Texte intégral
Monsieur le Président, Madame la rapporteure, Monsieur Fondard, je remercie M. le député Pascal et le Président Accoyer sans qui la saisine de cette institution naurait pu se faire.
Mesdames, Messieurs les membres du CESE, je me réjouis vraiment dêtre parmi vous aujourdhui. Je me réjouis dune façon naturelle dêtre parmi vous, mais je me réjouis encore plus parce que vous inscrivez à lordre du jour aujourdhui un sujet qui mest cher : lautisme.
Vous représentez les forces vives de la Nation et ce que lon a coutume dappeler la société civile. Par conséquent, en vous emparant dun sujet comme lautisme, celui-ci devient dès lors une question de société, et cela est intéressant. La ministre en charge des personnes handicapées que je suis ne peut que sen réjouir. Cest tellement une question de société que les élèves de lécole de Saint-Paul de Lens, que je salue, sont aujourdhui parmi nous pour écouter ce débat.
Le handicap, et peut-être en particulier lautisme, est une réalité qui dérange, une réalité qui nous paraît à la fois familière et étrange. Environ six cent mille personnes seraient atteintes dautisme. Nous avons tous en tête de manière plus ou moins vague une image de lautisme. On se représente des personnes repliées sur elles-mêmes, dont on ne comprend pas très bien les gestes ; tout cela semble curieux à ceux qui voient cette réalité de loin, à ceux qui ny sont pas confrontés quotidiennement.
En réalité, les personnes autistes ne sont pas repliées sur elles-mêmes. Elles ont une grande difficulté à gérer leurs émotions, leurs sensations et se protègent de ces émotions. La stéréotypie, le fait de reproduire inlassablement les mêmes gestes, des gestes qui paraissent anodins, échappe à notre entendement. Il faut pourtant comprendre que la personne autiste évolue selon un système de règles différent de celui de la plupart des personnes. Sa perception aussi est différente. Seuls ceux qui sont au plus près peuvent le comprendre, mais pour eux-mêmes, ce nest pas facile. Cest pourquoi il nous faut progresser, progresser ensemble dans le dépistage de ces troubles et dans laccompagnement des personnes qui en sont atteintes.
Vous avez rédigé un projet davis très riche sur le coût social de lautisme. Cétait le sujet de départ, mais il a été largement dépassé puisquil englobe la totalité de la question. Je vous salue, Madame Prado, je connais votre engagement, vos compétences et je viens dentendre tout le travail que vous avez accompli.
Jai lu avec intérêt vos préconisations, je partage une grande partie dentre elles. Permettez-moi cependant de vous dire les points sur lesquels jai envie plutôt de vous répondre et qui ont immédiatement retenu mon attention.
Je note que la solidarité de lÉtat à légard des personnes atteinte dautisme sélève à 1,4 Md, sans prendre en compte laspect hospitalisation. Lenjeu que constitue la prise en charge de lautisme justifie pleinement cette somme. Cest une somme considérable qui doit permettre dapporter des réponses satisfaisantes aux personnes concernées. Les réponses les plus satisfaisantes sont celles justement qui autorisent les personnes à rester dans leur environnement habituel, pour leur bien-être avant tout. Cest aussi la solution la plus économique et je poursuis donc lobjectif de développer les services médico-sociaux, qui apportent un accompagnement professionnel à la personne.
Rien ne remplace le soutien des proches, la solidarité des aidants familiaux qui est quelque chose de formidable. Mais ces personnes ont aussi le droit à un répit, elles ne doivent pas, dans leur générosité, abîmer leur santé et sempêcher de poursuivre une vie professionnelle et personnelle. Il est donc important que les professionnels prennent régulièrement le relais pour les ménager et leur permettre de préserver leur vie sociale. Cet objectif prendra du temps, il faut partir de létat actuel de loffre. Il faut également constater que certaines personnes ne veulent pas ou ne peuvent pas rester à domicile.
Pour cette raison, dans le prochain Plan autisme auquel vous avez fait référence plusieurs fois, nous prendrons en compte les besoins en termes de créations de places en établissement. Nous savons que le déficit est considérable dans ce domaine. Cest pourquoi, dans le cadre des trois mille créations de places qui sont prévues en 2013, nous examinerons très précisément les appels à projets afin de rattraper ce retard et nous ferons une priorité des places Autisme dans le plan suivant.
Pour que laccompagnement médico-social soit complètement professionnel, je massocie à lidée que vous avez développée dans le projet davis de renforcer la formation des professionnels. Il faut sassurer quune plateforme commune de savoir spécifique à lautisme existe à lintersection de plusieurs disciplines, et que cela soit acquis pour tous les accompagnants.
Je veux impliquer lensemble des associations dans la rédaction et la diffusion dun document qui sera destiné aux professionnels et aux familles et qui se fondera sur les récentes publications de la Haute Autorité de Santé. Au-delà du cas des accompagnants, lavis donné en mars dernier par la Haute autorité de santé interroge la pratique clinique. Longtemps, on a cru, particulièrement en France, quil sagissait dune maladie mentale qui pouvait être soignée par la psychanalyse. Cela a considérablement pesé sur le diagnostic et le développement des structures adaptées. La politique que je suis na pas à trancher sur les questions scientifiques. Je souhaite simplement et tout à fait justement que le débat scientifique suive son cours, que la recherche soit encouragée afin que nos connaissances des troubles de lautisme se précisent encore. Il faut absolument déculpabiliser les parents et les familles, et plus particulièrement les mères qui sont les plus montrées du doigt dans ce cadre. Il faut rendre la transparence et la genèse de ces troubles et leur exposer clairement les différentes options cliniques.
Enfin, vous posez légitimement la question du pilotage de ces politiques. Vous parlez du pilotage local, nous en parlerons dans le troisième Plan autisme, mais le pilotage national, je vous lassure, existe.
Le choix de François Hollande et du Premier ministre a été de créer une ministre déléguée aux personnes handicapées et cest la réponse la plus rassurante. Sachez donc quil y a un pilote dans lavion et que ce pilote, comme vous le disiez tout à lheure, refuse les fatalités, et dans ce domaine en particulier.
Et ce ministère a des moyens : 20 milliards sur le champ seul du handicap. Le budget 2013 pour la France est à la fois un budget de combat pour le redressement de notre pays et un budget de solidarité et de justice. Ce budget du handicap en est toute lillustration.
Par ailleurs, la nécessité de transversalité des politiques du handicap était un engagement de François Hollande ; il a été annoncé et nous commençons à le faire tout à fait concrètement puisque Jean-Marc Ayrault a adressé une circulaire à lensemble de ses ministres indiquant que tout projet de loi devrait comprendre un volet « handicap ».
Plus spécialement, pour revenir à la question de lautisme, jai demandé à Martine Pinville, une députée dont lexpertise dans ce domaine est reconnue de tous, de présider le Conseil national de lautisme le temps de réaliser ce troisième plan parce que, justement, je veux associer la représentation nationale et je veux quil y ait un pilotage politique à cette question.
Je souhaite que le troisième Plan autisme avance le plus vite possible, à la fin de lannée ou en tout début dannée prochaine si nous sommes prêts. Je veux vraiment que lon avance sur cette question.
La volonté de notre gouvernement est très ferme. Je veux dire quelques mots sur ce Plan autisme qui me tient particulièrement à coeur.
Jai réuni le Conseil national de lautisme de manière à commencer à essayer de mettre tout le monde au travail. Ils sont bien sûr déterminés, ce sont des gens concernés. Je veux dabord la réalisation dun vrai diagnostic. Vous en parlez et votre rapport dit beaucoup de choses.
On nest pas obligé de rester très longtemps à faire des diagnostics, les rapports existent, vous avez beaucoup de connaissances, les uns et les autres, donc on peut aller très vite sur cette question.
Deuxièmement, nous mettons en place 3 groupes de travail et je souhaite que Martine Pinville booste ces 3 groupes de travail avec les parlementaires que je sais être déterminés sur la question, connaissant le sujet.
Le premier groupe de travail porte sur la question de la recherche. Je viens den parler, cela me tient particulièrement à coeur et je sais quil y a une sorte de mainmise là-dessus ; je voudrais que lon avance sur cette question. Il y a vraiment une méconnaissance sur les troubles envahissants du développement quil faut faire reculer ; ce nest pas à moi de le faire, mais ce groupe doit avancer sur des propositions précises en matière de recherche pour travailler avec la recherche.
La formation de tous les professionnels, vous en parlez largement, sera lobjet du deuxième groupe de travail. Ce sont les enseignants, mais aussi les médecins, lensemble des professionnels de santé.
Laccueil en établissement médicosocial, je lai évoqué tout à lheure, existe aussi. Il faut que lon corrige le tir. Il y a des carences là-dessus, elles ne sont imputables à personne. De toute façon, on se moque de savoir à qui elles sont imputables, il faut que lon avance sur cette question et laccompagnement à domicile également.
Voilà mes 3 groupes de travail.
Madame Prado, je noublie pas ce que vous avez dit : la prise en compte très tôt du dépistage, un dépistage précoce. Je souhaite que ce soit évoqué également dans le troisième Plan autisme : comment pouvons nous progresser dans ce domaine.
Une question qui concerne lensemble du handicap, mais qui concerne aussi lautisme, est le vieillissement des personnes en situation de handicap. Cest un phénomène de société et tant mieux, mais nous navons pas assez abordé cette question.
Vos préconisations dans les 8 axes proposés tout à lheure pourront être abordées précisément dans le cadre de ce travail. Vous parliez dun autre domaine qui est léducation et la formation. Je travaille en ce moment dans le cadre de la refondation de lécole avec le ministre de lÉducation nationale et ma priorité est également de créer des CLIS et des ULIS particuliers pour les autistes, peut-être avec moins de monde dedans. Il y a quelquefois 10 ou 12 enfants ; on sait très bien quil faudra que ce soit moins. Je ne sais pas si cela va aboutir ; en tout cas, aidez-moi pour que cela aboutisse. En ce moment, nous en parlons dans le cadre de la refondation de lécole.
La volonté de mon gouvernement dagir pour les personnes handicapées ne fait aucun doute, mais cette action ne sera pleinement efficace que si vous nous aidez, que si la société civile, les corps intermédiaires et les associations qui sont représentés ici et au-delà sont systématiquement consultés et participent même à lélaboration de ce plan.
Je vous remercie une nouvelle fois pour votre contribution, Madame la rapporteure. Jespère que vous accepterez tous de poursuivre cette discussion en toute indépendance bien entendu. Chacun garde ses positions, mais cest un dossier sur lequel nous pouvons progresser ensemble.
Jespère que vous accepterez de construire avec moi tous ensemble ce 3ème Plan autisme. Jai besoin de vous et je sais, après vous avoir entendus, que je peux compter sur vous.
Merci, bon travail car il nous reste très peu de mois pour faire ce 3ème plan !
Source http://www.lecese.fr, le 17 octobre 2012