Texte intégral
Le premier objectif de mon voyage était de participer à la conférence sur le climat avec Mme Delphine Batho, ministre de l'environnement, et Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement. J'ai confirmé notre disponibilité à accueillir la Conférence sur le climat en 2015 qui sera une conférence importante. Ce déplacement m'a aussi donné l'occasion de voir un certain nombre d'autres ministres importants américain, brésilien, sud africain ou péruvien notamment. Et j'ai aussi rencontré les dirigeants du Qatar que je connaissais bien et que je vois souvent dans les conférences ou à Paris. J'ai eu un long entretien avec l'Émir et avec le Premier ministre .Cela confirme que les relations entre le Qatar et la France sont tout à fait excellentes. Vous savez, le ministre des affaires étrangères est obligé de se rendre dans de nombreux pays mais, dans le cas de cette conférence sur le climat, ce qui est intéressant c'est de retrouver sous un même toit les principaux ministres concernés, des affaires étrangères, de l'environnement et du développement, maintenant nous allons nous mettre au travail.
Alors, je suis à votre disposition sur tout ce qui vous intéresse.
Q - Les pays les plus pollueurs qui ne signent pas le protocole de Kyoto 2, le Canada, le Japon la Russie qui se désengagent, est ce que vous ne vous sentez pas un peu seul face au changement climatique ?
R - Avec l'accord de Kyoto 1, il y avait un engagement qui avait été pris, même si tout le monde ne l'avait pas signé. Pour le prolongement de Kyoto, il y a un certain nombre de pays qui, malheureusement se désengagent. Mais, nous les Européens, et les Français en particulier, devons tenir nos engagements. Que chacun fasse ce qu'il doit faire pour arriver à enrayer ce dérèglement climatique qui est dramatique. Nous allons préparer la conférence sur le climat de 2015 pour trouver des formules qui nous permettent de travailler avec les pays qui aujourd'hui ne se sont pas engagés. L'une de notre principale tâche sera de faire bouger les lignes afin que chacun fasse quelque chose d'une manière différenciée. Ce n'est pas un seul pays ou un groupe de pays qui peut avancer en éclaireur. Aussi, nous allons reprendre les choses en essayant de tirer les leçons de l'expérience car la lutte contre le dérèglement climatique est absolument devenue centrale. J'ai pris l'exemple de l'augmentation du nombre de degrés. Nous nous étions fixés comme objectif maximum, je dis bien maximum, 2 degrés de hausse et maintenant les scientifiques nous disent que ce sera peut-être 4 degrés :il s'agit d'un chiffre qui représente la même différence entre aujourd'hui et l'ère glaciaire. Mais ce réchauffement se fera dans un laps de temps très court comparé à l'époque glaciaire. Donc il faut agir et tous les pays sont concernés même ceux qui aujourd'hui ne vont pas dans le sens de Kyoto 2
Q - Alors un des aspects justement négociés, ce sont les fonds en faveur des pays en développement, la France compte-t-elle débloquer des fonds ou d'adaptation. Il s'agit d'une demande de ces pays en développement ainsi que de nombreuses ONG ?
R - Oui bien sûr, la question du financement est décisive. Il faut à la fois avoir des projets pour contrer le dérèglement climatique et pouvoir les financer.
Q - Alors quelle est votre trajectoire justement d'ici 2015 ?
R - Vous savez que le chiffre qui est donné, c'est essayer de trouver 100 milliards de dollars par an. Il s'agit d'une somme considérable mais en additionnant à la fois les financements privés et publics, nous devrions nous en approcher. Nous faisons déjà un gros effort de plusieurs milliards d'euros et nous avons lancé la taxe sur les transactions financières, ce que l'on appelle le financement innovant, qui permet en prélevant une petite proportion sur les transactions financières de dégager des sommes importantes. Certes, pour le moment, nous le faisons avec une dizaine de pays en Europe mais nous souhaiterions que cette taxe soit élargie à d'autres pays et nous voulons consacrer, c'est le cas en France, un pourcentage de cette taxe sur les transactions financières à ces financements pour lutter contre le dérèglement climatique. Les choses sont assez simples à comprendre : vous avez d'un côté des besoins énormes de financement pour lutter contre le dérèglement climatique et, de l'autre côté, vous avez beaucoup de pays qui connaissent des difficultés financières. Si vous voulez arriver à trouver une solution, il faut passer par ce qu'on appelle des financements innovants. Alors cela peut être la taxe sur les transactions financières ou une taxe de billet d'avions ou une taxe sur la pollution, il y a différentes formules. Mais dans tous les cas, il faut ces financements innovants et c'est l'axe sur lequel la France va travailler.
Q - La France doit être un fer de lance en matière d'environnement sauf qu'avec la crise économique, cela devient difficile de mettre l'écologie dans l'ordre des premières priorités. Par exemple, avec le site de Florange, on a appris récemment que la direction avait balayé d'un revers de mains un dispositif européen pour permettre de capturer plus de carbones.
R - Prenons les deux problèmes. D'abord vous dites qu'en raison de difficultés financières, il est compliqué de trouver des fonds pour lutter contre la pollution. Il s'agit d'un mode de raisonnement à l'ancienne. Si nous voulons que le monde reste vivable, nous avons besoin de lutter contre le dérèglement climatique. Aussi, ce qui était présenté parfois comme un fardeau doit être, au contraire, vu comme une chance et un atout pour aller vers cette croissance verte dont on parle. Bien sûr, cela ne se fera pas entre aujourd'hui et lundi prochain. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que ce qui est présenté comme un fardeau doit être, au contraire, une occasion de croissance, cela est ma réponse générale. Maintenant en ce qui concerne Florange, je n'ai pas vu les derniers développements parce que je suis à l'étranger mais j'ai compris que le projet en cause n'était pas du tout abandonné. Simplement, il y a des éléments qui entraînent le report de la mise en oeuvre. Je crois qu'il ne faut pas faire la confusion entre les deux aspects.
Q - Vous dites préparer le 2015. Comment voyez-vous les suites de ces négociations de Doha ?
R - Doha doit être un pas en avant. II y a en particulier deux sujets qui vont permettre de juger son succès : le prolongement de l'accord de Kyoto et la question des financements.
Sur Kyoto, des discussions sont en cours pour savoir comment on prolonge, à quelle date... Nous espérons en tout cas ce sera la position de l'Europe et de la France, que ce prolongement de Kyoto, qu'on appelle Kyoto2, aura lieu.
L'autre aspect porte sur la question des financements :nous devons avancer pour trouver les financements nécessaires. Il y a des pays qui n'ont rien et qui souhaitent aller de l'avant mais ne peuvent financer leurs projets. Donc nous devons les aider.
Nous espérons avancer sur ces deux points. Il est important de pouvoir avancer parce que notre responsabilité se situe en 2015. Il est évident que si l'on avance déjà en 2012 c'est du bonus pour 2015. C'est ce que j'ai constaté dans mes contacts avec les délégations que j'ai rencontrées. Nous sommes responsables des résultats en 2015, mais nous devons préparer les choses collectivement avec les pays qui présideront la Conférence en 2013 et en 2014 et avec beaucoup d'autres. On ne peut pas réussir en 2015 si nous n'avons pas discuté avant profondément avec les pays émergents, avec les uns et avec les autres. Donc notre travail sera de lutter contre le dérèglement climatique et de préparer cette lutte d'une manière collective et de faire en sorte que le succès de 2015, que nous espérons, soit préparé par les présidences précédentes.
Q - Nicolas Hulot vient d'être nommé ambassadeur de la planète par le président François Hollande, c'est ça la diplomatie de l'environnement. Vous allez travailler ensemble ?
R - Bien sûr. J'ai vu Nicolas Hulot à plusieurs reprises, il y a déjà quelques mois et il a été convenu avec le président de la République et moi-même que Nicolas Hulot, qui est une figure extrêmement connue et un spécialiste dans le domaine de l'environnement, serait nommé représentant spécial du président de la République pour la planète. C'est annoncé aujourd'hui et je pense que c'est très bien parce que Nicolas Hulot a une expertise incontestable, et dans le même temps il sait mobiliser, il sait expliquer, il sait informer. Nous en avons besoin, il le fera à titre bénévole, pour parcourir la planète en liaison bien sûr avec la diplomatie française. Il va essayer de sensibiliser les populations, d'expliquer, d'alerter et je pense qu'on en a besoin. Cet après-midi, on me disait que nous étions les trois mousquetaires : le ministre des affaires étrangères qui va mener la discussion pour 2015, Mme Batho, ministre de l'environnement, et M. Canfin ministre délégué chargé du développement. J'ai répondu qu'effectivement c'est comme dans les trois mousquetaires, nous serons quatre avec l'apport formidable de Nicolas Hulot qui viendra, avec le talent qui est le sien, épauler cette diplomatie de l'environnement parce que la cause de la lutte contre le dérèglement climatique devient un des grands enjeux de la diplomatique mondiale.
Q - Question internationale avec les événements récents en Égypte, selon vous est ce que le Printemps arabe est fini ?
R - Non ce n'est pas fini. Le Printemps arabe est né d'une volonté de liberté, d'une volonté de dignité et de démocratie. Mais chacun savait, comme nous l'avions dit dès le début, que ce printemps ne pouvait pas être linéaire. Quand vous regardez ce qui s'est passé avec la révolution française, celle-ci a commencé en 1789 et elle s'est achevée très longtemps après avec des hauts et des bas. Nous souhaitons évidemment que cette victoire de la démocratie soit respectée et nous avions anticipé des moments de difficulté. Là en Égypte nous avons actuellement des moments de vraie difficulté et tout ce que je peux souhaiter, c'est une désescalade et un dialogue dans le respect de la démocratie, conformément aux idéaux du début du Printemps arabe. Ce n'est pas à moi de donner des bons ou des mauvais points, mais ces désescalades de la violence et ce respect de la démocratie par le dialogue sont absolument indispensables.
Q - Sur les actions concrètes en matière d'environnement du gouvernement français, je retiens que la France va signer donc probablement le protocole, le Kyoto2. Quelles actions concrètes vous allez mener sur le terrain, vous avez sensibilisé les patrons des grandes entreprises, vous allez demander à chacun de faire quelque chose ?
R - Bien sûr et les grandes entreprises, même si c'est très important, ne sont pas les seules concernées. Il y a toute une série d'actions à mener dans le domaine des logements parce que l'une des causes principales des émissions de gaz à effet de serre vient de la mauvaise qualité et de la mauvaise isolation des logements, notamment dans les logements anciens. Il y a un gros travail à faire dans ce domaine et aussi dans le secteur des entreprises notamment dans les entreprises industrielles. Parmi les composantes de la politique générale d'économies d'énergies, on trouve le développement des transports collectifs et le développement des énergies nouvelles et des énergies renouvelables. Il n'y a pas un seul sujet, c'est une palette sur laquelle il faut agir.
Q - Mais va-t-il y avoir des décisions contraignantes ?
R - Il va y avoir, et il y a déjà, des décisions très importantes, par exemple en matière de normes de construction. Désormais, vous ne pouvez plus construire des bâtiments s'ils sont pollueurs. Il ne faut pas être simplement normatif, il faut être aussi incitatif. Par exemple, dans le domaine des économies d'énergie, si vous voulez qu'il y ait des progrès dans le logement ancien, il faut des incitations de nature fiscale ou autre.
Q - Je reviens à l'actualité internationale. En Égypte la situation est quand même de plus en plus explosive, avec les partisans et des anti Morsi qui suivent des manifestations rivales, un président qui est très contesté. Quelle est la position de la France ?
R - La position de la France est d'appeler à la désescalade de la violence et à la reprise du dialogue. J'ai rencontré le président Morsi, il y a de cela quelques semaines, et nous avons travaillé ensemble pour trouver un cessez-le-feu entre Israël et Gaza. Aujourd'hui en Égypte, la constitution est mise en cause ce qui engendre une flambée de violence. C'est précisément parce que nous voulons le succès des Printemps arabes et de l'Égypte que nous souhaitons qu'il y ait une désescalade et que ce soit la démocratie qui l'emporte.
Q - L'actualité est très brûlante. En Syrie, vous avez justement été le premier pays à soutenir la coalition syrienne, récemment par exemple il y a le président libanais qui disait que pour sortir de la crise il ne faut pas d'intervention armée, vous quelle est votre position sur la Syrie ?
R - La France est en pointe sur ce dossier comme nous l'avons été en Libye et nous l'avons été au moment de reconnaître l'État palestinien. De la même façon, nous le sommes pour reconnaître la coalition nationale syrienne, pourquoi ? Parce que nous pensons que le régime de Bachar Al-Assad ne va pas durer et qu'il faut préparer l'alternance. Et vous ne pouvez la préparer que de manière rassemblée. Que va-t-il se passer maintenant ? D'abord, il faut que l'on soit très actif sur le plan humanitaire, parce que malheureusement des milliers de personnes meurent et beaucoup de gens sont dans des situations très difficiles que ce soit en Syrie, en Turquie, en Irak ou en Jordanie. Il faut qu'il y ait une aide humanitaire à fournir. Bien sûr, nous la leur fournissons. Et, par ailleurs, il y a une discussion politique à avoir pour appuyer la coalition nationale syrienne. Nous le faisons et nous allons le faire de manière encore plus forte dans quelques jours à Marrakech où il y aura une réunion des Amis du peuple syrien à laquelle participera la France. Et puis, bien sûr, il y a la question militaire où l'on constate que les résistants sont en train de gagner du terrain. Bien sûr nous discutons étroitement avec nos partenaires arabes, avec nos partenaires du Conseil de sécurité des Nations unies. La France, qui n'a pas d'agenda caché, souhaite une Syrie enfin libre et respectueuse des différentes communautés. Il faut que le futur régime respecte à la fois les alaouites, les chrétiens, les druzes, que chaque communauté soit respectée et que les droits de l'Homme et de la femme, Madame, soient respectés.
Q - Vous prônez une intervention armée ou pas ?
R - Non nous ne sommes pas sur cette position. Il y a une force résistante qui existe et nous souhaitons d'ailleurs qu'elle s'unisse comme cela a été fait sur le plan civil. Nous voyons que ces forces sont en train de progresser.
Q - Quelques mots sur les relations franco qatariennes et notamment sur le fond d'investissement ?
R - Oui les relations franco-qatariennes, sont très bonnes et ce sur les différents plans, économique, culturel et éducatif. Il y a des établissements ici à Doha qui sont de grande qualité et l'Émir et le Premier ministre ont souligné cette qualité. Il y a une coopération scientifique et aussi dans le domaine sécuritaire et surtout, bien sûr, il y a beaucoup d'entreprises qui travaillent au Qatar et nous en sommes très heureux. Il y a également des investissements qatariens importants en France dans des valeurs traditionnelles, nous sommes heureux que cela maintienne l'emploi. Et puis, il y a maintenant ce nouveau fonds créé en liaison avec les Français - chacun a mis la moitié des sommes - qui vont aider au développement des PME et des nouvelles entreprises innovantes. Nous pensons que c'est une très bonne chose et j'ai été heureux d'entendre à la fois l'Émir du Qatar et le Premier ministre du Qatar me dire que si il y avait des projets intéressants d'investissements en France et que nous voulions que le Qatar les soutienne, et bien le Qatar serait heureux de le faire.
Q - Le Qatar qui investirait dans ces entreprises, et pourrait les faire venir même ici ?
R - Oui bien sûr. Il y a des investissements qatariens en France, il y a une présence française au Qatar, cela doit fonctionner dans les deux sens. Merci à vous tous.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 décembre 2012
Alors, je suis à votre disposition sur tout ce qui vous intéresse.
Q - Les pays les plus pollueurs qui ne signent pas le protocole de Kyoto 2, le Canada, le Japon la Russie qui se désengagent, est ce que vous ne vous sentez pas un peu seul face au changement climatique ?
R - Avec l'accord de Kyoto 1, il y avait un engagement qui avait été pris, même si tout le monde ne l'avait pas signé. Pour le prolongement de Kyoto, il y a un certain nombre de pays qui, malheureusement se désengagent. Mais, nous les Européens, et les Français en particulier, devons tenir nos engagements. Que chacun fasse ce qu'il doit faire pour arriver à enrayer ce dérèglement climatique qui est dramatique. Nous allons préparer la conférence sur le climat de 2015 pour trouver des formules qui nous permettent de travailler avec les pays qui aujourd'hui ne se sont pas engagés. L'une de notre principale tâche sera de faire bouger les lignes afin que chacun fasse quelque chose d'une manière différenciée. Ce n'est pas un seul pays ou un groupe de pays qui peut avancer en éclaireur. Aussi, nous allons reprendre les choses en essayant de tirer les leçons de l'expérience car la lutte contre le dérèglement climatique est absolument devenue centrale. J'ai pris l'exemple de l'augmentation du nombre de degrés. Nous nous étions fixés comme objectif maximum, je dis bien maximum, 2 degrés de hausse et maintenant les scientifiques nous disent que ce sera peut-être 4 degrés :il s'agit d'un chiffre qui représente la même différence entre aujourd'hui et l'ère glaciaire. Mais ce réchauffement se fera dans un laps de temps très court comparé à l'époque glaciaire. Donc il faut agir et tous les pays sont concernés même ceux qui aujourd'hui ne vont pas dans le sens de Kyoto 2
Q - Alors un des aspects justement négociés, ce sont les fonds en faveur des pays en développement, la France compte-t-elle débloquer des fonds ou d'adaptation. Il s'agit d'une demande de ces pays en développement ainsi que de nombreuses ONG ?
R - Oui bien sûr, la question du financement est décisive. Il faut à la fois avoir des projets pour contrer le dérèglement climatique et pouvoir les financer.
Q - Alors quelle est votre trajectoire justement d'ici 2015 ?
R - Vous savez que le chiffre qui est donné, c'est essayer de trouver 100 milliards de dollars par an. Il s'agit d'une somme considérable mais en additionnant à la fois les financements privés et publics, nous devrions nous en approcher. Nous faisons déjà un gros effort de plusieurs milliards d'euros et nous avons lancé la taxe sur les transactions financières, ce que l'on appelle le financement innovant, qui permet en prélevant une petite proportion sur les transactions financières de dégager des sommes importantes. Certes, pour le moment, nous le faisons avec une dizaine de pays en Europe mais nous souhaiterions que cette taxe soit élargie à d'autres pays et nous voulons consacrer, c'est le cas en France, un pourcentage de cette taxe sur les transactions financières à ces financements pour lutter contre le dérèglement climatique. Les choses sont assez simples à comprendre : vous avez d'un côté des besoins énormes de financement pour lutter contre le dérèglement climatique et, de l'autre côté, vous avez beaucoup de pays qui connaissent des difficultés financières. Si vous voulez arriver à trouver une solution, il faut passer par ce qu'on appelle des financements innovants. Alors cela peut être la taxe sur les transactions financières ou une taxe de billet d'avions ou une taxe sur la pollution, il y a différentes formules. Mais dans tous les cas, il faut ces financements innovants et c'est l'axe sur lequel la France va travailler.
Q - La France doit être un fer de lance en matière d'environnement sauf qu'avec la crise économique, cela devient difficile de mettre l'écologie dans l'ordre des premières priorités. Par exemple, avec le site de Florange, on a appris récemment que la direction avait balayé d'un revers de mains un dispositif européen pour permettre de capturer plus de carbones.
R - Prenons les deux problèmes. D'abord vous dites qu'en raison de difficultés financières, il est compliqué de trouver des fonds pour lutter contre la pollution. Il s'agit d'un mode de raisonnement à l'ancienne. Si nous voulons que le monde reste vivable, nous avons besoin de lutter contre le dérèglement climatique. Aussi, ce qui était présenté parfois comme un fardeau doit être, au contraire, vu comme une chance et un atout pour aller vers cette croissance verte dont on parle. Bien sûr, cela ne se fera pas entre aujourd'hui et lundi prochain. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que ce qui est présenté comme un fardeau doit être, au contraire, une occasion de croissance, cela est ma réponse générale. Maintenant en ce qui concerne Florange, je n'ai pas vu les derniers développements parce que je suis à l'étranger mais j'ai compris que le projet en cause n'était pas du tout abandonné. Simplement, il y a des éléments qui entraînent le report de la mise en oeuvre. Je crois qu'il ne faut pas faire la confusion entre les deux aspects.
Q - Vous dites préparer le 2015. Comment voyez-vous les suites de ces négociations de Doha ?
R - Doha doit être un pas en avant. II y a en particulier deux sujets qui vont permettre de juger son succès : le prolongement de l'accord de Kyoto et la question des financements.
Sur Kyoto, des discussions sont en cours pour savoir comment on prolonge, à quelle date... Nous espérons en tout cas ce sera la position de l'Europe et de la France, que ce prolongement de Kyoto, qu'on appelle Kyoto2, aura lieu.
L'autre aspect porte sur la question des financements :nous devons avancer pour trouver les financements nécessaires. Il y a des pays qui n'ont rien et qui souhaitent aller de l'avant mais ne peuvent financer leurs projets. Donc nous devons les aider.
Nous espérons avancer sur ces deux points. Il est important de pouvoir avancer parce que notre responsabilité se situe en 2015. Il est évident que si l'on avance déjà en 2012 c'est du bonus pour 2015. C'est ce que j'ai constaté dans mes contacts avec les délégations que j'ai rencontrées. Nous sommes responsables des résultats en 2015, mais nous devons préparer les choses collectivement avec les pays qui présideront la Conférence en 2013 et en 2014 et avec beaucoup d'autres. On ne peut pas réussir en 2015 si nous n'avons pas discuté avant profondément avec les pays émergents, avec les uns et avec les autres. Donc notre travail sera de lutter contre le dérèglement climatique et de préparer cette lutte d'une manière collective et de faire en sorte que le succès de 2015, que nous espérons, soit préparé par les présidences précédentes.
Q - Nicolas Hulot vient d'être nommé ambassadeur de la planète par le président François Hollande, c'est ça la diplomatie de l'environnement. Vous allez travailler ensemble ?
R - Bien sûr. J'ai vu Nicolas Hulot à plusieurs reprises, il y a déjà quelques mois et il a été convenu avec le président de la République et moi-même que Nicolas Hulot, qui est une figure extrêmement connue et un spécialiste dans le domaine de l'environnement, serait nommé représentant spécial du président de la République pour la planète. C'est annoncé aujourd'hui et je pense que c'est très bien parce que Nicolas Hulot a une expertise incontestable, et dans le même temps il sait mobiliser, il sait expliquer, il sait informer. Nous en avons besoin, il le fera à titre bénévole, pour parcourir la planète en liaison bien sûr avec la diplomatie française. Il va essayer de sensibiliser les populations, d'expliquer, d'alerter et je pense qu'on en a besoin. Cet après-midi, on me disait que nous étions les trois mousquetaires : le ministre des affaires étrangères qui va mener la discussion pour 2015, Mme Batho, ministre de l'environnement, et M. Canfin ministre délégué chargé du développement. J'ai répondu qu'effectivement c'est comme dans les trois mousquetaires, nous serons quatre avec l'apport formidable de Nicolas Hulot qui viendra, avec le talent qui est le sien, épauler cette diplomatie de l'environnement parce que la cause de la lutte contre le dérèglement climatique devient un des grands enjeux de la diplomatique mondiale.
Q - Question internationale avec les événements récents en Égypte, selon vous est ce que le Printemps arabe est fini ?
R - Non ce n'est pas fini. Le Printemps arabe est né d'une volonté de liberté, d'une volonté de dignité et de démocratie. Mais chacun savait, comme nous l'avions dit dès le début, que ce printemps ne pouvait pas être linéaire. Quand vous regardez ce qui s'est passé avec la révolution française, celle-ci a commencé en 1789 et elle s'est achevée très longtemps après avec des hauts et des bas. Nous souhaitons évidemment que cette victoire de la démocratie soit respectée et nous avions anticipé des moments de difficulté. Là en Égypte nous avons actuellement des moments de vraie difficulté et tout ce que je peux souhaiter, c'est une désescalade et un dialogue dans le respect de la démocratie, conformément aux idéaux du début du Printemps arabe. Ce n'est pas à moi de donner des bons ou des mauvais points, mais ces désescalades de la violence et ce respect de la démocratie par le dialogue sont absolument indispensables.
Q - Sur les actions concrètes en matière d'environnement du gouvernement français, je retiens que la France va signer donc probablement le protocole, le Kyoto2. Quelles actions concrètes vous allez mener sur le terrain, vous avez sensibilisé les patrons des grandes entreprises, vous allez demander à chacun de faire quelque chose ?
R - Bien sûr et les grandes entreprises, même si c'est très important, ne sont pas les seules concernées. Il y a toute une série d'actions à mener dans le domaine des logements parce que l'une des causes principales des émissions de gaz à effet de serre vient de la mauvaise qualité et de la mauvaise isolation des logements, notamment dans les logements anciens. Il y a un gros travail à faire dans ce domaine et aussi dans le secteur des entreprises notamment dans les entreprises industrielles. Parmi les composantes de la politique générale d'économies d'énergies, on trouve le développement des transports collectifs et le développement des énergies nouvelles et des énergies renouvelables. Il n'y a pas un seul sujet, c'est une palette sur laquelle il faut agir.
Q - Mais va-t-il y avoir des décisions contraignantes ?
R - Il va y avoir, et il y a déjà, des décisions très importantes, par exemple en matière de normes de construction. Désormais, vous ne pouvez plus construire des bâtiments s'ils sont pollueurs. Il ne faut pas être simplement normatif, il faut être aussi incitatif. Par exemple, dans le domaine des économies d'énergie, si vous voulez qu'il y ait des progrès dans le logement ancien, il faut des incitations de nature fiscale ou autre.
Q - Je reviens à l'actualité internationale. En Égypte la situation est quand même de plus en plus explosive, avec les partisans et des anti Morsi qui suivent des manifestations rivales, un président qui est très contesté. Quelle est la position de la France ?
R - La position de la France est d'appeler à la désescalade de la violence et à la reprise du dialogue. J'ai rencontré le président Morsi, il y a de cela quelques semaines, et nous avons travaillé ensemble pour trouver un cessez-le-feu entre Israël et Gaza. Aujourd'hui en Égypte, la constitution est mise en cause ce qui engendre une flambée de violence. C'est précisément parce que nous voulons le succès des Printemps arabes et de l'Égypte que nous souhaitons qu'il y ait une désescalade et que ce soit la démocratie qui l'emporte.
Q - L'actualité est très brûlante. En Syrie, vous avez justement été le premier pays à soutenir la coalition syrienne, récemment par exemple il y a le président libanais qui disait que pour sortir de la crise il ne faut pas d'intervention armée, vous quelle est votre position sur la Syrie ?
R - La France est en pointe sur ce dossier comme nous l'avons été en Libye et nous l'avons été au moment de reconnaître l'État palestinien. De la même façon, nous le sommes pour reconnaître la coalition nationale syrienne, pourquoi ? Parce que nous pensons que le régime de Bachar Al-Assad ne va pas durer et qu'il faut préparer l'alternance. Et vous ne pouvez la préparer que de manière rassemblée. Que va-t-il se passer maintenant ? D'abord, il faut que l'on soit très actif sur le plan humanitaire, parce que malheureusement des milliers de personnes meurent et beaucoup de gens sont dans des situations très difficiles que ce soit en Syrie, en Turquie, en Irak ou en Jordanie. Il faut qu'il y ait une aide humanitaire à fournir. Bien sûr, nous la leur fournissons. Et, par ailleurs, il y a une discussion politique à avoir pour appuyer la coalition nationale syrienne. Nous le faisons et nous allons le faire de manière encore plus forte dans quelques jours à Marrakech où il y aura une réunion des Amis du peuple syrien à laquelle participera la France. Et puis, bien sûr, il y a la question militaire où l'on constate que les résistants sont en train de gagner du terrain. Bien sûr nous discutons étroitement avec nos partenaires arabes, avec nos partenaires du Conseil de sécurité des Nations unies. La France, qui n'a pas d'agenda caché, souhaite une Syrie enfin libre et respectueuse des différentes communautés. Il faut que le futur régime respecte à la fois les alaouites, les chrétiens, les druzes, que chaque communauté soit respectée et que les droits de l'Homme et de la femme, Madame, soient respectés.
Q - Vous prônez une intervention armée ou pas ?
R - Non nous ne sommes pas sur cette position. Il y a une force résistante qui existe et nous souhaitons d'ailleurs qu'elle s'unisse comme cela a été fait sur le plan civil. Nous voyons que ces forces sont en train de progresser.
Q - Quelques mots sur les relations franco qatariennes et notamment sur le fond d'investissement ?
R - Oui les relations franco-qatariennes, sont très bonnes et ce sur les différents plans, économique, culturel et éducatif. Il y a des établissements ici à Doha qui sont de grande qualité et l'Émir et le Premier ministre ont souligné cette qualité. Il y a une coopération scientifique et aussi dans le domaine sécuritaire et surtout, bien sûr, il y a beaucoup d'entreprises qui travaillent au Qatar et nous en sommes très heureux. Il y a également des investissements qatariens importants en France dans des valeurs traditionnelles, nous sommes heureux que cela maintienne l'emploi. Et puis, il y a maintenant ce nouveau fonds créé en liaison avec les Français - chacun a mis la moitié des sommes - qui vont aider au développement des PME et des nouvelles entreprises innovantes. Nous pensons que c'est une très bonne chose et j'ai été heureux d'entendre à la fois l'Émir du Qatar et le Premier ministre du Qatar me dire que si il y avait des projets intéressants d'investissements en France et que nous voulions que le Qatar les soutienne, et bien le Qatar serait heureux de le faire.
Q - Le Qatar qui investirait dans ces entreprises, et pourrait les faire venir même ici ?
R - Oui bien sûr. Il y a des investissements qatariens en France, il y a une présence française au Qatar, cela doit fonctionner dans les deux sens. Merci à vous tous.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 décembre 2012