Texte intégral
Cest un honneur pour moi dêtre présente ici pour la première fois, à Strasbourg, devant les représentants des 47 pays membres du Conseil de lEurope.
Depuis sa création en 1949, le Conseil de lEurope a su jouer un rôle moteur dans la détermination de la politique sportive européenne, pour la défense des valeurs du sport et, plus globalement, pour lutilisation du sport comme outil de promotion des idéaux européens que sont la démocratie, la défense des droits de lHomme et la prééminence du droit.
Forte de ces principes, votre instance a toujours été en première ligne pour lutter contre le fléau du dopage. Historiquement, le dopage a dailleurs été la première préoccupation du Conseil de lEurope en matière de sport puisque, dès 1967, le Comité des Ministres a produit le premier instrument légal international contre le dopage des athlètes. Depuis vous navez cessé de consolider votre engagement dans ce combat.
Cest donc avec beaucoup dhumilité et un grand sens de la mission dont je suis désormais investie que je me présente devant vous aujourdhui, puisque vous mavez fait lhonneur de me désigner votre représentante au Comité exécutif de lAgence Mondiale Antidopage.
Je vous remercie de votre confiance et je tiens à vous dire que jexercerai ce mandat avec conviction, avec dévouement, avec responsabilité et avec fermeté.
* Le dopage est au cur de mon parcours personnel
La lutte contre le dopage est un engagement que je porte depuis plus de 25 ans. De par ma formation de médecin du sport, jai très vite été confrontée à la réalité du dopage. Confrontation également vécue à travers ma pratique sportive au haut-niveau en volleyball, et à travers lexercice de ma profession auprès de nombreux sportifs amateurs et équipes professionnelles.
Avant même le début de mes engagements politiques, jai participé, au sein du ministère dont jai la charge aujourdhui, comme chef du bureau médical, à la co-rédaction de la première loi française dimportance sur le dopage en 1989. Pour la première fois, la loi ne se contentait pas de traiter la seule dimension pénale de la problématique du dopage. Elle est allée au-delà de langle juridique, pour prendre en compte la dimension sportive et la dimension santé publique.
Dix ans plus tard, jai participé au groupe interministériel qui a conduit à faire évoluer le dispositif législatif français. Ce groupe de travail fait partie de ceux qui ont alimenté la réflexion internationale ayant présidé à la mise en place de lAMA.
Enfin, en tant que députée à lAssemblée nationale, jai pris position à de nombreuses reprises sur ce sujet, animée par une seule et même conviction : on ne doit pas transiger avec le dopage.
Forte de ce principe, de lexpérience acquise, et de la fonction que joccupe actuellement en tant que ministre en charge des sports, de la jeunesse, de léducation populaire et de la vie associative de la République française, je suis plus que jamais déterminée à lutter, dans mon pays comme au niveau international.
Si jattache autant dimportance à ce combat, ce nest pas par dogmatisme. Cest dabord et avant tout par amour du sport. Je suis passionnée par les compétitions, je suis passionnée par les résultats sportifs, je suis passionnée à chaque fois que je me retrouve dans un stade, dans une salle, dans une enceinte sportive. Et la tricherie nest pas compatible avec cette passion, la triche nest pas compatible avec lidée que je me fais du sport.
Limage que jai du sport, cest le sportif qui sentraîne, le sportif qui lutte contre lui-même pendant plusieurs années, pour, le jour de la compétition, dépasser ses propres limites. Les dépasser par lenvie, les dépasser par le courage, les dépasser par labnégation, pas par la chimie, pas grâce aux médicaments, pas en trichant.
Au-delà de cet attachement profond au sport, jai également le souci de respecter le serment que jai prêté en devenant médecin : celui de protéger la santé de mes semblables. En tant que praticienne, jai appris que le dopage nest pas quun problème du sport de haut-niveau. Cest un problème de santé publique. Il trouve racine dans ce mal courant de nos sociétés modernes qui veut nous faire croire que le médicament peut tout.
Je noublie jamais quil faut prendre en compte la santé des jeunes sportifs. Derrière lathlète qui se dope, il y a un homme ou une femme qui met en danger sa santé en prenant des substances dont les effets à terme sur lorganisme ne peuvent être que négatifs. Le dopage est aussi un problème déducation à la base.
Il faut punir celui qui triche, mais il faut aussi linformer, le prévenir et le protéger des risques sanitaires quil encourt.
Le dopage est mortel pour le sport. Il peut aussi lêtre pour les sportifs, ne loublions pas.
Lutter contre le dopage, ce nest pas lutter contre les sportifs mais pour les sportifs. Cest lutter pour préserver lauthenticité de leur performance, cest lutter pour préserver la beauté de leurs exploits, cest lutter pour préserver leur santé dhommes et de femmes.
Cest parce que je porte lensemble de ces convictions, cest parce que mon parcours personnel a été façonné par la lutte contre le dopage, quavoir été désignée votre représentante au comité exécutif de lAMA représente tant pour moi. Et cest pour cette raison que je souhaite travailler dans un esprit de partenariat avec vous tous.
* Je veux que cette désignation comme le point de départ dun partenariat
Je lai rappelé brièvement en introduction mais je souhaite y revenir à présent. Le Conseil de lEurope a eu un rôle déterminant dans la lutte contre le dopage.
Dès larticle 1 de la Charte européenne du Sport, on sent que cette prise de conscience a été plus aiguë au sein de cette instance que partout ailleurs. Le but de la charte est énoncé ainsi : « protéger et développer les bases morales et éthiques du sport, ainsi que la dignité humaine et la sécurité de ceux qui participent à des activités sportives, en protégeant le sport, les sportifs et les sportives de toute exploitation à des fins politiques, commerciales et financières, et de pratiques abusives et avilissantes, y compris l'abus de drogues ».
En mars 1990, le Conseil sest doté doutils lui permettant de lutter activement contre le dopage, avec la Convention contre le dopage.
Dans le préambule de cette convention, le Conseil de lEurope pose toutes les bases de ce qui constitue encore aujourdhui la ligne directrice de notre action. Les Etats membres se disent : « Préoccupés pas lemploi de plus en plus répandu de produits et de méthode de dopage parmi les sportifs dans lensemble du sport et par ses conséquences pour la santé des pratiquants et pour lavenir du sport ».
La convention a marqué une avancée décisive. Elle a facilité lharmonisation, aux niveaux national et international, des mesures à prendre pour lutter contre le dopage. Sans prétendre à créer un modèle uniforme de lutte contre le dopage, dans le respect des particularismes nationaux, elle a établi des normes et des règles communes engageant les Etats parties à adopter des mesures législatives, financières, techniques, scientifiques, éducatives pour lutter efficacement contre ce fléau. Elle a servi de cadre commun à la politique spécifique de chaque pays de manière à ce que les athlètes soient soumis aux mêmes procédures, quel que soit le pays quils représentent.
En 2003, le Groupe de suivi a été complété par le Forum européen de coordination pour lAgence mondiale antidopage (CAHAMA), visant à harmoniser les politiques des gouvernements européens dans la lignée de lAgence mondiale antidopage (AMA).
Cest cette mobilisation constante qui fait du Conseil de lEurope une institution motrice dans la lutte contre le dopage.
Devenue aujourdhui lune de vos porte-parole sur la scène internationale pour porter ce message, jentends vous représenter avec toute la force et la conviction qui simposent.
Pour cela, je vous propose de travailler ensemble et de mettre notre énergie en commun, pour donner toute sa portée, toute sa lisibilité, toute sa puissance à la voix unie de lEurope en matière de lutte contre le dopage.
Nous sommes 47 pays, avec des cultures distinctes, avec des législations différentes, mais nous devons réussir le défi de parler dune seule et même voix sur la scène internationale. Cette voix, cest celle de lefficacité et de lintransigeance. Dans nos pays, les organisations du sport ne sont pas identiques, lorganisation de la lutte contre le dopage nest pas la même, les moyens consacrés au sport varient, mais nous partageons des valeurs et des convictions fortes, qui nous réunissent ici, et dont je mengage à être le messager au sein de lAMA.
Réussir ce challenge exige que nous travaillions dans un esprit de dialogue et de transparence.
Pour cela, sur chacune des positions que je serai amenée à porter au sein de lAMA, je mengage à vous consulter et à établir une concertation préalable. Cest grâce à vous, grâce à votre travail, en agglomérant les contributions de chacun et en minspirant de vos idées que je pourrai vous représenter utilement.
De même, je mengage à rendre compte au CAHAMA de chacune des discussions qui se tiendront au comité exécutif de lAMA, en toute transparence. Je consulterai également régulièrement mon homologue russe, Pavel KOLOBKOV. Nous avons pu apprécier, lors de notre rencontre de ce jour, nos convictions communes. Nous porterons des positions concertées.
Cest seulement ainsi que la voix de lEurope sera forte, sera claire, sera crédible et continuera dêtre pionnière.
Dans ma lettre de candidature, je vous avais écrit que je saurai me rendre disponible pour vous représenter, vous écouter et faire progresser une cause qui me tient à cur et a été la colonne vertébrale de mon parcours personnel, professionnel et politique.
Cest ce partenariat que je vous propose aujourdhui pour exercer la responsabilité que vous mavez confiée.
* Je considère enfin cette désignation comme une lourde responsabilité
Le but de la Convention du Conseil de lEurope est limpide : « la réduction et, à terme, lélimination du dopage dans le sport »
Le but de lAMA, édicté dans le code mondial anti-dopage, nest pas moins ambitieux « Protéger le droit fondamental des sportifs de participer à des activités sportives exemptes de dopage, promouvoir la santé et garantir ainsi aux sportifs du monde entier léquité et légalité dans le sport ».
Les objectifs sont élevés et les responsabilités sont grandes. Au moins sont-elles partagées.
Aujourdhui, nous avons progressé dans les moyens que nous pouvons mobiliser pour lutter contre le dopage. Pourtant, sommes-nous sûrs que la pratique du dopage a diminué ?
Parce que le sport sest encore plus professionnalisé,
Parce que les enjeux se sont encore démultipliés,
Parce que les intérêts financiers sont de plus en plus élevés,
Parce que la science continue ses progrès, autant pour mieux soigner, pour mieux prévenir, que malheureusement, pour mieux tricher.
Face à ce constat, nous savons que nous ne devons pas baisser les bras.
La réponse est « non » bien sûr. Mais ce « non » ne pourra sincarner que si, à léchelle du continent et à léchelle du monde, nous prenons nos responsabilités.
Ne nous le cachons pas, tout ne fonctionne pas. Il y a des débats entre nous, et des débats légitimes. De vraies questions se posent que nous devons trancher.
Peut-on se satisfaire dune lutte contre le dopage qui sanctionne davantage un sportif pour des problèmes de localisation (le fameux no show) ou pour une prise de cannabis, mais qui en laisse dautres améliorer illégalement leurs performances en toute impunité ?
Il nous appartient de trouver les bons équilibres. Nous avons une fenêtre dopportunité pour cela : la révision du code mondial anti-dopage.
LEurope doit être présente sur ce débat dès maintenant et peser dans la définition des outils qui en découleront.
Un autre sujet mérite notre attention : cest le projet de règlement européen sur la protection des données personnelles. Ce projet élaboré avec un objectif majeur, celui de protéger les libertés individuelles de chacun de nos concitoyens, a, par effet collatéral, des conséquences sur le sujet du dopage. En effet, tel que rédigé aujourdhui, larticle 7.4 pourrait remettre en cause le fonctionnement de la lutte internationale antidopage, qui repose sur un échange dinformations entre les organisations nationales antidopage et lAMA, en liaison étroite avec les fédérations internationales.
Nous devons nous mobiliser pour préserver ces outils essentiels.
Et puis, je pense quil est impératif que les sportifs eux-mêmes soient davantage associés à nos efforts pour éradiquer le dopage. Sachons leur faire confiance : lathlète citoyen, libre et responsable, doit se substituer à l'athlète éprouvette, coupé des réalités économiques et sociales de son environnement.
A les ignorer, nous prenons le risque que le sport ne soit plus quun produit marchand dont la marchandise serait le sportif.
En matière de lutte contre le dopage, nous devons réfléchir à la façon dont nous acceptons les témoignages des anciens dopés. Pour progresser, nous avons besoin de comprendre. Nous avons besoin que ceux qui se sont dopés puissent nous expliquer. Ce sont les témoignages du passé qui nous aideront à lutter contre le dopage à lavenir. Lomerta est un poids pour les sportifs et un frein pour le sport.
* Conclusion
Jespère vous avoir convaincus de ma détermination à être digne de votre confiance et à la hauteur de la tâche que vous mavez confiée.
Comme vous tous, jai tremblé démotions devant dauthentiques exploits sportifs.
Je suis restée interdite devant des révélations de dopage, qui ont brisé tant de rêves.
Jai lutté ardemment pour faire progresser la lutte contre le dopage.
Jai applaudi aux résolutions européennes, à chaque étape du chemin, à chaque victoire contre le dopage.
Cest un combat qui nest pas gagné davance, qui ne tolère aucun relâchement. « Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu, » disait Bertolt Brecht. Avec votre soutien à tous, avec celui des sportifs, jentends me consacrer à livrer ce combat pour préserver lesprit du sport.
Source http://presse.jeunesse-sports.gouv.fr, le 11 octobre 2012