Conférence de presse de M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, sur le contenu du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, pour une remise de la finance au service de l'économie, Paris le 19 décembre 2012.

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Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie d’avoir répondu à mon invitation aujourd’hui. Je souhaitais en effet pouvoir vous exposer le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires que j’ai présenté ce matin au Conseil des Ministres qui l’a adopté.
Le Président de la République, François Hollande, s’est engagé à remettre la finance au service de l’économie, et non au service d’elle-même. Avec le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, cet engagement devient une réalité. Je suis fier de le porter.
J’ai conçu cette réforme pour qu’elle change profondément le secteur, fasse référence en Europe et refonde notre paysage financier pour les 20 prochaines années, contre la spéculation et pour le financement de l’économie réelle. Elle s’inscrit aussi dans le cadre des grands chantiers que le gouvernement a lancés dans le domaine du financement de l’économie avec la création de la Banque publique d’investissement, la réforme de l’épargne réglementée ou encore l’action sur les délais de paiement. Elle va aussi au-delà, car cette réforme veut être plus qu’une réforme économique.
La crise a profondément fissuré les relations de confiance entre l’économie et la finance. La mauvaise appréhension des risques, des procédures inefficaces de résolution des crises bancaires - au demeurant souvent perçues comme injustes par les épargnants et les contribuables – et les carences d’une supervision qui a mal évalué les risques systémiques ont abîmé l’image du secteur et heurté les peuples.
Nous devons apporter une réponse précise, robuste et exigeante à ces défaillances : c’est tout l’objet du projet de loi qui est présenté ici. Nous ne pouvons pas prendre prétexte du poids de la finance et de la complexité de ses enjeux pour nous accommoder des défaillances du secteur. C’est une exigence démocratique et notre responsabilité d’agir.
Le projet de loi place aujourd’hui, une nouvelle fois, la France à l’avant-poste de l’Europe en matière de régulation des activités bancaires. Les discussions au niveau communautaire ont fait des progrès décisifs, notamment sous l’impulsion de la France, mais les différents textes qui formeront ensemble l’Union bancaire restent encore à finaliser. Avec ce projet de loi, nous serons donc précurseurs. C’est un encouragement à nos partenaires pour accélérer le rythme des discussions au niveau européen et nous rejoindre dans notre démarche. Faire référence donc mais aussi, encore et toujours, confirmer le choix résolu pour la France de l’intégration et du jeu communautaire.
En protégeant les dépôts des épargnants mais aussi les contribuables, en tournant fermement la finance vers l’économie réelle, en garantissant des relations équitables entre les populations les plus fragiles et leurs banques, nous faisons clairement le choix de la transformation de notre économie, en confortant ses points forts et en maîtrisant ses risques.
C’est cette ambition qui a dicté les principales dispositions du projet de loi.
Ce projet de loi ne se résume pas à des mesures techniques, ni même à une volonté économique : c’est un projet politique. La finance est une activité utile, essentielle même, à l’économie. Mais à sa juste place, qui est de servir l’économie réelle.
Nous avons diffusé un dossier de presse complet qui comporte, outre le projet de loi et son étude d’impact, un jeu de fiches présentant ses quatre principaux volets. Je me contenterais d’en dire un mot rapide :
1. Tout d’abord le projet de loi permet de tirer de manière volontariste les leçons de la crise en séparant les activités des banques pour limiter les risques pour les déposants. C’est le volet « séparation » du projet de loi.
La crise a montré les risques très élevés que présentent les opérations que les banques mènent sur les marchés financiers pour leur propre compte. Pour être clair, il s’agit des opérations spéculatives que les banques mènent avec leur propre bilan et pour leur seul profit, en se mettant en risque et en mettant en risque les dépôts de leurs clients.
Le projet de loi prévoit donc de cantonner ces activités dans une filiale séparée pour protéger la banque en cas de problème et empêcher qu’elle ne spécule pour son propre profit avec les dépôts des clients. A l’inverse, resteront dans la banque les activités utiles au financement de l’économie, et notamment des entreprises, qui peuvent légitimement s’appuyer sur les dépôts des clients.
[Les activités visées par la séparation représentent aujourd’hui jusqu’à 10 % du produit net bancaire que les grandes banques françaises dégagent avec leurs activités de marché. Mais ce chiffre est monté jusqu’au près de 25% pour certaines banques en 2006, à la veille de la crise.]
Le projet traduit ainsi dans les faits l’engagement du Président de la République lors de sa campagne, d’une séparation des « activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi, de leurs opérations spéculatives ». Cette séparation remet la finance à sa place tout en favorisant le bon financement de l’économie. Il ne s’agit pas de casser ce qui marche (la banque universelle qui finance les entreprises et les particuliers). Il s’agit de cantonner ce qui est inutile et d’interdire ce qui est nocif.
2. Le projet de loi répond au fait que l’Etat est trop souvent contraint de voler au secours d’une banque pour sauver les dépôts des clients et éviter la contagion et la matérialisation d’un risque systémique. C’est le volet « résolution » du projet de loi.
Une banque lorsqu’elle se croit à l’abri de la faillite grâce à la garantie implicite de l’Etat prend des risques excessifs. Le projet de loi prévoit donc de casser cette incitation malsaine, cet aléa moral. L’objectif c’est de diminuer les risques pris par les banques, de protéger les dépôts des clients et l’argent du contribuable. En cas de difficulté les pouvoirs publics seront toujours en mesure d’intervenir pour protéger les dépôts et éviter toute contagion, mais ce sera aux actionnaires et le cas échéant à certains créanciers d’en supporter d’abord le coût du sauvetage, avant qu’il ne puisse être fait appel à de l’argent public. En outre, un fonds de garantie et de résolution sera mis en place, qui atteindra 10Mds€ d’ici à 2020, financé par les banques et le secteur financier. Ce fonds pourra être appelé pour contribuer à payer le coût d’un sinistre bancaire. Le projet de loi met ainsi un terme à la socialisation des pertes des banques en faillite.
Les pouvoirs de l’Autorité de contrôle prudentiel, qui deviendra l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), seront renforcés pour lui permettre de prévenir les difficultés des établissements bancaires et d’intervenir efficacement lorsqu’une banque connaît des difficultés. Chaque banque devra être dotée d’un plan préventif de résolution, une sorte de « testament », indiquant comment le superviseur bancaire peut intervenir si elle menace de faire défaut. Sur la base de ces plans, l’ACPR pourra obliger les banques à prendre des mesures, y compris une évolution de leur structure. L’ACPR sera donc équipé des ciseaux permettant de redécouper si c’est nécessaire pour simplifier la structure des établissements bancaires et faciliter l’intervention du superviseur en cas de problèmes.
3. Le projet de loi renforce les moyens des pouvoirs publics pour anticiper les crises et les prévenir. C’est le volet «supervision » du projet de loi.
La crise a montré que le développement de bulles de crédit ou la formation d’un risque systémique étaient difficiles à identifier et que les pouvoirs publics manquaient de moyen pour y répondre.
Pour y faire face, le projet de loi crée une nouvelle autorité chargée non seulement d’identifier le développement d’un risque systémique au sein du secteur bancaire mais également dotée de pouvoirs pour limiter ce risque en imposant des exigences en fonds propres supplémentaires ou en encadrant l’octroi du crédit par les banques.
4. Le projet de loi propose enfin des mesures destinées à soutenir le consommateur face aux banques, en particulier leurs clients les plus fragiles. C’est le volet « consommation » du projet de loi.
Ce volet est important pour moi car nos concitoyens ont trop eu le sentiment que, pendant que la crise faisait des ravages, qu’ils rencontraient des difficultés, l’Etat était au chevet des banques sans se préoccuper de la manière dont les banques les traitaient eux. Or, alors que l’Etat a apporté son soutien au secteur bancaire, il ne saurait ne pas se préoccuper du sort de ses clients, en particulier les plus fragiles.
Le projet de loi prévoit concrètement une série de mesures visant à plafonner certains frais pour les populations les plus fragiles, à améliorer l’accès aux services bancaires, à rendre plus efficace la procédure de surendettement et à intensifier la concurrence en matière d’assurance emprunteur. Je les ai plus particulièrement présentées sur TF1 hier soir et dans une interview ce matin.
J’ajoute qu’elles seront suivies, nous l’avons annoncé, de dispositions sur le crédit renouvelable et la mise en place d’un fichier positif ultérieurement.
Au total, les quatre volets du projet de loi (séparation, résolution, supervision, consommation) forment un ensemble cohérent pour une réforme globale et ambitieuse. Voilà ce que je voulais vous dire ce matin sur cet ambitieux projet. Je peux maintenant répondre à vos questions.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 20 décembre 2012