Texte intégral
Q - Bonsoir. Laurent Fabius, le ministre des affaires étrangères, est l'invité de «Tous politiques». Bonsoir à vous et bienvenue sur ce plateau.
R - Ravi d'être avec vous.
Q - Nous évoquerons dans un premier temps avec vous les questions d'actualité et, bien évidemment, les suites du coup de filet anti-terroriste survenu hier. Christophe Châtelot, du journal Le Monde, nous rejoindra et vous interrogera sur les grands dossiers qui vous concernent, les grands dossiers internationaux entre guerre en Syrie notamment et conflit au nord Mali. Puis Philippe Massonnet de l'AFP, vous questionnera sur la diplomatie économique - de quoi s'agit-il ? - dont vous êtes aujourd'hui le promoteur. Nous évoquerons une question liée également aux investissements du Qatar en France. Avant notre tir croisé final, les réactions et les questions des auditeurs, des internautes dès maintenant sur twitter, hashtag#touspol - et sur lemonde.fr.
Alors Laurent Fabius, au lendemain du démantèlement d'une cellule islamiste - faut-il le rappeler : une personne tuée, le chef présumé, onze interpellations - François Hollande a reçu ce matin la communauté juive de France à l'Élysée et a promis une mobilisation totale de l'État contre le terrorisme. Alors question : de quelle manière cela va s'exprimer et y a-t-il une menace réelle en France ?
R - Il y a une menace sur toutes les démocraties et je pense que le terme qu'il faut retenir, c'est celui de fermeté absolue. Il y a une menace sur toutes les démocraties parce qu'il y a malheureusement dans le monde un certain nombre de terroristes,- qu'il ne faut absolument pas confondre avec l'ensemble des musulmans, pas d'amalgame -, qui veulent tuer et donc par rapport à cela, il n'y a qu'une attitude possible, une fermeté absolue en amont. C'est-à-dire qu'il faut essayer de déceler les réseaux et cela n'est pas facile parce que l'on voit qu'il y a des personnes isolées qui se lancent dans ces attentats. Et puis, il faut, lorsque telle action répréhensible est commise, être absolument sans pitié.
Q - Manuel Valls, le ministre de l'intérieur, a parlé de réseaux qui ne venaient pas de l'extérieur de la France mais de Français convertis, c'est nouveau...
R - Oui, c'est nouveau, c'est vrai. Auparavant, il y a souvent eu un terrorisme latent avec des réseaux organisés mais là, d'après tout ce que l'on peut savoir, il s'agit d'individus qui n'ont pas nécessairement de connexions établies avec l'étranger. Il faut donc être d'autant plus vigilant. Mais c'est l'attitude du gouvernement, François Hollande l'a redit ce matin, et nous travaillons étroitement les uns avec les autres, enfin l'ensemble des membres du gouvernement concernés.
Q - Est-ce à dire que le gouvernement a prévenu une nouvelle affaire Merah ?
R - Vous savez, on fait tout ce que l'on peut et doit faire mais je crois que, malheureusement, la sécurité absolue est difficile à établir. En tout cas, il faut prendre toutes les précautions et c'est la consigne qui est donnée à tous les services.
Q - Alors Laurent Fabius, le gouvernement prépare une loi antiterroriste qui vise à - je cite - la détection de Français partant s'entraîner au Jihad dans des zones de combat mais également la propagande par Internet. On a envie de vous dire : encore une loi !
R - Oui, mais là c'est différent. C'est vrai qu'il y a une faille dans notre législation, c'est qu'auparavant, on ne pouvait agir que lorsqu'il y avait un fait établi à l'étranger. On s'aperçoit, compte tenu de ce que vous avez dit, qu'il faut agir en amont et c'est le but de cette législation qui, je crois, sera adoptée par tout le monde.
Q - Alors nous avons le chef présumé, Jérémy Louis-Sidney, 33 ans, connu des services de police pour des faits de délinquance auparavant, qui attendait les policiers les armes à la main, il voulait mourir en martyr. Comment expliquer, Laurent Fabius, cette radicalisation à laquelle nous assistons chez certains individus en France ? Comment l'expliquer sociologiquement ?
R - Il n'y a pas d'explication facile. Mais je pense que - pour proposer une grille d'interprétation, dans un monde où les références classiques ont disparu -, certains individus malheureusement ne trouvent au fond le sens de leur vie que dans la mort, dans l'extrémisme, dans le terrorisme. Et c'est quelque chose évidemment que la société ne peut pas admettre. Donc je le répète : fermeté absolue.
Q - La prison est également, cela a été dit dans de nombreux témoignages, reportages, une sorte d'école du Jihad avec des recrutements à l'islam radical, c'est un problème ?
R - Oui, bien sûr, c'est un problème. Là aussi, il ne faut pas non plus généraliser mais on l'a vu au moment de l'affaire Merah en particulier. Donc des dispositions sont prises pour que, autant qu'on le peut, la prison ne serve pas d'école du crime du Jihad et du terrorisme.
(...)
Q - Alors le ministre des affaires étrangères a aussi un regard sur la politique intérieure de ce pays ; vous êtes numéro deux du gouvernement, après tout, ancien ministre de l'économie, ancien Premier ministre. La situation économique, Laurent Fabius, croissance nulle pour la France : on peut parler d'un risque de récession dans les mois qui viennent ?
R - C'est vrai que la situation de toute l'Europe est difficile. Vendredi, nous étions à Malte avec le président de la République et nous rencontrions à la fois le président du gouvernement espagnol, le Premier ministre italien, le Premier ministre portugais et le président de la Commission européenne et nous avons fait un tour d'horizon : partout la situation est difficile. Il n'y a qu'en Allemagne, semble-t-il, qu'il y a une légère croissance. Nous, nous sommes à zéro en 2012 et les pays dont je parle sont en décroissance. Donc c'est une situation très compliquée. C'est la raison pour laquelle il faut à la fois - c'est toute la difficulté du pilotage - être sérieux budgétairement et en même temps utiliser toutes les marges de croissance possible. C'est pourquoi les décisions qui ont été prises lors du Conseil européen du mois de juin, vous vous rappelez, doivent maintenant entrer en application pour redonner confiance à l'Europe. Mais c'est vrai qu'il y a une inquiétude qui existe partout. On le voit d'ailleurs lorsqu'on discute avec des chefs d'entreprise, avec des salariés, tout le monde est inquiet.
(...)
Q - Alors je m'adresse à celui qui jadis a voté non de façon éclatante en 2005 : le traité européen sera voté en première lecture, mardi à l'Assemblée nationale visiblement Laurent Fabius, avec les seules voix de la gauche, si la comptabilité est exacte. (...)
R - (...) Vous faites référence au vote que j'ai émis en 2005 et le vote que je recommande cette fois-ci est tout à fait dans la même ligne. En 2005, je considérais - mais les choses sont derrière nous, qu'il fallait réorienter l'Europe et que le traité constitutionnel qui nous était proposé, ne le permettait pas ; c'est la raison pour laquelle j'avais voté non et la majorité des Français aussi. Aujourd'hui, il y a eu un rééquilibrage que personne ne peut contester puisqu'en même temps que le texte, il y a toute une série de décisions qui ont été prises notamment au mois de juin, qui permettent un début de réorientation européenne et c'est ça qui nous permet aujourd'hui de demander de voter oui. Donc je crois, j'espère, que le texte sera voté à la fois par une majorité de gauche et aussi par des députés de droite.
Q - Sur le traité européen
R - Je pense que le texte sera adopté et ce sera une bonne chose, pourquoi ? Il y a plusieurs raisons qui expliquent qu'il faille voter pour ce texte : la première raison, c'est que comme je viens de vous le dire, c'est une réorientation européenne, sans doute le début mais si on veut aller à la phase 2, il faut déjà voter la phase 1 ; - la deuxième raison, c'est que si par malheur, ce texte n'était pas adopté, il y aurait une crise absolument terrible en Europe dont la France serait la victime et en même temps elle n'aurait pas les moyens de se défendre puisqu'elle serait privée de moyens d'action.
Q - Alors avant de passer à la deuxième partie de cette émission, une réaction sur lemonde.fr qui complète ma question d'ailleurs : pourquoi non, nous dit Stéphane sur lemonde.fr, non en 2005 et oui maintenant ?
R - Je viens de l'expliquer...
Q - Votre oui est-il uniquement un oui de solidarité gouvernementale ?
R - Non pas seulement, ce serait déjà important mais la réorientation européenne a commencé. Par exemple je me rappelle que depuis très longtemps nous avons demandé une taxe sur les transactions financières, nous n'arrivions pas à l'obtenir. Eh bien, grâce à ce qui a été décidé au mois de juin, nous allons l'avoir ; c'est un point important. Nous demandions - vous le rappeliez - que la Banque centrale européenne puisse intervenir de manière beaucoup plus forte. Grâce aux décisions prises par Mario Draghi à la suite en particulier des demandes françaises, italiennes et autres, nous y sommes parvenus.
Q - C'est un vrai oui finalement.
R - Oui, il n'y a pas d'ambigüité.
Q - Nous accueillons Laurent Fabius dans «Tous politiques» ; nous accueillons à présent Christophe Châtelot du journal Le Monde.
Bonsoir Christophe Châtelot. Premier sujet bien évidemment avec vous, le conflit en Syrie.
Q - Oui. Bonsoir Monsieur le Ministre. C'est un dossier on ne peut plus lourd : en 18 mois, on est passé d'un état de contestation interne à la Syrie à un conflit quasi-généralisé. On voit à la frontière turco-syrienne que des bombardements ont lieu ces derniers temps ; est-ce qu'il y a un vrai risque de contagion de ce conflit aujourd'hui ?
R - Oui, il y a un risque. C'est vrai que c'est devenu un conflit qui n'est pas simplement interne mais qui est devenu régional et même international. Il y a un risque de contagion en Turquie puisque la Syrie a porté atteinte au territoire turc et la Turquie a répliqué. Nous avons fait connaître notre solidarité avec les Turcs qui étaient attaqués et dans le même temps il ne faut pas qu'il y ait d'escalade. Donc il faut rester mesuré si je puis dire.
Mais il y a aussi un risque vis-à-vis du Liban puisque Bachar Al-Assad veut absolument exporter le conflit et le gouvernement libanais est très sage de refuser cette exportation du conflit.
Et puis il y a un risque en Jordanie puisque le nombre des réfugiés dans ce pays ne cesse d'augmenter, on approche de l'hiver avec des conditions extrêmement difficiles.
Donc c'est une des raisons supplémentaires pour lesquelles il faut faire en sorte que ce conflit s'arrête vite. Et sur la question de la contagion, c'est un des points sur lesquels je discute beaucoup avec mon homologue russe, M. Lavrov qui me dit toujours «il ne faut pas intervenir, c'est une affaire qui est interne». Je lui dis : non, ce n'est pas une affaire interne ; c'est un conflit qui par son ampleur risque de mettre le feu à l'ensemble de la région.
Q - Mais ce sont des arguments qu'il entend depuis le début de la crise, ça dure depuis dix-huit mois... et qu'est-ce qui pourrait le faire changer d'avis aujourd'hui et faire changer d'avis les Chinois aussi ?
R - Écoutez, je vais vous dire ce que nous, nous faisons, nous les Français. D'abord, nous essayons de travailler à l'unification de l'opposition parce que l'un des arguments qu'utilise Bachar Al-Assad auprès de ses partisans et partenaires, est le suivant : oui c'est sans doute une dictature. Mais si je ne suis plus là - Bachar Al-Assad - qui viendra à ma place ? Ce sera le chaos. C'est déjà le chaos et un chaos mortifère aujourd'hui.
Mais si on veut préparer le jour d'après, il faut rassembler l'opposition. Il va y avoir bientôt à Doha, et puis sans doute au Maroc, des réunions pour rassembler l'opposition. Nous intervenons nous aussi, Français, sur ce qu'on appelle les zones libérées de façon tout à fait exemplaire et d'autres pays veulent suivre notre exemple.
Et puis il y a l'action diplomatique. Malheureusement elle est bloquée parce qu'au conseil de sécurité, les Russes et les Chinois disent non mais ça ne pourra pas durer éternellement. Quand vous avez déjà 30.000 morts, 300.000 blessés, plus d'un million de personnes déplacées, c'est un conflit épouvantable. Donc, il y a un moment, et le plus tôt sera le mieux, où il faut que cela s'arrête. Bachar doit partir.
Q - Quand vous dites «rassembler l'opposition», est-ce que cela veut dire que l'on peut discuter avec tout le monde d'abord ? Est-ce que toutes les oppositions syriennes sont fréquentables ou pas ? Et est-ce que vous n'avez pas le sentiment qu'il y a quand même un décalage entre l'opposition syrienne en exil à l'étranger et celle qui est sur le terrain, qui se bat et qui perd des hommes tous les jours ?
R - C'est toujours une difficulté, vous avez raison de le souligner. Lorsqu'il y a des conflits de ce type, il y a des gens qui sont à l'extérieur, des gens qui sont à l'intérieur. Les uns et les autres sont des gens très courageux mais ceux de l'intérieur ont tendance à considérer qu'ils sont peut-être plus représentatifs que ceux étant à l'extérieur.
Donc, nous, notre tâche, c'est d'essayer de rassembler toutes ces tendances. Quand je dis nous, ce n'est pas seulement la France - nous travaillons aussi avec les Turcs, avec les Allemands, les Italiens, les Américains et d'autres. Et puis, évidemment - vous avez posé la question «est-ce qu'on peut parler avec tout le monde ?» - il y a ceux qui sont, car il y en a aussi malheureusement, des djihadistes, des terroristes. Ils n'ont pas de place.
Mais, en revanche, là où il faut être très attentif, c'est que le futur gouvernement alternatif reconnaisse les droits de l'ensemble des communautés, à la fois la communauté chrétienne et alaouite. Parce qu'aujourd'hui, Bachar est soutenu par les alaouites mais demain, il faudra que les alaouites aient leur pleine place dans la future Syrie.
Q - Mais, Laurent Fabius, Ismail sur lemonde.fr pose une question qui complète ce qui est dit à l'instant : la présence d'éléments d'Al-Qaïda en Syrie et dans le sud de la Turquie est prouvée ; pourtant la France et les Occidentaux, dit Ismaïl, continuent de les soutenir avec un risque sérieux qu'ils prennent le pouvoir. N'y a-t-il pas là une contradiction avec la politique antiterroriste de la France ?
R - Je ne crois pas. Il y a, c'est vrai, un certain nombre de djihadistes qui sont heureusement ultra-minoritaires. Évidemment nous n'avons aucun contact avec eux et nous ne les soutenons pas. Mais, en revanche nous soutenons directement ou indirectement l'opposition. Si nous ne soutenions pas l'opposition, le risque, c'est que ces forces-là prennent le dessus en Syrie. Et c'est un argument aussi que nous développons auprès des Russes et des Chinois en disant : vous ne voulez pas de terroristes mais si le conflit se poursuit, comme toujours ce sont les plus extrémistes qui l'emporteront. Il ne faut pas que l'on se retrouve par exemple dans la situation irakienne.
Donc, toute la difficulté, c'est à la fois qu'il faut absolument que Bachar «dégage» - pour reprendre un terme qui a été beaucoup utilisé -, mais dans le même temps que les institutions puissent continuer à fonctionner d'une certaine manière car sinon on va avoir un vide qui sera rempli par le terrorisme.
Q - En parlant de l'action de la France, l'ambassadeur de France à Damas qui est aujourd'hui à Paris, racontait récemment dans la presse une pratique qui était un peu surprenante, celle d'apporter de l'argent par valises entières à certains groupes de l'opposition syrienne. Est-ce qu'on est sûr d'abord d'où va cet argent et est-ce que l'on peut vraiment évaluer comment il est utilisé ? Vous n'avez pas peur que cela aille entre de mauvaises mains ?
R - Alors bien sûr, il faut faire très attention que cela n'arrive pas dans de mauvaises mains mais ce dont on s'est aperçu, c'est qu'il fallait que notre aide arrive précisément à ceux qui en ont besoin. Or, quand on donne de l'aide officiellement, malheureusement, elle risque d'être récupérée par le régime de Bachar Al-Assad.
L'une des meilleures manières d'aider concrètement la population syrienne, c'est de travailler comme le fait M. Chevalier, notre ancien ambassadeur en Syrie, dans les zones libérées.
Concrètement, cela veut dire quoi ? Cela veut dire qu'on prend une zone qui a été libérée et qu'on va au contact de cette zone, d'une façon évidemment qui n'est pas officielle. On les aide par exemple à reconstituer une boulangerie industrielle pour que les gens aient à nouveau du pain. On les aide à reconstituer - je vais être très concret - le service des ordures pour que celles-ci ne s'accumulent pas. On les aide à reconstituer leur centrale électrique pour qu'ils puissent avoir, à l'approche de l'hiver, de l'électricité. Il y a aussi des moyens pour l'éducation, pour les médicaments. Tout cela demande de l'argent et donc nous apportons d'ailleurs des petites sommes et c'est tellement efficace que, dans une réunion que nous avons eue récemment à New York, les autres pays, que ce soit des pays arabes qui aident l'opposition ou des pays d'Occident, nous ont demandé de se joindre à cette action pour les zones libérées car cela leur apparaît exemplaire.
Q - Alors Christophe Châtelot, autre dossier, la situation au nord Mali ?
Q - Oui, avec quelques contradictions, des petits points peut-être à préciser puisqu'on a l'impression que la France est vraiment en première ligne sur ce dossier, on l'a vu à l'ONU récemment, qu'elle milite fortement en faveur d'une intervention militaire internationale, et tout à la fois, vous dites qu'il faut que ce soit les Africains eux-mêmes et la CEDEAO qui soient les premiers en ligne. Est-ce qu'il n'y a pas une contradiction entre cette volonté d'être devant et finalement après de dire : non, ce n'est pas nous, ce sont les autres... Comment sortir de cette contradiction ?
R - Je ne crois pas. D'abord un mot sur la question du Mali que vous connaissez très bien - et cela rejoint d'ailleurs ce que vous disiez au début Monsieur Achilli. Le terrorisme : il y a au nord Mali plusieurs milliers de personnes qui sont des terroristes, qui disposent d'armes puissantes dont une partie a été prise à la Libye, d'argent qui vient des trafics d'otages, de drogue et d'armes et qui veulent violer, lapider, amputer, tuer. Et leurs ennemis sont tout ce qui ne leur ressemble pas : à savoir les différents pays d'Afrique à commencer par le Mali, l'Europe et la France. Et par rapport au terrorisme, on ne peut pas transiger.
Alors, le Mali aujourd'hui est divisé puisque toute sa partie nord est aux mains de ces personnes, on dira AQMI et quelques autres groupes. Et l'autorité légitime du Mali est malheureusement assez faible en moyens militaires et en moyens civils. Les pays voisins ne sont pas toujours très costauds et ont des difficultés de toutes sortes. Il est donc temps qu'il y ait une prise de conscience internationale.
Comme vous l'avez rappelé, une grande réunion s'est tenue aux Nations unies il y a quelques jours. La France, par l'intermédiaire de François Hollande, est intervenue très fortement et je pense que cela a fait, avec d'autres interventions, basculer la décision. Maintenant, il va y avoir, vous allez le voir dans les prochains jours, des résolutions au Conseil de sécurité des Nations unies pour changer la situation. Comment ?
Q - Mais la France n'aide toujours pas l'armée régulière du Mali ?
R - Pas encore, nous le ferons sur la base d'une résolution internationale. Donc, il va y avoir au Conseil de sécurité des Nations unies une ou deux résolutions disant : voilà, maintenant il faut prendre le problème à bras le corps, c'est-à-dire à la fois soutenir l'autorité légitime à Bamako, ensuite essayer d'aider sur un plan civil parce qu'il y a aussi des problèmes de développement, des problèmes de nourriture et reconstituer l'armée malienne qui est faible. Ensuite, quand tout cela aura été fait, aller vers le nord pour déloger AQMI, c'est-à-dire les terroristes. Avec qui délogera-t-on AQMI ? Les forces maliennes, les forces voisines - ce qu'on appelle la CEDEAO ou l'Union africaine qui est plus large...
Q - L'Algérie...
R - Si elle le souhaite. Et la France sera là en termes de facilitateur. Il n'est pas question que nous ayons les troupes françaises en premières lignes mais il peut y avoir un rôle de facilitateur de la France.
Et, dans le même temps, il y aura sans doute des discussions avec les populations au nord qui refusent la violence et qui acceptent l'intégrité du Mali.
Voilà ce qu'il y a devant nous et il est vrai que, depuis quelques jours, le ton a changé. La prise de conscience s'opère au point que le Premier ministre du Mali a pu écrire - je crois que c'était dans votre journal - qu'après la prise de parole des Français à l'ONU, peut-être était-on arrivé au début de la fin de la crise. Je le souhaite.
Nous sommes donc présents parce que c'est normal, parce que c'est une affaire qui menace la paix non seulement de l'Afrique mais aussi de l'ensemble de l'Europe et du monde et dans le même temps nous sommes présents à notre place.
Q - Avec des otages français malheureusement...
R - Avec, en plus - et vous avez raison de le souligner -, ce qui est un élément que nous avons en permanence en tête et en coeur, des otages français pris par ces mêmes terroristes.
Q - Ultime question, rapidement si c'est possible, bien sûr le sujet est vaste, sur Dakar.
Q - Sur Dakar et sur le sommet de la francophonie à Kinshasa. François Hollande avait promis la rupture avec la politique qui était menée précédemment par le président Sarkozy - en finir avec la Françafrique pour schématiser - qu'est-ce qui pourrait aujourd'hui nous prouver que cette promesse a été tenue ? On a l'impression qu'il n'y a pas grand-chose qui a été changé finalement ?
R - Écoutez la Françafrique, c'est un mot générique pour dire qu'il y avait des combines. Or, je suis en charge de ce dossier, étant ministre des affaires étrangères, et je peux vous dire que des combines, avec le gouvernement français, il n'y en a pas. Et je crois que quand je dis cela, les gens comprendront ce dont je parle.
Kinshasa : il y a, à la fin de la semaine, un sommet de la Francophonie. La République du Congo, dans laquelle a lieu ce sommet, est un pays dont le gouvernement a été critiqué. François Hollande s'est interrogé. Faut-il y aller ou ne pas y aller ? Finalement il a décidé de s'y rendre parce qu'il aurait été tout de même paradoxal que la francophonie se réunisse sans la France. Mais il dira là-bas ce qu'il a à dire de manière claire. Auparavant il se sera également exprimé à Dakar.
(...)
J'ajouterai d'un mot que l'Afrique est un grand continent du futur, que nous plaçons énormément d'espoir dans l'Afrique mais qu'il faut, pour que l'Afrique se développe, qu'il n'y ait pas ce terrorisme dont on vient de parler à propos du Mali.
Q - Laurent Fabius, invité de «Tous politiques». Nous accueillons Philippe Massonnet de l'AFP. Philippe, bonsoir. Chapitre un peu inédit, celui de la diplomatie économique, avec un sous-chapitre si je puis dire, c'est le Qatar, le cas du Qatar...
Q - Bonsoir Monsieur le Ministre.
R - Bonsoir.
Q - Dans le cadre de cette diplomatie économique, les investissements du Qatar sont-ils bienvenus en France ?
Q - Attendez Laurent Fabius, je vous propose peut-être d'écouter ce qu'en disait le candidat François Hollande, c'était en avril dernier, au micro d'Édouard Zambeau sur La Chaîne Parlementaire. Écoutez bien. « François Hollande : je trouve que la France devrait être plus attentive à ce que fait le Qatar. Je dis qu'il faut avoir des relations qui soient claires. Donc qu'un pays comme le Qatar vienne investir en France, je pense que c'est tout à fait nécessaire mais il faut qu'aussi on regarde avec ce pays exactement quelle est son influence, jusqu'où il veut aller ?».
R - Cela me paraît une bonne formule.
Q - Bienvenus les investissements qataris, partout ?
R - Bienvenue à tous les investisseurs...
Q - C'est clair ou pas clair en fait...
R - Bien sûr dès lors que c'est clair et que cela permet d'apporter des emplois. Alors on a beaucoup parlé du Qatar parce que son action est souvent spectaculaire : le PSG, le prix de l'Arc de Triomphe - tout à l'heure, vous disiez qu'il y avait le prix de l'Arc de Triomphe, maintenant il est patronné par le Qatar...
Q - Oui, ce soir il y a OM - PSG, c'est un peu OM - Qatar...
R - Mais au-delà de ces aspects ponctuels, il y a des investissements dans un certain nombre de groupes. Dès lors que ces investissements sont positifs pour la balance française et pour l'emploi, je ne vois pas pourquoi on serait réticent. Évidemment, cela ne veut pas dire du tout qu'ils puissent influencer notre politique étrangère. Mais nous avons de très bons contacts avec les autorités du Qatar que nous voyons régulièrement comme d'autres d'ailleurs, à l'instar de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, et d'autres pays de cette région et nous sommes parfaitement au clair. Le Qatar a fait le choix d'un partenariat étroit avec la France, la France en est heureuse...
Q - Excusez-moi, pourquoi ce choix de partenariat profond avec la France ?
R - Je pense que les Qatariens, mais c'est vrai pour d'autres pays, sont sensibles au fait que la France est l'un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Donc c'est un pays qui pèse, une des cinq principales puissances économiques du monde, et que dans le même temps nous ne sommes pas alignés. Nous avons des choix clairs, des principes mais nous n'obéissons pas à tel ou tel camp. Et avec ses valeurs claires pour ce rôle en politique étrangère - parce que je m'en rends compte maintenant encore plus à la place où je suis - la France est entendue et attendue. C'était parfaitement clair par exemple lors de la session des Nations unies et c'est parfaitement clair au niveau européen. Nous sommes entendus et attendus. Et je crois qu'un pays comme le Qatar et d'autres sont extrêmement sensibles à cela.
(...)
Q - Et le montant de ce fonds qatari, il est de combien ? On a entendu tous les chiffres. Est-ce que vous avez un chiffre à nous donner, précis ?
R - Moi j'ai entendu un chiffre mais je n'ai pas vérifié... qui est un chiffre assez petit, qui était de l'ordre de 100 millions d'euros. Si c'est cela, c'est un chiffre très modeste puisque c'est le même montant que le fonds chinois qui vient d'être décidé. Moi je souhaiterais que les fonds soient beaucoup plus importants et j'essaierai d'agir pour que ces fonds soient beaucoup plus importants.
(...)
Q - Dans le cadre de cette diplomatie économique, est-ce que cela signifie que les entreprises françaises doivent faire des affaires avec tous les pays ? Vous estimez que tous les ambassadeurs doivent être des VRP ? Ou est-ce qu'il y a des pays indésirables, est-ce qu'il y a des États avec lesquels il ne faut pas commercer ? Ou est-ce que tous les ambassadeurs ont la même feuille de route finalement ?
R - Alors ça c'est autre chose, ce n'est pas lié du tout au Qatar, c'est une question séparée. C'est vrai que j'ai beaucoup mis l'accent sur ce que l'on appelle la diplomatie économique. Pourquoi ? À partir d'une donnée de base : le déficit commercial de notre balance est de plus de 70 milliards d'euros et c'est un déficit qui est probablement plus grave que le déficit budgétaire parce qu'il est beaucoup plus difficile à réduire. Si vous voulez réduire le déficit commercial, vous ne pouvez pas appuyer sur un bouton pour que les entreprises exportent plus ou importent moins. Donc le gage de notre indépendance, c'est l'équilibre de notre balance commerciale. Il n'est pas du tout atteint. (...) Donc il est tout à fait normal que l'ensemble des ministères compétents se préoccupent de cela et au premier chef évidemment le ministère des finances et le ministère des affaires étrangères.
Q - Cela veut dire que jusqu'à présent, les ministères concernés par ce dossier, ne faisaient pas le boulot ?
R - Je pense que ce n'est pas seulement une question de ministère, c'est d'abord la réalité économique. Cela rejoint la question de compétitivité que vous me posiez mais il y a d'autres choses, alors je vais être concret : qu'est-ce qu'on peut faire à Paris, qu'est-ce qu'on peut faire dans les ambassades ? Dans les ambassades d'abord, on doit demander à chaque ambassadeur qui est un peu le patron de la représentation française, de réunir autour de lui les chefs d'entreprise, les services des différents ministères pour dire : comment est-ce que je peux essayer d'avoir plus d'exportations venant de France et comment je peux essayer d'avoir plus d'investissements du pays où je suis vers la France ?
Q - C'est quand même ce qu'ils ont fait depuis des années.
R - Oui, ils l'ont fait et d'ailleurs les chefs d'entreprise reconnaissent qu'en général c'est très bien fait. Mais je pense que l'on peut aller plus loin et que dans leur formation, dans leur plan de route, cela doit être très clair.
Deuxièmement, il faut qu'à Paris on monte un système pour que les entreprises soient un peu mieux coordonnées. Les PME sont notre grande faiblesse, vous le savez bien car quand on compare la France et l'Allemagne, c'est au niveau des moyennes entreprises que l'on a des difficultés. Il faut que les grandes entreprises prennent sur leurs épaules, si je puis dire, les moyennes et les petites entreprises pour être beaucoup plus présentes à l'étranger. Il faut qu'on coordonne mieux nos affaires, peut-être qu'on les finance un petit peu différemment. Il faut aussi que l'on s'ouvre, nous, quai d'Orsay et aux autres - j'ai nommé une direction des entreprises - que la formation de nos diplomates mette l'accent là-dessus. Cela ne veut pas dire du tout qu'on s'occupera moins de la grande politique mais vous savez que ce serait quand même paradoxal que la crise économique soit la seule crise dont nous ne nous occupons pas. Ainsi, j'ai mis cela comme l'un des centres de notre action. Les entreprises en sont satisfaites, les diplomates aussi, maintenant reste à obtenir des résultats.
Q - Pour revenir sur l'Afrique dont on parlait tout à l'heure, est-ce que vous êtes inquiet de l'expansion chinoise en Afrique et est-ce que vous êtes en train d'essayer de la contrer - je fais référence à la tribune publiée par Pierre Moscovici à Alassane Ouattara cette semaine dans Le Figaro - où Paris voudrait aider à mieux négocier les contrats africains... C'est une inquiétude ?
R - Il y a de tout. D'abord nous avons, avant de parler de l'Afrique, un problème quand même d'équilibre avec la Chine. On parlait de déficit commercial il y a un instant : sur les 70 milliards de déficit, la Chine, c'est déjà 27 milliards d'euros...
Q - Le déficit n'a cessé de se creuser.
R - Il n'a cessé de se creuser. Donc nous mettons l'accent avec nos partenaires chinois sur la nécessité d'une meilleure réciprocité notamment en matière de marchés publics et dans d'autres domaines.
En ce qui concerne l'Afrique, c'est vrai que les Chinois ont pris des positions importantes. Ce qui pose d'ailleurs parfois certains problèmes aux Africains eux-mêmes et il y a des cas où c'est parfaitement légitime, d'autres où c'est beaucoup plus discutable. Je vais prendre un exemple : j'étais l'autre jour dans un pays d'Afrique - je ne dirai pas lequel - où le président de ce pays m'a expliqué la chose suivante : je n'ai pas d'argent public, je veux réaliser un certain nombre d'équipements. Des Chinois se sont proposés en disant «on réalise cet équipement mais vous nous concédez votre p??trole pour trente ans». Que puis-je faire ? Je suis pieds et poings liés : si je n'accepte pas leur offre, je n'aurais pas cet équipement et si je l'accepte, cela veut dire que ma matière première principale... Et c'est ce genre de choses, si vous voulez, qu'il faut essayer de faire évoluer.
Alors il y a des règles internationales, il y a des organismes qui devraient permettre de rétablir la concurrence mais, parfois, la concurrence n'est pas vraiment respectée et l'esprit dans lequel nous travaillons n'est pas un esprit...
Q - Vous voulez dire que les Chinois ne respectent pas la concurrence ?
R - Pas toujours. Mais ils ne sont pas les seuls. Je vais vous prendre un autre exemple, je ne vais pas vous fatiguer avec les chiffres. Les marchés publics, une question souvent abordée : quand vous regardez l'importance des marchés publics en Europe qui sont concédés à des non-Européens, cela fait plus de 300 milliards d'euros, quand vous regardez les marchés publics aux États-Unis qui sont concédés à des non-Américains, cela fait 30 milliards ; il y a quand même un problème.
Moi, je suis pour une Europe ouverte mais pas offerte. Cela fait des années que je dis cela et donc il faut être parfaitement ouvert aux marchés publics en direction des autres dès lors que les autres nous ouvrent aussi leurs marchés publics. Et cela vaut pour les Chinois comme pour les Japonais, comme pour les Américains, comme pour tout le monde. Donc, voilà, c'est la notion de réciprocité.
Quand vous m'interrogiez il y a un instant sur la diplomatie économique, il y a toute une série de décisions ponctuelles que l'on peut prendre mais c'est aussi un état d'esprit dans nos relations internationales. Nous devons, nous les Français, nous les Européens, plaider pour la réciprocité, c'est-à-dire l'ouverture mais pas la naïveté.
Q - Et tout cela, Laurent Fabius, en lien avec Bercy sans faire de jaloux ?
R - Bien sûr.
Q - Mais est-ce que cette réciprocité existait avec la Syrie ? Est-ce qu'on a eu raison d'investir en Syrie ?
R - Je crois qu'il y a eu des erreurs commises à l'égard de la Syrie, c'est certain. (...)
Q - Il y a des entreprises françaises en Syrie actuellement qui font des affaires ?
R - À partir du moment où nous avons décidé des sanctions importantes, je crois qu'il ne doit plus y en avoir beaucoup, car, que ce soit à l'égard de la Syrie ou dans un autre contexte à l'égard de l'Iran, l'une des armes dont nous disposons pour faire bouger les choses, ce sont les sanctions commerciales qui ne sont peut-être pas un remède miracle mais qui ont un certain effet pour faire bouger les pays, à condition bien sûr qu'elles soient appliquées par tous, ce qui n'est pas le cas en Syrie.
Q - Sur l'Iran, les sanctions ont fait effet ?
R - Vous avez vu qu'elles ont un certain effet puisque la monnaie iranienne a beaucoup baissé, ce qui a entraîné un certain nombre de réactions ; les recettes pétrolières ont beaucoup baissé. Mais, malheureusement, il y a un certain nombre de pays qui ne respectent pas ces sanctions, en l'occurrence notamment - je ne veux pas la charger - la Chine.
Q - Laurent Fabius, le ministre des affaires étrangères, invité de «Tous politiques». Nous abordons l'ultime partie de cette émission. Alors Laurent Fabius, c'est le tir croisé : c'est une sorte de réceptacle final....
R - Je suis prêt, tel Saint Sébastien...
(...)
Q - Autre question : sur le réseau twitter... plutôt une réflexion qui a été faite vous concernant, à propos du double voyage à Dakar et à Kinshasa. Il est dit : au fond M. Fabius, l'Afrique lorgne aujourd'hui vers la Chine, la France est aujourd'hui une puissance secondaire. Vous confirmez ?
R - Non je pense que l'on ne peut pas dire ça. La France est extrêmement présente en Afrique et souhaite l'être. Nous sommes présents en Afrique francophone, nous sommes présents aussi en Afrique anglophone. Il y a des valeurs que nous partageons avec nos amis africains. Nous n'avons pas d'agenda caché, nous ne sommes pas une puissance impériale ou impérialiste. Nous croyons au développement de l'Afrique qui a un potentiel extraordinaire, ainsi qu'au développement de la Francophonie. La Francophonie, parfois on s'en moque, on a tort. Aujourd'hui il y a 220 millions de personnes qui parlent français ; avec le développement de l'Afrique, il y aura, en 2050, 700 millions de francophones. C'est une communauté magnifique et il faut que nous nous appuyions là-dessus.
Q - Est-ce qu'il faut vraiment dire que l'on peut entretenir des relations normales avec l'Afrique ? Est-ce que notre histoire, les liens que nous entretenons avec un certain nombre de pays, font que ce continent est un peu à part... on est plus près qu'on le veuille ou non...
R - Ce sont des relations plus proches qu'avec d'autres compte tenu de notre histoire, compte tenu de nos valeurs. Je dirais que ce sont des relations plus fraternelles.
Q - On va traverser l'Atlantique, Romney, Obama... Je ne vous demande pas évidemment votre préférence mais est-ce que vous pensez qu'Obama va être réélu ?
R - Très difficile à dire. Il y a six mois, personne ne posait la question : que se passe-t-il si Mitt Romney est élu ? Il y a cinq jours, après le débat qui a été paraît-il gagné par Romney, on dit : mais alors Obama est menacé ! Attendons quelques jours, c'est au début du mois de novembre. Ce que je peux vous dire, comme d'ailleurs une réponse humoristique de François Hollande, je ne vais pas dire pour qui j'aurais voté si... parce que je ne veux pas pénaliser l'un et avantager l'autre... je ne connais pas d'ailleurs Mitt Romney. Mais, en revanche, ce que je peux vous dire, c'est que nous avons vraiment des relations excellentes avec les États-Unis, aussi bien avec Barack Obama qu'avec mon homologue, Hillary Clinton, qui est une femme tout à fait remarquable. J'ai beaucoup d'estime pour M. Obama qui a une capacité de réflexion vraiment impressionnante et dans le même temps aborde concrètement les questions. Ce qui fait que nous travaillons extrêmement bien ensemble même si on le sait, par rapport aux États-Unis, la France est alliée mais n'est pas alignée.
(...)
Q - Laurent Fabius, il nous reste très peu de temps. Une belle phrase qui aurait pu être la conclusion de cette émission mais malgré le temps qui nous est imparti, une vingtaine de secondes : la campagne mondiale contre la peine de mort...
R - Je vais la lancer mardi soir. Je vous rappelle que la France a abrogé la peine de mort mais il y a encore beaucoup de pays qui appliquent la peine de mort. Il y a actuellement 19.000 personnes qui sont dans les couloirs de la mort ; or la peine de mort est non seulement inefficace par rapport à la criminalité mais en plus complètement inhumaine. Et donc la France - cela fait partie de ses valeurs - s'associe à une grande campagne universelle pour l'abrogation de la peine de mort.
Q - Merci Laurent Fabius.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 octobre 2012
R - Ravi d'être avec vous.
Q - Nous évoquerons dans un premier temps avec vous les questions d'actualité et, bien évidemment, les suites du coup de filet anti-terroriste survenu hier. Christophe Châtelot, du journal Le Monde, nous rejoindra et vous interrogera sur les grands dossiers qui vous concernent, les grands dossiers internationaux entre guerre en Syrie notamment et conflit au nord Mali. Puis Philippe Massonnet de l'AFP, vous questionnera sur la diplomatie économique - de quoi s'agit-il ? - dont vous êtes aujourd'hui le promoteur. Nous évoquerons une question liée également aux investissements du Qatar en France. Avant notre tir croisé final, les réactions et les questions des auditeurs, des internautes dès maintenant sur twitter, hashtag#touspol - et sur lemonde.fr.
Alors Laurent Fabius, au lendemain du démantèlement d'une cellule islamiste - faut-il le rappeler : une personne tuée, le chef présumé, onze interpellations - François Hollande a reçu ce matin la communauté juive de France à l'Élysée et a promis une mobilisation totale de l'État contre le terrorisme. Alors question : de quelle manière cela va s'exprimer et y a-t-il une menace réelle en France ?
R - Il y a une menace sur toutes les démocraties et je pense que le terme qu'il faut retenir, c'est celui de fermeté absolue. Il y a une menace sur toutes les démocraties parce qu'il y a malheureusement dans le monde un certain nombre de terroristes,- qu'il ne faut absolument pas confondre avec l'ensemble des musulmans, pas d'amalgame -, qui veulent tuer et donc par rapport à cela, il n'y a qu'une attitude possible, une fermeté absolue en amont. C'est-à-dire qu'il faut essayer de déceler les réseaux et cela n'est pas facile parce que l'on voit qu'il y a des personnes isolées qui se lancent dans ces attentats. Et puis, il faut, lorsque telle action répréhensible est commise, être absolument sans pitié.
Q - Manuel Valls, le ministre de l'intérieur, a parlé de réseaux qui ne venaient pas de l'extérieur de la France mais de Français convertis, c'est nouveau...
R - Oui, c'est nouveau, c'est vrai. Auparavant, il y a souvent eu un terrorisme latent avec des réseaux organisés mais là, d'après tout ce que l'on peut savoir, il s'agit d'individus qui n'ont pas nécessairement de connexions établies avec l'étranger. Il faut donc être d'autant plus vigilant. Mais c'est l'attitude du gouvernement, François Hollande l'a redit ce matin, et nous travaillons étroitement les uns avec les autres, enfin l'ensemble des membres du gouvernement concernés.
Q - Est-ce à dire que le gouvernement a prévenu une nouvelle affaire Merah ?
R - Vous savez, on fait tout ce que l'on peut et doit faire mais je crois que, malheureusement, la sécurité absolue est difficile à établir. En tout cas, il faut prendre toutes les précautions et c'est la consigne qui est donnée à tous les services.
Q - Alors Laurent Fabius, le gouvernement prépare une loi antiterroriste qui vise à - je cite - la détection de Français partant s'entraîner au Jihad dans des zones de combat mais également la propagande par Internet. On a envie de vous dire : encore une loi !
R - Oui, mais là c'est différent. C'est vrai qu'il y a une faille dans notre législation, c'est qu'auparavant, on ne pouvait agir que lorsqu'il y avait un fait établi à l'étranger. On s'aperçoit, compte tenu de ce que vous avez dit, qu'il faut agir en amont et c'est le but de cette législation qui, je crois, sera adoptée par tout le monde.
Q - Alors nous avons le chef présumé, Jérémy Louis-Sidney, 33 ans, connu des services de police pour des faits de délinquance auparavant, qui attendait les policiers les armes à la main, il voulait mourir en martyr. Comment expliquer, Laurent Fabius, cette radicalisation à laquelle nous assistons chez certains individus en France ? Comment l'expliquer sociologiquement ?
R - Il n'y a pas d'explication facile. Mais je pense que - pour proposer une grille d'interprétation, dans un monde où les références classiques ont disparu -, certains individus malheureusement ne trouvent au fond le sens de leur vie que dans la mort, dans l'extrémisme, dans le terrorisme. Et c'est quelque chose évidemment que la société ne peut pas admettre. Donc je le répète : fermeté absolue.
Q - La prison est également, cela a été dit dans de nombreux témoignages, reportages, une sorte d'école du Jihad avec des recrutements à l'islam radical, c'est un problème ?
R - Oui, bien sûr, c'est un problème. Là aussi, il ne faut pas non plus généraliser mais on l'a vu au moment de l'affaire Merah en particulier. Donc des dispositions sont prises pour que, autant qu'on le peut, la prison ne serve pas d'école du crime du Jihad et du terrorisme.
(...)
Q - Alors le ministre des affaires étrangères a aussi un regard sur la politique intérieure de ce pays ; vous êtes numéro deux du gouvernement, après tout, ancien ministre de l'économie, ancien Premier ministre. La situation économique, Laurent Fabius, croissance nulle pour la France : on peut parler d'un risque de récession dans les mois qui viennent ?
R - C'est vrai que la situation de toute l'Europe est difficile. Vendredi, nous étions à Malte avec le président de la République et nous rencontrions à la fois le président du gouvernement espagnol, le Premier ministre italien, le Premier ministre portugais et le président de la Commission européenne et nous avons fait un tour d'horizon : partout la situation est difficile. Il n'y a qu'en Allemagne, semble-t-il, qu'il y a une légère croissance. Nous, nous sommes à zéro en 2012 et les pays dont je parle sont en décroissance. Donc c'est une situation très compliquée. C'est la raison pour laquelle il faut à la fois - c'est toute la difficulté du pilotage - être sérieux budgétairement et en même temps utiliser toutes les marges de croissance possible. C'est pourquoi les décisions qui ont été prises lors du Conseil européen du mois de juin, vous vous rappelez, doivent maintenant entrer en application pour redonner confiance à l'Europe. Mais c'est vrai qu'il y a une inquiétude qui existe partout. On le voit d'ailleurs lorsqu'on discute avec des chefs d'entreprise, avec des salariés, tout le monde est inquiet.
(...)
Q - Alors je m'adresse à celui qui jadis a voté non de façon éclatante en 2005 : le traité européen sera voté en première lecture, mardi à l'Assemblée nationale visiblement Laurent Fabius, avec les seules voix de la gauche, si la comptabilité est exacte. (...)
R - (...) Vous faites référence au vote que j'ai émis en 2005 et le vote que je recommande cette fois-ci est tout à fait dans la même ligne. En 2005, je considérais - mais les choses sont derrière nous, qu'il fallait réorienter l'Europe et que le traité constitutionnel qui nous était proposé, ne le permettait pas ; c'est la raison pour laquelle j'avais voté non et la majorité des Français aussi. Aujourd'hui, il y a eu un rééquilibrage que personne ne peut contester puisqu'en même temps que le texte, il y a toute une série de décisions qui ont été prises notamment au mois de juin, qui permettent un début de réorientation européenne et c'est ça qui nous permet aujourd'hui de demander de voter oui. Donc je crois, j'espère, que le texte sera voté à la fois par une majorité de gauche et aussi par des députés de droite.
Q - Sur le traité européen
R - Je pense que le texte sera adopté et ce sera une bonne chose, pourquoi ? Il y a plusieurs raisons qui expliquent qu'il faille voter pour ce texte : la première raison, c'est que comme je viens de vous le dire, c'est une réorientation européenne, sans doute le début mais si on veut aller à la phase 2, il faut déjà voter la phase 1 ; - la deuxième raison, c'est que si par malheur, ce texte n'était pas adopté, il y aurait une crise absolument terrible en Europe dont la France serait la victime et en même temps elle n'aurait pas les moyens de se défendre puisqu'elle serait privée de moyens d'action.
Q - Alors avant de passer à la deuxième partie de cette émission, une réaction sur lemonde.fr qui complète ma question d'ailleurs : pourquoi non, nous dit Stéphane sur lemonde.fr, non en 2005 et oui maintenant ?
R - Je viens de l'expliquer...
Q - Votre oui est-il uniquement un oui de solidarité gouvernementale ?
R - Non pas seulement, ce serait déjà important mais la réorientation européenne a commencé. Par exemple je me rappelle que depuis très longtemps nous avons demandé une taxe sur les transactions financières, nous n'arrivions pas à l'obtenir. Eh bien, grâce à ce qui a été décidé au mois de juin, nous allons l'avoir ; c'est un point important. Nous demandions - vous le rappeliez - que la Banque centrale européenne puisse intervenir de manière beaucoup plus forte. Grâce aux décisions prises par Mario Draghi à la suite en particulier des demandes françaises, italiennes et autres, nous y sommes parvenus.
Q - C'est un vrai oui finalement.
R - Oui, il n'y a pas d'ambigüité.
Q - Nous accueillons Laurent Fabius dans «Tous politiques» ; nous accueillons à présent Christophe Châtelot du journal Le Monde.
Bonsoir Christophe Châtelot. Premier sujet bien évidemment avec vous, le conflit en Syrie.
Q - Oui. Bonsoir Monsieur le Ministre. C'est un dossier on ne peut plus lourd : en 18 mois, on est passé d'un état de contestation interne à la Syrie à un conflit quasi-généralisé. On voit à la frontière turco-syrienne que des bombardements ont lieu ces derniers temps ; est-ce qu'il y a un vrai risque de contagion de ce conflit aujourd'hui ?
R - Oui, il y a un risque. C'est vrai que c'est devenu un conflit qui n'est pas simplement interne mais qui est devenu régional et même international. Il y a un risque de contagion en Turquie puisque la Syrie a porté atteinte au territoire turc et la Turquie a répliqué. Nous avons fait connaître notre solidarité avec les Turcs qui étaient attaqués et dans le même temps il ne faut pas qu'il y ait d'escalade. Donc il faut rester mesuré si je puis dire.
Mais il y a aussi un risque vis-à-vis du Liban puisque Bachar Al-Assad veut absolument exporter le conflit et le gouvernement libanais est très sage de refuser cette exportation du conflit.
Et puis il y a un risque en Jordanie puisque le nombre des réfugiés dans ce pays ne cesse d'augmenter, on approche de l'hiver avec des conditions extrêmement difficiles.
Donc c'est une des raisons supplémentaires pour lesquelles il faut faire en sorte que ce conflit s'arrête vite. Et sur la question de la contagion, c'est un des points sur lesquels je discute beaucoup avec mon homologue russe, M. Lavrov qui me dit toujours «il ne faut pas intervenir, c'est une affaire qui est interne». Je lui dis : non, ce n'est pas une affaire interne ; c'est un conflit qui par son ampleur risque de mettre le feu à l'ensemble de la région.
Q - Mais ce sont des arguments qu'il entend depuis le début de la crise, ça dure depuis dix-huit mois... et qu'est-ce qui pourrait le faire changer d'avis aujourd'hui et faire changer d'avis les Chinois aussi ?
R - Écoutez, je vais vous dire ce que nous, nous faisons, nous les Français. D'abord, nous essayons de travailler à l'unification de l'opposition parce que l'un des arguments qu'utilise Bachar Al-Assad auprès de ses partisans et partenaires, est le suivant : oui c'est sans doute une dictature. Mais si je ne suis plus là - Bachar Al-Assad - qui viendra à ma place ? Ce sera le chaos. C'est déjà le chaos et un chaos mortifère aujourd'hui.
Mais si on veut préparer le jour d'après, il faut rassembler l'opposition. Il va y avoir bientôt à Doha, et puis sans doute au Maroc, des réunions pour rassembler l'opposition. Nous intervenons nous aussi, Français, sur ce qu'on appelle les zones libérées de façon tout à fait exemplaire et d'autres pays veulent suivre notre exemple.
Et puis il y a l'action diplomatique. Malheureusement elle est bloquée parce qu'au conseil de sécurité, les Russes et les Chinois disent non mais ça ne pourra pas durer éternellement. Quand vous avez déjà 30.000 morts, 300.000 blessés, plus d'un million de personnes déplacées, c'est un conflit épouvantable. Donc, il y a un moment, et le plus tôt sera le mieux, où il faut que cela s'arrête. Bachar doit partir.
Q - Quand vous dites «rassembler l'opposition», est-ce que cela veut dire que l'on peut discuter avec tout le monde d'abord ? Est-ce que toutes les oppositions syriennes sont fréquentables ou pas ? Et est-ce que vous n'avez pas le sentiment qu'il y a quand même un décalage entre l'opposition syrienne en exil à l'étranger et celle qui est sur le terrain, qui se bat et qui perd des hommes tous les jours ?
R - C'est toujours une difficulté, vous avez raison de le souligner. Lorsqu'il y a des conflits de ce type, il y a des gens qui sont à l'extérieur, des gens qui sont à l'intérieur. Les uns et les autres sont des gens très courageux mais ceux de l'intérieur ont tendance à considérer qu'ils sont peut-être plus représentatifs que ceux étant à l'extérieur.
Donc, nous, notre tâche, c'est d'essayer de rassembler toutes ces tendances. Quand je dis nous, ce n'est pas seulement la France - nous travaillons aussi avec les Turcs, avec les Allemands, les Italiens, les Américains et d'autres. Et puis, évidemment - vous avez posé la question «est-ce qu'on peut parler avec tout le monde ?» - il y a ceux qui sont, car il y en a aussi malheureusement, des djihadistes, des terroristes. Ils n'ont pas de place.
Mais, en revanche, là où il faut être très attentif, c'est que le futur gouvernement alternatif reconnaisse les droits de l'ensemble des communautés, à la fois la communauté chrétienne et alaouite. Parce qu'aujourd'hui, Bachar est soutenu par les alaouites mais demain, il faudra que les alaouites aient leur pleine place dans la future Syrie.
Q - Mais, Laurent Fabius, Ismail sur lemonde.fr pose une question qui complète ce qui est dit à l'instant : la présence d'éléments d'Al-Qaïda en Syrie et dans le sud de la Turquie est prouvée ; pourtant la France et les Occidentaux, dit Ismaïl, continuent de les soutenir avec un risque sérieux qu'ils prennent le pouvoir. N'y a-t-il pas là une contradiction avec la politique antiterroriste de la France ?
R - Je ne crois pas. Il y a, c'est vrai, un certain nombre de djihadistes qui sont heureusement ultra-minoritaires. Évidemment nous n'avons aucun contact avec eux et nous ne les soutenons pas. Mais, en revanche nous soutenons directement ou indirectement l'opposition. Si nous ne soutenions pas l'opposition, le risque, c'est que ces forces-là prennent le dessus en Syrie. Et c'est un argument aussi que nous développons auprès des Russes et des Chinois en disant : vous ne voulez pas de terroristes mais si le conflit se poursuit, comme toujours ce sont les plus extrémistes qui l'emporteront. Il ne faut pas que l'on se retrouve par exemple dans la situation irakienne.
Donc, toute la difficulté, c'est à la fois qu'il faut absolument que Bachar «dégage» - pour reprendre un terme qui a été beaucoup utilisé -, mais dans le même temps que les institutions puissent continuer à fonctionner d'une certaine manière car sinon on va avoir un vide qui sera rempli par le terrorisme.
Q - En parlant de l'action de la France, l'ambassadeur de France à Damas qui est aujourd'hui à Paris, racontait récemment dans la presse une pratique qui était un peu surprenante, celle d'apporter de l'argent par valises entières à certains groupes de l'opposition syrienne. Est-ce qu'on est sûr d'abord d'où va cet argent et est-ce que l'on peut vraiment évaluer comment il est utilisé ? Vous n'avez pas peur que cela aille entre de mauvaises mains ?
R - Alors bien sûr, il faut faire très attention que cela n'arrive pas dans de mauvaises mains mais ce dont on s'est aperçu, c'est qu'il fallait que notre aide arrive précisément à ceux qui en ont besoin. Or, quand on donne de l'aide officiellement, malheureusement, elle risque d'être récupérée par le régime de Bachar Al-Assad.
L'une des meilleures manières d'aider concrètement la population syrienne, c'est de travailler comme le fait M. Chevalier, notre ancien ambassadeur en Syrie, dans les zones libérées.
Concrètement, cela veut dire quoi ? Cela veut dire qu'on prend une zone qui a été libérée et qu'on va au contact de cette zone, d'une façon évidemment qui n'est pas officielle. On les aide par exemple à reconstituer une boulangerie industrielle pour que les gens aient à nouveau du pain. On les aide à reconstituer - je vais être très concret - le service des ordures pour que celles-ci ne s'accumulent pas. On les aide à reconstituer leur centrale électrique pour qu'ils puissent avoir, à l'approche de l'hiver, de l'électricité. Il y a aussi des moyens pour l'éducation, pour les médicaments. Tout cela demande de l'argent et donc nous apportons d'ailleurs des petites sommes et c'est tellement efficace que, dans une réunion que nous avons eue récemment à New York, les autres pays, que ce soit des pays arabes qui aident l'opposition ou des pays d'Occident, nous ont demandé de se joindre à cette action pour les zones libérées car cela leur apparaît exemplaire.
Q - Alors Christophe Châtelot, autre dossier, la situation au nord Mali ?
Q - Oui, avec quelques contradictions, des petits points peut-être à préciser puisqu'on a l'impression que la France est vraiment en première ligne sur ce dossier, on l'a vu à l'ONU récemment, qu'elle milite fortement en faveur d'une intervention militaire internationale, et tout à la fois, vous dites qu'il faut que ce soit les Africains eux-mêmes et la CEDEAO qui soient les premiers en ligne. Est-ce qu'il n'y a pas une contradiction entre cette volonté d'être devant et finalement après de dire : non, ce n'est pas nous, ce sont les autres... Comment sortir de cette contradiction ?
R - Je ne crois pas. D'abord un mot sur la question du Mali que vous connaissez très bien - et cela rejoint d'ailleurs ce que vous disiez au début Monsieur Achilli. Le terrorisme : il y a au nord Mali plusieurs milliers de personnes qui sont des terroristes, qui disposent d'armes puissantes dont une partie a été prise à la Libye, d'argent qui vient des trafics d'otages, de drogue et d'armes et qui veulent violer, lapider, amputer, tuer. Et leurs ennemis sont tout ce qui ne leur ressemble pas : à savoir les différents pays d'Afrique à commencer par le Mali, l'Europe et la France. Et par rapport au terrorisme, on ne peut pas transiger.
Alors, le Mali aujourd'hui est divisé puisque toute sa partie nord est aux mains de ces personnes, on dira AQMI et quelques autres groupes. Et l'autorité légitime du Mali est malheureusement assez faible en moyens militaires et en moyens civils. Les pays voisins ne sont pas toujours très costauds et ont des difficultés de toutes sortes. Il est donc temps qu'il y ait une prise de conscience internationale.
Comme vous l'avez rappelé, une grande réunion s'est tenue aux Nations unies il y a quelques jours. La France, par l'intermédiaire de François Hollande, est intervenue très fortement et je pense que cela a fait, avec d'autres interventions, basculer la décision. Maintenant, il va y avoir, vous allez le voir dans les prochains jours, des résolutions au Conseil de sécurité des Nations unies pour changer la situation. Comment ?
Q - Mais la France n'aide toujours pas l'armée régulière du Mali ?
R - Pas encore, nous le ferons sur la base d'une résolution internationale. Donc, il va y avoir au Conseil de sécurité des Nations unies une ou deux résolutions disant : voilà, maintenant il faut prendre le problème à bras le corps, c'est-à-dire à la fois soutenir l'autorité légitime à Bamako, ensuite essayer d'aider sur un plan civil parce qu'il y a aussi des problèmes de développement, des problèmes de nourriture et reconstituer l'armée malienne qui est faible. Ensuite, quand tout cela aura été fait, aller vers le nord pour déloger AQMI, c'est-à-dire les terroristes. Avec qui délogera-t-on AQMI ? Les forces maliennes, les forces voisines - ce qu'on appelle la CEDEAO ou l'Union africaine qui est plus large...
Q - L'Algérie...
R - Si elle le souhaite. Et la France sera là en termes de facilitateur. Il n'est pas question que nous ayons les troupes françaises en premières lignes mais il peut y avoir un rôle de facilitateur de la France.
Et, dans le même temps, il y aura sans doute des discussions avec les populations au nord qui refusent la violence et qui acceptent l'intégrité du Mali.
Voilà ce qu'il y a devant nous et il est vrai que, depuis quelques jours, le ton a changé. La prise de conscience s'opère au point que le Premier ministre du Mali a pu écrire - je crois que c'était dans votre journal - qu'après la prise de parole des Français à l'ONU, peut-être était-on arrivé au début de la fin de la crise. Je le souhaite.
Nous sommes donc présents parce que c'est normal, parce que c'est une affaire qui menace la paix non seulement de l'Afrique mais aussi de l'ensemble de l'Europe et du monde et dans le même temps nous sommes présents à notre place.
Q - Avec des otages français malheureusement...
R - Avec, en plus - et vous avez raison de le souligner -, ce qui est un élément que nous avons en permanence en tête et en coeur, des otages français pris par ces mêmes terroristes.
Q - Ultime question, rapidement si c'est possible, bien sûr le sujet est vaste, sur Dakar.
Q - Sur Dakar et sur le sommet de la francophonie à Kinshasa. François Hollande avait promis la rupture avec la politique qui était menée précédemment par le président Sarkozy - en finir avec la Françafrique pour schématiser - qu'est-ce qui pourrait aujourd'hui nous prouver que cette promesse a été tenue ? On a l'impression qu'il n'y a pas grand-chose qui a été changé finalement ?
R - Écoutez la Françafrique, c'est un mot générique pour dire qu'il y avait des combines. Or, je suis en charge de ce dossier, étant ministre des affaires étrangères, et je peux vous dire que des combines, avec le gouvernement français, il n'y en a pas. Et je crois que quand je dis cela, les gens comprendront ce dont je parle.
Kinshasa : il y a, à la fin de la semaine, un sommet de la Francophonie. La République du Congo, dans laquelle a lieu ce sommet, est un pays dont le gouvernement a été critiqué. François Hollande s'est interrogé. Faut-il y aller ou ne pas y aller ? Finalement il a décidé de s'y rendre parce qu'il aurait été tout de même paradoxal que la francophonie se réunisse sans la France. Mais il dira là-bas ce qu'il a à dire de manière claire. Auparavant il se sera également exprimé à Dakar.
(...)
J'ajouterai d'un mot que l'Afrique est un grand continent du futur, que nous plaçons énormément d'espoir dans l'Afrique mais qu'il faut, pour que l'Afrique se développe, qu'il n'y ait pas ce terrorisme dont on vient de parler à propos du Mali.
Q - Laurent Fabius, invité de «Tous politiques». Nous accueillons Philippe Massonnet de l'AFP. Philippe, bonsoir. Chapitre un peu inédit, celui de la diplomatie économique, avec un sous-chapitre si je puis dire, c'est le Qatar, le cas du Qatar...
Q - Bonsoir Monsieur le Ministre.
R - Bonsoir.
Q - Dans le cadre de cette diplomatie économique, les investissements du Qatar sont-ils bienvenus en France ?
Q - Attendez Laurent Fabius, je vous propose peut-être d'écouter ce qu'en disait le candidat François Hollande, c'était en avril dernier, au micro d'Édouard Zambeau sur La Chaîne Parlementaire. Écoutez bien. « François Hollande : je trouve que la France devrait être plus attentive à ce que fait le Qatar. Je dis qu'il faut avoir des relations qui soient claires. Donc qu'un pays comme le Qatar vienne investir en France, je pense que c'est tout à fait nécessaire mais il faut qu'aussi on regarde avec ce pays exactement quelle est son influence, jusqu'où il veut aller ?».
R - Cela me paraît une bonne formule.
Q - Bienvenus les investissements qataris, partout ?
R - Bienvenue à tous les investisseurs...
Q - C'est clair ou pas clair en fait...
R - Bien sûr dès lors que c'est clair et que cela permet d'apporter des emplois. Alors on a beaucoup parlé du Qatar parce que son action est souvent spectaculaire : le PSG, le prix de l'Arc de Triomphe - tout à l'heure, vous disiez qu'il y avait le prix de l'Arc de Triomphe, maintenant il est patronné par le Qatar...
Q - Oui, ce soir il y a OM - PSG, c'est un peu OM - Qatar...
R - Mais au-delà de ces aspects ponctuels, il y a des investissements dans un certain nombre de groupes. Dès lors que ces investissements sont positifs pour la balance française et pour l'emploi, je ne vois pas pourquoi on serait réticent. Évidemment, cela ne veut pas dire du tout qu'ils puissent influencer notre politique étrangère. Mais nous avons de très bons contacts avec les autorités du Qatar que nous voyons régulièrement comme d'autres d'ailleurs, à l'instar de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, et d'autres pays de cette région et nous sommes parfaitement au clair. Le Qatar a fait le choix d'un partenariat étroit avec la France, la France en est heureuse...
Q - Excusez-moi, pourquoi ce choix de partenariat profond avec la France ?
R - Je pense que les Qatariens, mais c'est vrai pour d'autres pays, sont sensibles au fait que la France est l'un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Donc c'est un pays qui pèse, une des cinq principales puissances économiques du monde, et que dans le même temps nous ne sommes pas alignés. Nous avons des choix clairs, des principes mais nous n'obéissons pas à tel ou tel camp. Et avec ses valeurs claires pour ce rôle en politique étrangère - parce que je m'en rends compte maintenant encore plus à la place où je suis - la France est entendue et attendue. C'était parfaitement clair par exemple lors de la session des Nations unies et c'est parfaitement clair au niveau européen. Nous sommes entendus et attendus. Et je crois qu'un pays comme le Qatar et d'autres sont extrêmement sensibles à cela.
(...)
Q - Et le montant de ce fonds qatari, il est de combien ? On a entendu tous les chiffres. Est-ce que vous avez un chiffre à nous donner, précis ?
R - Moi j'ai entendu un chiffre mais je n'ai pas vérifié... qui est un chiffre assez petit, qui était de l'ordre de 100 millions d'euros. Si c'est cela, c'est un chiffre très modeste puisque c'est le même montant que le fonds chinois qui vient d'être décidé. Moi je souhaiterais que les fonds soient beaucoup plus importants et j'essaierai d'agir pour que ces fonds soient beaucoup plus importants.
(...)
Q - Dans le cadre de cette diplomatie économique, est-ce que cela signifie que les entreprises françaises doivent faire des affaires avec tous les pays ? Vous estimez que tous les ambassadeurs doivent être des VRP ? Ou est-ce qu'il y a des pays indésirables, est-ce qu'il y a des États avec lesquels il ne faut pas commercer ? Ou est-ce que tous les ambassadeurs ont la même feuille de route finalement ?
R - Alors ça c'est autre chose, ce n'est pas lié du tout au Qatar, c'est une question séparée. C'est vrai que j'ai beaucoup mis l'accent sur ce que l'on appelle la diplomatie économique. Pourquoi ? À partir d'une donnée de base : le déficit commercial de notre balance est de plus de 70 milliards d'euros et c'est un déficit qui est probablement plus grave que le déficit budgétaire parce qu'il est beaucoup plus difficile à réduire. Si vous voulez réduire le déficit commercial, vous ne pouvez pas appuyer sur un bouton pour que les entreprises exportent plus ou importent moins. Donc le gage de notre indépendance, c'est l'équilibre de notre balance commerciale. Il n'est pas du tout atteint. (...) Donc il est tout à fait normal que l'ensemble des ministères compétents se préoccupent de cela et au premier chef évidemment le ministère des finances et le ministère des affaires étrangères.
Q - Cela veut dire que jusqu'à présent, les ministères concernés par ce dossier, ne faisaient pas le boulot ?
R - Je pense que ce n'est pas seulement une question de ministère, c'est d'abord la réalité économique. Cela rejoint la question de compétitivité que vous me posiez mais il y a d'autres choses, alors je vais être concret : qu'est-ce qu'on peut faire à Paris, qu'est-ce qu'on peut faire dans les ambassades ? Dans les ambassades d'abord, on doit demander à chaque ambassadeur qui est un peu le patron de la représentation française, de réunir autour de lui les chefs d'entreprise, les services des différents ministères pour dire : comment est-ce que je peux essayer d'avoir plus d'exportations venant de France et comment je peux essayer d'avoir plus d'investissements du pays où je suis vers la France ?
Q - C'est quand même ce qu'ils ont fait depuis des années.
R - Oui, ils l'ont fait et d'ailleurs les chefs d'entreprise reconnaissent qu'en général c'est très bien fait. Mais je pense que l'on peut aller plus loin et que dans leur formation, dans leur plan de route, cela doit être très clair.
Deuxièmement, il faut qu'à Paris on monte un système pour que les entreprises soient un peu mieux coordonnées. Les PME sont notre grande faiblesse, vous le savez bien car quand on compare la France et l'Allemagne, c'est au niveau des moyennes entreprises que l'on a des difficultés. Il faut que les grandes entreprises prennent sur leurs épaules, si je puis dire, les moyennes et les petites entreprises pour être beaucoup plus présentes à l'étranger. Il faut qu'on coordonne mieux nos affaires, peut-être qu'on les finance un petit peu différemment. Il faut aussi que l'on s'ouvre, nous, quai d'Orsay et aux autres - j'ai nommé une direction des entreprises - que la formation de nos diplomates mette l'accent là-dessus. Cela ne veut pas dire du tout qu'on s'occupera moins de la grande politique mais vous savez que ce serait quand même paradoxal que la crise économique soit la seule crise dont nous ne nous occupons pas. Ainsi, j'ai mis cela comme l'un des centres de notre action. Les entreprises en sont satisfaites, les diplomates aussi, maintenant reste à obtenir des résultats.
Q - Pour revenir sur l'Afrique dont on parlait tout à l'heure, est-ce que vous êtes inquiet de l'expansion chinoise en Afrique et est-ce que vous êtes en train d'essayer de la contrer - je fais référence à la tribune publiée par Pierre Moscovici à Alassane Ouattara cette semaine dans Le Figaro - où Paris voudrait aider à mieux négocier les contrats africains... C'est une inquiétude ?
R - Il y a de tout. D'abord nous avons, avant de parler de l'Afrique, un problème quand même d'équilibre avec la Chine. On parlait de déficit commercial il y a un instant : sur les 70 milliards de déficit, la Chine, c'est déjà 27 milliards d'euros...
Q - Le déficit n'a cessé de se creuser.
R - Il n'a cessé de se creuser. Donc nous mettons l'accent avec nos partenaires chinois sur la nécessité d'une meilleure réciprocité notamment en matière de marchés publics et dans d'autres domaines.
En ce qui concerne l'Afrique, c'est vrai que les Chinois ont pris des positions importantes. Ce qui pose d'ailleurs parfois certains problèmes aux Africains eux-mêmes et il y a des cas où c'est parfaitement légitime, d'autres où c'est beaucoup plus discutable. Je vais prendre un exemple : j'étais l'autre jour dans un pays d'Afrique - je ne dirai pas lequel - où le président de ce pays m'a expliqué la chose suivante : je n'ai pas d'argent public, je veux réaliser un certain nombre d'équipements. Des Chinois se sont proposés en disant «on réalise cet équipement mais vous nous concédez votre p??trole pour trente ans». Que puis-je faire ? Je suis pieds et poings liés : si je n'accepte pas leur offre, je n'aurais pas cet équipement et si je l'accepte, cela veut dire que ma matière première principale... Et c'est ce genre de choses, si vous voulez, qu'il faut essayer de faire évoluer.
Alors il y a des règles internationales, il y a des organismes qui devraient permettre de rétablir la concurrence mais, parfois, la concurrence n'est pas vraiment respectée et l'esprit dans lequel nous travaillons n'est pas un esprit...
Q - Vous voulez dire que les Chinois ne respectent pas la concurrence ?
R - Pas toujours. Mais ils ne sont pas les seuls. Je vais vous prendre un autre exemple, je ne vais pas vous fatiguer avec les chiffres. Les marchés publics, une question souvent abordée : quand vous regardez l'importance des marchés publics en Europe qui sont concédés à des non-Européens, cela fait plus de 300 milliards d'euros, quand vous regardez les marchés publics aux États-Unis qui sont concédés à des non-Américains, cela fait 30 milliards ; il y a quand même un problème.
Moi, je suis pour une Europe ouverte mais pas offerte. Cela fait des années que je dis cela et donc il faut être parfaitement ouvert aux marchés publics en direction des autres dès lors que les autres nous ouvrent aussi leurs marchés publics. Et cela vaut pour les Chinois comme pour les Japonais, comme pour les Américains, comme pour tout le monde. Donc, voilà, c'est la notion de réciprocité.
Quand vous m'interrogiez il y a un instant sur la diplomatie économique, il y a toute une série de décisions ponctuelles que l'on peut prendre mais c'est aussi un état d'esprit dans nos relations internationales. Nous devons, nous les Français, nous les Européens, plaider pour la réciprocité, c'est-à-dire l'ouverture mais pas la naïveté.
Q - Et tout cela, Laurent Fabius, en lien avec Bercy sans faire de jaloux ?
R - Bien sûr.
Q - Mais est-ce que cette réciprocité existait avec la Syrie ? Est-ce qu'on a eu raison d'investir en Syrie ?
R - Je crois qu'il y a eu des erreurs commises à l'égard de la Syrie, c'est certain. (...)
Q - Il y a des entreprises françaises en Syrie actuellement qui font des affaires ?
R - À partir du moment où nous avons décidé des sanctions importantes, je crois qu'il ne doit plus y en avoir beaucoup, car, que ce soit à l'égard de la Syrie ou dans un autre contexte à l'égard de l'Iran, l'une des armes dont nous disposons pour faire bouger les choses, ce sont les sanctions commerciales qui ne sont peut-être pas un remède miracle mais qui ont un certain effet pour faire bouger les pays, à condition bien sûr qu'elles soient appliquées par tous, ce qui n'est pas le cas en Syrie.
Q - Sur l'Iran, les sanctions ont fait effet ?
R - Vous avez vu qu'elles ont un certain effet puisque la monnaie iranienne a beaucoup baissé, ce qui a entraîné un certain nombre de réactions ; les recettes pétrolières ont beaucoup baissé. Mais, malheureusement, il y a un certain nombre de pays qui ne respectent pas ces sanctions, en l'occurrence notamment - je ne veux pas la charger - la Chine.
Q - Laurent Fabius, le ministre des affaires étrangères, invité de «Tous politiques». Nous abordons l'ultime partie de cette émission. Alors Laurent Fabius, c'est le tir croisé : c'est une sorte de réceptacle final....
R - Je suis prêt, tel Saint Sébastien...
(...)
Q - Autre question : sur le réseau twitter... plutôt une réflexion qui a été faite vous concernant, à propos du double voyage à Dakar et à Kinshasa. Il est dit : au fond M. Fabius, l'Afrique lorgne aujourd'hui vers la Chine, la France est aujourd'hui une puissance secondaire. Vous confirmez ?
R - Non je pense que l'on ne peut pas dire ça. La France est extrêmement présente en Afrique et souhaite l'être. Nous sommes présents en Afrique francophone, nous sommes présents aussi en Afrique anglophone. Il y a des valeurs que nous partageons avec nos amis africains. Nous n'avons pas d'agenda caché, nous ne sommes pas une puissance impériale ou impérialiste. Nous croyons au développement de l'Afrique qui a un potentiel extraordinaire, ainsi qu'au développement de la Francophonie. La Francophonie, parfois on s'en moque, on a tort. Aujourd'hui il y a 220 millions de personnes qui parlent français ; avec le développement de l'Afrique, il y aura, en 2050, 700 millions de francophones. C'est une communauté magnifique et il faut que nous nous appuyions là-dessus.
Q - Est-ce qu'il faut vraiment dire que l'on peut entretenir des relations normales avec l'Afrique ? Est-ce que notre histoire, les liens que nous entretenons avec un certain nombre de pays, font que ce continent est un peu à part... on est plus près qu'on le veuille ou non...
R - Ce sont des relations plus proches qu'avec d'autres compte tenu de notre histoire, compte tenu de nos valeurs. Je dirais que ce sont des relations plus fraternelles.
Q - On va traverser l'Atlantique, Romney, Obama... Je ne vous demande pas évidemment votre préférence mais est-ce que vous pensez qu'Obama va être réélu ?
R - Très difficile à dire. Il y a six mois, personne ne posait la question : que se passe-t-il si Mitt Romney est élu ? Il y a cinq jours, après le débat qui a été paraît-il gagné par Romney, on dit : mais alors Obama est menacé ! Attendons quelques jours, c'est au début du mois de novembre. Ce que je peux vous dire, comme d'ailleurs une réponse humoristique de François Hollande, je ne vais pas dire pour qui j'aurais voté si... parce que je ne veux pas pénaliser l'un et avantager l'autre... je ne connais pas d'ailleurs Mitt Romney. Mais, en revanche, ce que je peux vous dire, c'est que nous avons vraiment des relations excellentes avec les États-Unis, aussi bien avec Barack Obama qu'avec mon homologue, Hillary Clinton, qui est une femme tout à fait remarquable. J'ai beaucoup d'estime pour M. Obama qui a une capacité de réflexion vraiment impressionnante et dans le même temps aborde concrètement les questions. Ce qui fait que nous travaillons extrêmement bien ensemble même si on le sait, par rapport aux États-Unis, la France est alliée mais n'est pas alignée.
(...)
Q - Laurent Fabius, il nous reste très peu de temps. Une belle phrase qui aurait pu être la conclusion de cette émission mais malgré le temps qui nous est imparti, une vingtaine de secondes : la campagne mondiale contre la peine de mort...
R - Je vais la lancer mardi soir. Je vous rappelle que la France a abrogé la peine de mort mais il y a encore beaucoup de pays qui appliquent la peine de mort. Il y a actuellement 19.000 personnes qui sont dans les couloirs de la mort ; or la peine de mort est non seulement inefficace par rapport à la criminalité mais en plus complètement inhumaine. Et donc la France - cela fait partie de ses valeurs - s'associe à une grande campagne universelle pour l'abrogation de la peine de mort.
Q - Merci Laurent Fabius.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 octobre 2012