Texte intégral
Je tiens tout dabord à remercier chaleureusement Jean-Paul Bailly et Claude Bébéar de mavoir à inviter à conclure ou plutôt à intervenir en dernier car on ne saurait conclure sur un tel sujet- ces premiers « entretiens de la cohésion sociale ».
Je suis convaincu que ce type de rencontres, où se croisent les regards de chefs dentreprises, de praticiens du dialogue social et des ressources humaines, et duniversitaires, font progresser les idées, émerger des solutions innovantes et se diffuser les bonnes pratiques.
« Entreprise et pacte social : quelle nouvelle donne ? » : cest assurément un bon sujet ! Je nai pas assisté aux échanges des tables rondes de cette matinée -vous men adresserez certainement une synthèse- mais vous avez empoigné dans vos débats un enjeu essentiel pour les entreprises, essentiel pour les salariés, et essentiel pour la société toute entière.
Je retiens les deux concepts : « pacte social » et « nouvelle donne » :
* Le « pacte social » dont vous débattez, il intéresse et interpelle aussi le Ministre que je suis, qui se sent une responsabilité dans ce domaine surtout quand il a le « dialogue social » dans son titre jy reviendrai.
* La « nouvelle donne » sur laquelle vous vous interrogez jai bien noté le point dinterrogation- me concerne aussi. Dans les changements qui peuvent fonder une « nouvelle donne », il y a les évolutions lentes et souterraines de la société qui irriguent les entreprises la « génération Y », les réseaux sociaux, le rapport au travail- mais il y a aussi les changements politiques, les alternances démocratiques, laction de lautorité publique. Je ne surestime pas leur portée, mais je ne la sous-estime pas non plus : jai la prétention dagir, comme Ministre de ce Gouvernement, pour une « nouvelle donne » dans le champ social. Je la pense nécessaire.
Cest de cela dont je veux vous dire quelques mots ce matin, pour contribuer modestement- à vos réflexions et partager avec vous le sens de laction que je souhaite conduite : le « pacte social », la « nouvelle donne ».
Le « pacte social » dans lentreprise se fonde nécessairement sur la recherche dun équilibre, dune convergence entre des intérêts différents.
Cette recherche nest pas une chose facile, nest pas une chose tranquille, elle passe par de la confrontation, par des conflits parfois. Cest légitime, cest sain même, dès lors que chacun respecte lautre et dès lors que lon trouve le moyen de dépasser, par le dialogue, par le compromis, cette confrontation dintérêt.
Je ne suis pas un « bisounours », et vous non plus : nous savons bien que le « pacte social », dans lentreprise ou dans le pays, ne vit pas sans ces confrontations et ces contradictions. Dans les négociations nombreuses- qui vont souvrir au niveau interprofessionnel mais cest la même chose dans vos entreprises- il y aura des périodes de tension, de rapports de force, que les Partenaires Sociaux auront à dépasser et sauront je le souhaite naturellement- dépasser.
Ce « pacte social » -et je reviens vers votre sujet de ce matin- efface de plus en plus les frontières entre lintérieur de lentreprise et son environnement, le territoire où elle est implantée, la société qui lentoure. Les problématiques de la société, ses exigences aussi, ne peuvent plus être ignorées par les entreprises, elles les pénètrent de multiples façons et cest heureux. Symétriquement, les entreprises responsables produisent de la cohésion sociale, inventent parfois des solutions nouvelles pour répondre aux attentes de leurs salariés mais aussi au-delà de toute la société.
* 1) Le « Pacte générationnel » au cur du « Pacte social » Nous pouvons prendre de nombreux exemples de ce qui fonde un « pacte social » dans lentreprise, en lien ou en réponse à des attentes de la société. Je vais prendre un premier exemple, qui ne va pas vous surprendre : le « pacte générationnel »
Quelle place faisons-nous aux jeunes dans nos entreprises ? Comment les formons-nous ? Comment les accompagnons-nous ? A lautre bout de la pyramide des âges quelle place pour les seniors, leur expérience et leur savoir-faire ?
Pendant longtemps nous avons opposé lune à lautre ces deux populations au sein des entreprises, fermant la porte aux jeunes lorsque lactivité ralentissait, ou poussant en préretraite les anciens pour embaucher des plus jeunes.
Ces approches ont montré leurs limites, et ont fait de la France un pays où nous cumulons le triste privilège dun taux de chômage des jeunes parmi les plus élevé et un taux demploi des seniors parmi les plus bas. Elles nont pas permis dans beaucoup dentreprises de préparer de façon efficace le transfert des compétences. Un sentiment de discrimination par lâge - trop vieux ou trop jeune- est douloureusement ressenti par les intéressés et menace, à lévidence, la cohésion sociale dans lentreprise et la cohésion sociale tout court.
Il faut construire un nouveau « Pacte générationnel » dans lentreprise :
* Cest un enjeu décisif pour notre société, qui doit offrir davantage à sa jeunesse sans exclure les plus anciens qui devront travailler plus longtemps.
* Cest un enjeu décisif pour les entreprises, y compris pour leur compétitivité : dici 2020, plus de 5 millions de salariés seront partis en retraite et 6 millions de jeunes seront entrés sur le marché du travail, cest un véritable défi de transfert des compétences.
Cest lobjectif du contrat de génération que de favoriser ce « Pacte générationnel ». Dans les grandes entreprises, cest par un accord que les partenaires le définiront, dans une approche globale et pluriannuelle qui comportera des engagements quantitatifs mais aussi qualitatifs, adaptés à la réalité de chaque entreprise. Dans les TPE et PME, laccord collectif sera privilégié chaque fois que possible, mais le lien personnalisé entre un jeune embauché en CDI et un salarié senior ouvrira droit à une aide pour lemployeur.
Nous venons de saisir, mardi dernier, les partenaires sociaux afin quils négocient les modalités de ce futur contrat de génération. La loi qui suivra, présentée à la fin de cette année, va créer il le faut- un vaste mouvement de mobilisation dans les entreprises de toutes les tailles, en faveur de lemploi des jeunes et de la transmission des savoirs des plus anciens.
* 2) La sécurisation de lemploi, une autre composante du « Pacte social »
Autre exemple, pris lui aussi dans une actualité brulante puisquil y a seulement quelques heures que jai adressé aux Partenaires Sociaux le « document dorientation », la future négociation sur la sécurisation de lemploi.
Le renouvellement du pacte social dans lentreprise passe aussi par cet enjeu fondamental de la sécurisation de lemploi, au bénéfice des salariés comme des entreprises. Nous touchons là au cur de notre modèle de relations du travail et des questions que vous avez soulevées lors de vos travaux.
A nouveau nous retrouvons ici la recherche de convergence des intérêts, le dépassement des contradictions. La négociation qui va souvrir entre les partenaires sociaux pour une meilleure sécurisation de lemploi est une opportunité quon pourrait dire « historique » - pour refonder un équilibre global « gagnant-gagnant » intégrant quatre dimensions complémentaires jinsiste sur les mots « gagnant-gagnant » et « global » :
* réduire la précarité sur le marché du travail, qui transforme dans un certain nombre de cas une souplesse nécessaire ou une caractéristique intrinsèque de certaines activités en une forme de « contournement » de la norme sociale
* progresser dans lanticipation des évolutions de lactivité, de lemploi et des compétences
* améliorer les dispositifs de maintien de lemploi face aux aléas conjoncturels, pour éviter les licenciements et les pertes de compétences lorsque lentreprise connait des difficultés
* améliorer les procédures de licenciements collectifs, pour concilier un meilleur accompagnement des salariés et une plus grande sécurité juridique pour les entreprises comme pour les salariés Nous sommes ici au cur de la construction dun pacte social pour les entreprises.
La balle est maintenant dans le camp des Partenaires Sociaux : je suis confiant dans leur capacité à se saisir du « document dorientation » pour chercher un accord qui -sil ne règlera pas bien sûr par magie toutes les difficultés de notre marché du travail permettra de refonder en profondeur une sécurisation de lemploi pour les salariés et pour les entreprises de notre pays. Cela fait plus de 10 ans que nous tournons autour de cette question, et la gravité de la crise que nous connaissons aujourdhui impose que tous nous sachions faire preuve dambition et même daudace !
* 3) le dialogue et la confiance, méthode du Gouvernement
Au-delà des outils, cest le dialogue et la confiance entre les partenaires quil faut construire ou reconstruire. Je voudrais conclure là-dessus, sur le choix de la méthode du dialogue social qui est celle du Gouvernement.
Elle participe du sens même des réformes et de cette exigence de confiance. Comme la souligné le Président de république, faire face à lurgence, cest agir tout de suite mais cest aussi prendre le temps de construire les compromis sociaux pour y répondre.
Cest le sens du processus engagé avec la « Grande conférence sociale » de juillet dernier. Cest la construction dun modèle innovant de « dialogue social à la française », une façon aussi de bâtir le « Pacte social ». Dans cette démarche du dialogue social, la place de lentreprise est centrale. Les travaux de votre matinée le montrent : par nature, lentreprise est traversée par toutes les tensions du corps social, alors 30 ans après les lois Auroux, ce dialogue dans lentreprise est plus que jamais une exigence.
Jaurais aimé avoir le temps de développer aussi avec vous les enjeux liés à ce quil est convenu dappeler la qualité de vie au travail, ou encore à la responsabilité sociale des entreprises.
Cest lintérêt de rencontres telles que la votre que de poser ces questions. Je souhaite vous dire lintérêt que je porte à les voir mises en débat, et je sais quau-delà de cette journée vous allez porter chacun -Institut Montaigne Entreprises et Personnel - ces enjeux.
Je connais la qualité de vos travaux. Je souhaite quils continuent de nourrir la réflexion commune. Je sais que je peux compter sur vous pour cela, et je vous donne rendez-vous si vous minvitez à nouveau- à la prochaine édition de vos « entretiens de la cohésion sociale » ou nous pourrons mesure ensemble je le souhaite- les progrès de notre « pacte social ».
Je vous remercie.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 14 septembre 2012