Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur le Traité d'amitié et de coopération entre la France et l'Afghanistan, à Kaboul le 20 octobre 2012

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Circonstance : Déplacement en Afghanistan, le 20 octobre 2012

Texte intégral

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Merci beaucoup, Mon Cher Collègue et Ami Zalmaï Rassoul, je suis extrêmement heureux d'être en Afghanistan aujourd'hui, pour la deuxième fois. J'étais déjà venu à la fin du mois de mai avec le nouveau président de la République, François Hollande et j'avais dit que je reviendrais, ce qui est chose faite. Je vous remercie beaucoup de votre accueil.
Ma visite répond à plusieurs objectifs :
- Le premier, vous l'avez rappelé, c'est d'échanger officiellement ce qu'on appelle les instruments de ratification du Traité d'amitié et de coopération que nous avons passé ensemble. Le traité avait été négocié, signé au début de l'année, il a été ensuite ratifié en France, puis en Afghanistan, et maintenant nous échangeons les instruments de ratification, ce qui veut dire que, à partir d'aujourd'hui même, ce traité est en vigueur.
Ce traité symbolise, comme son nom l'indique, notre amitié, notre coopération - elle n'est pas nouvelle, mais c'est la première fois que nous l'inscrivons dans les textes. Et comme nous sommes des gens prévoyants, ce traité porte sur vingt ans, et il est écrit qu'il est renouvelable. Nous avons voulu en effet, les uns et les autres, nous projeter dans le temps et proposer ensemble ce que sera à notre espérance l'Afghanistan du futur. Vous avez eu la gentillesse de souligner que depuis très longtemps la France était aux côtés de l'Afghanistan. Nous avons voulu continuer notre présence, l'amplifier bien sûr, dans différents domaines - je peux citer l'agriculture, les entreprises, l'éducation, l'université, l'archéologie, la culture en général, et beaucoup d'autres domaines encore. Donc, premier objectif, mettre en application ce traité d'amitié et de coopération entre nos deux pays pour les vingt prochaines années.
- Deuxième objectif, immédiatement traduire cela dans les faits, puisque ce matin-même j'ai eu le plaisir d'inaugurer une bibliothèque dans un lycée de jeunes femmes et, ensuite, avec le vice-président afghan et avec l'Aga Khan, de poser la première pierre du deuxième bâtiment de ce qui sera désormais pleinement l'hôpital de la mère et de l'enfant, puisque la future phase de cet hôpital va doubler et va accueillir en particulier des services de gynécologie et d'obstétrique. Et puis nous avons un projet, toujours ensemble, grâce au partenariat entre nos amis afghans, l'Aga Khan, la France et d'autres, nous avons un projet de troisième phase qui sera un centre très ambitieux à la fois en tant qu'hôpital généraliste et pour le rayonnement universitaire. D'ailleurs beaucoup appellent cet hôpital l'hôpital français, et c'est vrai que nous sommes heureux d'avoir contribué et de contribuer à la bonne santé de centaines de milliers d'enfants et désormais de mamans.
- Le troisième objectif, bien sûr, c'est - à travers les entretiens que j'ai eus, que j'aurai, que j'ai eu en particulier avec le président Karzaï, que je remercie pour son accueil, et les entretiens avec différentes personnalités - de faire le point sur le processus d'évolution démocratique en Afghanistan, puisque évidemment nous avons devant nous une évolution qui va se concrétiser par des élections et il faut, sans s'ingérer dans ce qui concerne l'Afghanistan directement et qui relève de lui, veiller à ce que la transition se passe de bonne façon. Car, vous l'avez rappelé encore une fois, Cher Ami, d'une façon parfaite, nous avons été à vos côtés sur le plan militaire tout le temps où cela a été indispensable. Et je vous remercie de la délicatesse avec laquelle vous avez évoqué le sacrifice de nos soldats - nous avons eu quatre-vingt-huit morts aux côtés de l'Afghanistan, pour l'Afghanistan et pour la France, et cette présence militaire, comme l'a décidé le président de la République en accord d'ailleurs avec le président Karzaï, est en train de se réduire ; nous retirons nos troupes qu'on appelle «combattantes», relayées, comme c'est normal dans un Etat souverain, par nos amis afghans. Mais cela se fait progressivement et, de toute manière, nous devons passer d'une société qui a dû malheureusement, malgré elle, être une société de guerre, à ce qui sera, nous l'espérons tous, une société d'économie et de paix, et ce passage, nous voulons qu'il se fasse dans de bonnes conditions.
Voilà donc le sens de ma visite. Je suis venu aussi porter au peuple afghan les sentiments chaleureux d'amitié du peuple français, de son président de la République, de son gouvernement, et je suis sûr que ces contacts chaleureux, excellents, seront constructifs. Car, puisque la presse est là, et la presse afghane en particulier, je voudrais en profiter pour d'abord la remercier de l'attention qu'elle porte à nos relations, et lui demander de transmettre à l'ensemble du peuple afghan notre respect et notre amitié très chaleureuse.
Q - (sur l'initiative de sénateurs qui voulaient que dans l'intitulé du traité le mot «amitié» soit remplacé par le mot «relation»).
R - Pour autant que j'aie compris la question, il y a deux chambres en Afghanistan ; dans l'une le traité a été voté à l'unanimité, dans l'autre je crois qu'il y a eu trois abstentions, ce qui n'est pas exactement la définition de l'unanimité. On ne peut pas empêcher qu'il y ait des personnes qui aient des conceptions particulières. Mais le fond du sujet, c'est que nous coopérons et nous sommes amis, et donc en français cela s'appelle un traité d'amitié et de coopération Et c'est ainsi qu'il est libellé et qu'il restera dans les archives à la fois de l'Afghanistan et de la France.
Q - (sur l'après 2014).
R - Nous retirons nos troupes combattantes, c'est l'engagement qui a été pris par le président français, et qui est en train d'être tenu et, je précise, cet engagement a été pris, a reçu l'accord, bien sûr, de nos partenaires afghans et d'ailleurs, des partenaires d'une manière générale de la coalition.
Une fois que nous aurons retiré nos troupes combattantes, il restera un certain nombre de personnels, qui auront essentiellement un rôle de formation, ces personnels ne seront pas très nombreux mais ils devront contribuer bien sûr à la formation des unités afghanes, mais ce ne seront pas des troupes combattantes, au sens où nous avons vu, pendant des années, des troupes qui directement se sont affrontées à d'autres combattants.
Et puis, nous aurons bien sûr, à côté de cette fonction de soutien, de support, l'essentiel de notre aide, qui sera une aide civile, puisque nous devrons passer d'une aide qui a dû être une aide militaire à une aide qui deviendra une aide civile même s'il y aura aussi un aspect de formation du point de vue de la sécurité.
Q - (sur la relation bilatérale, le Traité d'amitié et de coopération)
R - Exactement, mon collègue et ami a parfaitement résumé ce traité d'amitié et de coopération. Evidemment, cela a une traduction financière, parce que tout cela demande de la part des Français un effort financier qui peut être évalué à 50 % de plus chaque année que ce qui a été jusqu'ici notre contribution. C'est donc un effort financier très important pour la France, dans une période budgétaire, vous le savez, qui n'est pas facile. Mais nous avons voulu marquer ainsi l'importance que nous attachions à ce traité et à cette amitié.
Et puis, bien évidemment, comme mon ami et collègue l'a dit, il y a aura une évaluation, à chaque fois, de l'avancée du traité : est-ce que les choses avancent comme il faut sur le plan économique, sur le plan éducatif ? Et il y aura aussi une évaluation, cela a été expressément dit, de la façon dont les choses évoluent sur le plan démocratique avec, en particulier, bien sûr le respect des droits des minorités, le respect des droits des femmes, ce sont des thèmes auxquels nous attachons beaucoup d'importance puisque c'est un traité qui vise au développement équilibré de l'Afghanistan.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 octobre 2012