Texte intégral
Monsieur le Président, Monsieur le Ministre chargé des Relations avec le Parlement, Mesdames et Messieurs les Députés, nous sommes à la veille du Conseil européen qui devra s'attacher à la mise en oeuvre des décisions prises à l'occasion du dernier Conseil des 28 et 29 juin, où a été engagée la réorientation de la politique de l'Union européenne.
L'Europe est confrontée à une crise extrêmement profonde, crise économique, financière, monétaire, crise de l'emploi et de la croissance, qui s'enkyste, et l'ensemble des dirigeants européens ont bien conscience de la nécessité, face à la gravité de la situation, de prendre dans l'urgence les mesures qui s'imposent pour que cette crise puisse être surmontée dans les meilleurs délais.
C'est cette volonté qui a présidé aux décisions arrêtées à l'occasion du Conseil européen du mois de juin. Le Conseil de demain veillera, je l'ai dit, à l'application de ces décisions et préfigurera celui du mois de décembre, à l'occasion duquel l'ensemble des chefs d'État et de gouvernement prendront connaissance de la feuille de route d'Herman Van Rompuy, préparée en liaison avec les institutions européennes et les États, qui donnera un avenir à l'union économique et monétaire, jusqu'à l'union politique.
Je voudrais rappeler quels sont les sujets à l'ordre du jour du Conseil européen de demain, redire ce que nous en attendons et quel est notre agenda, avant de conclure en quelques mots sur la suite, c'est-à-dire sur les échéances ultérieures concernant l'avenir de l'union économique et monétaire.
Tout d'abord, quelques éléments sur les décisions arrêtées au mois de juin, à l'application desquelles nous devons scrupuleusement veiller. Nous nous étions fixé trois objectifs.
Le premier était l'engagement d'initiatives fortes de l'Union européenne en faveur de la croissance, parce que nous étions convaincus qu'il n'était pas possible de rétablir durablement les comptes publics sans de telles initiatives.
Nous avions également la volonté, deuxième objectif, de remettre de l'ordre dans la finance. Une grande partie des difficultés auxquelles les économies sont confrontées résulte d'actes multipliés de spéculation, qui justifiaient une remise en ordre durable, définitive, de la finance, pour que celle-ci soit au service de l'économie réelle et de la croissance plus que de la spéculation.
Enfin, troisième objectif, nous avions la volonté de renforcer la solidarité au sein de l'Union européenne, notamment dans la zone euro, pour que la solidarité monétaire et financière entre les pays de l'Union devienne un élément permettant de surmonter la crise.
S'agissant, tout d'abord, des initiatives de croissance, je vous confirme que le plan de 120 milliards d'euros est en cours d'exécution, et je souhaite profiter du présent débat pour faire un point précis sur son état d'avancement.
Nous avons, comme chaque État, en liaison très étroite avec la Commission, demandé à l'ensemble des secrétaires généraux pour les affaires régionales des préfectures de nous indiquer quelles étaient les enveloppes pouvant être mobilisées en France au titre de ce premier axe de mobilisation des fonds structurels, pour des projets susceptibles d'être mis en oeuvre dans les meilleurs délais, afin qu'il puisse y avoir sans tarder des investissements réels, concrets en faveur de la croissance.
Les premières expertises de l'État montrent que près de 2,5 milliards d'euros, correspondant à un plancher et non à un plafond, peuvent d'ores et déjà être mobilisés pour accompagner dans les régions des projets concrets en faveur de la transition énergétique, du développement des transports, de l'équipement numérique des territoires, de l'innovation, du transfert de technologies, dans les filières d'excellence de notre industrie.
En ce qui concerne la recapitalisation de la Banque européenne d'investissement, le conseil d'administration de cette institution s'est réuni au mois de juillet, et les gouverneurs se réuniront de nouveau en décembre pour libérer en une seule fois les 10 milliards d'euros de recapitalisation, qui permettront de consentir 60 milliards d'euros de prêts, qui eux-mêmes enclencheront 120 milliards d'euros d'investissements. Cela me donne l'occasion de rappeler qu'il ne s'agit pas d'un plan à 120 milliards mais à 240 milliards, qui représente 2 % du PIB de l'Union européenne et près de vingt-quatre mois de budget de la Commission puisque ce dernier, en cours de négociation pour la période 2014-2020, est de près de 1 000 milliards d'euros.
Enfin, s'agissant des obligations de projets, les eurobonds, 100 milliards d'euros ont été mobilisés pour des projets en faveur du transport, 130 milliards le seront pour des projets en faveur de l'énergie et de l'équipement numérique du territoire. Ces montants sont des moyens que nous mobilisons en garantie pour débloquer les obligations de projets à hauteur de 4,5 milliards d'euros. En liaison avec la BEI, la Commission et le commissariat général à l'investissement, nous sommes en train d'arrêter la liste des projets susceptibles d'être éligibles à l'ensemble de ces dispositifs.
Nous prolongerons cette ambition de croissance - il en sera sans doute question au Conseil de demain - par d'autres initiatives, d'autres instruments. Je pense notamment au budget de l'Union européenne pour la période 2014-2020, en cours de négociation. Nous n'avons pas la même approche de ce budget que le précédent gouvernement, puisque nous n'entendons pas imposer les mêmes coupes que celles envisagées par nos prédécesseurs, et nous souhaitons que la taxe sur les transactions financières soit l'occasion de doter ce budget de ressources propres pour que nous puissions, par-delà la Politique agricole commune, à laquelle nous tenons, par le biais des fonds de cohésion, du budget en faveur de la recherche ou du financement des grands projets innovants de demain - ITER et GMES -, faire de la croissance durable en Europe.
Toujours pour prolonger l'ambition de croissance, nous avons également mis sur le métier - la question a été traitée lors du Conseil affaires générales d'hier - la volonté qui est la nôtre de faire respecter les principes du juste échange au sein de l'Union européenne. Il n'y a aucune raison d'ouvrir les marchés de l'Union à des industries provenant de pays qui n'ouvrent pas leurs marchés à nos propres industries. Nous souhaitons que le juste échange, qui permettra un développement du commerce international protecteur d'un certain modèle industriel en Europe, devienne une réalité.
Par ailleurs, à l'instigation du ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, une lettre a été signée par sept ministres européens des affaires industrielles, invitant la Commission, laquelle a d'ailleurs fait une communication hier, à engager une nouvelle politique industrielle favorisant, dans nos filières d'excellence, les logiques d'innovation et de transfert de technologies, la formation des personnels, de manière que la compétitivité de l'industrie européenne passe aussi par la montée en gamme de ses produits.
Le deuxième sujet que nous avons souhaité traiter au mois de juin et qui sera demain à l'ordre du jour, c'est la remise en ordre de la finance. Vous savez qu'il a été décidé, au Conseil de juin, de créer un dispositif de supervision des banques. Ce dispositif doit permettre la supervision par la Banque centrale européenne de la totalité des banques de l'Union, afin d'éviter que les errements spéculatifs d'hier ne se reproduisent.
Ce travail doit encore être achevé. La Commission européenne a rendu public, le 12 septembre, les dispositions à caractère législatif qui permettront à cette supervision bancaire d'être mise en oeuvre effectivement dans les semaines qui viennent, avant, nous l'espérons, la fin de l'année. Il reste quelques calages à opérer pour que le calendrier soit respecté. Nous nous attacherons à ce que le Conseil européen soit l'occasion de confirmer tant le dispositif que le calendrier.
La supervision bancaire est la première étape de l'union bancaire : nous devrons poursuivre l'action engagée par un dispositif de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts qui dotera l'Union européenne d'une union bancaire efficace garantissant la capacité des banques à financer durablement l'économie réelle davantage que la spéculation.
S'agissant toujours de la régulation de la finance, je voudrais évoquer l'envoi à la Commission d'un courrier signé par onze États et visant à mettre en oeuvre, en coopération renforcée, la taxe sur les transactions financières. Nous souhaitons que cette taxe soit un instrument de régulation de la finance, mais permette aussi d'engager demain des actions en faveur du développement ou de fournir des ressources propres au budget de l'Union européenne pour qu'il puisse être durablement un budget de croissance.
Bien entendu, il reste beaucoup à faire pour que les décisions que nous avons prises se poursuivent et se prolongent. Vous savez qu'il était prévu, dès lors que la supervision bancaire serait mise en place, que le Mécanisme européen de stabilité puisse intervenir en recapitalisation directe des banques espagnoles, afin d'éviter que le gouvernement espagnol ne se trouve contraint de financer ses banques en devant affronter des taux d'intérêt extrêmement élevés sur les marchés financiers. Nous nous mobiliserons fortement pour que ce soit le cas, parce qu'une grande partie de la crédibilité des décisions de l'Union face aux marchés et face aux peuples dépend de la capacité des institutions européennes à respecter scrupuleusement les calendriers qu'elles se sont fixés elles-mêmes sur les sujets essentiels.
Le Mécanisme européen de stabilité a été approuvé par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. Son conseil des gouverneurs s'est réuni le 8 octobre et le dispositif est désormais en vigueur ; cette recapitalisation est possible.
De même, la possibilité d'intervenir sur le marché secondaire des dettes souveraines, par le biais de la mobilisation du Fonds européen de stabilité financière, a permis de faire baisser les taux d'intérêt et d'éviter des attaques spéculatives pendant l'été.
Le 6 septembre, la Banque centrale européenne a décidé d'intervenir sans limite sur le marché à court terme des dettes souveraines pour éviter de nouveaux phénomènes spéculatifs, ce qui aura permis de stabiliser la situation en Europe.
Il nous faut aller plus loin encore dans ce dispositif de pare-feu en renforçant la solidarité, et c'est le troisième sujet que je veux évoquer. Cela renvoie à la suite, à la feuille de route préparée actuellement par Herman Van Rompuy et à propos de laquelle nous prendrons connaissance d'un rapport d'étape demain, lors du Conseil européen.
Il nous faut réussir à trouver un équilibre entre trois objectifs.
Le premier, c'est la convergence des politiques budgétaires, garantie que la monnaie unique tiendra dans le temps. La mise en oeuvre des dispositifs résultant du six-pack, et demain du two-pack et du TSCG, garantit qu'au sein de l'Union européenne, la convergence des politiques budgétaires sera rendue possible grâce à l'effort que feront les États pour maîtriser leurs comptes. Mais la maîtrise des comptes n'aura de sens que si elle permet davantage de solidarité, car leur rétablissement sans croissance ni solidarité serait une étape sans issue, une impasse pour l'Union européenne. Dès lors qu'il y a discipline budgétaire, il faut donc qu'il y ait aussi solidarité et croissance. Et si davantage de solidarité justifie demain davantage d'union politique, nous sommes bien entendu prêts, nous l'avons déjà dit, à franchir un pas vers davantage d'intégration.
Dans les documents qui nous ont été transmis figurent des éléments intéressants qui témoignent du fait que le combat que nous avons engagé pour la solidarité, pour la mutualisation, pour davantage de cohérence et de convergence commence à produire des résultats. Je pense notamment à la possibilité évoquée de mettre en place un fonds spécial pour la zone euro, qui permettrait d'alimenter des dispositifs de croissance, sans préjudice d'ailleurs des moyens mobilisés par les États eux-mêmes pour accompagner les politiques de cohésion ou la politique agricole commune à vingt-sept. La création de ce fonds est désormais envisagée comme une possible conclusion du prochain Conseil européen. J'évoquerai également les émissions de dettes à court terme. Celles-ci constituent une étape vers les euro-obligations dont on nous disait qu'elles n'étaient pas envisageables. Or les euro-obligations sont bien profilées comme une hypothèse de travail qui permettrait de conforter la solidarité.
Budget de la zone euro, émissions de dettes communes et mutualisation possible, demain, de ces dettes dès lors que la discipline budgétaire est là, autant de perspectives qui vont dans le sens de la réorientation pour laquelle le Gouvernement s'est mobilisé, et qu'il entend poursuivre en profitant du Conseil européen des 18 et 19 octobre comme d'une opportunité nouvelle.
J'insiste sur le fait, et je conclurai par là, que ce que nous faisons pour que l'Europe approfondisse sa réorientation, qu'elle aille plus loin dans la solidarité et dans la croissance, n'aboutira que si nous parvenons à articuler demain le pilotage de la zone euro en mettant en place des mécanismes permettant une concertation accrue entre les pays qui la constituent. Je pense bien entendu à des sommets plus réguliers de la zone euro et à un renforcement du rôle du président de l'Eurogroupe en vue d'assurer une meilleure coordination des décisions et des politiques.
Mais il faut aussi que ce que nous faisons à dix-sept ne soit pas orthogonal par rapport à ce que nous faisons à vingt-sept dans le cadre du marché unique afin qu'il y ait de la croissance pour tous les pays. Nous devons trouver cette articulation. La feuille de route d'Herman Van Rompuy la profile de façon intelligente et astucieuse, et c'est autour de ses orientations, dans le respect de nos partenaires et dans la volonté d'une relation équilibrée avec l'Allemagne, que nous abordons ce Conseil européen. Ce doit être à la fois un Conseil de consolidation de la réorientation engagée au mois de juin, sous l'impulsion du président de la République, et une étape annonciatrice de ce qui pourrait se faire demain, à l'occasion notamment du Conseil de décembre. Il s'agira alors, à travers la version définitive de la feuille de route qui nous engagera durablement vers l'avenir, de définir les conditions dans lesquelles nous irons plus loin vers la croissance, vers la solidarité, vers la coordination des politiques économiques et monétaires.
(Interventions des parlementaires)
Je remercie tous les orateurs qui se sont exprimés, quels que soient les bancs où ils siègent, pour leurs interventions et leur apport à ce débat. Je remercie notamment Mmes les présidentes des commissions des affaires étrangères et des affaires européennes pour leurs observations toujours judicieuses, l'importance des questions qu'elles ont posées et la contribution que leurs idées nouvelles ont apportée à la politique européenne du gouvernement. J'ai pu mesurer, à l'occasion du débat relatif au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, à quel point les initiatives de vos commissions sont utiles. Je pense notamment à la résolution concernant la mise en oeuvre des dispositions de l'article 13 du traité, article qui permet, en prévoyant l'organisation d'une conférence interparlementaire, d'associer davantage le Parlement à l'exercice de ses prérogatives souveraines en matière budgétaire, notamment lorsqu'il s'agit des relations entre l'État français et la Commission européenne dans le cadre du semestre européen.
J'essaierai de répondre de manière succincte aux orateurs, en suivant l'ordre dans lequel ils se sont exprimés.
(...)
Nous voulons approfondir considérablement la relation franco-allemande. Nous considérons que la relation franco-allemande est consubstantielle à la dynamique de l'Union européenne. Elle n'est jamais aussi forte que lorsque les Allemands et les Français s'expriment clairement les uns face aux autres, sans être nécessairement d'accord dès le début. Ce qui compte, c'est qu'in fine les compromis soient solides. Le temps long de la construction européenne le montre. Il est donc tout à fait normal qu'un ministre des affaires européennes allemand exprime ses souhaits en matière d'évolution de l'union économique et monétaire, qu'il dise ce avec quoi il est d'accord, et ce avec quoi il ne l'est pas. Dès lors que l'on accepte ce principe consubstantiel au fonctionnement de l'Union européenne, on doit accepter le fait que, de la même manière, un ministre français puisse s'exprimer avec la même franchise et dire ce qu'il croit bon pour l'Europe et pour son pays, dans le même respect de la relation franco-allemande.
C'est parce que nous avons réussi à instaurer une telle franchise dans notre relation avec l'Allemagne que nous sommes parvenus à bâtir en juin un compromis solide. C'est parce que nous avons réussi à rééquilibrer cette relation que nous avons pu l'ouvrir à d'autres pays, comme l'Espagne et l'Italie. C'est enfin parce que nous avons procédé à ce rééquilibrage et à cette ouverture que nous sommes aujourd'hui capables d'avancer des idées nouvelles pour sortir de la crise et de bâtir des compromis forts qui sont bons pour l'Union européenne.
Vous nous invitez, avec M. Plagnol, à répondre aux propositions allemandes concernant l'avenir de l'union économique et monétaire. Vous vous inquiétez du fait que nous n'y répondrions pas. Je me suis fait apporter, dans l'intervalle entre votre intervention et ma réponse, la liste des réunions organisées par le groupe de M. Westerwelle. Je vous en donnerai les dates, ainsi que le niveau des participants français à ces réunions. Le groupe Westerwelle sur le futur de l'Europe a été lancé en février 2012, par une lettre adressée par M. Westerwelle au gouvernement français. La première réunion a eu lieu le 20 mars 2012. Nous étions représentés par notre ambassadeur à Berlin, qui est talentueux, remarquable et fait un travail excellent, mais n'est pas de rang ministériel. Le 19 avril, à Bruxelles, c'est notre ambassadeur, représentant permanent auprès de l'Union européenne, qui a représenté la France à la réunion du groupe Westerwelle. Le 13 mai, à Vienne, c'est notre ambassadeur en Autriche. (...)
Le 20 juillet, une réunion du groupe Westerwelle s'est tenue à Palma de Majorque. Le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, y était. Le 17 septembre dernier, au moment où le groupe Westerwelle a conclu ses travaux, le ministre des affaires étrangères m'a demandé de l'y représenter, et j'y suis allé. Nous avons donc été représentés à un niveau ministériel à deux réunions de ce groupe depuis le début de notre mandat. (...)
Nous avons indiqué, lors de la réunion du 17 septembre, que nous étions tout à fait prêts à nous engager dans un processus de renforcement de l'union politique. (...)
Puisqu'il faut faire des propositions, nous en faisons ! (...)
Premièrement, nous proposons que l'union bancaire, dont nous avons besoin pour stabiliser la finance à l'échelle de l'Union européenne, soit effectivement mise en place. Nous proposons plus précisément à nos partenaires européens - parmi lesquels figure notre partenaire allemand - de faire en sorte que la totalité des banques européennes soit supervisée par la Banque centrale européenne. Pour cela, il nous faut trouver, au sein du dispositif européen actuel, une bonne articulation entre les interventions de l'Autorité bancaire européenne et celles de la Banque centrale européenne. Nous souhaitons arriver à un consensus pour que la supervision soit effective et qu'elle permette de renforcer les institutions de l'union économique et monétaire. (...)
Deuxièmement, nous proposons que le budget de l'Union européenne ne fasse pas l'objet d'une coupe de 200 milliards d'euros, comme le prévoyait la précédente mouture gouvernementale, mais qu'au contraire il soit doté de ressources propres par l'affectation de la taxe sur les transactions financières. (...)
Troisièmement, la France propose, en contrepartie à la discipline budgétaire et à la remise en ordre des comptes publics, des initiatives de solidarité, notamment le renforcement des modalités d'intervention de la BCE, pouvant aller jusqu'à la mutualisation de la dette. (...) Cela permettrait à l'Union européenne de disposer des moyens nécessaires pour faire face à la spéculation lorsqu'elle attaque les économies.
Voilà trois propositions concrètes, pour lesquelles nous sommes reconnus par l'ensemble des pays de l'Union européenne comme étant à l'avant-garde de la construction européenne. Nous les adressons aux pays de l'Union européenne. (...)
Enfin, vous regrettez l'absence de proposition française en matière de politique industrielle. Vous qui avez été membre de la commission de la défense nationale, vous devriez vous inquiéter de ce qui se passe pour le dossier EADS. J'ai été membre de cette commission avec vous : vous savez bien que son fonctionnement est consensuel et que l'on essaie d'y éviter les approximations sur les sujets les plus sérieux. (...)
Vous avez raison d'affirmer, s'agissant du dispositif de prêt de la BEI, que nous ne parviendrons à mettre en oeuvre rapidement le plan de croissance que lorsque les procédures en cours auront été simplifiées. C'est ainsi que dans les règlements que la Commission élabore, nous plaidons pour la simplification de l'instruction des dossiers et des conditions d'attribution des fonds afin de garantir le délai le plus court possible entre la décision prise de la recapitalisation et l'entrée en vigueur des prêts à des fins de croissance.
Concernant la taxe sur les transactions financières, le projet de la Commission - fondé sur une assiette large, car incluant les produits dérivés, et sur un taux significatif - avait conduit à envisager un produit de 57 milliards d'euros. Nous ne sommes pas en mesure, aujourd'hui, de préciser le montant de la taxe dès lors que tout doit se décider entre les onze pays concernés et que nous ne connaissons pas, à l'heure actuelle, quel sera le point d'aboutissement sur l'assiette et le taux. Ce que nous pouvons simplement dire, c'est qu'elle représentera plusieurs milliards, voire plusieurs dizaines de milliards d'euros de rendement.
Vous m'avez également demandé si, pour ce qui est de la supervision, notre discussion avec l'Allemagne aboutira. La proposition concrète avancée à cet égard le 12 septembre par la Commission européenne est en tout cas suffisamment astucieuse dans sa rédaction en termes de phasage possible, pour que nous puissions trouver, comme nous le souhaitons, un compromis avec nos partenaires permettant de rendre effective cette supervision.
Pour ce qui est du budget de la zone euro, nous sommes favorables à tout dispositif permettant de renforcer la solidarité au sein de l'Union européenne. Nous devons simplement nous assurer que la mise en place d'un tel budget ne remettra pas en cause celui de l'Union européenne qui dépend des vingt-sept et qui permet de faire de la croissance. Il ne sera en tout cas pas présenté comme une alternative à la mutualisation de la dette parce que nous avons besoin des deux outils : le budget de la zone euro ne saurait être un solde d'évacuation de la mutualisation de la dette et de la mise en place des Eurobonds.
Enfin, je remercie M. Asensi pour son intervention. S'agissant en particulier de sa question relative au rapport entre croissance et austérité, qu'il avait déjà soulevée lors de notre débat de la semaine dernière, il a indiqué, rapportant les 120 milliards d'euros du pacte de croissance aux mesures de réduction des déficits prises par l'ensemble des États, qu'il y avait un risque de déséquilibre. Je veux rappeler que ces 120 milliards ne sont pas la seule mesure dont nous souhaitons la mise en oeuvre pour accompagner la croissance au sein de l'Union européenne. N'oublions pas en effet les 1 000 milliards du budget de l'Union européenne pour la période 2014-2020. Nous n'avons d'ailleurs pas la même approche que le précédent gouvernement : nous souhaitons que ce budget soit doté de ressources propres.
Des initiatives ont été prises en matière de juste échange et d'accompagnement de la politique industrielle, et nous devons nous consacrer entièrement au chantier qui est devant nous. Ainsi, les investissements qui découleront de la politique énergétique, des transports et de l'équipement numérique, c'est-à-dire des mécanismes d'interconnexion européens, devront permettre une compétitivité durable de l'Union européenne.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 octobre 2012
L'Europe est confrontée à une crise extrêmement profonde, crise économique, financière, monétaire, crise de l'emploi et de la croissance, qui s'enkyste, et l'ensemble des dirigeants européens ont bien conscience de la nécessité, face à la gravité de la situation, de prendre dans l'urgence les mesures qui s'imposent pour que cette crise puisse être surmontée dans les meilleurs délais.
C'est cette volonté qui a présidé aux décisions arrêtées à l'occasion du Conseil européen du mois de juin. Le Conseil de demain veillera, je l'ai dit, à l'application de ces décisions et préfigurera celui du mois de décembre, à l'occasion duquel l'ensemble des chefs d'État et de gouvernement prendront connaissance de la feuille de route d'Herman Van Rompuy, préparée en liaison avec les institutions européennes et les États, qui donnera un avenir à l'union économique et monétaire, jusqu'à l'union politique.
Je voudrais rappeler quels sont les sujets à l'ordre du jour du Conseil européen de demain, redire ce que nous en attendons et quel est notre agenda, avant de conclure en quelques mots sur la suite, c'est-à-dire sur les échéances ultérieures concernant l'avenir de l'union économique et monétaire.
Tout d'abord, quelques éléments sur les décisions arrêtées au mois de juin, à l'application desquelles nous devons scrupuleusement veiller. Nous nous étions fixé trois objectifs.
Le premier était l'engagement d'initiatives fortes de l'Union européenne en faveur de la croissance, parce que nous étions convaincus qu'il n'était pas possible de rétablir durablement les comptes publics sans de telles initiatives.
Nous avions également la volonté, deuxième objectif, de remettre de l'ordre dans la finance. Une grande partie des difficultés auxquelles les économies sont confrontées résulte d'actes multipliés de spéculation, qui justifiaient une remise en ordre durable, définitive, de la finance, pour que celle-ci soit au service de l'économie réelle et de la croissance plus que de la spéculation.
Enfin, troisième objectif, nous avions la volonté de renforcer la solidarité au sein de l'Union européenne, notamment dans la zone euro, pour que la solidarité monétaire et financière entre les pays de l'Union devienne un élément permettant de surmonter la crise.
S'agissant, tout d'abord, des initiatives de croissance, je vous confirme que le plan de 120 milliards d'euros est en cours d'exécution, et je souhaite profiter du présent débat pour faire un point précis sur son état d'avancement.
Nous avons, comme chaque État, en liaison très étroite avec la Commission, demandé à l'ensemble des secrétaires généraux pour les affaires régionales des préfectures de nous indiquer quelles étaient les enveloppes pouvant être mobilisées en France au titre de ce premier axe de mobilisation des fonds structurels, pour des projets susceptibles d'être mis en oeuvre dans les meilleurs délais, afin qu'il puisse y avoir sans tarder des investissements réels, concrets en faveur de la croissance.
Les premières expertises de l'État montrent que près de 2,5 milliards d'euros, correspondant à un plancher et non à un plafond, peuvent d'ores et déjà être mobilisés pour accompagner dans les régions des projets concrets en faveur de la transition énergétique, du développement des transports, de l'équipement numérique des territoires, de l'innovation, du transfert de technologies, dans les filières d'excellence de notre industrie.
En ce qui concerne la recapitalisation de la Banque européenne d'investissement, le conseil d'administration de cette institution s'est réuni au mois de juillet, et les gouverneurs se réuniront de nouveau en décembre pour libérer en une seule fois les 10 milliards d'euros de recapitalisation, qui permettront de consentir 60 milliards d'euros de prêts, qui eux-mêmes enclencheront 120 milliards d'euros d'investissements. Cela me donne l'occasion de rappeler qu'il ne s'agit pas d'un plan à 120 milliards mais à 240 milliards, qui représente 2 % du PIB de l'Union européenne et près de vingt-quatre mois de budget de la Commission puisque ce dernier, en cours de négociation pour la période 2014-2020, est de près de 1 000 milliards d'euros.
Enfin, s'agissant des obligations de projets, les eurobonds, 100 milliards d'euros ont été mobilisés pour des projets en faveur du transport, 130 milliards le seront pour des projets en faveur de l'énergie et de l'équipement numérique du territoire. Ces montants sont des moyens que nous mobilisons en garantie pour débloquer les obligations de projets à hauteur de 4,5 milliards d'euros. En liaison avec la BEI, la Commission et le commissariat général à l'investissement, nous sommes en train d'arrêter la liste des projets susceptibles d'être éligibles à l'ensemble de ces dispositifs.
Nous prolongerons cette ambition de croissance - il en sera sans doute question au Conseil de demain - par d'autres initiatives, d'autres instruments. Je pense notamment au budget de l'Union européenne pour la période 2014-2020, en cours de négociation. Nous n'avons pas la même approche de ce budget que le précédent gouvernement, puisque nous n'entendons pas imposer les mêmes coupes que celles envisagées par nos prédécesseurs, et nous souhaitons que la taxe sur les transactions financières soit l'occasion de doter ce budget de ressources propres pour que nous puissions, par-delà la Politique agricole commune, à laquelle nous tenons, par le biais des fonds de cohésion, du budget en faveur de la recherche ou du financement des grands projets innovants de demain - ITER et GMES -, faire de la croissance durable en Europe.
Toujours pour prolonger l'ambition de croissance, nous avons également mis sur le métier - la question a été traitée lors du Conseil affaires générales d'hier - la volonté qui est la nôtre de faire respecter les principes du juste échange au sein de l'Union européenne. Il n'y a aucune raison d'ouvrir les marchés de l'Union à des industries provenant de pays qui n'ouvrent pas leurs marchés à nos propres industries. Nous souhaitons que le juste échange, qui permettra un développement du commerce international protecteur d'un certain modèle industriel en Europe, devienne une réalité.
Par ailleurs, à l'instigation du ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, une lettre a été signée par sept ministres européens des affaires industrielles, invitant la Commission, laquelle a d'ailleurs fait une communication hier, à engager une nouvelle politique industrielle favorisant, dans nos filières d'excellence, les logiques d'innovation et de transfert de technologies, la formation des personnels, de manière que la compétitivité de l'industrie européenne passe aussi par la montée en gamme de ses produits.
Le deuxième sujet que nous avons souhaité traiter au mois de juin et qui sera demain à l'ordre du jour, c'est la remise en ordre de la finance. Vous savez qu'il a été décidé, au Conseil de juin, de créer un dispositif de supervision des banques. Ce dispositif doit permettre la supervision par la Banque centrale européenne de la totalité des banques de l'Union, afin d'éviter que les errements spéculatifs d'hier ne se reproduisent.
Ce travail doit encore être achevé. La Commission européenne a rendu public, le 12 septembre, les dispositions à caractère législatif qui permettront à cette supervision bancaire d'être mise en oeuvre effectivement dans les semaines qui viennent, avant, nous l'espérons, la fin de l'année. Il reste quelques calages à opérer pour que le calendrier soit respecté. Nous nous attacherons à ce que le Conseil européen soit l'occasion de confirmer tant le dispositif que le calendrier.
La supervision bancaire est la première étape de l'union bancaire : nous devrons poursuivre l'action engagée par un dispositif de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts qui dotera l'Union européenne d'une union bancaire efficace garantissant la capacité des banques à financer durablement l'économie réelle davantage que la spéculation.
S'agissant toujours de la régulation de la finance, je voudrais évoquer l'envoi à la Commission d'un courrier signé par onze États et visant à mettre en oeuvre, en coopération renforcée, la taxe sur les transactions financières. Nous souhaitons que cette taxe soit un instrument de régulation de la finance, mais permette aussi d'engager demain des actions en faveur du développement ou de fournir des ressources propres au budget de l'Union européenne pour qu'il puisse être durablement un budget de croissance.
Bien entendu, il reste beaucoup à faire pour que les décisions que nous avons prises se poursuivent et se prolongent. Vous savez qu'il était prévu, dès lors que la supervision bancaire serait mise en place, que le Mécanisme européen de stabilité puisse intervenir en recapitalisation directe des banques espagnoles, afin d'éviter que le gouvernement espagnol ne se trouve contraint de financer ses banques en devant affronter des taux d'intérêt extrêmement élevés sur les marchés financiers. Nous nous mobiliserons fortement pour que ce soit le cas, parce qu'une grande partie de la crédibilité des décisions de l'Union face aux marchés et face aux peuples dépend de la capacité des institutions européennes à respecter scrupuleusement les calendriers qu'elles se sont fixés elles-mêmes sur les sujets essentiels.
Le Mécanisme européen de stabilité a été approuvé par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. Son conseil des gouverneurs s'est réuni le 8 octobre et le dispositif est désormais en vigueur ; cette recapitalisation est possible.
De même, la possibilité d'intervenir sur le marché secondaire des dettes souveraines, par le biais de la mobilisation du Fonds européen de stabilité financière, a permis de faire baisser les taux d'intérêt et d'éviter des attaques spéculatives pendant l'été.
Le 6 septembre, la Banque centrale européenne a décidé d'intervenir sans limite sur le marché à court terme des dettes souveraines pour éviter de nouveaux phénomènes spéculatifs, ce qui aura permis de stabiliser la situation en Europe.
Il nous faut aller plus loin encore dans ce dispositif de pare-feu en renforçant la solidarité, et c'est le troisième sujet que je veux évoquer. Cela renvoie à la suite, à la feuille de route préparée actuellement par Herman Van Rompuy et à propos de laquelle nous prendrons connaissance d'un rapport d'étape demain, lors du Conseil européen.
Il nous faut réussir à trouver un équilibre entre trois objectifs.
Le premier, c'est la convergence des politiques budgétaires, garantie que la monnaie unique tiendra dans le temps. La mise en oeuvre des dispositifs résultant du six-pack, et demain du two-pack et du TSCG, garantit qu'au sein de l'Union européenne, la convergence des politiques budgétaires sera rendue possible grâce à l'effort que feront les États pour maîtriser leurs comptes. Mais la maîtrise des comptes n'aura de sens que si elle permet davantage de solidarité, car leur rétablissement sans croissance ni solidarité serait une étape sans issue, une impasse pour l'Union européenne. Dès lors qu'il y a discipline budgétaire, il faut donc qu'il y ait aussi solidarité et croissance. Et si davantage de solidarité justifie demain davantage d'union politique, nous sommes bien entendu prêts, nous l'avons déjà dit, à franchir un pas vers davantage d'intégration.
Dans les documents qui nous ont été transmis figurent des éléments intéressants qui témoignent du fait que le combat que nous avons engagé pour la solidarité, pour la mutualisation, pour davantage de cohérence et de convergence commence à produire des résultats. Je pense notamment à la possibilité évoquée de mettre en place un fonds spécial pour la zone euro, qui permettrait d'alimenter des dispositifs de croissance, sans préjudice d'ailleurs des moyens mobilisés par les États eux-mêmes pour accompagner les politiques de cohésion ou la politique agricole commune à vingt-sept. La création de ce fonds est désormais envisagée comme une possible conclusion du prochain Conseil européen. J'évoquerai également les émissions de dettes à court terme. Celles-ci constituent une étape vers les euro-obligations dont on nous disait qu'elles n'étaient pas envisageables. Or les euro-obligations sont bien profilées comme une hypothèse de travail qui permettrait de conforter la solidarité.
Budget de la zone euro, émissions de dettes communes et mutualisation possible, demain, de ces dettes dès lors que la discipline budgétaire est là, autant de perspectives qui vont dans le sens de la réorientation pour laquelle le Gouvernement s'est mobilisé, et qu'il entend poursuivre en profitant du Conseil européen des 18 et 19 octobre comme d'une opportunité nouvelle.
J'insiste sur le fait, et je conclurai par là, que ce que nous faisons pour que l'Europe approfondisse sa réorientation, qu'elle aille plus loin dans la solidarité et dans la croissance, n'aboutira que si nous parvenons à articuler demain le pilotage de la zone euro en mettant en place des mécanismes permettant une concertation accrue entre les pays qui la constituent. Je pense bien entendu à des sommets plus réguliers de la zone euro et à un renforcement du rôle du président de l'Eurogroupe en vue d'assurer une meilleure coordination des décisions et des politiques.
Mais il faut aussi que ce que nous faisons à dix-sept ne soit pas orthogonal par rapport à ce que nous faisons à vingt-sept dans le cadre du marché unique afin qu'il y ait de la croissance pour tous les pays. Nous devons trouver cette articulation. La feuille de route d'Herman Van Rompuy la profile de façon intelligente et astucieuse, et c'est autour de ses orientations, dans le respect de nos partenaires et dans la volonté d'une relation équilibrée avec l'Allemagne, que nous abordons ce Conseil européen. Ce doit être à la fois un Conseil de consolidation de la réorientation engagée au mois de juin, sous l'impulsion du président de la République, et une étape annonciatrice de ce qui pourrait se faire demain, à l'occasion notamment du Conseil de décembre. Il s'agira alors, à travers la version définitive de la feuille de route qui nous engagera durablement vers l'avenir, de définir les conditions dans lesquelles nous irons plus loin vers la croissance, vers la solidarité, vers la coordination des politiques économiques et monétaires.
(Interventions des parlementaires)
Je remercie tous les orateurs qui se sont exprimés, quels que soient les bancs où ils siègent, pour leurs interventions et leur apport à ce débat. Je remercie notamment Mmes les présidentes des commissions des affaires étrangères et des affaires européennes pour leurs observations toujours judicieuses, l'importance des questions qu'elles ont posées et la contribution que leurs idées nouvelles ont apportée à la politique européenne du gouvernement. J'ai pu mesurer, à l'occasion du débat relatif au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, à quel point les initiatives de vos commissions sont utiles. Je pense notamment à la résolution concernant la mise en oeuvre des dispositions de l'article 13 du traité, article qui permet, en prévoyant l'organisation d'une conférence interparlementaire, d'associer davantage le Parlement à l'exercice de ses prérogatives souveraines en matière budgétaire, notamment lorsqu'il s'agit des relations entre l'État français et la Commission européenne dans le cadre du semestre européen.
J'essaierai de répondre de manière succincte aux orateurs, en suivant l'ordre dans lequel ils se sont exprimés.
(...)
Nous voulons approfondir considérablement la relation franco-allemande. Nous considérons que la relation franco-allemande est consubstantielle à la dynamique de l'Union européenne. Elle n'est jamais aussi forte que lorsque les Allemands et les Français s'expriment clairement les uns face aux autres, sans être nécessairement d'accord dès le début. Ce qui compte, c'est qu'in fine les compromis soient solides. Le temps long de la construction européenne le montre. Il est donc tout à fait normal qu'un ministre des affaires européennes allemand exprime ses souhaits en matière d'évolution de l'union économique et monétaire, qu'il dise ce avec quoi il est d'accord, et ce avec quoi il ne l'est pas. Dès lors que l'on accepte ce principe consubstantiel au fonctionnement de l'Union européenne, on doit accepter le fait que, de la même manière, un ministre français puisse s'exprimer avec la même franchise et dire ce qu'il croit bon pour l'Europe et pour son pays, dans le même respect de la relation franco-allemande.
C'est parce que nous avons réussi à instaurer une telle franchise dans notre relation avec l'Allemagne que nous sommes parvenus à bâtir en juin un compromis solide. C'est parce que nous avons réussi à rééquilibrer cette relation que nous avons pu l'ouvrir à d'autres pays, comme l'Espagne et l'Italie. C'est enfin parce que nous avons procédé à ce rééquilibrage et à cette ouverture que nous sommes aujourd'hui capables d'avancer des idées nouvelles pour sortir de la crise et de bâtir des compromis forts qui sont bons pour l'Union européenne.
Vous nous invitez, avec M. Plagnol, à répondre aux propositions allemandes concernant l'avenir de l'union économique et monétaire. Vous vous inquiétez du fait que nous n'y répondrions pas. Je me suis fait apporter, dans l'intervalle entre votre intervention et ma réponse, la liste des réunions organisées par le groupe de M. Westerwelle. Je vous en donnerai les dates, ainsi que le niveau des participants français à ces réunions. Le groupe Westerwelle sur le futur de l'Europe a été lancé en février 2012, par une lettre adressée par M. Westerwelle au gouvernement français. La première réunion a eu lieu le 20 mars 2012. Nous étions représentés par notre ambassadeur à Berlin, qui est talentueux, remarquable et fait un travail excellent, mais n'est pas de rang ministériel. Le 19 avril, à Bruxelles, c'est notre ambassadeur, représentant permanent auprès de l'Union européenne, qui a représenté la France à la réunion du groupe Westerwelle. Le 13 mai, à Vienne, c'est notre ambassadeur en Autriche. (...)
Le 20 juillet, une réunion du groupe Westerwelle s'est tenue à Palma de Majorque. Le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, y était. Le 17 septembre dernier, au moment où le groupe Westerwelle a conclu ses travaux, le ministre des affaires étrangères m'a demandé de l'y représenter, et j'y suis allé. Nous avons donc été représentés à un niveau ministériel à deux réunions de ce groupe depuis le début de notre mandat. (...)
Nous avons indiqué, lors de la réunion du 17 septembre, que nous étions tout à fait prêts à nous engager dans un processus de renforcement de l'union politique. (...)
Puisqu'il faut faire des propositions, nous en faisons ! (...)
Premièrement, nous proposons que l'union bancaire, dont nous avons besoin pour stabiliser la finance à l'échelle de l'Union européenne, soit effectivement mise en place. Nous proposons plus précisément à nos partenaires européens - parmi lesquels figure notre partenaire allemand - de faire en sorte que la totalité des banques européennes soit supervisée par la Banque centrale européenne. Pour cela, il nous faut trouver, au sein du dispositif européen actuel, une bonne articulation entre les interventions de l'Autorité bancaire européenne et celles de la Banque centrale européenne. Nous souhaitons arriver à un consensus pour que la supervision soit effective et qu'elle permette de renforcer les institutions de l'union économique et monétaire. (...)
Deuxièmement, nous proposons que le budget de l'Union européenne ne fasse pas l'objet d'une coupe de 200 milliards d'euros, comme le prévoyait la précédente mouture gouvernementale, mais qu'au contraire il soit doté de ressources propres par l'affectation de la taxe sur les transactions financières. (...)
Troisièmement, la France propose, en contrepartie à la discipline budgétaire et à la remise en ordre des comptes publics, des initiatives de solidarité, notamment le renforcement des modalités d'intervention de la BCE, pouvant aller jusqu'à la mutualisation de la dette. (...) Cela permettrait à l'Union européenne de disposer des moyens nécessaires pour faire face à la spéculation lorsqu'elle attaque les économies.
Voilà trois propositions concrètes, pour lesquelles nous sommes reconnus par l'ensemble des pays de l'Union européenne comme étant à l'avant-garde de la construction européenne. Nous les adressons aux pays de l'Union européenne. (...)
Enfin, vous regrettez l'absence de proposition française en matière de politique industrielle. Vous qui avez été membre de la commission de la défense nationale, vous devriez vous inquiéter de ce qui se passe pour le dossier EADS. J'ai été membre de cette commission avec vous : vous savez bien que son fonctionnement est consensuel et que l'on essaie d'y éviter les approximations sur les sujets les plus sérieux. (...)
Vous avez raison d'affirmer, s'agissant du dispositif de prêt de la BEI, que nous ne parviendrons à mettre en oeuvre rapidement le plan de croissance que lorsque les procédures en cours auront été simplifiées. C'est ainsi que dans les règlements que la Commission élabore, nous plaidons pour la simplification de l'instruction des dossiers et des conditions d'attribution des fonds afin de garantir le délai le plus court possible entre la décision prise de la recapitalisation et l'entrée en vigueur des prêts à des fins de croissance.
Concernant la taxe sur les transactions financières, le projet de la Commission - fondé sur une assiette large, car incluant les produits dérivés, et sur un taux significatif - avait conduit à envisager un produit de 57 milliards d'euros. Nous ne sommes pas en mesure, aujourd'hui, de préciser le montant de la taxe dès lors que tout doit se décider entre les onze pays concernés et que nous ne connaissons pas, à l'heure actuelle, quel sera le point d'aboutissement sur l'assiette et le taux. Ce que nous pouvons simplement dire, c'est qu'elle représentera plusieurs milliards, voire plusieurs dizaines de milliards d'euros de rendement.
Vous m'avez également demandé si, pour ce qui est de la supervision, notre discussion avec l'Allemagne aboutira. La proposition concrète avancée à cet égard le 12 septembre par la Commission européenne est en tout cas suffisamment astucieuse dans sa rédaction en termes de phasage possible, pour que nous puissions trouver, comme nous le souhaitons, un compromis avec nos partenaires permettant de rendre effective cette supervision.
Pour ce qui est du budget de la zone euro, nous sommes favorables à tout dispositif permettant de renforcer la solidarité au sein de l'Union européenne. Nous devons simplement nous assurer que la mise en place d'un tel budget ne remettra pas en cause celui de l'Union européenne qui dépend des vingt-sept et qui permet de faire de la croissance. Il ne sera en tout cas pas présenté comme une alternative à la mutualisation de la dette parce que nous avons besoin des deux outils : le budget de la zone euro ne saurait être un solde d'évacuation de la mutualisation de la dette et de la mise en place des Eurobonds.
Enfin, je remercie M. Asensi pour son intervention. S'agissant en particulier de sa question relative au rapport entre croissance et austérité, qu'il avait déjà soulevée lors de notre débat de la semaine dernière, il a indiqué, rapportant les 120 milliards d'euros du pacte de croissance aux mesures de réduction des déficits prises par l'ensemble des États, qu'il y avait un risque de déséquilibre. Je veux rappeler que ces 120 milliards ne sont pas la seule mesure dont nous souhaitons la mise en oeuvre pour accompagner la croissance au sein de l'Union européenne. N'oublions pas en effet les 1 000 milliards du budget de l'Union européenne pour la période 2014-2020. Nous n'avons d'ailleurs pas la même approche que le précédent gouvernement : nous souhaitons que ce budget soit doté de ressources propres.
Des initiatives ont été prises en matière de juste échange et d'accompagnement de la politique industrielle, et nous devons nous consacrer entièrement au chantier qui est devant nous. Ainsi, les investissements qui découleront de la politique énergétique, des transports et de l'équipement numérique, c'est-à-dire des mécanismes d'interconnexion européens, devront permettre une compétitivité durable de l'Union européenne.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 octobre 2012