté aussi que la Grande-Bretagne, comme nous, souhaitait que la totalité des banques soient concernées, et pas cette division que je juge un peu abstraite entre des banques systémiques et d'autres banques ; et que la Grande-Bretagne comme nous s'inscrivait, si c'est possible, dans un calendrier rapide.
Je rappelle qu'au Conseil européen nous avons décidé, les chefs d'État des gouvernements ont décidé, que ce serait d'ici à la fin 2012 que serait adopté ce mécanisme de supervision bancaire. Pour ma part, j'ai reçu cela de manière positive. George Osborne, à Nicosie, a apporté son appui sur tous ces points, au projet de la commission.
Il faut aussi prendre en compte ce que peuvent être les difficultés britanniques. Nous sommes convenus de travailler ensemble là-dessus, parce que, comme vous le dites en effet, la Grande-Bretagne sera partie-prenante de la décision. Et si une économie financière aussi importante acte le fait que la supervision bancaire est nécessaire, que la régulation bancaire est nécessaire et positive pour éviter les sinistres difficultés que nous avons connues dans les dernières années, c'est une très bonne chose.
Q - Sur la supervision bancaire, concrètement, est-ce que vous pensez que la structure pourra commencer au 1er janvier 2013 ?
R - Mon point de vue est le suivant : je crois qu'il nous faut trouver un accord, au sein de l'Union européenne avant la fin 2012. Ensuite, la mise en oeuvre devrait être aussi rapide que possible. Il y a un lien très clair entre la supervision bancaire et l'éventualité d'avoir une recapitalisation directe des banques en difficulté en Europe.
C'est précisément ce que prévoient les conclusions du Conseil européen des 28 et 29 juin, et je ne vois pas pourquoi nous ne les respecterions pas.
C'est exactement là l'objectif politique, et le calendrier doit suivre le mandat politique. Nous, ministres des Finances, chanceliers etc., c'est le mandat que nous avons reçu de la part de nos chefs de gouvernement. Donc, avançons aussi rapidement que possible. Je crois que nous partons d'une base solide, à savoir la proposition de la Commission, et donc mettons-nous au travail, poursuivons le travail. C'est un document excellent, une proposition excellente, dont nous disposons. Nous avons donc une base très solide de discussion.
Q - La plupart des gens ont l'air de penser qu'on a gagné du temps grâce aux actions, aux décisions récentes au niveau de la zone euro ; est-ce que vous appelleriez les pays comme l'Espagne, qui auront peut-être besoin d'aide, à se décider rapidement, et à ne pas gaspiller le temps qu'on a réussi à gagner, grâce aux décisions du MES et à d'autres ?
R - J'ai déjà, je crois, répondu à la question en disant que c'était une question de souveraineté et que c'était à l'Espagne de trancher, d'en décider par elle-même. Je ne ferai aucunement pression dans ce sens. C'est à ce pays d'en décider, c'est à lui de trancher. Il sait ce qu'il a à faire et il connaît les outils. Mais bien sûr qu'il y a ces discussions, bien sûr qu'elles existent.
Q - Je voulais préciser un point, vous avez dit la Grande-Bretagne est d'accord avec vous pour dire que toutes les banques devraient être comprises dans ce mécanisme et que cela devrait aller vite.
R - Écoutez, je ne suis pas le porte-parole de George Osborne, mais je me souviens ce qu'il a dit à Nicosie, quand il s'est félicité de la proposition de la Commission qui est la suivante : nous mettre d'accord sur ce texte d'ici à la fin 2012 ; que toutes les banques devraient être couvertes ; et qu'il y aurait un superviseur unique. Mais vérifiez auprès de lui.
Mais en ce qui concerne l'architecture de la proposition, il y a un large accord entre la France et la Grande-Bretagne. Donc sur la base de la proposition de la commission et dans son sens, nous considérons tous deux, que ces deux propositions pourraient et devraient être la base d'un accord.
Bien sûr la Grande-Bretagne a des préoccupations qui lui sont propres. Je les ai écoutées et ai décidé de travailler en ce sens. Nos deux ministères vont avoir des échanges de vues pour faciliter le rapprochement car il est nécessaire d'avoir un accord britannique, accord qui serait un argument très fort dans ce sens.
Q - L'euro s'est renforcé récemment. Dans quelle mesure pensez vous que cela va être un risque par rapport à la reprise éventuelle dans la zone euro ? Il faudrait que la BCE fasse plus pour affaiblir l'euro et donc pour encourager la croissance ?
R - Écoutez, premièrement nous avons un principe qui est que la Banque Centrale Européenne est indépendante.
Deuxièmement, nous n'intervenons pas au niveau du change je n'ai donc rien à dire en la matière, à une exception près : je suis convaincu que tout ce qui renforce l'euro (je ne parle pas du niveau de la devise uniquement) est bon pour la zone euro. Ce qu'il nous faut, c'est tenter d'obtenir une solution globale générale et structurée à nos difficultés. Prenez la croissance, on sait que l'Europe est en récession, c'est le cas de la Grande-Bretagne, c'est le cas de beaucoup de pays de la zone euro. La France, elle, est en période de stagnation. Si on veut retrouver le chemin de la croissance, ce qu'il nous faut, ce n'est pas un ajustement de la devise, c'est la fin de l'incertitude, c'est arriver à retrouver la stabilité, arriver à voir que la zone euro est un endroit sûr où l'on peut investir et créer des emplois. J'étais en Grèce la semaine dernière, le Premier ministre et d'autres ministres m'ont dit qu'il y avait une «drachmophobie». La peur de revenir à la drachme. Ce n'est pas la même situation partout en Europe mais tant qu'il n'y a pas de solutions profondes, structurées et globales au problème il demeurera cette incertitude. Cela représente un risque pour l'innovation, etc. et c'est la raison pour laquelle il est important de stabiliser la zone euro et de poser les jalons d'un accord structuré et global.
Q - Dernière question : Je travaille pour Reuters, vous avez parlé de faire de la zone euro, une «Europe plus sûre». Est ce que l'on s'est rapproché de cet objectif depuis 6 mois ?
R - Je crois que c'est le cas, oui. Vous me direz peut être que je ne suis pas objectif, mais je crois que la présidentielle française y a contribué. Voyez où l'on était il y a 6 mois : l'Europe était entre l'instabilité et l'austérité. Je crois que lentement on passe à une situation où l'on pourra arriver à la stabilité et à la croissance. Des progrès ont été réalisés au cours des derniers mois. J'en citerai un certain nombre.
Premièrement : un ensemble de mesures pour la croissance au Conseil européen de juin.
Deuxièmement : nous avons décidé de faire un pas vers l'union bancaire, avec cette supervision européenne dont nous venons de parler.
Troisièmement : on a posé les jalons pour les décisions de la BCE.
Quatrièmement : la décision de M. Draghi dont je me félicite.
Alors j'ai dit, quelle que soit la décision prise par l'Espagne il y a les outils qui sont là pour une intervention. Non seulement pour l'Espagne, mais pour d'autres également. Donc, c'est une protection contre la spéculation. C'est sans doute ce qui rassure les marchés maintenant. La décision de la cour de Karlsruhe, sur le MES qui entrera en fonctionnement début octobre aussi. Enfin, les élections aux Pays-Bas. Certains craignaient que le sentiment anti-européen et les partis anti-Europe l'emportent. C'est le contraire qui s'est produit. Les partis pro-européens ont gagné les élections très largement.
Donc les choses s'améliorent, mais que devons nous faire ? Il nous faut mettre en oeuvre ce à quoi on s'est engagé. Et les décisions qui sont bonnes sur le papier en principe doivent être maintenant traduites dans la réalité, et c'est la raison pour laquelle je dis ne perdons pas de temps. Allons-y rapidement, pas trop vite, car je sais quel est le rythme précisément de l'Union européenne.
Q - Est-ce que l'atmosphère a été plus détendue à Nicosie au sommet entre les ministres des Finances ? Plus que par le passé ?
R - Écoutez, je n'étais pas en poste il y a six mois. Mais oui j'ai trouvé l'ambiance tout à fait agréable. Nous avons certes des divergences mais nous nous parlons de façon positive avec une idée commune qui est d'arriver à des accords positifs. Donc il y a une lumière au bout du tunnel.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 septembre 2012
Elles sont très proches aussi dans le domaine de la politique étrangère. Au fond sur tous les sujets brulants de la planète, qu'on aille vers la Syrie, l'Afghanistan, l'Iran, la France et la Grande-Bretagne travaillent de concert, le font de manière extrêmement proche. Nous avons aussi des coopérations très puissantes dans le domaine de l'énergie, et la présence de l'industrie française ici, notamment dans le domaine du nucléaire, est très forte. Nous développons des coopérations dans le domaine spatial. Nous sommes également dans une excellente coopération dans les matières de justice, de sécurité, de police, et l'ambassadeur nous rappelait notamment que la France avait beaucoup contribué à la sécurité des Jeux Olympiques.
Donc, c'est dans ce contexte que je suis ici et que je me suis entretenu avec George Osborne. Évidemment, le fait que la Grande-Bretagne n'appartienne pas à la zone euro - je n'ose pas dire «pas encore» car je n'ai pas l'impression que ce soit pour tout de suite - fait que nous sommes dans une situation un peu différente entre un pays qui est au coeur de la zone euro, la France, et un pays qui est à l'extérieur, la Grande-Bretagne.
Néanmoins, ce que je veux dire c'est qu'avec George Osborne nous sommes tombés d'accord sur un principe, qui est de toujours essayer de faciliter la vie de l'autre : faire en sorte que, dans les évolutions qui sont celles de la zone euro, eh bien nous prenions en compte les difficultés, les spécificités, les interrogations britanniques.
Et, à l'inverse, nous avons demandé à nos amis britanniques de comprendre à quel point il était important pour nous que la zone euro se développe, qu'elle garde son intégrité, qu'elle résolve ses problèmes. Quand on est dans la même union, l'Union européenne, avec des économies aussi interdépendantes, à l'évidence la façon dont la zone euro surmonte ou surmontera demain et veut surmonter ces difficultés a un impact sur l'économie du Royaume-Uni. À l'inverse le Royaume-Uni peut jouer un rôle par son influence, parce que beaucoup de décisions doivent être prises à l'unanimité à 27 pour favoriser la sortie de crise dans la zone euro.
Nous avons fait un large tour d'horizon, en parlant notamment de la situation de la zone euro justement, des solutions à apporter à la situation grecque, à la situation espagnole, nous avons parlé de l'union bancaire. Lorsque j'étais à Nicosie, j'ai pu apprécier la position ouverte favorable, compréhensive du Royaume-Uni. J'ai moi-même pu dire à George Osborne que nous serions attentifs aux préoccupations qui pourraient être celles du Royaume-Uni.
Nous avons envisagé nos coopérations bilatérales dans le domaine économique, dans le domaine industriel. Nous avons aussi examiné un certain nombre de dossiers que nous avions à défendre ensemble ou séparément, au niveau de l'Union européenne, notamment dans la régulation bancaire et financière.
Au total, il est vrai que, dans des cadres multilatéraux, c'est notre première rencontre bilatérale, mais on s'est déjà vu souvent avec George Osborne. Je dirais que cela a été un contact positif, fructueux, amical, où nous avons décidé pour l'avenir non pas de cacher nos désaccords, mais de tâcher aussi toujours, systématiquement de rapprocher nos points de vue.
J'ajoute, pour terminer ce propos introductif, que je tiens à féliciter la Grande-Bretagne pour la réussite des Jeux Olympiques et des Jeux Paralympiques. Je suis ici alors que ce matin le président de la République recevait à l'Élysée tous nos athlètes médaillés lors de ces jeux, que évidemment la planète entière a regardés, moi aussi, et qui ont été magistralement organisés ici à Londres.
Je veux aussi dire bien sûr toute la sympathie, la compassion que nous éprouvons pour ce terrible drame de Chevaline qui a endeuillé une famille britannique, qui a ému l'opinion française et l'opinion britannique, et dire que dans ce domaine aussi la coopération est exemplaire pour faire en sorte que ceux qui ont commis ce forfait épouvantable, terrible, puissent être identifiés, et ensuite punis. Voilà ce que je voulais dire pour commencer, mais je suis maintenant disponible pour répondre à vos questions de manière plus précise.
Q - Étant donnés les coûts d'emprunt pour l'Espagne, est-ce que vous pensez qu'ils ont encore besoin d'un plan de sauvetage ?
R - C'est une question de souveraineté. Je ne pense pas que nous ayons à décider, à trancher pour le gouvernement espagnol. Tout ce que je peux dire c'est que si le gouvernement espagnol demande le cas échéant une solution ou une intervention de la Banque centrale ou d'États membres et au moment où il le fera, après la décision prise par la BCE et après nos échanges au sein de l'Eurogroupe, tous les outils seront disponibles. Nous donnerons suite à toute demande qui émanerait éventuellement du gouvernement espagnol. Mais nous ne devons pas leur donner de conseils, nous ne devons pas prendre la décision à leur place, c'est une question de souveraineté nationale. Donc, nous sommes à leur disposition, les outils existent mais nous n'avons pas à faire la demande à leur place.
Q - (au sujet du projet de fusion EADS / BAE
R - Écoutez, je ne vous dirai évidemment pas que nous l'avons appris par la presse mais cela s'est trouvé dans la presse. Nous examinons ce projet, nous le faisons avec les Allemands. Nous l'avons fait avec les Allemands, il y a une semaine, et nous posons un certain nombre de questions concernant les aspects stratégiques de cette fusion, les effets industriels, les synergies éventuelles entre les deux entreprises et la gouvernance de l'entité, l'avenir de notre industrie de la Défense, les conséquences que cela aurait pour la France, notamment pour l'emploi. Nous examinerons les choses à la lumière de la réponse à ces questions. Cela prendra du temps et nous le ferons avec nos amis allemands.
Q - Vous avez dit que vous avez appris par la presse... ?
R - Non, je disais que je serais mensonger si je disais que je l'ai appris par la presse. Je ne l'ai pas appris par la presse. Mais c'est dans la presse.
Q - D'accord, est-ce que vous pouvez nous donner un peu de détails, comment cela s'est passé parce que c'est quand même quelque chose...
R - Absolument pas.
Q - C'est bien dommage...
R - Je n'ai pas un mot de plus à dire là-dessus.
Q - D'accord ; est-ce que vous avez souhaité qu'une entité soit séparée, soit créée pour pouvoir protéger les positions militaires de la France ? Vous avez cité les accords de Lancaster, qui sont très puissants entre la France et l'Angleterre, toutefois l'Angleterre est l'alliée des États-Unis, donc est-ce que vous allez souhaiter avoir une entité particulière, notamment pour les missiles balistiques. Comment vous souhaitez que cela se passe ?
R - Pas un mot de plus. Tout cela nécessite un examen approfondi et discret. Discret mais profond.
Q - Vous parlez de l'union bancaire européenne. L'union bancaire européenne nécessitera une forme de soutien britannique ; en échange de ce soutien britannique, quelles sont les concessions que la zone euro devra faire ?
R - Nous allons en parler avec nos amis britanniques ; je crois qu'ils souhaitent que les intérêts du système bancaire britannique soient préservés dès lors qu'existe un superviseur unique. D'un autre côté, nous avons dit à Nicosie, c'est ce que j'ai dit, que les pays qui n'étaient pas dans la zone euro pouvaient bien sûr bénéficier, s'ils le souhaitaient, de ce mécanisme de supervision. C'est une question qui concerne en effet pas seulement la zone euro mais l'ensemble du marché intérieur.
Ce que j'ai noté à Nicosie déjà, et encore aujourd'hui, c'est qu'il y avait une convergence de vue sur beaucoup de sujets. La Grande-Bretagne, comme nous, souhaite qu'il y ait un superviseur unique, qui soit la Banque Centrale Européenne, même s'il y a des superviseurs nationaux qui travaillent au quotidien. J'ai noté aussi que la Grande-Bretagne, comme nous, souhaitait que la totalité des banques soient concernées, et pas cette division que je juge un peu abstraite entre des banques systémiques et d'autres banques ; et que la Grande-Bretagne comme nous s'inscrivait, si c'est possible, dans un calendrier rapide.
Je rappelle qu'au Conseil européen nous avons décidé, les chefs d'État des gouvernements ont décidé, que ce serait d'ici à la fin 2012 que serait adopté ce mécanisme de supervision bancaire. Pour ma part, j'ai reçu cela de manière positive. George Osborne, à Nicosie, a apporté son appui sur tous ces points, au projet de la commission.
Il faut aussi prendre en compte ce que peuvent être les difficultés britanniques. Nous sommes convenus de travailler ensemble là-dessus, parce que, comme vous le dites en effet, la Grande-Bretagne sera partie-prenante de la décision. Et si une économie financière aussi importante acte le fait que la supervision bancaire est nécessaire, que la régulation bancaire est nécessaire et positive pour éviter les sinistres difficultés que nous avons connues dans les dernières années, c'est une très bonne chose.
Q - Sur la supervision bancaire, concrètement, est-ce que vous pensez que la structure pourra commencer au 1er janvier 2013 ?
R - Mon point de vue est le suivant : je crois qu'il nous faut trouver un accord, au sein de l'Union européenne avant la fin 2012. Ensuite, la mise en oeuvre devrait être aussi rapide que possible. Il y a un lien très clair entre la supervision bancaire et l'éventualité d'avoir une recapitalisation directe des banques en difficulté en Europe.
C'est précisément ce que prévoient les conclusions du Conseil européen des 28 et 29 juin, et je ne vois pas pourquoi nous ne les respecterions pas.
C'est exactement là l'objectif politique, et le calendrier doit suivre le mandat politique. Nous, ministres des Finances, chanceliers etc., c'est le mandat que nous avons reçu de la part de nos chefs de gouvernement. Donc, avançons aussi rapidement que possible. Je crois que nous partons d'une base solide, à savoir la proposition de la Commission, et donc mettons-nous au travail, poursuivons le travail. C'est un document excellent, une proposition excellente, dont nous disposons. Nous avons donc une base très solide de discussion.
Q - La plupart des gens ont l'air de penser qu'on a gagné du temps grâce aux actions, aux décisions récentes au niveau de la zone euro ; est-ce que vous appelleriez les pays comme l'Espagne, qui auront peut-être besoin d'aide, à se décider rapidement, et à ne pas gaspiller le temps qu'on a réussi à gagner, grâce aux décisions du MES et à d'autres ?
R - J'ai déjà, je crois, répondu à la question en disant que c'était une question de souveraineté et que c'était à l'Espagne de trancher, d'en décider par elle-même. Je ne ferai aucunement pression dans ce sens. C'est à ce pays d'en décider, c'est à lui de trancher. Il sait ce qu'il a à faire et il connaît les outils. Mais bien sûr qu'il y a ces discussions, bien sûr qu'elles existent.
Q - Je voulais préciser un point, vous avez dit la Grande-Bretagne est d'accord avec vous pour dire que toutes les banques devraient être comprises dans ce mécanisme et que cela devrait aller vite.
R - Écoutez, je ne suis pas le porte-parole de George Osborne, mais je me souviens ce qu'il a dit à Nicosie, quand il s'est félicité de la proposition de la Commission qui est la suivante : nous mettre d'accord sur ce texte d'ici à la fin 2012 ; que toutes les banques devraient être couvertes ; et qu'il y aurait un superviseur unique. Mais vérifiez auprès de lui.
Mais en ce qui concerne l'architecture de la proposition, il y a un large accord entre la France et la Grande-Bretagne. Donc sur la base de la proposition de la commission et dans son sens, nous considérons tous deux, que ces deux propositions pourraient et devraient être la base d'un accord.
Bien sûr la Grande-Bretagne a des préoccupations qui lui sont propres. Je les ai écoutées et ai décidé de travailler en ce sens. Nos deux ministères vont avoir des échanges de vues pour faciliter le rapprochement car il est nécessaire d'avoir un accord britannique, accord qui serait un argument très fort dans ce sens.
Q - L'euro s'est renforcé récemment. Dans quelle mesure pensez vous que cela va être un risque par rapport à la reprise éventuelle dans la zone euro ? Il faudrait que la BCE fasse plus pour affaiblir l'euro et donc pour encourager la croissance ?
R - Écoutez, premièrement nous avons un principe qui est que la Banque Centrale Européenne est indépendante.
Deuxièmement, nous n'intervenons pas au niveau du change je n'ai donc rien à dire en la matière, à une exception près : je suis convaincu que tout ce qui renforce l'euro (je ne parle pas du niveau de la devise uniquement) est bon pour la zone euro. Ce qu'il nous faut, c'est tenter d'obtenir une solution globale générale et structurée à nos difficultés. Prenez la croissance, on sait que l'Europe est en récession, c'est le cas de la Grande-Bretagne, c'est le cas de beaucoup de pays de la zone euro. La France, elle, est en période de stagnation. Si on veut retrouver le chemin de la croissance, ce qu'il nous faut, ce n'est pas un ajustement de la devise, c'est la fin de l'incertitude, c'est arriver à retrouver la stabilité, arriver à voir que la zone euro est un endroit sûr où l'on peut investir et créer des emplois. J'étais en Grèce la semaine dernière, le Premier ministre et d'autres ministres m'ont dit qu'il y avait une «drachmophobie». La peur de revenir à la drachme. Ce n'est pas la même situation partout en Europe mais tant qu'il n'y a pas de solutions profondes, structurées et globales au problème il demeurera cette incertitude. Cela représente un risque pour l'innovation, etc. et c'est la raison pour laquelle il est important de stabiliser la zone euro et de poser les jalons d'un accord structuré et global.
Q - Dernière question : Je travaille pour Reuters, vous avez parlé de faire de la zone euro, une «Europe plus sûre». Est ce que l'on s'est rapproché de cet objectif depuis 6 mois ?
R - Je crois que c'est le cas, oui. Vous me direz peut être que je ne suis pas objectif, mais je crois que la présidentielle française y a contribué. Voyez où l'on était il y a 6 mois : l'Europe était entre l'instabilité et l'austérité. Je crois que lentement on passe à une situation où l'on pourra arriver à la stabilité et à la croissance. Des progrès ont été réalisés au cours des derniers mois. J'en citerai un certain nombre.
Premièrement : un ensemble de mesures pour la croissance au Conseil européen de juin.
Deuxièmement : nous avons décidé de faire un pas vers l'union bancaire, avec cette supervision européenne dont nous venons de parler.
Troisièmement : on a posé les jalons pour les décisions de la BCE.
Quatrièmement : la décision de M. Draghi dont je me félicite.
Alors j'ai dit, quelle que soit la décision prise par l'Espagne il y a les outils qui sont là pour une intervention. Non seulement pour l'Espagne, mais pour d'autres également. Donc, c'est une protection contre la spéculation. C'est sans doute ce qui rassure les marchés maintenant. La décision de la cour de Karlsruhe, sur le MES qui entrera en fonctionnement début octobre aussi. Enfin, les élections aux Pays-Bas. Certains craignaient que le sentiment anti-européen et les partis anti-Europe l'emportent. C'est le contraire qui s'est produit. Les partis pro-européens ont gagné les élections très largement.
Donc les choses s'améliorent, mais que devons nous faire ? Il nous faut mettre en oeuvre ce à quoi on s'est engagé. Et les décisions qui sont bonnes sur le papier en principe doivent être maintenant traduites dans la réalité, et c'est la raison pour laquelle je dis ne perdons pas de temps. Allons-y rapidement, pas trop vite, car je sais quel est le rythme précisément de l'Union européenne.
Q - Est-ce que l'atmosphère a été plus détendue à Nicosie au sommet entre les ministres des Finances ? Plus que par le passé ?
R - Écoutez, je n'étais pas en poste il y a six mois. Mais oui j'ai trouvé l'ambiance tout à fait agréable. Nous avons certes des divergences mais nous nous parlons de façon positive avec une idée commune qui est d'arriver à des accords positifs. Donc il y a une lumière au bout du tunnel.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 septembre 2012