Interview de Mme Corinne Lepage, présidente de Cap 21 et candidate à l'élection présidentielle de 2002, à France 2 le 31 août 2001, sur la fiscalité écologique, la politique de l'environnement, la réouverture du tunnel du Mont-Blanc et son message pour l'élection présidentielle de 2002.

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Média : Emission Les Quatre Vérités - France 2 - Télévision

Texte intégral

F. David On parle beaucoup d'environnement ces temps derniers. On en parle encore beaucoup ce matin, puisque le Gouvernement semble avoir renoncé à instituer cette fameuse écotaxe sur les énergies polluantes, en même temps qu'il semble renoncer également à une augmentation du prix du gasoil. Que pensez-vous de ce recul ?
- "Sur le gasoil, je trouve que c'est bien dommage, parce qu'en l'état actuel des choses, on sait que le gasoil pose beaucoup plus de problèmes que l'essence. Je constate que quel que soit le Gouvernement, on n'arrive pas à faire monter la taxation du gasoil par rapport à celle de l'essence. Sur l'écotaxe, je suis pour une fiscalité écologique, mais pas celle qu'on a mise en place..."
... qu'on essayait de mettre en place.
- "Elle existe déjà par la voie de la TGAP depuis trois ou quatre ans. Je pense qu'il faut baisser les impôts dans ce pays, parce qu'ils sont trop lourds, faire de la fiscalité écologique parce que c'est intelligent, mais à la place de et non pas en plus de et, de surcroît, faire en sorte que ce qui rentre grâce à la fiscalité écologique aille à l'environnement, ce qui n'est manifestement pas le cas."
Quand vous étiez au Gouvernement, vous avez tenté aussi de faire des choses en matière d'énergies polluantes. L. Jospin essaye mais n'y arrive pas. Qu'est-ce qui se passe ? C'est le règne des lobbies dans ce domaine ?
- "Dans ce domaine, les lobbies sont quand même extrêmement puissants. Et puis, nous avons, chacun d'entre nous, notre petite part de responsabilité. Nous sommes automobilistes, et quand on voit la difficulté qu'il y a à changer les choses dans ce domaine, on peut se poser des questions. Il faut commencer par se les poser à nous-mêmes. Est-on est prêt à faire un effort pour mieux respirer dans nos villes, oui ou non ?"
Quand on est automobiliste, on oublie qu'on peut être piéton ...
- "C'est pour cela que je crois que l'environnement est beaucoup plus une affaire de conviction que de contrainte. Il faut expliquer aux gens que c'est leur propre intérêt."
Quand on essaye l'écotaxe, cela ne marche pas ; la hausse du diesel, cela a l'air difficile aussi ; sur Paris, il y a une polémique qui est en train de naître à propos de l'instauration de couloirs de bus et de grosses restrictions à la capacité des automobilistes à emprunter certaines voies. C'est un problème qu'on n'arrivera jamais à résoudre ?
- "Je suis pour les couloirs de bus. Je pense qu'il faut des sites propres pour que les bus aillent beaucoup plus vite et qu'on ait beaucoup plus de facilités et de plaisir à les utiliser. Je ne vais pas dire que c'est mal parce que ce sont les Verts et l'équipe de Delanoë qui le mettent en place. Je trouve cela bien alors que j'ai dit que je n'appréciais pas l'initiative sur la voie Pompidou."
Comment peut-on faire pour qu'effectivement les problèmes de circulation soient réglés ?
- "Il faut que, progressivement, nous arrivions à modifier nos comportements en sachant que le jour et la nuit, ce n'est pas pareil. Une femme seule la nuit a besoin plus de sa voiture qu'un homme seul le jour."
On s'achemine vers la réouverture du Tunnel du Mont-Blanc au trafic camions. Des réunions de concertation sont prévues.
- "Elles arrivent un peu tard à mon avis."
C'est ce que disent pas mal de défenseurs du non-camion dans le Tunnel du Mont-Blanc. Pour vous, c'est trop tard ? La décision est prise et c'est idiot ?
- "Ce n'est pas que c'est idiot, mais c'est beaucoup trop tard. Il s'est écoulé deux ans pendant lesquels on aurait peut-être pu essayer de faire des choses. On travaille d'abord avec les Italiens, donc, déjà, on n'est pas tout seul à faire ce qu'on veut chez nous. Deuxièmement, ce qui est important, c'est qu'il y ait un engagement planifié, qu'on ouvre pour une période limitée et que pendant cette période-là, on fasse les travaux qu'il faut pour qu'on puisse passer au ferroutage et au transport combiné. Cela veut dire que tout l'argent qu'on met depuis des années sur les autoroutes, par exemple, sera mis pendant dix ans sur le rail de manière à pouvoir réduire, comme l'ont fait les Suisses, comme le font partiellement les Italiens, les camions de notre pays. C'est un problème global."
La campagne présidentielle n'est pas encore lancée, mais on s'en rapproche. Vous serez peut-être l'une des femmes candidates à cette élection ?
- "J'espère bien."
Il y aura A. Laguiller, c'est quasiment fait ; on sait que madame C. Boutin a envie de se lancer dans la bagarre. Vous vous êtes aussi lancée dans la bagarre pour défendre quel message ?
- "Trois messages simples : le premier est que les questions d'environnement, de santé et de sécurité sont premières. Au XXème siècle, ce fut la question sociale ; au XXIème, c'est la question environnementale. Il faut qu'on la résolve. Il y a des moyens de le faire et j'ai envie de le dire, des moyens concrets, pragmatiques, qui nous permettent de bien vivre, de faire du développement économique. Deuxième idée, il y a de la place en politique pour les gens qui ne sont pas des professionnels de la politique. Je viens de la société civile, j'en fais toujours partie. Je crois qu'il y a un message différent à lancer. Troisièmement, je suis une femme. Je me bats depuis longtemps, avec beaucoup d'autres, pour la parité. La parité, ce n'est pas seulement une question arithmétique, c'est de faire en sorte que ce que nous sentons, nous, comme prioritaire ait une place aussi importante que ce qui est prioritaire pour les hommes."
Ce message-là, vous le soumettez aux gens auprès desquels vous sollicitez la signature, puisqu'il faut cinq cents signatures pour pouvoir rentrer dans la bagarre. Vous en êtes où ?
- "Cela avance bien. J'ai largement passé le cap de la moitié des signatures nécessaires. Je suis très au-delà de 300."
Si vous passez ce cap, si donc vous êtes candidate et allez jusqu'au bout, il y aura quand même pas mal de candidats qui se réclameront du mouvement environnemental : il y aurait Lipietz pour les Verts ...
- "Je ne crois pas qu'on défende la même forme d'environnement, A. Lipietz et moi."
Il y aura peut-être monsieur Lalonde aussi. Qu'est-ce qui vous différencie des autres qui postuleront aussi à une candidature "environnementale" ?
- "Lalonde, je ne sais pas encore ce qu'il fera, mais A. Lipietz a une vision d'extrême-gauche. L'environnement est un outil parmi d'autres pour transformer la société. Pour moi, l'environnement c'est vraiment quelque chose d'essentiel. C'est notre condition de vie, c'est notre condition de survie, c'est celle de nos enfants. C'est donc par rapport à cela qu'il faut réorienter toutes les politiques publiques et c'est ce que j'ai envie de dire aux Français, avec un énorme message d'enthousiasme et d'optimisme, parce qu'il y a énormément de choses à faire."
Mais quand on parle "environnement", il faut changer les choses, mais cela a forcément des conséquences économiques et donc forcément des conséquences sur le développement même de la société ?
- "Sauf si vous faites de l'environnement lui-même le moteur de l'activité économique : c'est cela que je veux proposer. On a eu l'e-économie pendant des années, elle continue. Moi ce que je propose, c'est l'env-économie, cela veut dire de faire de la résolution des questions économiques [sic] un moteur du développement économique et je suis persuadée que cela peut marcher."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 4 septembre 2001)