Message de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, addressé aux Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche le 31 octobre 2012, sur le maillage et la mise en cohérence du réseau de l'enseignement supérieur et des centres de recherche dans le cadre de la politique de l'aménagement du territoire.

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Circonstance : Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche à l'Université Paris VII - Diderot, le 31 octobre 2012

Texte intégral

Les assises de l’enseignement supérieur et de la recherche font apparaître une question nouvelle, une question qui est l’un des actes les plus forts du gouvernement, celle de l’égalité des territoires.
Plus que tout autre, le système d’enseignement supérieur et de recherche se trouve à la confluence entre une ambition universelle, qui suppose et appelle des échanges à l’échelle mondiale et un enracinement local, au plus près des étudiants, des territoires et de leurs spécificités. Nul système ne révèle mieux la tension entre des échanges internationaux, des mobilités de chercheurs qui fécondent la recherche et la production de savoirs universels et un enracinement dans la ville, dans des campus, des résidences pour étudiants, et dans des territoires, des écosystèmes d’entreprises, des tissus productifs spécifiques. Cette pollinisation des territoires par des savoirs qui se constituent par des échanges globaux est l’une de ses grandes caractéristiques.
Or sur cette thématique comme sur tant d’autres, l’ambition d’un développement équilibré au service de tous s’est tarie. Sans objectif politique significatif, l’aménagement du territoire, la politique de développement des antennes universitaires, des centres de recherche a parfois été abandonnée au danger du laisser-faire : recherche publique déstructurée lentement mais surement, avec le soupçon permanent de l’improductivité de la connaissance, se traduisant par la généralisation de la mise sous tension des équipes par des appels à projets qui détournent les chercheurs de leurs travaux, par des procédures de contrôle et d’allocation des moyens qui rendent chaque jour plus difficile les travaux hétérodoxes, ceux-là même qui font une génération plus tard les prix Nobel.
Le mandat que nous a confié le président de la République est clair. Il s’agit de repenser cette articulation. Notre mission est de placer l’ensemble des politiques du territoire sous le sceau, ambitieux mais nécessaire, de l’égalité. Bien sûr, ceci ne veut pas dire qu’il faille démultiplier les universités, il faut continuer à les doter d’une cohérence d’ensemble, créer des structures ombrelles pour abriter les centres de recherche et d’enseignement qui peuvent avoir des implantations différentes.
Les savoirs constituent des biens communs, dont il faut favoriser le partage, à l’échelle nationale et internationale. Les universités forment, depuis toujours, le creuset d’un dialogue humaniste autour de l’accès à l’universel, mais ce dialogue ne doit plus se limiter au cercle élitiste d’une poignée de savants. Les nouvelles technologies offrent une incontestable opportunité de poursuivre la démocratisation de l’accès au savoir, de développer une expertise autonome, contradictoire, qu’il faut encourager, en accélérant la numérisation du patrimoine, en favorisant les formats ouverts dans le logiciel, en partageant les données publiques, en favorisant la mise en ligne non seulement de contenus mais d’outils pédagogiques actifs. L’aménagement numérique du territoire est de ce point de vue une mission cardinale pour le ministère de l’égalité des territoires qui prend tout son sens si se développe par son entremise l’accès au savoir et à la culture.
L’universalité du savoir pose alors la question de son appropriation. La politique du précédent gouvernement a conduit à concentrer les moyens publics au bénéfice des grands groupes et de quelques territoires. Les investissements d’avenir, à l’image des instituts de recherche technologique, en ont donné une preuve éclatante. L’effet d’entrainement sur les PME comme sur les autres territoires n’a jamais été véritablement recherché. Il est temps de rompre avec cette logique qui au nom de la compétition et du soutien aux plus forts, laisse à l’abandon la plupart des territoires de notre pays et son tissu de PME.
Ce changement de logique appelle une attention renouvelée aux logiques de clusters, de grappes d’innovation, aux dynamiques locales de développement, pour favoriser autour de circuits courts, de savoir-faire locaux, la résilience, la robustesse des territoires. Il faudra donc faire des clusters des lieux où les PME sont accompagnées dans leur projet, de la recherche jusqu’à l’innovation, où elles peuvent bénéficier de services haut de gamme, de conseil, de soutien en fonds propres ou en trésorerie, autant qu’elles profitent des échanges avec leurs pairs. De ce point de vue, le rôle diffusant des clusters doit pouvoir nourrir les projets des entreprises de l’ensemble du territoire.
Il appelle également un réexamen de l’action du réseau de l’enseignement supérieur, qui maille de façon fine le territoire. Ce réseau constitue une richesse et offre l’occasion de favoriser le développement de chacun des territoires. Mettons en cohérence les cursus offerts avec le tissu local, mettons en synergie les sections STS, les IUT avec leur écosystème, en installant, là où sont les besoins, des formations, des parties de programmes de recherche.
Cette mise en cohérence appelle également une réflexion sur la place des étudiants dans chaque territoire, dans chaque ville, autour de bâtiments rassemblant ensemble, au coeur de la cité, enseignement, centre de documentation, fraction d’un programme de recherche et entreprises innovantes. Nous appelons à un intérêt renouvelé pour le bien-être étudiant, leur accès au logement, au sport et à la culture. Cet intérêt doit bien-sûr porter sur les conditions de vie des étudiants, mais il appelle également une réflexion sur les pratiques pédagogiques. Les cours magistraux en amphithéâtre n’ont jamais constitué la réponse adaptée pour faire accéder au savoir. Il n’en est pas de même du séminaire, cette forme originale, ouverte, d’apprentissage. Nous sommes en cela fidèles à la priorité pour la jeunesse et l’éducation du président de la République.
Chacun a alors son rôle à jouer : l’État bien-sûr, mais également les collectivités territoriales, qui peuvent seules, faire naître des projets de territoire, articulant une analyse des spécificités du tissu local, des besoins de formation qui y sont liés et donner à chaque territoire l’occasion de se développer. Cette analyse appelle une ouverture à la société civile qui doit participer à la constitution de ces projets, de cette mise en cohérence et au développement local.
Source http://www.territoires.gouv.fr, le 15 novembre 2012