Déclaration de Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, sur l'accès aux documents numériques et l'internet, notamement les données culturelles, Paris le 19 novembre 2012.

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Circonstance : Lancement DBpédia en français et inauguration Sémanticpédia à Paris le 19 novembre 2012

Texte intégral

Je suis très heureuse de me trouver aujourd’hui à vos côtés, à l’Institut national d'histoire de l'art, que je remercie de nous accueillir pour cet événement inédit autour de la diffusion culturelle dans l'univers numérique.
Le projet dont il est question aujourd’hui est en effet inédit à plus d’un titre : c'est la première fois que le ministère de la Culture et de la Communication formalise un partenariat avec deux acteurs majeurs du monde numérique, à savoir Inria, dans le domaine de la recherche, qui est un des fondateurs du « web » que nous utilisons aujourd’hui, et Wikimedia France, qui s’attache à diffuser et à développer des contenus à caractère culturel, dans le cadre de projets collaboratifs ou contributifs tels que le Wiktionnaire et bien sûr l’encyclopédie Wikipédia.
Je tiens aussi à souligner le caractère transversal de ce projet au sein du ministère, et à féliciter le Secrétariat général et la Délégation générale à la langue française et aux langues de France et leurs équipes.
Ce projet s’inscrit dans la démarche d’ensemble d’une politique culturelle de l’accès. C’est la mission même du ministère depuis André Malraux : s'il nous revient de «rendre accessible au plus grand nombre» les oeuvres du patrimoine comme celles de la création, nous ne pouvons être de simples «fournisseurs d’accès», il nous faut en quelque sorte «cultiver» l’accès, en faire un outil d’enrichissement et d’épanouissement personnel.
Cette ambition, vous le savez, inspire la priorité que j’ai donnée à l’éducation artistique et culturelle, comme elle irrigue l'action de ce ministère pour aller au devant des publics qui peuvent se sentir éloignés de la culture et de ses différents modes d’expression. A vrai dire, elle donne du sens à l’ensemble de nos politiques culturelles, car elle répond aussi à un objectif d’égalité et de cohésion sociale.
Cette politique passe aujourd’hui en grande partie par l’univers numérique. Compte tenu de la place croissante que tiennent la consultation et les usages de la Toile dans nos vies, il est capital que le public puisse avoir accès à des données culturelles en ligne.
Or cet univers, en expansion continue, va connaître une véritable révolution, avec l’essor du web sémantique, ou «web de données», qui nous conduit à repenser les modes de construction et d’usage des outils du savoir. Après le Web 2.0 (les réseaux sociaux), il nous faut prévoir le passage au Web 3.0, qui permet aux ordinateurs de comprendre les requêtes qui leur sont adressées non plus par mot-clé, mais par champ sémantique, à partir du sens des mots.
Ce système est amené à jouer un rôle essentiel dans la navigation sur l’Internet, dans la transmission et le partage des connaissances, dans les interactions entre langues et cultures médiatisées par les outils numériques. Pour qu'il participe pleinement au bien commun, il doit être pensé comme un lieu d’échange ouvert, et il importe évidemment que notre langue et notre culture y trouvent leur place.
C’est ici qu’interviennent les usages des internautes. Cette encyclopédie interactive qu'est Wikipédia est l’un des sites les plus consultés au monde.
Elle est largement consacrée par l’usage, notamment chez les adolescents et les étudiants, qui l’utilisent souvent comme une première source pour prendre connaissance d’un sujet.
Ce constat a débouché sur le projet d’appliquer à titre expérimental les techniques innovantes du Web 3.0 à l’extraction de données culturelles sur Wikipédia, susceptibles d’enrichir les sites culturels de nos établissements pour être ensuite mises à la disposition d’un large public.
Car le Web sémantique ne se substituera pas aux pratiques interactives désormais généralisées : il en augmentera puissamment les virtualités.
Avec le projet DBpédia en français, soutenu financièrement depuis son origine par le ministère, l’encyclopédie se trouve étroitement associée aux premières applications « grand public » du web sémantique. Ce projet constitue donc une avancée majeure dans la politique de ce ministère visant à faciliter l’accès du public à des données culturelles en français.
Le ministère de la Culture et de la Communication, qui a été le premier ministère à se doter d’un site internet, est aujourd’hui le premier à placer ces sujets au coeur de sa politique de diffusion culturelle, en tant qu’acteur à part entière de cette nouvelle «révolution» numérique.
Deux éléments légitiment l’importance que nous attachons au Dbpédia en français. Le premier concerne la langue française : si nous n’avions pas développé ce dispositif, c’est dans les pages en anglais de Wikipédia, grâce au projet DBpédia existant déjà en langue anglaise, mais très pauvre en contenus culturels français, que les opérateurs auraient été tentés de rechercher l’information. Notre projet remet les données francophones au coeur du numérique.

Le second enjeu intéresse notre politique du multilinguisme et de diffusion de la culture française à l’international. En effet, le projet permettra de diffuser des contenus culturels francophones dans toutes les langues présentes sur Wikipédia, sans pour autant que l’on ait à les traduire à partir du français, dès lors que la ressource recherchée existera sur Wikipédia dans la (ou les) langue(s) visée(s). Compte tenu du fait que l'encyclopédie propose à ce jour 218 déclinaisons linguistiques, dont plusieurs en langues de France (le breton, le basque ou le catalan sont ainsi très présents), le projet apporte une forte contribution à la diversité culturelle.
En outre, le partenariat entre le ministère de la culture, Wikimédia et Inria offre aux établissements culturels la possibilité d’enrichir de manière considérable les ressources culturelles mises à la disposition des internautes. Dans leurs domaines d’expertise, les établissements culturels ont tout intérêt à rejoindre leurs publics, là où ils viennent chercher l’information de première nécessité. Le caractère libre et réutilisable des informations présentes sur l'encyclopédie Wikipédia, disponibles sous plusieurs licences ouvertes, est à cet égard un gage de diffusion aussi large que possible des données qu’elle rassemble.
Mais ce partenariat ne saurait être à sens unique. Le savoir accessible sur Wikipédia est en perpétuelle construction et peut bénéficier pleinement de l’expertise du ministère. C’est pourquoi nos établissements sont invités à leur tour à consolider, à enrichir ou à rectifier s’il y a lieu les données figurant sur Wikipédia, afin non seulement d’augmenter la qualité de ses articles en langue française, mais aussi son efficacité sur le Web sémantique.
Il me paraît aujourd’hui nécessaire de poursuivre cette action et de continuer à mener d’autres projets alliant, sur le modèle de DBpédia en français, données culturelles et Web 3.0, dans le cadre de la plate-forme de collaboration «Sémanticpédia», que j’ai l’honneur d’inaugurer aujourd’hui en signant cette convention de partenariat.
Je suis d'ores et déjà heureuse de vous annoncer le lancement dès 2013 d’une version «sémantique» du Wiktionnaire francophone, projet soutenu par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France. C’est ainsi plus de deux millions de termes qui viendront s’ajouter au réseau sémantique des articles de Wikipédia.
Vous l'aurez compris, il s'agit aussi, à travers ces projets numériques, de mettre mon ministère aux prises avec les défis de demain, un ministère que je veux imaginatif, réactif et attentif à toutes les évolutions technologiques susceptibles d'être mises à profit pour renforcer l'accès à la culture.
Je vous remercie.

Source http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 30 novembre 2012