Déclaration de Mme Aurélie Filipetti, ministre de la culture et de la communication, sur la diversité culturelle, la promotion de la langue française et le développement des coopérations culturelles, Paris le 29 août 2012.

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Circonstance : xxxème Conférence des Ambassdeurs à paris du 27 au 29 août 2012

Texte intégral

a/ La culture tient une place essentielle dans la lutte d'influence qui repose sur la capacité à peser sur les idées, à s'interroger sur le sens des changements et s'efforcer d'y apporter des réponses.
Elle tient cette place d'abord parce que les artistes sont au coeur de cette interrogation fondamentale. C'est une dimension qui n'est pas souvent évoquée lorsqu'on parle de diplomatie d'influence mais les artistes ne cessent d'interroger la société dans laquelle ils vivent, de la décrire mais aussi et surtout de l'interpréter avec les moyens qui sont les leurs : la peinture, la littérature, la musique, le cinéma, le chant, la danse et aujourd'hui, sans doute parce que le monde dans lequel nous vivons est si complexe, en mixant toutes les disciplines et en utilisant un médium qui devient lui-même un instrument de création artistique : le numérique.
b/ La diplomatie d'influence, c'est le métier des diplomates, c'est votre métier. Vous êtes les mieux placés pour savoir combien l'action culturelle internationale est un vecteur depuis longtemps privilégié par notre pays.
La France est une nation de culture. C'est grâce à sa culture que la France existe dans l'esprit et dans le coeur de millions d'êtres humains, des plus éloignés aux plus proches, du coeur de l'Afrique, de l'Amérique ou de l'Asie à nos voisins européens. La culture est au coeur de l'échange entre les sociétés civiles.
Nous avons su imposer l'exception culturelle en faveur de la diversité culturelle, qui fait que les biens culturels ne sont pas des biens marchands comme les autres. Cette exception permet de favoriser la création, la production et la diffusion des oeuvres culturelles françaises et francophones, mais aussi des oeuvres de toutes les cultures qui aspirent à exister.
A l'heure d'internet, la bataille contre l'uniformité, pour cette indispensable diversité culturelle, devient encore plus âpre. C'est le sens de l'initiative lancée pour un « Acte 2 de l'exception culturelle » et de la mission confiée pour cela à Pierre Lescure. Dans ce domaine la France a un rôle à jouer et doit savoir fédérer ses partenaires européens en commençant par ceux dont la revendication d'identité culturelle est la plus forte – ce sont souvent les « petits » partenaires. Je vais aller à leur rencontre ; j'ai d'ailleurs commencé.
c/ Nous devons valoriser l'image culturelle de la France, qui est forte et respectée.
Il faut fixer les priorités. Pour ce qui concerne le ministère de la culture et de la communication, j'en vois trois principales.
D'abord le développement des coopérations artistiques et de la promotion des artistes français à l'étranger. Ces coopérations que vous connaissez bien sont possibles grâce à un réseau culturel modernisé, adapté aux évolutions du monde et professionnalisé.
Elles sont possibles surtout parce qu'elles sont à présent fondées non pas sur l'idée d'exportation de la culture mais sur l'idée d'échange. Nous aidons les créateurs et les productions françaises à aller vers le monde ; et dans le même temps nous contribuons à faire venir en France des créateurs du monde entier et leurs œuvres.
Cela fait partie du respect dû aux partenaires étrangers, qui est un élément essentiel de la politique culturelle extérieure. Il ne s'agit plus d'exporter un modèle culturel mais de développer les coopérations et les opérations culturelles communes. Ainsi nous favoriserons les actions de long terme, porteuses d'avenir, et non pas des « coups » à l'effet éventuellement remarqué, mais vite oublié.
Cet échange culturel et le mouvement qui l'accompagne est aussi le meilleur moyen pour nous d'être au fait des évolutions du monde de l'art et de la culture, du développement des nouvelles tendances.
Il nous permet aussi de nourrir un courant qui enrichit tous les secteurs, de la littérature au cinéma, du spectacle vivant et de la musique aux arts plastiques.
Enfin, cette dynamique d'échange se traduit sur le plan économique parce qu'elle permet la circulation des œuvres et des productions, et qu'elle entraîne un courant entre artistes, entre producteurs, éditeurs, labels, bref, entre les acteurs des filières culturelles.
Je crois également nécessaire d'améliorer la cohérence des moyens de diffusion audiovisuelle. L'existence d'une radio et de télévisions francophones est un vecteur essentiel de la diplomatie d'influence, non tant par les idées et les messages qui sont diffusés, que par le mode de pensée qui est ainsi véhiculé et qui nous caractérise.
Ces outils de diffusion audiovisuels ont fait leurs preuves tant en termes d'audience que de qualité. Mais ils sont soumis à de fortes pressions, tant en raison de la situation budgétaire que nous connaissons, que de l'évolution du paysage mondial.
Il faut donc adapter le dispositif, c'est un enjeu essentiel. Des réformes ont été engagées, elles vont être complétées et poursuivies.
Nous avons enfin besoin d'une politique cohérente de défense et de promotion de la langue française dans le monde. Nous avons oeuvré à la création de l'Organisation internationale de la francophonie, acteur majeur de la diplomatie culturelle des pays qui ont le français en partage.
Pour ce qui concerne plus particulièrement le ministère de la culture et de la communication – puisque nous sommes là dans un domaine où nos deux ministères interviennent – la dimension qui me paraît importante est celle de la dimension culturelle de notre langue, et donc au premier chef de la diffusion des oeuvres des créateurs francophones et d'une manière générale des productions françaises et francophones.
La présence du français sur Internet est à cet égard essentielle. Je crois que dans ce sens également nous devrions travailler plus étroitement avec l'OIF.
d/ Pour mettre en oeuvre ces priorités, nous disposons d'importants moyens dans le domaine culturel.
J'ai déjà évoqué le dispositif audiovisuel ; je n'y reviens pas.
Nous disposons d'un considérable savoir-faire dans de nombreux secteurs : la muséographie, l'architecture, la restauration du patrimoine, l'ingénierie culturelle. Il nous faut davantage le valoriser.
Nos grands établissements publics (le président de l'un d'entre eux, oserai-je dire du plus renommé, est assis à cette table) ont développé ces dernières années une intense action internationale. L'Ecole du Louvre et l'Institut national du Patrimoine offrent des formations ouvertes à nos partenaires étrangers. Nos scènes nationales et nos grands orchestres sont plus que jamais amenés à travailler à l'étranger, les collections de nos grands musées circulent dans le monde, la Bibliothèque Nationale de France multiplie les partenariats avec les pays du monde entier. L'Institut National de l'Audiovisuel est aujourd'hui une référence pour de nombreux pays et le Centre National de la Cinématographie et de l'image animée développe des accords de coproduction avec de très nombreux pays. Le Louvre d'Abou Dhabi est un projet sans précédent. Les établissements d'enseignement supérieur, artistiques et culturels, nouent de nombreux partenariats internationaux. Le nouveau MuCEM à Marseille, qui ouvrira ses portes au début de l'année prochaine, est l'exemple le plus récent d'une action culturelle à dimension diplomatique. Toutes ces institutions sont les vecteurs d'une politique d'influence culturelle. Mais nous exportons aussi nos concepts, qu'il s'agisse d'initiatives nationales ou locales : la Fête de la musique, la Nuit blanche, les Folles journées.
Nous disposons également d'une belle capacité d'échanges artistiques, d'ouverture et de dialogue culturel qu'il nous faut développer. Nos grands établissements publics font une très large part à l'accueil des œuvres étrangères au travers d'expositions, de coproductions ; nos grands festivals ,Cannes, Aix, Avignon sont mondialement connus et reconnus car ils se sont ouverts depuis plusieurs années aux œuvres du monde entier. La politique culturelle française a une tradition universaliste et c'est un atout qu'il convient de préserver en contrepoint à la globalisation et à la standardisation. Le meilleur exemple est le nouveau dispositif, le fonds des cinémas du monde qui s'est substitué au Fonds Sud et dont l'objectif est de soutenir l'expression de la diversité des cinémas du monde entier.
Et nos industries culturelles sont actives et présentes dans le monde entier. C'est le cas de la musique et du cinéma, bien sûr, mais je veux aussi mentionner le rôle très actif des créateurs et des entrepreneurs français dans la création graphique, les jeux vidéo, l'animation en 3D.
e/ Ce que je viens de vous exposer, c'est le ministère de la culture au service de votre action, de votre action diplomatique, de notre diplomatie d'influence.
C'est aussi un ministère de la culture conscient de son rôle économique et actif pour le développement de la présence y compris commerciale de la France dans le monde.
Nous savons tous ici que la période budgétaire est difficile – pour tous les ministères. Il nous faut donc mieux utiliser les moyens dont nous disposons, mieux trouver les ressources nouvelles – je pense bien sûr au mécénat, mais je sais que vous tous ici travaillez pour lever des fonds auprès des partenaires, entreprises et fondations.
En particulier il nous faut mieux et davantage travailler ensemble. Je me réjouis de la qualité de la collaboration entre les services et établissements du ministère de la culture et vos postes, vos conseillers et attachés culturels, vos directeurs d'instituts et d'alliances françaises, les établissements d'enseignement français à l'étranger. Je souhaite qu'elle prospère. Nous pouvons faire mieux et davantage.
C'est ce que j'ai dit à Nantes au réseau culturel, je vous le redis : le ministère de la culture est à vos côtés, à votre service, pour le succès de l'action culturelle extérieure de la France.Source http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 11 septembre 2012